Épidémiologie
Les principales infections virales transmis-
sibles exclusivement in utero de la mère à
l’enfant, sont essentiellement : l’infection à
cytomégalovirus (CMV), l’infection à par-
vovirus B19, la rubéole et la varicelle.
L’incidence de ces infections pendant la
grossesse est fonction de la séroprévalence
dans la population de femmes enceintes et
dans la population générale. Ainsi, en ce
qui concerne la rubéole, la séroprévalence
a fortement augmenté chez les petits
enfants qui étaient, autrefois, les principaux
réservoirs de virus. Elle atteint 98 % chez
les femmes de plus de 20 ans1. En 2006,
l’Institut de veille sanitaire n’a rapporté que
7 cas d’infection maternelle (3 infections
certaines et 4 probables), et pour la pre-
mière fois depuis que le réseau de sur-
veillance existe, aucun cas d’infection
rubéolique congénitale n’a été signalé1.
Même si ces données sont rassurantes, il
faut souligner que le nombre de femmes
enceintes séronégatives reste trop impor-
tant (estimation : 15 000 à 40 000/an) et que
la couverture vaccinale demeure insuffi-
sante dans certaines régions et/ou dans cer-
taines populations. Cette situation ne met
pas à l’abri de petites épidémies qui peu-
vent survenir à tout moment. Il est impor-
tant de rappeler que l’OMS a mis en place
un plan visant à éliminer la rougeole et la
rubéole congénitale dans la région Europe
à l’horizon 2010.
En ce qui concerne la varicelle, on estime
que 90 % de la population de plus de 15
ans, dans les pays tempérés, a développé
une primo-infection. Il existe également un
vaccin contre la varicelle, mais, contraire-
ment à la rubéole, le Haut Conseil de la
santé publique n’a pas recommandé la vac-
cination systématique des petits enfants. En
revanche, il est recommandé de vacciner
les adolescents de 12 à 18 ans ainsi que les
femmes en âge de procréer n’ayant pas
d’antécédent clinique de varicelle ou dont
l’histoire est douteuse2. Toutefois, actuel-
lement, on estime qu’en France 500 fem-
mes enceintes sont infectées par an3. La
situation de l’infection à cytomégalovirus
et de l’infection à parvovirus B19 est très
différente : pour ces deux infections, il
n’existe pas de vaccin, et la séroprévalence
est de l’ordre de 50 %. Dans ces conditions,
leur incidence est relativement élevé : de 1
à 2 % pour l’infection à CMV et du même
ordre, voire plus, pour l’infection à parvo-
virus B194,5.
Rôle du laboratoire dans la prise
en charge des infections
materno-fœtales
Le rôle du laboratoire dans la prise en
charge des infections transmissibles de la
mère à l’enfant in utero, est double, à savoir :
•déterminer le statut immunitaire de la
femme en âge de procréer ou de la femme
enceinte ;
• faire le diagnostic de ces infections pen-
dant la grossesse.
Détermination
du statut immunitaire
◗ Pourquoi ?
La détermination du statut immunitaire per-
met de savoir si la femme est immunisée
de façon naturelle ou après vaccination,
vis-à-vis d’une infection donnée. En cas de
séronégativité, une vaccination, quand elle
existe (rubéole, varicelle) doit être systé-
matiquement proposée, en dehors de toute
grossesse. En l’absence de possibilité de
vaccination, la connaissance du statut
immunitaire peut permettre de donner des
conseils à la femme enceinte afin d’éviter
qu’elle ne se contamine. Par exemple, en
ce qui concerne l’infection à CMV, il sera
recommandé d’éviter tout contact avec les
sécrétions potentiellement infectantes des
jeunes enfants vivant en collectivités (uri-
nes, sécrétions rhino-pharyngées, larmes).
Ces mêmes recommandations seront fai-
tes au conjoint pour éviter qu’il ne se
contamine (l’infection à CMV est une
infection sexuellement transmissible). En
cas de varicelle ou d’infection à parvovi-
rus B19 dans l’entourage, il sera également
recommandé à la femme enceinte séroné-
gative d’éviter tout contact avec les per-
sonnes infectées, même si ces conseils
peuvent être trop tardifs (la contamination
pouvant avoir eu lieu avant la déclara-
tion des symptômes).
◗ Quand ?
D’une manière générale, il est largement
préférable de déterminer le statut immu-
nitaire avant la grossesse. Si cette déter-
mination n’a pas été réalisée avant la
conception, il est recommandé (décret du
14 février 1992), d’établir le statut immu-
nitaire de la femme enceinte vis-à-vis de
la rubéole, en début de grossesse. Une
deuxième détermination peut être propo-
sée aux alentours de la 20e semaine d’a-
ménorrhée pour couvrir la période à
risque pour le fœtus. Dans ce dernier cas,
il s’agit de faire le diagnostic d’une infec-
tion rubéolique qui serait passée inaper-
çue après le premier test.
En ce qui concerne l’infection à CMV, son
dépistage systématique (détermination du
statut immunitaire et/ou diagnostic) n’est
pas recommandé (Anaes 2004).
◗ Comment ?
La détermination du statut immunitaire se
fait classiquement par la recherche des IgG
spécifiques au moyen de techniques ELISA
ou par des techniques assimilées telles que
des techniques de chimioluminescence ou
électrochimiluminescence (Roche).
Les résultats sont rendus en unités arbitrai-
res ou en unités internationales (UI) par
rapport à une valeur seuil. Toute évalua-
tion supérieure à la valeur seuil doit être
considérée comme positive. Les résultats
rendus en unités arbitraires sont extrême-
ment variables d’une technique à l’autre.
On pourrait imaginer que les valeurs expri-
mées sont plus homogènes. En fait, ils peu-
vent être très variables en fonction de la
technique utilisée. Ainsi, il n’est pas rare
d’obtenir 100 UI/ml d’IgG rubéolique avec
une technique donnée, et 1 000 UI/ml avec
une autre. Ceci implique que les sérologies
séquentielles effectuées chez une femme
enceinte doivent être réalisées dans le
même laboratoire, avec la même technique.
3
Avis d’expert
Les infections virales
transmissibles de la mère
à l’enfant in utero : actualités
Si les cas d’infections virales transmis-
sibles in utero à l’enfant sont de plus en
plus rares en France au cours de la gros-
sesse,leur diagnostic demeure pri-
mordial eu égard aux risques encourus.
L. GRANGEOT-KEROS, C. VAULOUP-FELLOUS
Service de microbiologie-immunologie biologique, hôpital Antoine Béclère, Clamart
la
Santé
de la
Femme