D.
LizoTTE
Personnes ayant des incapacités 373
P.
FOUCEYROLLAS
Le droit tient compte des personnes ayant des incapacités depuis les
temps les plus anciens. Le droit romain de l'Antiquité prévoyait déjà un
régime particulier pour certains types d'incapacités, en vue d'assurer la
protection des personnes ayant ces incapacités et celle de la société1. En
cette fin de xxe siècle, en particulier au Québec, les juristes se penchent de
plus en plus sur les situations juridiques que vivent les personnes ayant des
incapacités et sur leurs droits2. Si le droit des personnes
«
handicapées »
prend de l'ampleur, c'est qu'il touche de moins en moins une minorité pour
concerner la majorité d'entre nous à un moment ou l'autre de notre vie, que
ce soit à cause d'une longue maladie, d'un accident ou tout simplement du
vieillissement.
Faisant partie depuis toujours de la société, le groupe qu'on désigne
aujourd'hui comme celui des «personnes handicapées3», de son côté, fait
de plus en plus valoir ses droits et contribue ainsi à l'évolution de la société
vers un meilleur respect des différences. Depuis la fin de la Seconde Guerre
mondiale en particulier, ce groupe a augmenté considérablement du fait des
progrès de la médecine. On est passé en effet d'un taux élevé de mortalité
(nombre de décès) à un taux plus élevé de morbidité (nombre de maladies
chroniques). Les représentants de ce groupe insistent donc sur l'importance
que la société fasse davantage sa part pour rendre accessible à tous l'ensem-
ble de ses activités dans une perspective d'égalité des chances4.
1.
Il distinguait ainsi deux catégories de «maladies mentales»
:
celle du furioso souffrant
de «crises de folie intermittente, entrecoupées d'intervalles lucides » et celle des mente
captus
«
atteint de démence constante
»...
Chaque catégorie avait un régime juridique
propre: cf. P.
OURLIAC
et J.
DE MALAFOSSE,
Histoire du droit privé, t. 3
:
«Le droit
familial», Paris, PUF, 1968, pp. 100 et suiv.
2.
Voir notamment l'excellent volume de L.
LEGAULT,
L'intégration au travail des per-
sonnes ayant des incapacités, Montréal, Wilson & Lafleur, 1996. Voir aussi le très
complet article récent de D.
PROULX,
« La discrimination fondée sur le handicap
:
étude
comparée de la Charte québécoise», (1996) 56 R. du B. 317. Étant donné que ces deux
textes de doctrine ne tiennent pas compte des travaux menés depuis 1991 par le Comité
québécois sur la CIDIH (CQCIDIH), les résultats de ces travaux sont exposés pour la
première fois à la communauté juridique dans le présent article.
3.
L'emploi du terme «handicapé», pour désigner globalement les «personnes ayant une
incapacité totale au travail
»
pour des raisons physiques ou mentales, apparaît dans le
rapport de la Commission d'enquête sur la santé et le bien être social (commission
Castonguay-Nepveu)
en 1971 : GOUVERNEMENT DU QUÉBEC,
Rapport de la Commission
d'enquête sur la santé et le bien-être social, Première partie — Le développement, t. 2,
Québec, Editeur officiel du Québec,
1971,
pp.
145-151.
L'expression «personnes handi-
capées» va se généraliser avec l'adoption par le Québec en 1978 de la Loi assurant
l'exercice des droits des personnes handicapées, L.Q. 1978, c. 7.
4.
Sur cette perspective d'égalité des chances, voir: P.
FOUGEYROLLAS,
«Réduire les
obstacles environnementaux et assurer universellement les coûts
:
un enjeu politique,
un enjeu de société», Réseau international
CIDIH,
vol. 5, nos 1-2, juillet 1992, p. 34.