Capacités de catégorisation grammaticale trois études comportementales

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Capacités de catégorisation grammaticale
de mots subliminaux chez le sujet sain :
trois études comportementales
Lucie BERKOVITCH
sous la direction de Stanislas DEHAENE
Unicog, Neurospin, CEA Saclay
Mémoire de master 2 en sciences cognitives (Cogmaster)
Septembre 2015
Remerciements
Remerciements
Je remercie avant tout Stanislas Dehaene pour avoir accepté de m’encadrer, pour sa disponibilité, sa
gentillesse, l’énergie qu’il sait transmettre et la stimulation intellectuelle dans laquelle il m’a fait baigner,
qualités grâce auxquelles j’ai pu mener ce travail dans d’excellentes conditions tout au long de l’année.
Je remercie également toute l’équipe d’Unicog pour leur sympathie, leur aide ponctuelle, en particulier
Maxime Maheu qui m'a régulièrement aidée sans que je puisse lui rendre la pareille, Christophe Pallier qui
m’a donné de précieux conseils et tous les étudiants et les chercheurs qui ont participé à rendre le quotidien
agréable.
Je remercie Isabelle Brunet du LSCP et Henri Vandendriessche du DEC qui m’ont apporté un soutien
logistique indispensable à la réalisation de l’expérience avec beaucoup de patience et de gentillesse.
Je remercie mes collègues et amis du Cogmaster, grâce à qui j’ai passé une année à la fois sérieuse
et festive, riche en découverte. Certains d'entre eux ont directement participé à l'expérience en jouant les
cobayes dans un coin de bibliothèque.
Je remercie mes confrères Raphaël Gaillard, Philippe Fossati, Fabien Vinckier, Alexandre Salvador,
Lionel Naccache, Antoine Del Cul, ainsi que Mathias Pessiglione qui m’ont aiguillé et conseillé dans mes
choix pour mettre entre parenthèse mes études de médecine et me consacrer à la recherche.
Je remercie l’équipe pédagogique du Cogmaster pour la diversité et la qualité des cours dispensés et
les secrétaires pour leur efficacité et leur sympathie.
Je remercie la Fondation pour la Recherche Médicale qui a financé ce projet de recherche et m’a
accordé sa confiance.
Enfin, je remercie ma famille et mes proches pour tout ce qu’ils m’apportent et ce que je partage au
quotidien avec eux.
Déclarations
Déclaration d’originalité
Il n’y a à notre connaissance aucune expérience publiée sur l’amorçage visuel inconscient de la
catégorie grammaticale. Des expériences ont été publiées sur l’amorçage visuel inconscient sémantique
(Dehaene et al., 1998; Van den Bussche & Reynvoet, 2007; Yeh et al., 2012), orthographique (Kouider et
al., 2007), phonologique (Wilson et al., 2011), sur l’amorçage grammatical conscient auditif (Brunellière,
2011), sur l’amorçage syntaxique conscient (Iijima et al., 2009), des expériences sur la détection
inconsciente d’anomalies syntaxiques (Batterink & Neville, 2013; Sklar et al., 2012) ainsi que de nombreuses
études sur la distinction nom-verbe (Crepaldi et al., 2013; Longe et al., 2007; Moseley & Pulvermüller, 2014;
Shapiro et al., 2006; Siri et al., 2008; Tyler et al., 2008; Vigliocco et al., 2008; Vigliocco et al., 2011). Deux
expériences s’approchent de la nôtre : une étudie l’effet d’amorçage subliminal du genre (Ansorge et al.,
2013), l’autre étudie l’amorçage subliminal syntaxique lié à la transitivité ou l’intransitivité d’un verbe dans
une phrase de type objet-verbe en japonais (Iijima & Sakai, 2014).
Déclaration de contribution
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Définition de la question scientifique posée : Stanislas Dehaene
Recherche bibliographique permettant de cerner la question et de guider le choix de l'approche et de
la méthodologie : Lucie Berkovitch, avec l’aide de Stanislas Dehaene
Choix de l'approche générale pour répondre à la question : Stanislas Dehaene et Lucie Berkovitch
Choix de la méthodologie spécifique : Stanislas Dehaene et Lucie Berkovitch
Mise au point de la méthodologie : Stanislas Dehaene et Lucie Berkovitch
Programmation de l'expérience ou du modèle : Lucie Berkovitch (avec l’aide ponctuelle de Maxime
Maheu, étudiant en master 2 au Cogmaster)
Recrutement des sujets : Lucie Berkovitch, via le RISC
Mise à disposition de locaux pour faire passer l’expérience : Isabelle Brunet (laboratoire des
sciences cognitives et psycholinguistiques, UMR 8554)
Test des sujets : Lucie Berkovitch
Dépouillement, codage des données : Lucie Berkovitch
Analyse des données : Lucie Berkovitch, avec l’aide de Stanislas Dehaene et de Christophe Pallier
Interprétation des résultats et la formulation des conclusions : Stanislas Dehaene et Lucie Berkovitch
Rédaction du mémoire, la production de tables ou de figures : Lucie Berkovitch
Relecture et commentaires sur le mémoire : Stanislas Dehaene
1
Résumé
Résumé
Le langage implique des processus complexes qui, pour autant, peuvent être menés en temps réel et
sans effort lors de la production et la compréhension de phrases. Cela suggère l’automatisation de certains
mécanismes en jeu qui pourraient avoir lieu de façon inconsciente. Il a déjà été montré que les caractéristiques sémantiques, orthographiques, phonologiques ainsi que certaines caractéristiques syntaxiques pouvaient être traitées inconsciemment. Notre travail porte sur les processus conscients et inconscients impliqués dans la détermination de la catégorie grammaticale des mots chez le sujet sain. Nous avons réalisé
trois expériences comportementales complémentaires d’amorçage visuel, masqué ou non, de mots. Nous
avons ainsi pu prouver la propension d’un mot à amorcer un mot de la même catégorie grammaticale que lui
(amorçage catégoriel) mais aussi à amorcer un mot qui lui succèderait logiquement dans une phrase (amorçage syntaxique). L’influence de la catégorie grammaticale de l’amorce a été retrouvée aussi bien en condition consciente qu’inconsciente. Le traitement orthographique des mots et notamment de leur terminaison
semble être une première étape dans la détermination de la catégorie grammaticale. Ces premiers résultats
vont dans le sens de l’existence d’un "lexique syntaxique", niveau de traitement au cours duquel le cerveau
retrouverait rapidement les propriétés grammaticales des mots (catégorie, genre, nombre d’arguments, etc).
Nos observations pourraient être complétées par des études comportementales et d’imagerie ou de
magnétoencéphalographie afin de préciser le décours temporel et les régions impliquées dans la détermination de la catégorie grammaticale des mots.
2
Table des matières
Table des matières
1)
INTRODUCTION GENERALE
6
2)
EXPERIENCE 1. AMORÇAGE CATEGORIEL POUR LES NOMS ET LES VERBES
8
a)
Introduction .................................................................................................................................................... 8
b)
i)
ii)
iii)
iv)
v)
c)
Matériel et méthodes ...................................................................................................................................... 8
Participants ............................................................................................................................................................ 8
Stimuli .................................................................................................................................................................... 9
Procédure expérimentale ...................................................................................................................................... 9
Données analysées et choix des modèles statistiques ........................................................................................ 11
Matériel informatique et programmes utilisés ................................................................................................... 12
Résultats ....................................................................................................................................................... 12
Participants .......................................................................................................................................................... 12
ANOVA ................................................................................................................................................................. 12
(1)
ANOVA selon la congruence grammaticale amorce-cible .......................................................................... 12
(2)
ANOVA séparées selon la catégorie de la cible .......................................................................................... 13
(3)
Interaction entre terminaison et catégorie de la cible ............................................................................... 14
iii) Modèles linéaires ................................................................................................................................................ 14
(1)
Modèle linéaire conditions consciente et inconsciente réunies................................................................. 15
(2)
Modèle linéaire condition consciente ........................................................................................................ 15
(3)
Modèle linéaire en condition inconsciente ................................................................................................ 16
iv) Analyse des erreurs ............................................................................................................................................. 16
(1)
ANOVA sur les taux d’erreur ....................................................................................................................... 16
(2)
Régression logistique sur les erreurs .......................................................................................................... 16
v) Tâche de visibilité ................................................................................................................................................ 17
i)
ii)
d)
Discussion ..................................................................................................................................................... 18
3)
a)
20
Introduction .................................................................................................................................................. 20
b)
i)
ii)
iii)
iv)
v)
b)
EXPERIENCE 2. REPLICATION DE L’EXPERIENCE 1
Matériel et méthodes .................................................................................................................................... 20
Participants .......................................................................................................................................................... 20
Stimuli .................................................................................................................................................................. 20
Procédure expérimentale .................................................................................................................................... 20
Données analysées et choix des modèles statistiques ........................................................................................ 22
Matériel informatique et programmes utilisés ................................................................................................... 22
Résultats ....................................................................................................................................................... 22
Participants .......................................................................................................................................................... 22
ANOVA ................................................................................................................................................................. 23
(1)
ANOVA selon la congruence grammaticale amorce-cible .......................................................................... 23
(2)
ANOVA séparées selon la catégorie de la cible .......................................................................................... 23
(3)
Interaction entre terminaison et catégorie de la cible ............................................................................... 24
iii) Modèles linéaires ................................................................................................................................................ 26
(1)
Modèle linéaire conditions consciente et inconsciente réunies................................................................. 26
i)
ii)
3
Table des matières
(2)
Modèle linéaire condition consciente ........................................................................................................ 26
(3)
Modèle linéaire en condition inconsciente ................................................................................................ 27
(4)
Interaction entre terminaison et catégorie de la cible ............................................................................... 28
iv) Analyse des erreurs ............................................................................................................................................. 29
(1)
ANOVA sur les taux d’erreur ....................................................................................................................... 30
(2)
Régression logistique sur les erreurs .......................................................................................................... 30
v) Blocs de répétition............................................................................................................................................... 30
(1)
Analyse de l’effet de répétition .................................................................................................................. 30
(2)
Analyse des essais non répétés .................................................................................................................. 32
vi) Comparaison des tailles d’effet d’amorçage ....................................................................................................... 32
vii)
Tâche de visibilité ............................................................................................................................................ 33
c)
Discussion ..................................................................................................................................................... 33
4)
a)
35
Introduction .................................................................................................................................................. 35
b)
i)
ii)
iii)
iv)
v)
b)
EXPERIENCE 3. AMORÇAGE SYNTAXIQUE POUR LES NOMS ET LES VERBES
Matériel et méthodes .................................................................................................................................... 35
Participants .......................................................................................................................................................... 35
Stimuli .................................................................................................................................................................. 36
Procédure expérimentale .................................................................................................................................... 36
Données analysées et choix des modèles statistiques ........................................................................................ 37
Matériel informatique et programmes utilisés ................................................................................................... 38
Résultats ....................................................................................................................................................... 38
Participants .......................................................................................................................................................... 38
ANOVA ................................................................................................................................................................. 38
(1)
ANOVA selon la congruence grammaticale amorce-cible .......................................................................... 38
(2)
ANOVA séparées selon la catégorie de la cible .......................................................................................... 39
iii) Modèles linéaires ................................................................................................................................................ 40
(1)
Modèle linéaire conditions consciente et inconsciente réunies................................................................. 40
(2)
Modèle linéaire condition consciente ........................................................................................................ 40
(3)
Modèle linéaire en condition inconsciente ................................................................................................ 40
iv) Analyse des erreurs ............................................................................................................................................. 41
(1)
ANOVA sur les taux d’erreur ....................................................................................................................... 41
(2)
Régression logistique sur les erreurs .......................................................................................................... 41
v) Blocs de répétition .............................................................................................................................................. 41
(1)
Analyse de l’effet de répétition .................................................................................................................. 41
(2)
Analyse des essais non répétés .................................................................................................................. 43
vi) Comparaison des tailles d’effet d’amorçage ....................................................................................................... 44
vii)
Tâche de visibilité ............................................................................................................................................ 44
i)
ii)
c)
5)
Discussion ..................................................................................................................................................... 45
DISCUSSION GENERALE
47
a)
Résumé des principaux résultats .................................................................................................................... 47
b)
Bases cérébrales des deux étapes impliquées dans le traitement de la catégorie grammaticale ...................... 47
c)
Limites de nos résultats et asymétrie de l'amorçage selon la catégorie ........................................................... 48
d)
Expériences complémentaires ....................................................................................................................... 49
4
e)
Conclusion..................................................................................................................................................... 49
BIBLIOGRAPHIE
50
ANNEXES
54
Listes de stimuli utilisés dans les expériences 1 et 2 ............................................................................................... 54
Listes de stimuli utilisés dans l’expérience 3 ........................................................................................................... 55
Résultats des modèles linéaires de l’expérience 1 .................................................................................................. 56
Toutes conditions confondues (expérience 1) ............................................................................................................. 56
Condition consciente (expérience 1) ............................................................................................................................ 57
Condition inconsciente (expérience 1) ......................................................................................................................... 57
Résultats des modèles linéaires de l’expérience 2 .................................................................................................. 58
Toutes conditions confondues (expérience 2) ............................................................................................................. 58
Condition consciente (expérience 2) ............................................................................................................................ 59
Condition inconsciente (expérience 2) ......................................................................................................................... 59
Résultats des modèles linéaires de l’expérience 3 .................................................................................................. 60
Toutes conditions confondues ..................................................................................................................................... 60
Condition consciente .................................................................................................................................................... 60
Condition inconsciente ................................................................................................................................................. 60
5
Introduction générale
1) Introduction générale
Le langage est souvent considéré comme une activité proprement humaine (Hauser et al., 2002) et
fait appel à des mécanismes complexes : reconnaissance et production de signes ou de sons, représentation de mots, accès au sens, utilisation de règles syntaxiques etc.
Pourtant, après la phase d’apprentissage, les processus impliqués dans la compréhension et la production du langage peuvent être menés rapidement, en parallèle et sans effort manifeste. Plusieurs auteurs
ont défendu l’hypothèse d’un traitement automatique et inconscient de certains aspects du langage pour
expliquer une telle efficience (Fodor, 1983; Ullman, 2001).
En effet, dans le modèle du global workspace (Dehaene et al., 2003), un grand nombre d’informations
est traité de façon inconsciente, en parallèle, et seul un petit nombre d’informations pertinentes atteint le
seuil de la conscience. Pour qu’un stimulus soit perçu consciemment, il faut à la fois qu’il entraîne une activation ascendante suffisante mais également qu’il soit l’objet d’une amplification descendante et d’une réverbération, entraînant l’activation simultanée, l’ignition, d’un ensemble de neurones constituant un espace
de travail global. Si le stimulus est trop faible pour être amplifié, on dit qu’il est subliminal. Si son intensité
serait théoriquement suffisante pour déclencher l’ignition mais qu’il ne fait pas l’objet d’une amplification
descendante, alors il est préconscient (Dehaene et al., 2006).
L’amorçage visuel masqué (Forster & Davis, 1984; Marcel, 1983) consiste à présenter un premier
stimulus, l’amorce, pendant une durée très courte (inférieure à 50 ms), immédiatement précédé et/ou suivi
de masques (apparaissant à la place de l’amorce), de façon à ce que l’amorce soit subliminale. Le sujet ne
détecte pas consciemment l’amorce, il ne perçoit que les masques. Un second stimulus, la cible, est
présenté ensuite pendant une durée plus longue. Elle est perçue consciemment et peut être l’objet d’une
tâche particulière. En étudiant l’influence de l’amorce sur le comportement du sujet ou en enregistrant son
activité cérébrale, on peut voir si l’amorce a été traitée par le cerveau. Il existe d’autres techniques pour
rendre des stimuli visuels inconscients. L’attentional blink consiste à détourner l’attention du sujet au
moment où on présente le stimulus. La rivalité binoculaire, le crowding ou le continuous flash suppression
permettent de mettre en rivalité visuelle le stimulus et un masque, empêchant le sujet de prendre conscience
du stimulus (Kouider & Dehaene, 2007).
Il a été démontré qu’il existait un traitement subliminal des caractéristiques sémantique (Dehaene et
al., 1998; Van den Bussche & Reynvoet, 2007; Yeh et al., 2012), orthographique (Kouider et al., 2007) et
phonologique (Wilson et al., 2011) des mots, de leur valence émotionnelle (Gaillard et al., 2006; Naccache
et al., 2005; van Gaal et al., 2014), ainsi qu’une détection inconsciente des erreurs syntaxiques dans une
phrase (Batterink & Neville, 2013; Sklar et al., 2012). Certains auteurs ont étudié l’amorçage subliminal
d’aspects spécifiques de la grammaire ou de la syntaxe, par exemple le genre d’un déterminant sur un nom
cible (Ansorge et al., 2013), ou la transitivité ou l’intransitivité d’un verbe dans une phrase de type objetverbe en japonais (Iijima & Sakai, 2014).
La distinction entre nom et verbe est universelle. De nombreuses études, comportementales, neurophysiologiques et d’imagerie cérébrale ont été menées sur ce sujet (Crepaldi et al., 2013; Longe et al., 2007;
Moseley & Pulvermüller, 2014; Shapiro et al., 2006; Siri et al., 2008; Tyler et al., 2008; Vigliocco et al., 2008;
Vigliocco et al., 2011) et sur la syntaxe en général (Neville et al., 1991; Service et al., 2007). Des
expériences ont étudié l’amorçage grammatical conscient auditif (Brunellière, 2011), et l’amorçage
syntaxique conscient (Iijima et al., 2009) mais la capacité du cerveau à traiter spécifiquement la catégorie
grammaticale de façon inconsciente n’a jamais été étudiée en tant que telle.
Il est légitime d’envisager qu’il existe un "lexique syntaxique" qui permettrait d’extraire très rapidement
la structure syntaxique des phrases. Des études montrent que la morphologie des mots peut entraîner un
effet d’amorçage inconscient s’appuyant sur la décomposition en morphèmes (Frost et al., 2000; Giraudo,
2005; Giraudo & Grainger, 2001). La morphologie peut donc être représentée de façon automatique et
inconsciente.
Nous supposons qu’à ce niveau spécifique de traitement appelé "lexique syntaxique", le cerveau
retrouve la catégorie grammaticale des mots et leurs traits syntaxiques (morphèmes grammaticaux).
Nous avons mené trois expériences d’amorçage visuel complémentaires étudiant les processus impliqués dans la catégorisation grammaticale consciente et inconsciente de mots chez le sujet sain. Le principe
était de présenter un mot amorce conscient ou subliminal, puis un mot cible conscient dont le participant
devait déterminer le plus rapidement possible la catégorie grammaticale (nom ou verbe). Les temps de ré-
6
Introduction générale
action étaient enregistrés. Si la catégorie grammaticale de l’amorce est traitée par le cerveau alors selon
qu’elle correspond à celle de la cible ou non, le temps de réaction du sujet est accéléré ou ralenti respectivement.
Nous avons étudié successivement l’amorçage catégoriel, c’est-à-dire la propension d’un mot à amorcer un mot de la même catégorie que lui, puis l’amorçage syntaxique, c’est-à-dire la capacité d’un mot à
amorcer un mot d’une catégorie qui lui succèderait logiquement au sein d’une phrase.
7
Expérience 1. Amorçage catégoriel pour les noms et les verbes - Introduction
2) Expérience 1. Amorçage catégoriel pour les noms et les verbes
a) Introduction
Notre première expérience cherche à montrer l’existence d’un amorçage catégoriel conscient et inconscient, c’est-à-dire la capacité d’un mot à amorcer un mot de la même catégorie.
Pour étudier spécifiquement l’amorçage lié à la catégorie nous avons dû éliminer tous les mots ayant
une ambiguïté de catégorie grammaticale (par exemple "sourire"), étant homophones ou homographes avec
une autre catégorie puisqu'il existe des effets d'amorçage phonologiques et orthographiques (Kouider et al.,
2007; Wilson et al., 2011).
Nous voulions éviter que l’orthographe puisse jouer un rôle dans la détermination de la catégorie.
Pour que les cibles ne soient différenciées que par la catégorie, nous avons créé des paires de noms et de
verbes appariés pour l’orthographe, si possible voisins orthographiques (c’est-à-dire ne différant que d’une
lettre), ayant des terminaisons qui ne puissent constituer un indice pour la catégorie grammaticale (Arciuli &
Monaghan, 2009), par exemple "écuyer" et "écumer". Nous avons étudié spécifiquement l’effet des
terminaisons des cibles sur la réponse des sujets puis l’effet de la terminaison des amorces sur l’amorçage
catégoriel.
Nous avons éliminé les verbes transitifs pour éviter un amorçage syntaxique verbe-nom, où le nom
serait complément d’objet direct. Les verbes étaient à l’infinitif pour éviter l’amorçage nom-verbe, où le nom
serait sujet.
Pour éviter des amorçages différentiels entre les mots, nous n'avons utilisé que des mots masculins
(Ansorge et al., 2013), ayant une valence émotionnelle neutre (Gaillard et al., 2006) et les noms ayant une
morphologie évoquant un verbe construit à partir d’un nom, par exemple "berger" était exclu, car il pouvait
être considéré comme un verbe finissant en "er" dérivé du nom "berge" (Giraudo & Grainger, 2001), de
fréquence, et de longueur comparables en moyenne.
Enfin, nous avons veillé à ce qu'il existe une diversité sémantique, excluant la possibilité d'un amorçage sémantique (Van den Bussche & Reynvoet, 2007).
Pour éviter que l’effet d’amorçage inconscient puisse être attribué à une association stimulus-réponse
(Damian, 2001), les amorces subliminales n’étaient jamais perçues consciemment par les sujets.
b) Matériel et méthodes
i) Participants
Tous les participants ont été inclus via le RISC (relais d’information sur les sciences de la cognition,
http://www.risc.cnrs.fr/). Les critères d’inclusion étaient : langue maternelle française, bonne maîtrise de la
langue française orale et écrite, niveau de grammaire suffisant pour savoir différencier un nom d’un verbe,
être droitier, âge compris entre 18 et 30 ans. Les critères d’exclusion étaient : antécédents de trouble de
l’apprentissage, de dyslexie, de dysorthographie, trouble visuel non corrigé, déficit attentionnel, pathologie
neurologique ou psychiatrique intercurrente, prescription médicamenteuse en cours, participation antérieure
à une étude similaire.
Les critères d’exclusion d’un sujet à postériori étaient : un temps de réaction moyen supérieur à 800
ms, un taux d’erreur supérieur strictement à 10% (arrondi au pourcent près), l’incapacité à percevoir consciemment les amorces en condition consciente c’est-à-dire une valeur de d’ inférieure à 1 en condition consciente dans la tâche de visibilité (cf. Procédure expérimentale).
8
Expérience 1. Amorçage catégoriel pour les noms et les verbes - Matériel et méthodes
ii) Stimuli
Dans la première expérience, chaque amorce, et chaque cible, était soit un nom, soit un verbe, en
langue française. Nous avons constitué 60 paires, formées d’un nom masculin singulier et d’un verbe à
l’infinitif comparables dans leur orthographe, leur terminaison, leur nombre de lettres et leur fréquence dans
la langue française en moyenne (informations obtenues à partir de la base de données Lexique.org). Les
mots avaient tous une terminaison en "er", "ir" ou "re". Leur fréquence moyenne était de 19 par million (0,09232), leur nombre de lettres moyen de 7,1 (3-10). Nous avons exclu les mots qui pouvaient appartenir à
différentes catégories grammaticales, être homophones ou homographes avec des mots d’autres catégories,
avoir une valence émotionnelle forte (liste des stimuli en Annexe).
iii) Procédure expérimentale
En condition consciente la séquence visuelle présentée au sujet était la suivante : une croix de fixation
(500 ms), un pré-masque (############) pendant 267 ms, un écran blanc (100 ms), le mot amorce (33
ms), à nouveau un écran blanc (100 ms), puis un mot cible qui restait affiché jusqu’à ce que le sujet donne
sa réponse.
En condition inconsciente la séquence visuelle était la suivante : une croix de fixation (500 ms) un prémasque (############) pendant 267 ms, un second pré-masque (p
dXp
dXp
dXp
dXp
dXp
dX où p
d est la
superposition des lettres p et d) pendant 100 ms, le mot amorce (33 ms), un post-masque (Xb
qXb
qXb
qXb
qXb
qXb
q
q est la superposition des lettres b et q) pendant 100 ms, puis un mot cible qui restait affiché jusqu’à ce
où b
que le sujet donne sa réponse.
Un essai correspond à une séquence visuelle.
Les stimuli étaient centrés sur l’écran, en noir sur fond blanc, police Courier New, gras.
Les sujets devaient déterminer le plus rapidement possible la catégorie grammaticale du mot cible
(nom ou verbe), en appuyant sur la touche "S" ou "L" du clavier. Chaque touche était associée à une
catégorie grammaticale en début d’expérience. Cette association était contrebalancée entre les participants.
Il était demandé au participant de se concentrer sur le mot cible et d’ignorer les stimuli visuels présentés
avant celui-ci (c’est-à-dire les amorces et les masques).
Séquence visuelle pour la présentation consciente à gauche et inconsciente à droite.
Pour chaque participant, 30 paires de nom/verbe ont été randomisées pour être présentées consciemment (cibles et amorces conscientes) et les 30 autres étaient les amorces inconscientes. Ainsi, les mots
appariés étaient dans le même groupe de stimuli (par exemple" écuyer" et "écumer" étaient soit tous les
deux des amorces soit tous les deux des cibles), de façon à ce que le sujet ne puisse les différencier que par
leur catégorie grammaticale. Les amorces inconscientes étaient exclusivement présentées de façon subliminale.
9
Expérience 1. Amorçage catégoriel pour les noms et les verbes - Matériel et méthodes
Pour chaque participant, chaque mot cible a été associé de façon aléatoire à 8 amorces différentes : 2
paires nom-verbe conscientes et deux paires inconscientes. Chaque amorce a été associée de façon aléatoire avec 4 mots cibles différents : 2 noms et 2 verbes. Ces associations étaient telles que (1) l’amorce et la
cible n’aient pas la même première lettre (2) l’amorce et la cible n’aient pas la même terminaison c’est-à-dire
les 3 dernières lettres ; et restaient les mêmes pendant toute l’expérience.
A chaque essai, l’amorce et la cible pouvaient soit être congruentes, c’est-à-dire appartenir à la même
catégorie grammaticale, soit incongruentes, c’est-à-dire n’appartenant pas à la même catégorie grammaticale.
L’expérience était divisée en trois parties :
- Un entraînement avec 60 essais représentatifs des différentes conditions de présentation, permettant au sujet de se familiariser avec la procédure et de catégoriser les 60 mots cibles (30 noms et
30 verbes appariés)
- L’expérience à proprement parler : 8 blocs de 60 essais, soit 480 essais, avec quatre conditions :
conscient-congruent (n = 120), conscient-incongruent (n = 120), inconscient-congruent (n = 120),
inconscient-incongruent (n = 120), présentées dans un ordre aléatoire. Les amorces et les cibles
étaient présentées le même nombre de fois dans chaque condition
- Deux blocs de "visibilité", comportant 60 essais chacun, dont l’objectif était d’étudier la visibilité
des amorces. La tâche consistait cette fois à déterminer la catégorie grammaticale des amorces –
et non des mots-cibles qui devaient être ignorés. Chaque amorce était présentée une fois, dans la
moitié des cas suivie d’une cible congruente et dans l’autre d’une cible incongruente. Cette partie
de l’expérience n’était pas en temps limité et les touches attribuées aux réponses n’étaient pas
fixées. Pour que le participant sache quelle touche ("S" ou "L") correspondait à quelle réponse
(nom ou verbe), la légende était affichée juste après le mot cible : les mots "NOM" et "VERBE"
apparaissaient à l’écran du côté de la touche de réponse correspondante. La cible était présentée
pendant 500 ms. Les participants étaient obligés d’attendre l’apparition de la légende pour
répondre.
Au total, l’expérience durait environ 35 minutes.
Avant le début de l’expérience, les participants ont signé un consentement écrit. Leurs capacités de
lecture étaient vérifiées en leur faisant lire une liste de mots (différents de ceux utilisés dans l’expérience) et
il leur était demandé de donner la catégorie grammaticale des 5 premiers mots de la liste.
10
Expérience 1. Amorçage catégoriel pour les noms et les verbes - Matériel et méthodes
iv) Données analysées et choix des modèles statistiques
Les essais aux réponses incorrectes et aux temps de réaction extrêmes (+/-3 déviations standards de
la moyenne du participant ou > 1200 ms) n’ont pas été inclus dans l’analyse.
Nous avons réalisé une analyse de variance (ANOVA) des médianes de temps de réaction par participant.
L’orthographe, en particulier la terminaison, constitue un indice pour déterminer la catégorie des mots
(Arciuli & Monaghan, 2009). Certaines terminaisons pouvaient donner au mot cible une morphologie de
verbe ou de nom, parfois en désaccord avec sa catégorie grammaticale réelle. Comme les caractéristiques
orthographiques peuvent être traitées de façon subliminale (Kouider et al., 2007), nous nous sommes
demandé si les terminaisons des amorces pouvaient entraîner un effet d’amorçage vers une catégorie
grammaticale.
Pour analyser l’influence de ce facteur, ainsi que d’autres, comme la fréquence des mots ou le
nombre de lettres, sur le traitement de la cible, un modèle linéaire mixte a été utilisé.
Nous avons d’abord étudié l’effet d’interférence entre la terminaison des cibles et leur catégorie
grammaticale.
Pour une terminaison donnée, la différence centrée entre les temps de réaction médians pour les
cibles verbe et nom a été calculée pour chaque participant, en retranchant le temps de réaction médian des
noms à celui des verbes (sens choisi arbitrairement). La moyenne de cette valeur à travers les participants
indique, de façon relative, si cette terminaison oriente le choix du participant vers une catégorie
grammaticale plutôt qu’une autre. Plus cette variable est négative et plus la terminaison oriente vers la
catégorie "nom", inversement, plus elle est positive, plus elle oriente vers la catégorie "verbe". Cette variable
quantitative représentant l’effet de la terminaison sur le choix de la catégorie a été appelée indice de
terminaison.
Les terminaisons incluses dans l’analyse comportaient au maximum 3 lettres et étaient présentes à la
fin d’au moins 10 mots dans la liste : "er", "ier", "ir"," ire"," oir", "re"," tre". Tous les mots de la liste étaient
rattachés à une de ces terminaisons.
Les mots randomisés pour être amorces ou cibles variaient d’un participant à l’autre, il était donc possible de généraliser l’indice de terminaison des cibles aux amorces. Nous attendions deux effets d’amorçage
distincts : un par la catégorie grammaticale de l’amorce, l’autre par l’indice de terminaison de l’amorce, ces
deux effets pouvant être synergiques.
Les variables candidates pour le modèle linéaire étaient les suivantes :
Variable à expliquer : temps de réaction : Reaction_Time
Variables explicatives :
- Condition (consciente ou inconsciente) : Conscious_Unconscious
- Catégorie de la cible : Category_of_the_target
- Catégorie de l’amorce : Category_of_the_prime
- Variable quantitative de la terminaison de l’amorce (indice de terminaison) : ending_cue_prime
 Correction :
- Logarithme 10 de la fréquence du mot cible : Log10_freq_target
- Logarithme 10 de la fréquence du mot amorce : Log10_freq_prime
- Nombre de lettres du mot cible : Nb_letters_target
- Nombre de lettres du mot amorce : Nb_letters_prime
- Indice de terminaison de la cible : ending_cue_target
- Participant : 1|Participant
- Mot cible : 1|Target
Nous avons utilisé la fonction lmer dans le logiciel R.


Plusieurs modèles ont été envisagés, * signifiant une interaction entre des facteurs et + signifiant
l’ajout d’un effet indépendant.
Du plus simple :
Model

lmer
(Reaction_Time
~
Conscious_Unconscious
*
Category_of_the_target
Category_of_the_prime * ending_cue_prime + (1 | Participant) + (1 | Target), data = mydata)
Au plus complexe :
11
*
Expérience 1. Amorçage catégoriel pour les noms et les verbes - Résultats
Model

lmer
(Reaction_Time
~
Conscious_Unconscious
*
Category_of_the_target
*
Category_of_the_prime * ending_cue_prime + Category_of_the_target * Log10_freq_target *
Nb_letters_target + Category_of_the_prime * Log10_freq_prime * Nb_letters_prime + ending_cue_target *
Category_of_the_target + (1 | Participant) + (1 | Target), data = mydata)
Ils ont été départagés au moment des analyses en utilisant les critères d’information d’Akaike avec
la fonction drop1()et les critères d’information bayésiens avec la fonction BIC().
Les p-values ont été obtenues à l’aide de la fonction dt()qui réalise une loi de Student inverse n avec
le nombre de degrés de libertés voulu (nombre de participants - 1), et sont présentées à titre indicatif.
v) Matériel informatique et programmes utilisés
L’expérience a été programmée en langage Python, avec le logiciel Psychopy.
Nous avons utilisé un ordinateur HP Elite Book 820, un écran CRT Samsung Sync Master 997MB
(fréquence de rafraîchissement de l’écran 60Hz) et un clavier HP.
Les analyses ont été conduites grâce au logiciel R et RStudio en utilisant les librairies lme4 pour les
modèles linéaires et ggplot2 pour les graphiques.
c) Résultats
i) Participants
Nous avons testé 22 participants droitiers (dont 8 hommes), de langue maternelle française, âgés de
18 à 30 ans, moyenne 23,9 ans. Six participants ont été exclus : quatre ont eu un taux d’erreur moyen supérieur à 10% pendant l’expérience (arrondi au pourcent près) et deux ne percevaient pas suffisamment bien
les amorces conscientes (d’ conscients respectifs à 0,6 et -0,2).
ii) ANOVA
La moyenne des temps de réaction moyen des 16 participants inclus était de 592 ms (de 536 ms à
664 ms).
(1) ANOVA selon la congruence grammaticale amorce-cible
L’analyse de variance (ANOVA) des médianes des temps de réaction par participant a montré que les
temps de réaction étaient significativement plus longs en condition inconsciente que consciente (577 ms
versus 564 ms, différence : 13 ms, F1,15 = 34.83, p < 0.0001).
Il existait un effet d’amorçage catégoriel significatif à travers toutes les conditions (congruent 562 ms
versus incongruent 579 ms, différence : 17 ms, F1,15 = 59.45, p < 0.0001) ainsi qu’une triple interaction
catégorie de l’amorce, catégorie de la cible, condition de présentation (F1,15 = 29.12, p < 0.0001).
Cet effet d’amorçage était retrouvé aussi bien en condition consciente (551 ms versus 577 ms,
différence : 26 ms F1,15 = 67.64, p < 0.0001) qu’inconsciente (574 ms versus 580 ms, différence : 6 ms, F1,15 =
4.68, p = 0.0471).
12
Expérience 1. Amorçage catégoriel pour les noms et les verbes - Résultats
*
***
Temps de réaction en fonction de la congruence entre catégorie grammaticale de l’amorce et celle de la cible et
des conditions de présentation, consciente ou inconsciente. Les barres d’erreur ont été calculées à partir de
l’erreur standard à travers les sujets dans chaque condition en prenant leur temps de réaction réduit (pour
chaque essai : temps de réaction - moyenne globale de leur temps de réaction). Les seuils de significativité sont
issus des ANOVAs. Il existe un amorçage catégoriel significatif en condition consciente et inconsciente. *** = p <
0.0001 ; * = p < 0.05
(2) ANOVA séparées selon la catégorie de la cible
Nous avons conduit des analyses en séparant les cibles selon leur catégorie : nom ou verbe.
Toutes conditions confondues, l’effet d’amorçage catégoriel était significatif pour les verbes (temps de
réaction médian congruent 557 ms versus incongruent 576 ms, différence : 19 ms, F1,15 = 33.59, p < 0.0001)
et pour les noms (568 ms versus 581 ms, différence : 13 ms, F1,15 = 23.03, p < 0.0003).
En condition consciente, il existait un effet d’amorçage catégoriel significatif pour les verbes (544 ms
versus 578 ms, différence : 34 ms, F1,15 = 35.37, p < 0.0001), et pour les noms (558 ms versus 577 ms,
différence : 19 ms, F1,15 = 29.21, p < 0.0001).
En condition inconsciente, il n’y avait pas d’effet d’amorçage catégoriel significatif (ps > 0.17).
ns
ns
***
***
13
Expérience 1. Amorçage catégoriel pour les noms et les verbes - Résultats
Temps de réaction en fonction de la catégorie grammaticale des amorces et de celle des cibles. Les barres
d’erreur ont été calculées à partir de l’erreur standard à travers les sujets dans chaque condition en prenant leur
temps de réaction réduit (pour chaque essai : temps de réaction de l’essai - moyenne globale de leur temps de
réaction). Les seuils de significativité sont issus des ANOVAs. Il existe un amorçage catégoriel significatif en
condition consciente qui n’est pas retrouvé en condition inconsciente. *** = p < 0.0001 ; ns = non significatif.
(3) Interaction entre terminaison et catégorie de la cible
L’ANOVA des médianes des temps de réaction par participant en fonction de la catégorie de la cible
et de la terminaison de la cible a montré une interaction significative (F6,48 = 8.881, p < 0,0001). Nous
n’avons inclus que les participants ayant au moins une cible par terminaison.
Les indices de terminaison calculés pour les cibles (cf. Données analysées et choix des modèles statistiques pour le détail du calcul) sont représentés dans le graphique suivant.
L’Indice de terminaison est calculé à partir de la différence entre temps de réaction pour les cibles verbes et
noms, pour une terminaison donnée. Les terminaisons ont été classées de celle ayant le plus petit indice de
terminaison (en faveur d’un nom à gauche) à celle ayant le plus grand (en faveur d’un verbe à droite).
En utilisant ce même indice de terminaison pour les amorces, nous avons pu évaluer l’effet de celui-ci
sur le traitement de la catégorie de la cible (effet d’amorçage entre la terminaison de l’amorce et la catégorie
de la cible).
Il n’y avait pas de corrélation entre la catégorie grammaticale des amorces et leur indice de terminaison (indice de corrélation 0.013, t(118) = 0.14, p = 0.89).
iii) Modèles linéaires
Les modèles ont été testés en utilisant les fonctions BIC() et drop1() du logiciel R. Le modèle le plus
performant était le suivant :
Model  lmer (Reaction_Time ~ Conscious_Unconscious * Category_of_the_target *
Category_of_the_prime
*
ending_cue_prime
+
Log10_freq_target
+
ending_cue_target
*
Category_of_the_target + (1 | Participant) + (1 | Target), data = mydata)
14
Expérience 1. Amorçage catégoriel pour les noms et les verbes - Résultats
(1) Modèle linéaire conditions consciente et inconsciente réunies
En regroupant les conditions conscientes et inconscientes, les variables ayant une influence significative sur le temps de réaction étaient (résultats complets en annexe) :
- La catégorie grammaticale de la cible (valeur de référence "verbe"): t = 2.74, p = 0.015
- La catégorie grammaticale de l’amorce (valeur de référence "verbe"): t = 3.97, p = 0.013
- L’interaction entre catégorie grammaticale de l’amorce et de la cible: t = -7.56, p < 0.0001
- La condition de présentation des amorces (consciente versus inconsciente): t = 4.15 (valeur de
référence "inconsciente"), p < 0.0009
- L’interaction entre condition de présentation des amorces et catégorie de la cible: t = -3.47, p =
0.0035
- La triple interaction condition de présentation, catégorie de l’amorce et catégorie de la cible: t =
4.06, p = 0.01
- Le logarithme 10 de la fréquence de la cible: t = -3.12, p = 0.007
En revanche, l’interaction entre la terminaison de l’amorce et la catégorie de la cible n’avait pas d’effet
significatif (t = 0.26, p = 0.38), ni la triple interaction terminaison de l’amorce, catégorie de la cible et condition de présentation (t = -0.30, p = 0.37).
Les effets relatifs à l’indice de terminaison de la cible sont triviaux puisque cet indice a été calculé à
partir des temps de réaction et de la catégorie de la cible.
(2) Modèle linéaire condition consciente
En condition consciente, les variables ayant une influence significative sur le temps de réaction
étaient : la catégorie grammaticale de l’amorce (t = 3.93, p = 0.0014), la catégorie grammaticale de la cible (t
= 2.67, p = 0.0176), l’interaction entre catégorie grammaticale de l’amorce et de la cible (t = -7.45, p <
0.0001), le logarithme 10 de la fréquence de la cible (t = 2.33, p = 0.033).
En revanche, l’interaction entre la terminaison de l’amorce et la catégorie de la cible n’avait pas d’effet
significatif (t = 0.23, p = 0.38), ni la triple interaction terminaison de l’amorce, catégorie de la cible et condition de présentation (t = 0.66, p = 0.31).
Régression des temps de réaction en fonction de l’indice de terminaison de l’amorce (à gauche: terminaison en
faveur d’un nom, à droite : terminaison en faveur d’un verbe) et de la catégorie de la cible, en condition consciente.
Paradoxalement les sujets semblent plus rapides pour répondre " nom" lorsque l’amorce a une terminaison de
verbe et vice et versa. Il n’existe pas d’anticorrélation marquée entre terminaison de l’amorce et terminaison de la
cible (coefficient = -0.039).
15
Expérience 1. Amorçage catégoriel pour les noms et les verbes - Résultats
(3) Modèle linéaire en condition inconsciente
En condition inconsciente, nous ne retrouvions pas d’effet significatif des catégories grammaticales de
l’amorce ou de la cible (t = 1.88 et -1.11 respectivement), ni d’effet de l’interaction entre la terminaison de
l’amorce et la catégorie de la cible (t = -0.28). L’interaction entre catégorie de l’amorce et de la cible est à la
limite de la significativité (t = -1.82, pbilatéral = 0.079) et aurait été significative si nous avions réalisé une analyse unilatérale.
Le logarithme 10 de la fréquence de la cible a une influence significative (t = -3.48, p = 0.0034).
Régression des temps de réaction en fonction de l’indice de terminaison de l’amorce (à gauche : terminaison en
faveur d’un nom, à droite : terminaison en faveur d’un verbe) et de la catégorie de la cible en condition inconsciente.
La tendance des sujets à répondre nom plus rapidement lorsque la terminaison de l’amorce correspond à celle d’un
nom n’est pas significative.
iv) Analyse des erreurs
Les taux d’erreur des participants (arrondi au pourcent près) étaient compris entre 2 et 10%
(moyenne 6,3%).
(1) ANOVA sur les taux d’erreur
Une ANOVA a été conduite sur les moyennes des taux d’erreur par participant en fonction des conditions de présentation de l’amorce, de la catégorie de l’amorce et de celle de la cible. Que l’on considère
toutes les conditions de présentation ou uniquement la condition consciente ou inconsciente, il n’y avait pas
d’effet significatif de la congruence catégorielle entre amorce et cible sur les taux d’erreur (ps > 0.14).
Il existait une différence non significative des taux d’erreur entre les cibles verbes et les cibles noms,
respectivement 5,2% et 7,4% (différence : 2,4%, F1,15 = 3.88, p = 0.0678) à travers les conditions.
(2) Régression logistique sur les erreurs
Une régression logistique a été réalisée sur la variable erreur (0 pour réponse correcte et 1 pour réponse erronée), en fonction des conditions de présentation de l’amorce, de la catégorie de l’amorce, de la
catégorie de la cible et de l’indice de terminaison de l’amorce.
Toutes conditions confondues, l’interaction catégorie de l’amorce X catégorie de la cible était significative (z = -2.025, p = 0.0429), ainsi que l’interaction entre l’indice de terminaison de l’amorce et la catégorie
de la cible (z = 2.053, p = 0.04), et que la triple interaction condition de présentation, indice de terminaison
de l’amorce et catégorie de la cible (z = -2.320, p = 0.0203).
16
Expérience 1. Amorçage catégoriel pour les noms et les verbes - Résultats
En condition consciente, l’interaction catégorie de l’amorce catégorie de la cible est significative (z = 2.025, p = 0.0429), et l’interaction entre indice de terminaison de l’amorce et catégorie de la cible est significative également (z = 2.053, p = 0.04).
En condition inconsciente, aucun facteur n’a une influence significative sur le taux d’erreur (ps > 0.09).
*
ns
Taux d’erreur (en %) en fonction de la congruence entre catégorie grammaticale de l’amorce et de la cible et des
conditions de présentation, consciente ou inconsciente. Les barres d’erreur ont été calculées à partir de l’erreur
standard à travers les sujets dans chaque condition. Les seuils de significativité sont issus des régressions
logistiques. Il existe un effet de la congruence significatif sur le taux d’erreur en condition consciente mais pas en
condition inconsciente. * = p < 0.05 ; ns = non significatif.
v) Tâche de visibilité
Dans la tâche de visibilité, les sujets n’étaient pas capables de percevoir les amorces inconscientes
(taux de réponse correcte = 50,6%, d’ = 0.32, t(15) = 0,1, p = 0.92) alors qu’ils percevaient les amorces
conscientes (taux de réponse correcte = 93,6%, d’ = 3.06, t(15) = 6.33 p < 0.0001).
Il n’y avait pas de corrélation positive entre l’amorçage et la visibilité des amorces, ni en condition
consciente, ni en condition inconsciente (respectivement coefficient = -0.22, t(14) = -0.86, p = 0.11 et
coefficient = -0.5 t(14) = -2.17, p = 0.048). Il existe une corrélation négative significative en condition
inconsciente, l’effet d’amorçage n’est donc pas lié à une meilleure visibilité des amorces.
17
Expérience 1. Amorçage catégoriel pour les noms et les verbes - Discussion
Régression de l’effet d’amorçage en fonction de la visibilité de l’amorce (d’). Chaque point représente un
participant. En bleu, l’amorce a été présentée de façon inconsciente : les valeurs de d’ sont faibles et ne diffèrent
pas significativement de 0 (p = 0.92). En rouge, l’amorce a été présentée de façon consciente : les valeurs de d’
sont élevés et significativement différentes de 0 (p < 0.0001).
d) Discussion
Notre expérience montre un effet d’amorçage catégoriel significatif en condition consciente. Ce résultat est retrouvé aussi bien par l’ANOVA que par le modèle linéaire et dans l’analyse du taux d’erreur.
En condition inconsciente, on retrouve un effet d’amorçage catégoriel significatif avec l’ANOVA. Avec
le modèle linéaire, cet effet est au seuil de la significativité.
Les amorces et les cibles avaient été choisies de telle sorte que l'effet d'amorçage ne puisse être attribué à des effets orthographiques, phonologiques, syntaxiques, sémantiques ou morphologiques, ni à une
association stimulus-réponse (cf. Introduction).
Cette expérience a par ailleurs permis d’extraire une variable quantitative représentant l’indice que
constitue la terminaison d’un mot pour déterminer sa catégorie grammaticale.
Nous ne retrouvons d’amorçage lié à la terminaison de l’amorce ni en condition consciente ni en condition inconsciente. Cependant, le taux d’erreur en condition consciente est influencé par l’interaction entre
l’indice de terminaison de l’amorce et la catégorie de la cible.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer les petits effets obtenus en condition inconsciente. Tout d’abord,
les mots amorces présentés en condition inconsciente n’avaient jamais été vus par le sujet, contrairement
aux amorces conscientes. Ainsi, la condition inconsciente revêtait d’une double difficulté : l’amorce était invisible et le mot, nouveau.
Cela soulève une limite quant aux effets d’amorçage observés en condition consciente. Il pourrait
s’agir d'une association stimulus-réponse. En effet, les sujets ayant déjà catégorisé les mots qui servent
d’amorces conscientes, l’amorçage pourrait être strictement moteur, c’est-à-dire induit par la reconnaissance
du mot indépendamment du traitement spécifique de sa catégorie grammaticale (Abrams & Greenwald,
2000; Damian, 2001).
Le contraste de difficulté entre les deux conditions a pu amoindrir l’effet d’amorçage en condition inconsciente.
D’autre part, la capacité du sujet à traiter les amorces inconscientes n’a pas été vérifiée. Il est probable, compte tenu des résultats de l’ANOVA en condition inconsciente, que les sujets aient pu extraire des
informations des amorces subliminales mais cela n’est pas absolument certain puisqu’il n’y avait pas de
tâche contrôle. Les masques utilisés superposaient des lettres et ont pu interférer avec le traitement des
18
Expérience 1. Amorçage catégoriel pour les noms et les verbes - Discussion
amorces. D’ailleurs, la différence significative de temps de réaction entre condition consciente et inconsciente témoigne de la difficulté qu’ajoutaient ces masques.
Ainsi, nous avons souhaité répliquer ce paradigme, en y apportant des améliorations méthodologiques substantielles. Pour confirmer l’existence d’un amorçage catégoriel conscient, nous utiliserons des
amorces conscientes différentes des mots cibles afin que le sujet ne puisse avoir d’amorçage lié à une association stimulus-réponse (Damian, 2001). Afin de faciliter le traitement des amorces présentées de façon
subliminale, nous nous servirons de masques plus légers, ne comportant pas de superposition de lettres
pouvant être présentes dans les stimuli. Enfin, nous ajouterons une tâche contrôle à l’expérience, afin de
nous assurer que les amorces peuvent être traitées de façon subliminale. Pour ce faire, nous remplacerons
les amorces subliminales par les mots cibles de sorte que le couple amorce-cible soit congruent, incongruent
ou répété (amorce et cible identiques), ce dernier cas devant entraîner un amorçage très significatif si les
amorces sont traitées (Forster & Davis, 1984; Naccache & Dehaene, 2001). Ainsi sera-t-il possible de
comparer la taille des effets classiques de répétition et de congruence de réponse, et la taille de l’effet
d’amorçage grammatical.
19
Expérience 2. Réplication de l’expérience 1 - Introduction
3) Expérience 2. Réplication de l’expérience 1
a) Introduction
L’expérience 2 est une réplication de l’expérience 1, à quelques ajustements près. Les amorces et les
cibles sont toujours des noms et des verbes mais les amorces conscientes sont des mots différents des
mots cibles : elles n’ont jamais été catégorisés par le participant, afin d’éviter l’effet d’association stimulusréponse (Damian, 2001). Les masques en conditions inconscientes sont plus légers (un seul pré-masque et
post-masque ne comportant pas de superposition de lettres). Les temps de présentation des masques sont
plus courts que dans l’expérience 1 pour obtenir un masquage efficace sans mettre de 2ème pré-masque.
Nous avons ajouté une tâche contrôle avec un amorçage de répétition entre l’expérience et la tâche
de visibilité.
Nous espérons ainsi confirmer l’amorçage catégoriel conscient et inconscient et éventuellement
retrouver un effet d’amorçage lié à la terminaison de l’amorce.
b) Matériel et méthodes
i) Participants
Le mode de recrutement, les critères d’inclusion et d’exclusion étaient identiques à ceux de
l’expérience 1.
ii) Stimuli
Les stimuli étaient identiques à ceux de l’expérience 1.
iii) Procédure expérimentale
La condition consciente la séquence visuelle présentée au sujet était identique à celle de l’expérience
1 : une croix de fixation (500 ms) un pré-masque (############) pendant 267 ms, un écran blanc (100 ms),
le mot amorce (33 ms), à nouveau un écran blanc (100 ms), puis un mot cible qui restait affiché jusqu’à ce
que le sujet donne sa réponse.
En condition inconsciente la séquence visuelle était la suivante : une croix de fixation (500 ms) un prémasque (############) pendant 433 ms, un écran blanc (16 ms), le mot amorce (33 ms), un post-masque
(XXXXXXXXXXX) pendant 16 ms, puis un mot cible qui restait affiché jusqu’à ce que le sujet donne sa
réponse.
L’ensemble de la séquence entre la fin de croix de fixation et l’apparition de la cible avait une durée
fixe de 501 ms de façon à ce que le rythme de réponse reste constant tout au long de l’expérience.
La tâche demandée aux sujets et les modalités de réponse étaient identiques à l’expérience 1.
20
Expérience 2. Réplication de l’expérience 1 - Matériel et méthodes
Séquence visuelle pour la présentation consciente à gauche et inconsciente à droite
Pour chaque participant, 20 paires de nom/verbe ont été randomisées pour être des amorces conscientes, 20 paires pour être des amorces inconscientes et les 20 dernières pour être les cibles.
Pour chaque participant, chaque mot cible a été associé de façon aléatoire à 12 amorces différentes :
3 paires nom-verbe conscientes et 3 paires inconscientes. Chaque amorce a été associée de façon aléatoire
avec 6 mots cibles différents : 3 noms et 3 verbes. Ces associations étaient telles que (1) l’amorce et la cible
n’aient pas la même première lettre (2) l’amorce et la cible n’aient pas la même terminaison c’est-à-dire les 3
dernières lettres ; et restaient les mêmes pendant toute l’expérience.
A chaque essai, l’amorce et la cible pouvaient soit être congruentes, soit incongruentes pour la catégorie grammaticale.
L’expérience était divisée en quatre parties :
- Un entraînement avec 40 essais représentatifs des différentes conditions de présentation, permettant au sujet de se familiariser avec la procédure et de catégoriser les 40 mots cibles (20 noms et
20 verbes appariés)
- L’expérience à proprement parler : 8 blocs de 60 essais, soit 480 essais avec quatre conditions :
conscient-congruent (n = 120), conscient-incongruent (n = 120), inconscient-congruent (n = 120),
inconscient-incongruent (n = 120), présentées dans un ordre aléatoire. Les amorces et les cibles
étaient présentées le même nombre de fois dans chaque conditions
- Deux blocs dits de "répétition" comportant 80 essais chacun. Dans cette partie, les amorces
étaient remplacées par les mots cibles afin d’étudier l’effet d’amorçage inconscient par des mots
ayant déjà été catégorisés par le sujet. Tous les essais étaient en condition inconsciente : soit inconscient-incongruent (amorce d’une catégorie différente du mot cible), soit inconscient-répété
(amorce identique à la cible) soit inconscient-congruent non répété (amorce de la même catégorie
grammaticale mais n’étant pas le même mot que le mot cible). L’objectif de la condition répétée
était de vérifier que les conditions de masquage permettaient tout de même le traitement du mot,
nous attendions un effet d’amorçage puissant. Chaque mot cible était présenté 4 fois en tant
qu’amorce et 4 fois en tant que cible : une fois en condition répétée, une fois en condition congruente non répétée et deux fois en condition incongruente (autant d’essais incongruents que
congruents). Les touches de réponse étaient identiques à celle de l’expérience prinicipale.
- Deux blocs de "visibilité" comportant 40 essais chacun dont l’objectif était d’étudier la visibilité des
amorces. La tâche consistait à déterminer la catégorie grammaticale des amorces – et non des
mots-cibles qui devaient être ignorés. Chaque amorce était présentée une fois, dans la moitié des
cas suivie d’une cible congruente et dans l’autre d’une cible incongruente. Cette partie de
l’expérience n’était pas en temps limité et les touches attribuées aux réponses n’étaient pas
fixées. Pour que le participant sache quelle touche ("S" ou "L") correspondait à quelle réponse
(nom ou verbe), la légende était affichée juste après le mot cible : les mots "NOM" et "VERBE"
apparaissaient à l’écran du côté de la touche de réponse correspondante. La cible était présentée
21
Expérience 2. Réplication de l’expérience 1 - Résultats
pendant 500 ms. Les participants étaient obligés d’attendre l’apparition de la légende pour
répondre.
Au total, l’expérience durait environ 45 minutes.
Avant le début de l’expérience, les participants ont signé un consentement écrit. Leurs capacités de
lecture étaient vérifiées en leur faisant lire une liste de mots (différents de ceux présentés dans l’expérience)
et il leur était demandé de donner la catégorie grammaticale des 5 premiers mots de la liste.
iv) Données analysées et choix des modèles statistiques
Comme dans l’expérience 1, les essais aux réponses incorrectes et aux temps de réaction extrêmes
(+/-3 déviations standards de la moyenne du participant ou > 1200 ms) n’ont pas été inclus dans l’analyse.
Les mêmes analyses statistiques ont été conduites : analyse de variance (ANOVA) des médianes de
temps de réaction par participant, modèle linéaire mixte similaire.
L’indice de terminaison a été calculé de la même manière que dans l’expérience 1, incluant les
mêmes terminaisons ("er", "ier", "ir"," ire"," oir", "re"," tre"), puisque la liste de stimuli était identique. Nous
avons pu étudier la corrélation des indices de terminaison des deux expériences.
v) Matériel informatique et programmes utilisés
Le matériel, les programmes utilisés, les conditions d’expérimentation étaient similaires à ceux de
l’expérience 1.
b) Résultats
i) Participants
Nous avons testé 21 participants droitiers (dont 6 hommes), de langue maternelle française, âgés de
19 à 29 ans, moyenne 23,3 ans. Deux participants ont été exclus : un avait eu une moyenne de temps de
réaction supérieure à 800 ms, un autre un taux d’erreur supérieur à 10%.
22
Expérience 2. Réplication de l’expérience 1 - Résultats
ii) ANOVA
La moyenne des temps de réaction moyen des 19 participants inclus était de 638 ms (de 489 ms à
785 ms).
(1) ANOVA selon la congruence grammaticale amorce-cible
L’analyse de variance (ANOVA) des médianes des temps de réaction par participant a montré que les
temps de réaction étaient significativement plus longs en condition inconsciente que consciente (605 ms
versus 587 ms, différence : 18 ms, F1,18 = 53.26, p < 0.0001).
Il existait un effet d’amorçage catégoriel significatif à travers toutes les conditions (congruent 588 ms
versus incongruent 602 ms, différence : 14 ms F1,18 = 20.07, p < 0.0003) ainsi qu’une triple interaction
catégorie de l’amorce, catégorie de la cible, condition de présentation (F1,18 = 8.21, p = 0.01).
Cet effet d’amorçage était retrouvé aussi bien en condition consciente (574 ms versus 596 ms,
différence : 22 ms F1,18 = 20.8, p < 0.0003) qu’inconsciente (601 ms versus 609 ms, différence : 8 ms, F1,18 =
5.55, p = 0.03).
*
***
Temps de réaction en fonction de la congruence entre catégorie grammaticale de l’amorce et celle de la cible et
des conditions de présentation, consciente ou inconsciente. Les barres d’erreur ont été calculées à partir de
l’erreur standard à travers les sujets dans chaque condition en prenant leur temps de réaction réduit (pour
chaque essai : temps de réaction - moyenne globale de leur temps de réaction). Les seuils de significativité sont
issus des ANOVAs. Il existe un amorçage catégoriel significatif en condition consciente et inconsciente. *** = p <
0.0001 ; * = p < 0.05.
(2) ANOVA séparées selon la catégorie de la cible
Nous avons conduit des analyses en séparant les cibles selon leur catégorie : nom ou verbe.
Toutes conditions confondues, l’effet d’amorçage catégoriel était significatif pour les verbes (temps
de réaction médian congruent 585 ms versus incongruent 599 ms, différence : 14 ms, F1,18 = 23.94, p <
0.0002) et pour les noms (591 ms versus 606 ms, différence : 15 ms, F1,18 = 5.71, p = 0.028).
En condition consciente, il existait un effet d’amorçage catégoriel significatif pour les verbes (572 ms
versus 593 ms, différence : 21 ms, F1,18 = 14.17, p < 0.002), et pour les noms (577 ms versus 599 ms,
différence : 22 ms, F1,18 = 10.86, p = 0.004).
En condition inconsciente, il y avait un effet d’amorçage catégoriel significatif pour les verbes (598
ms versus 605 ms différence : 7 ms, F1,18 = 8.59, p < 0.009), mais pas pour les noms (605 ms versus 612
ms, différence : 7 ms, F1,18 = 0.084, p = 0.78).
23
Expérience 2. Réplication de l’expérience 1 - Résultats
Temps de réaction en fonction de la catégorie grammaticale des amorces et de celle des cibles. Les barres
d’erreur ont été calculées à partir de l’erreur standard à travers les sujets dans chaque condition en prenant leur
temps de réaction réduit (pour chaque essai : temps de réaction de l’essai - moyenne globale de leur temps de
réaction). Les seuils de significativité sont issus des ANOVAs. Il existe un amorçage catégoriel significatif en
condition consciente, et en condition inconsciente pour les verbes. ** = p < 0.01 ; ns = non significatif.
(3) Interaction entre terminaison et catégorie de la cible
L’ANOVA des médianes des temps de réaction par participant en fonction de la catégorie de la cible
et de la terminaison de la cible a montré une interaction significative entre ces facteurs pour expliquer le
temps de réaction (F6,78 = 9.926, p < 0.0001).
Les indices de terminaison calculés pour les cibles sont représentés dans le graphique suivant.
Il existe un fort niveau de corrélation entre les indices de terminaison issus de l’expérience 1 et 2
(coefficient de corrélation = 0.97, t(12) = 14.07, p < 0.0001). Afin d’éviter la circularité inhérente aux analyses
de l’expérience 1, nous avons utilisé les indices de terminaison de l’expérience 1 dans les analyses de
l’expérience 2.
24
Expérience 2. Réplication de l’expérience 1 - Résultats
L’Indice de terminaison est calculé à partir de la différence entre temps de réaction pour les cibles verbes et
noms, pour une terminaison donnée. Les terminaisons ont été classées de celle ayant le plus petit indice de
terminaison (en faveur d’un nom à gauche) à celle ayant le plus grand (en faveur d’un verbe à droite).
Corrélation entre les indices de terminaison des expériences 1 et 2 (indices en faveur d’un nom en bas et à
gauche, indices en faveur d’un verbe en haut et à droite). Leur relation est quasiment linéaire (coefficient de
corrélation à 0.97).
25
Expérience 2. Réplication de l’expérience 1 - Résultats
iii) Modèles linéaires
Le modèle utilisé est identique à celui de l’expérience 1. Nous avons décidé d’utiliser les indices de
terminaison de l’expérience 1 afin de garantir l’indépendance entre celle-ci et les temps de réaction.
Model

lmer
(Reaction_Time
~
Conscious_Unconscious
*
Category_of_the_target
*
Category_of_the_prime * ending_cue_prime (xp1) + Log10_freq_target + ending_cue_target (xp1) *
Category_of_the_target + (1 | Participant) + (1 | Target), data = mydata)
(1) Modèle linéaire conditions consciente et inconsciente réunies
En regroupant les conditions conscientes et inconscientes, les variables ayant une influence significative sur le temps de réaction étaient (résultats complets en annexe) :
- La catégorie grammaticale de l’amorce (valeur de référence "verbe") : t = 2.99, p = 0.0085
- L’interaction entre catégorie grammaticale de l’amorce et de la cible : t = -4.71, p = 0.0002
- La condition de présentation des amorces (consciente versus inconsciente) : t = 4.84 (valeur de
référence "inconsciente"), p = 0.0001
- La triple interaction condition de présentation, catégorie de l’amorce et catégorie de la cible : t =
2.39, p = 0.003
- L’indice de terminaison de la cible issu de l’expérience 1 (t = 7.57, p < 0.0001) et son interaction
avec la catégorie de la cible (t = -5.36, p < 0.0001)
En revanche, l’interaction entre la terminaison de l’amorce et la catégorie de la cible n’avait pas d’effet
significatif (t = -1.03, p = 0.23), ni la triple interaction terminaison de l’amorce, catégorie de la cible et condition de présentation (t = -1.62, p = 0.11).
(2) Modèle linéaire condition consciente
En condition consciente, il y avait un effet significatif de l’interaction entre la catégorie grammaticale
de la cible et celle de l’amorce (t = 2.96, p = 0.009), de la catégorie grammaticale de l’amorce (t = -4.67, p =
0.0002), de l’indice de terminaison de la cible (t = 6.74, p < 0.0001) et son interaction avec la catégorie de la
cible (t = -5.03, p < 0.0001).
En revanche, l’interaction entre la terminaison de l’amorce et la catégorie de la cible n’avait pas d’effet
significatif (t = -1.08, p = 0.22), ni la triple interaction terminaison de l’amorce, catégorie de l’amorce, catégorie de la cible (t = 1.01, p = 0.23).
26
Expérience 2. Réplication de l’expérience 1 - Résultats
Régression des temps de réaction en fonction de l’indice de terminaison de l’amorce (à gauche : terminaison en
faveur d’un nom, à droite : terminaison en faveur d’un verbe) et de la catégorie de la cible en condition consciente. Il
n’y a pas d’interaction significative.
Nous avons calculé la médiane du temps de réaction en condition consciente pour chaque participant.
En analysant les temps de réaction inférieurs à ces médianes, le modèle linéaire montre en condition consciente un effet de l’interaction entre terminaison de l’amorce et catégorie de la cible à la limite de la significativité en analyse bilatérale, qui serait significatif en analyse unilatérale (t = -2,04, pbilatéral = 0.055). L’effet de
l’interaction entre la catégorie de l’amorce et la catégorie de la cible est toujours significatif (t = -6.77, pbilatéral
< 0.0001).
(3) Modèle linéaire en condition inconsciente
En condition inconsciente, nous ne retrouvions pas d’effet significatif de l’interaction entre la catégorie
grammaticale de la cible et celle de l’amorce (t = -1.34, p = 0.16).
En revanche, l’interaction entre la terminaison de l’amorce et la catégorie de la cible avait un effet significatif (t = -3.23, p = 0.005), ainsi que la triple interaction terminaison de l’amorce, catégorie de l’amorce,
catégorie de la cible (t = 3.52, p = 0.0027).
L’indice de terminaison de la cible (t = 6.8, p < 0.0001), son interaction avec la catégorie de la cible (t
= -4.68, p = 0.0002), l’indice de terminaison de l’amorce (t = 2.49, p = 0.024), son interaction avec la catégorie de l’amorce (t = -2.91, p = 0.01) avaient également un effet significatif.
27
Expérience 2. Réplication de l’expérience 1 - Résultats
Régression des temps de réaction en fonction de l’indice de terminaison de l’amorce (à gauche : terminaison en
faveur d’un nom, à droite : terminaison en faveur d’un verbe) et de la catégorie de la cible en condition inconsciente.
Le temps de réaction des sujets est significativement plus rapide lorsque la terminaison de l’amorce correspond à la
catégorie de la cible.
(4) Interaction entre terminaison et catégorie de la cible
Dans les modèles linéaires, il existait un effet très significatif de l’indice de terminaison de la cible et
de l’interaction de celui-ci avec la catégorie de la cible. Ce résultat corrobore la corrélation retrouvée entre
les indices de terminaisons des deux expériences et conforte la possibilité de généraliser leur effet aux
amorces.
28
Expérience 2. Réplication de l’expérience 1 - Résultats
Régression des temps de réaction en fonction de l’indice de terminaison de la cible (à gauche: terminaison en
faveur d’un nom, à droite : terminaison en faveur d’un verbe) et de la catégorie de la cible dans les différentes
conditions. L’interaction entre indice de terminaison et catégorie et très significative.
iv) Analyse des erreurs
4,8%).
Les taux d’erreur des participants (arrondi au pourcent près) étaient compris entre 1 et 8% (moyenne
29
Expérience 2. Réplication de l’expérience 1 - Résultats
(1) ANOVA sur les taux d’erreur
Une ANOVA a été conduite sur les moyennes des taux d’erreur par participant en fonction des conditions de présentation de l’amorce, de la catégorie de l’amorce et de la catégorie de la cible.
En réunissant condition consciente et inconsciente, il existait un effet significatif de la congruence
entre amorce et cible sur le taux d’erreur (4.1% pour congruent versus 5.5% pour incongruent, différence :
1.4% F1,18 = 6.166, p = 0.023).
En condition consciente, les taux d’erreurs moyens étaient significativement différents seulement en
ANOVA unilatérale (4,1% versus 6,1%, différence : 2%, F1,18 = 4.1, pbilatéral = 0.06).
En condition inconsciente, il n’y avait pas de différence significative (4,1% versus 4,8%, différence :
0,7%, F1,18 = 2.01, p = 0.18).
Il existait une différence significative des taux d’erreur entre les cibles verbes et les cibles noms, respectivement 3,7% et 6% (différence : 2,3%, F1,18 = 10.37, p = 0.0048) à travers les conditions.
(2) Régression logistique sur les erreurs
La régression logistique toutes conditions confondues, a confirmé que l’interaction catégorie de
l’amorce X catégorie de la cible était significative (z = -2.8, p = 0.005), mais n’a montré aucune interaction
entre catégorie de la cible et terminaison de l’amorce (z = 0.034, p = 0.97).
En condition consciente, l’interaction catégorie de l’amorce X catégorie de la cible est significative (z =
-2.8, p = 0.005). En condition inconsciente, aucun facteur n’a une influence significative sur le taux d’erreur
(ps > 0.05).
Taux d’erreur (en %) en fonction de la congruence entre catégorie grammaticale de l’amorce et celle de la cible
et des conditions de présentation, consciente ou inconsciente. Les barres d’erreur ont été calculées à partir de
l’erreur standard à travers les sujets dans chaque condition. Les seuils de significativité sont issus des
régressions logistiques. Il existe un effet de la congruence significatif sur le taux d’erreur en condition consciente
mais pas en condition inconsciente. ** = p < 0.01 ; ns = non significatif.
v) Blocs de répétition
(1) Analyse de l’effet de répétition
Pour les blocs de répétition, l’ANOVA a montré qu’il existait une diminution de temps de réaction significative entre les essais répétés (amorces et cibles identiques) et non répétés (temps médians 555 ms
versus 586 ms, différence : 31 ms, F1,18 = 67.72, p < 0.0001).
Les temps de réaction médians étaient respectivement 555 ms, 565 ms, et 594 ms pour les essais répétés, congruents non répétés, et incongruents, avec une différence significative entre les trois conditions
30
Expérience 2. Réplication de l’expérience 1 - Résultats
(incongruents et répétés : différence : 39 ms, F1,18 = 87.94, p < 0.0001 ; incongruents et congruents non
répétés : différence : 29 ms, F1,18 = 21.69, p < 0.0002 ; congruents répétés et non répétés différence : 10 ms,
F1,18 = 4.535, p = 0.0473).
Temps de réaction en fonction de la congruence entre catégorie grammaticale de l’amorce et celle de la cible.
Les barres d’erreur ont été calculées à partir de l’erreur standard à travers les sujets dans chaque condition en
prenant leur temps de réaction réduit (pour chaque essai : temps de réaction -moyenne globale de leur temps de
réaction). Les seuils de significativité sont issus des ANOVAs. Il existe des différences significatives entre chaque
situation de congruence. *** = p < 0.0001 ; * = p < 0.05.
Temps de réaction en fonction de la congruence entre catégorie grammaticale de l’amorce et celle de la cible,
de la catégorie de l’amorce et de la catégorie de la cible.
31
Expérience 2. Réplication de l’expérience 1 - Résultats
Temps de réaction en fonction de la catégorie de l’amorce et de la catégorie de la cible.
(2) Analyse des essais non répétés
Parmi les essais non répétés, l’ANOVA montrait une interaction significative entre catégorie de
l’amorce et catégorie de la cible (F1,18 = 18.38, p = 0.0004).
Nous avons utilisé le modèle linéaire pour analyser l’effet d’amorçage inconscient par des amorces
déjà traitées consciemment. Il révèle un effet très significatif de l’interaction entre la catégorie de l’amorce et
celle de la cible (t = -4.94, p = 0.0001), alors qu’il n’y a plus d’effet de la terminaison de l’amorce (t = -1.22, p
= 0.18). Il n’y a pas de triple interaction entre terminaison de l’amorce, catégorie de l’amorce et catégorie de
la cible.
Nous avons calculé la médiane du temps de réaction pour chaque participant. En analysant les temps
de réaction inférieurs à ces médianes, le modèle linéaire montre un effet significatif de l’interaction entre
terminaison de l’amorce et catégorie de la cible (t = -2,22, p = 0.039), en plus de l’interaction entre la catégorie de l’amorce et la catégorie de la cible (t = -3.28, p = 0.0046).
Les résultats ont donc un profil comparable à ceux de la condition consciente de la tâche principale.
vi) Comparaison des tailles d’effet d’amorçage
En écartant les essais répétés, l’effet d’amorçage catégoriel est plus important dans les blocs de
répétition que dans la tâche principale (différence de 29 ms entre congruent non répété et incongruent
versus 8 ms dans la tâche principale en inconscient et 22 ms dans la tâche principale en conscient). Les
temps de réaction y sont également plus courts que dans la tâche principale.
Un test de Student apparié montre une différence significative de la taille d’effet de l’amorçage inconscient entre les blocs de répétition et la tâche principale (t = 3.34, p = 0.0036).
L’effet amorçage catégoriel est donc significativement plus grand en inconscient lorsque les sujets ont
déjà traité consciemment les amorces au préalable.
En revanche, il n’y a pas de différence significative entre l’effet de l’amorçage inconscient dans les
blocs de répétition et de l’amorçage conscient dans la tâche principale (t = 1.46, p = 0.16), ni de l’amorçage
conscient dans l’expérience 1 (test de Student non apparié : t = 0.36, p = 0.72). Les tailles d’effet
d’amorçage sont donc comparables que l’amorce soit présentée consciemment ou inconsciemment si elle a
été perçue consciemment au préalable.
Il n’y a pas de différence significative pour l’effet d’amorçage conscient dans la tâche principale entre
l’expérience 1 et l’expérience 2 (t = -1.7, p = 0.1), donc le fait d’avoir déjà catégorisé les amorces (association stimulus-réponse) ne modifie pas substantiellement l’effet d’amorçage en condition consciente.
32
Expérience 2. Réplication de l’expérience 1 - Discussion
Enfin, il n’y a pas de différence significative pour l’effet d’amorçage inconscient dans la tâche principale entre l’expérience 1 et l’expérience 2 (t = 0.97, p = 0.34)
vii) Tâche de visibilité
Dans la tâche de visibilité, les sujets n’étaient pas capables de percevoir les amorces inconscientes
(taux de réponse correcte = 45,5%, d’ = -0.24, t(18) = -0.58, p = 0.57) alors qu’ils percevaient les amorces
conscientes (taux de réponse correcte = 89,5%, d’ = 2.7, t(18) = 3.9, p = 0.001).
Il n’y avait pas de corrélation entre l’amorçage et la visibilité des amorces, ni en condition consciente, ni en condition inconsciente (respectivement t(17) = 1.65, p = 0.11 et t(17) = -0.34, p = 0.74).
Régression de l’effet d’amorçage en fonction de la visibilité de l’amorce (d’). Chaque point représente un
participant. En bleu, l’amorce a été présentée de façon inconsciente : les valeurs de d’ sont faibles et ne diffèrent
pas significativement de 0 (p = 0,57). En rouge, l’amorce a été présentée de façon consciente : les valeurs de d’
sont élevés et significativement différentes de 0 (p = 0,001).
c) Discussion
Cette deuxième expérience permet d’établir l’existence d’un amorçage catégoriel significatif en condition
consciente, même avec des amorces qui n’ont jamais été catégorisées au préalable par le sujet. Cet effet
conscient est de 22 ms alors qu’il était de 17 ms dans l’expérience 1.
En condition inconsciente, l’effet d’amorçage catégoriel est confirmé par l’ANOVA. Il est de 8 ms alors
qu’il était de 6 ms dans l’expérience 1. Dans le modèle linéaire, on ne retrouve pas l’effet d’amorçage catégoriel qui était présent en analyse unilatérale dans l’expérience 1. En revanche, il révèle un effet d’amorçage
lié à l’indice de terminaison ainsi qu’une triple interaction terminaison de l’amorce, catégorie de l’amorce et
catégorie de la cible, qui n’étaient pas retrouvés dans l’expérience 1.
L’expérience 2 réplique donc l’effet d’amorçage catégoriel inconscient que l’on observait avec l’ANOVA
dans l’expérience 1. Dans le modèle linéaire, l’effet d’amorçage catégoriel n’est plus significatif mais il y a un
effet d’amorçage lié à la terminaison. Il n’y avait pas de corrélation entre l’indice de terminaison de
l’expérience 1 (utilisé dans l’expérience 2) et la catégorie des amorces.
Il est possible que le délai entre les amorces subliminales et les cibles (16 ms versus 100 ms dans
l’expérience 1) ait été suffisant pour analyser l’orthographe des amorces mais trop court pour que les sujets
parviennent à extraire leur catégorie grammaticale.
33
Expérience 2. Réplication de l’expérience 1 - Discussion
Les blocs de répétition ont révélé, pour les essais non répétés, un effet d’amorçage catégoriel inconscient nettement plus important que dans la tâche principale (29 ms versus 8 ms) mais pas d’amorçage lié à
la terminaison. Le profil de l’amorçage inconscient dans les blocs de répétition est comparable à celui de
l’amorçage conscient dans les tâches principales des expériences 1 et 2. Autrement dit, quand les sujets ont
déjà catégorisé les amorces, celles-ci sont traitées comme des amorces conscientes : elles entraînent un
amorçage catégoriel robuste mais pas d’amorçage lié à la terminaison.
On peut supposer que la détermination de la catégorie grammaticale d’un mot se décompose en deux
étapes. La première permet d’orienter grossièrement vers une catégorie grammaticale grâce à la terminaison du mot. La seconde permet d’identifier précisément la catégorie du mot même si sa terminaison est
trompeuse.
Plusieurs arguments étayent l’hypothèse d’un traitement en deux temps. D’une part, l’effet de la terminaison n’est retrouvé en condition inconsciente que dans l’expérience 2 lorsque le délai entre l’amorce et la
cible est très court. D’autre part, l’analyse par le modèle linéaire des temps de réaction les plus courts (inférieurs à la médiane) révèle un effet de la terminaison en condition consciente et dans les blocs de répétition
alors que cet effet n’était pas présent dans l’analyse de l’ensemble des temps de réaction. Ainsi, même lorsque les sujets ont déjà perçu consciemment les amorces, la terminaison semble jouer un rôle dans les
étapes les plus précoces de la détermination de la catégorie grammaticale.
Le fait qu’un amorçage catégoriel soit retrouvé dans les blocs de répétition alors que le délai entre
amorce et cible est très court suggère qu’avoir vu consciemment les amorces au préalable accélère le traitement des amorces et permet l’extraction rapide de leur catégorie grammaticale.
Il semble donc exister un effet d'amorçage catégoriel conscient et inconscient qui ne peut pas être attribué à des effets d'amorçage orthographiques, phonologiques, syntaxiques, sémantiques, morphologiques
ni à une association stimulus-réponse (cf. Introduction et discussion de l'expérience 1).
Toutefois, nous avons montré l'existence d'un amorçage catégoriel alors que les sujets devaient réaliser une tâche de catégorisation grammaticale sur les cibles, le bouton de réponse pour la cible étant le
même que celui pour l'amorce en cas de congruence catégorielle. Il est donc possible qu'il y ait une composante liée à l'amorçage moteur de la réponse (Abrams & Greenwald, 2000; Dehaene et al., 1998; Greenwald
et al., 2003).
Nous avons souhaité étudier l'effet d'amorçage de la catégorie dans un contexte syntaxique en utilisant des amorces de catégories différentes des cibles, permettant ainsi d'évaluer le traitement de la catégorie indépendamment de l'effet d'amorçage moteur de la réponse.
34
Expérience 3. Amorçage syntaxique pour les noms et les verbes - Introduction
4) Expérience 3. Amorçage syntaxique pour les noms et les verbes
a) Introduction
Nous avons vu dans les expériences 1 et 2 qu’il existait un amorçage catégoriel au niveau conscient
et inconscient, c’est-à-dire qu’un mot pouvait amorcer un autre mot de la même catégorie que lui dans une
tâche de catégorisation grammaticale.
La syntaxe correspond à un ensemble de lois régissant l’assemblage des mots dans une phrase. La
détection automatique des erreurs se traduit en électro-encéphalographie par un tracé particulier de
mismatch negativity (Hasting et al., 2007; Menning et al., 2005; Pulvermüller et al., 2008; Pulvermüller &
Shtyrov, 2003). Dans un paradigme d’attentional blink, Battertink et Neville ont montré que des erreurs
syntaxiques pouvaient être détectées de façon inconsciente.
Les facteurs syntaxiques pourraient jouer un rôle dans la détermination consciente et inconsciente de
la catégorie grammaticale d’un mot (Pulvermüller, 2002).
Dans notre troisième expérience, nous étudions la place du contexte syntaxique dans la détermination
de la catégorie grammaticale. L’objectif est d’évaluer si le cerveau peut également fonctionner de façon
prédictive en utilisant la catégorie d’un mot conscient ou subliminal pour anticiper celle du mot qui va suivre.
L’amorce et la cible seront donc conçues pour former un couple syntaxique.
L'amorce était soit un déterminant "un" ou "le", soit un pronom personnel "on" ou "il". Le mot cible était
un nom masculin ou un verbe intransitif conjugué à l’indicatif présent à la troisième personne du singulier.
Tous les mots commençaient par des consonnes, afin que le déterminant "le" n'ait pas besoin d'être élidé.
Nous avons retiré les noms qui étaient non comptables (par exemple "pétrole") car ils ne pouvaient être
utilisés avec le déterminant indéfini "un", et les verbes impersonnels (par exemple "pleut") qui ne
convenaient pas au pronom "on".
Comme dans les expériences 1 et 2, nous voulions éviter que l’orthographe puisse faciliter la détermination de la catégorie grammaticale des cibles. Pour qu'elles ne soient différenciées que par la catégorie,
nous avons créé des paires de noms et de verbes appariés pour l’orthographe, si possible, voisins orthographiques (c’est-à-dire ne différant que d’une lettre), ayant des terminaisons qui ne puissent constituer un indice pour la catégorie grammaticale (Arciuli & Monaghan, 2009), par exemple "rôle" et "rôde".
D’autre part, nous voulions qu’il y ait un seul type d'amorçage syntaxique donc nous avons éliminé les
verbes transitifs pour éviter un amorçage "le" -verbe.
Pour éviter des amorçages différentiels entre les mots, nous n'avons utilisé que des mots ayant une
valence émotionnelle neutre (Gaillard et al., 2006) de fréquence, et de longueur comparables en moyenne.
Enfin, nous avons veillé à ce qu'il existe une diversité sémantique, excluant la possibilité d'un amorçage sémantique (Van den Bussche & Reynvoet, 2007).
La tâche de répétition permettait de s’assurer que les amorces étaient traitées inconsciemment et
étudiait l’effet d’amorçage catégoriel d’un pronom et d’un déterminant. Elle était réalisée après la tâche de
visibilité, pour que les résultats de cette dernière reflètent la visibilité de l’amorce dans la tâche principale.
b) Matériel et méthodes
i) Participants
Le mode de recrutement, les critères d’inclusion et d’exclusion étaient identiques à ceux des expériences 1 et 2.
35
Expérience 3. Amorçage syntaxique pour les noms et les verbes - Matériel et méthodes
ii) Stimuli
Dans cette expérience, l’amorce était soit un déterminant "un" ou "le", soit un pronom personnel "on"
ou "il". Le mot cible était un nom masculin ou un verbe intransitif conjugué à l’indicatif présent à la troisième
personne du singulier, commençant par une consonne.
Nous avons construit 30 paires nom/verbe faisant office de cibles, comparables dans leur orthographe, leur terminaison, leur nombre de lettres et leur fréquence dans la langue française en moyenne ; par
exemple "reptile" et "raffole". Leur fréquence moyenne était de 12 par million (1,29-392,09), leur nombre de
lettres moyen de 6,4 (4-9) (source : Lexique.org). Nous avons exclu les mots qui pouvaient appartenir à
différentes catégories grammaticales ou être homophone ou homographe avec des mots d’autres catégories
grammaticales ou avec d’autres formes conjuguées pour les verbes, les mots ayant une valence émotionnelle forte, et les noms pouvant être dérivés de verbes, par exemple "blocage" dérivé du verbe "bloquer".
Les noms non comptables et les verbes impersonnels ont été exclus.
Les amorces formaient elles aussi des couples "il/le" d’une part et" on/un" d’autre part, similaires dans
leur orthographe, leur nombre de lettres et leur fréquence dans la langue française : fréquence moyenne
11887,4 par million (8586,4-13652,7).
iii) Procédure expérimentale
Les conditions de présentation des stimuli étaient identiques celles de l’expérience 2.
Séquence visuelle pour la présentation consciente à gauche et inconsciente à droite.
Les participants avaient tous les 60 mêmes mots cibles, mais la moitié des participants avait "il" et "le"
comme amorces conscientes et "un" et "on" comme amorces inconscientes, l’autre avait l’inverse.
Les couples amorces-cibles formaient un groupe nominal, par exemple "le-sport", un groupe verbal,
par exemple "il-dort", ou un groupe grammaticalement incorrect, "il-sport" ou "le-dort". Etaient considérés
comme congruents les groupes grammaticalement corrects, et incongruents les groupes grammaticalement
incorrects.
L’expérience était divisée en quatre parties :
- Un entraînement avec 60 essais représentatifs des différentes conditions de présentation, permettant au sujet de se familiariser avec la procédure et de catégoriser les 60 mots cibles (30 noms et
30 verbes appariés).
- L’expérience à proprement parler : 8 blocs de 60 essais, soit 480 essais, avec quatre conditions :
conscient-congruent (n = 120), conscient-incongruent (n = 120), inconscient-congruent (n = 120),
36
Expérience 3. Amorçage syntaxique pour les noms et les verbes - Matériel et méthodes
-
-
inconscient-incongruent (n = 120), présentées dans un ordre aléatoire. Les amorces et les cibles
étaient présentées le même nombre de fois dans chaque conditions.
Deux blocs de "visibilité" comportant 60 essais chacun dont l’objectif était d’étudier la visibilité des
amorces. La tâche consistait à déterminer la catégorie grammaticale des amorces – et non des
mots-cibles qui devaient être ignorés. Chaque amorce était présentée 30 fois, dans la moitié des
cas suivie d’une cible congruente et dans l’autre suivie une cible incongruente. Cette partie de
l’expérience n’était pas en temps limité et les touches attribuées aux réponses n’étaient pas
fixées. Pour que le participant sache quelle touche ("S" ou "L") correspondait à quelle réponse
(pronom ou déterminant), la légende était affichée juste après le mot cible : les mots
"DETERMINANT" et "PRONOM" apparaissaient à l’écran du côté de la touche de réponse
correspondante. Les participants étaient donc obligés d’attendre la légende pour répondre.
Deux blocs dits de "répétition" comportant 64 essais chacun. Les mots cibles ont été remplacés
par les amorces ("il", "le", "un" et "on"). Tous les essais étaient présentés de façon inconsciente
avec 4 conditions possibles : répété (amorce identique à la cible), congruent non répété (amorce
de la même catégorie grammaticale mais n’étant pas le même mot que le mot cible), incongruentsimilaire (amorce de catégorie grammaticale différente mais ayant des similarités orthographiques
avec la cible, par exemple "un" et "on"), incongruent-dissimilaire (amorce d’une catégorie
différente du mot cible et sans similarité orthographique, par exemple "il" et "un"). Chaque mot
était présenté 32 fois en tant qu’amorce et 32 fois en tant que cible, 8 fois dans chaque condition
pour chaque position. Il y avait autant d’essais incongruents que congruents. Les touches "S" et
"L" étaient réattribuées aux catégories "déterminant" et "pronom" et contrebalancées entre les
participants.
Au total, l’expérience durait environ 45 minutes.
Avant le début de l’expérience, les participants ont signé un consentement écrit. Leurs capacités de
lecture étaient vérifiées en leur faisant lire une liste de mots (différents de ceux présentés dans l’expérience)
et il leur était demandé de donner la catégorie grammaticale des 5 premiers mots de la liste et de donner
deux exemples de déterminants et de pronoms personnels.
iv) Données analysées et choix des modèles statistiques
Comme dans les expériences 1 et 2, les essais aux réponses incorrectes et aux temps de réaction
extrêmes (+/-3 déviations standards de la moyenne du participant ou > 1200 ms) n’ont pas été inclus dans
l’analyse.
37
Expérience 3. Amorçage syntaxique pour les noms et les verbes - Résultats
Les mêmes analyses statistiques ont été conduites : analyse de variance (ANOVA) des médianes de
temps de réaction par participant, modèle linéaire mixte en excluant les variables de terminaison.
v) Matériel informatique et programmes utilisés
Le matériel, les programmes utilisés, les conditions d’expérimentation étaient similaires à ceux des
expériences 1 et 2.
b) Résultats
i) Participants
Nous avons testé 23 participants droitiers (dont 6 hommes), de langue maternelle française, âgés
de 19 à 30 ans, moyenne 24 ans. Sept participants ont été exclus : une n’a pas respecté les consignes,
deux avaient une moyenne de temps de réaction supérieure à 800 ms, trois avaient un taux d’erreur supérieur à 10% (arrondi au pourcent près).
ii) ANOVA
La moyenne des temps de réaction moyen des 16 participants inclus était de 619 ms (de 556 ms à
733 ms).
(1) ANOVA selon la congruence grammaticale amorce-cible
L’analyse de variance (ANOVA) des médianes des temps de réaction par participant a montré que les
temps de réaction étaient significativement plus longs en condition inconsciente que consciente (587 ms
versus 572 ms, différence : 15 ms, F1,15 = 25.11, p < 0.0002).
Il existait un effet d’amorçage catégoriel significatif à travers toutes les conditions (congruent 574 ms
versus incongruent 585 ms, différence : 11 ms F1,15 = 37.13, p < 0.0001) ainsi qu’une triple interaction
catégorie de l’amorce, catégorie de la cible, condition de présentation (F1,15 = 12.59, p < 0,003).
Cet effet d’amorçage était retrouvé en condition consciente (562 ms versus 581 ms, différence : 19 ms
t1,15 = 36.05, p < 0.0001).
En condition inconsciente, les temps de réaction étaient respectivement 583 ms pour congruent et
590 ms pour incongruent, c’est-à-dire un effet significatif de 7 ms dans la direction prédite (t1,15 = 2.00,
punilatéral = 0.032).
38
Expérience 3. Amorçage syntaxique pour les noms et les verbes - Résultats
*
***
Temps de réaction en fonction de la congruence entre catégorie grammaticale de l’amorce et celle de la cible et
des conditions de présentation, consciente ou inconsciente. Les barres d’erreur ont été calculées à partir de
l’erreur standard à travers les sujets dans chaque condition en prenant leur temps de réaction réduit (pour
chaque essai : temps de réaction - moyenne globale de leur temps de réaction). Les seuils de significativité sont
issus des ANOVAs. Il existe un amorçage catégoriel significatif en condition consciente, mais pas en condition
inconsciente. *** = pbilatéral < 0.0001 ; * = punilatéral < 0.05.
(2) ANOVA séparées selon la catégorie de la cible
Nous avons conduit des analyses en séparant les cibles selon leur catégorie : nom ou verbe.
Toutes conditions confondues, l’effet d’amorçage catégoriel était significatif pour les verbes (congruent 574 ms versus incongruent 588 ms, différence : 14 ms, F1,15 = 41.34, p < 0.0001) et pour les noms
(573 ms versus 584 ms, différence : 11 ms, F1,15 = 11.28, p = 0.0043).
En condition consciente, il existait un effet d’amorçage catégoriel significatif pour les verbes (561 ms
versus 576 ms, différence : 15 ms, F1,15 = 30.3, p < 0.0001) et pour les noms (562 ms versus 584 ms,
différence : 22 ms, F1,15 = 23.36, p = 0.0002).
En condition inconsciente, il y avait un effet d’amorçage catégoriel significatif pour les verbes (586
ms versus 596 ms, différence : 10 ms, F1,15 = 4.96, p = 0.0416), mais pas pour les noms (580 ms versus 584
ms, différence : 4 ms, F1,15 = 0.3, p = 0.59).
39
Expérience 3. Amorçage syntaxique pour les noms et les verbes - Résultats
Temps de réaction en fonction de la catégorie grammaticale des amorces et de celle des cibles. Les barres
d’erreur ont été calculées à partir de l’erreur standard à travers les sujets dans chaque condition en prenant leur
Indice
de terminaiso
temps de réaction réduit (pour chaque essai : temps de réaction de l’essai - moyenne globale de leur temps de
réaction). Les seuils de significativité sont issus des ANOVAs. Il existe un amorçage catégoriel significatif en
condition consciente et en condition inconsciente pour les verbes. *** = p < 0.001 ; * = p < 0.05 ; ns = non
significatif.
iii) Modèles linéaires
Le modèle utilisé est le suivant :
Model

lmer
(Reaction_Time
~
Conscious_Unconscious
*
Category_of_the_target
Category_of_the_prime + Log10_freq_target + (1 | Participant) + (1 | Target), data = mydata)
*
(1) Modèle linéaire conditions consciente et inconsciente réunies
En regroupant les conditions conscientes et inconscientes, les variables ayant une influence significative sur le temps de réaction étaient (résultats complets en annexe) :
- La catégorie grammaticale de l’amorce (valeur de référence "pronom") : t = 3.11, p = 0.0073
- L’interaction entre catégorie grammaticale de l’amorce et de la cible: t = -5.11, p = 0.0001
- La condition de présentation des amorces (consciente versus inconsciente) : t = 2.35 (valeur de
référence "inconsciente"), p = 0.03
La triple interaction condition de présentation, catégorie de l’amorce et catégorie de la cible était à la
limite de la significativité : t value = 1.93, p = 0.066
(2) Modèle linéaire condition consciente
En condition consciente, il y avait un effet significatif de l’interaction entre la catégorie grammaticale
de la cible et celle de l’amorce (t = -5.03, p = 0.0001). La catégorie grammaticale de l’amorce avait également un effet significatif sur le temps de réaction (t = 3.08, p = 0.0078).
(3) Modèle linéaire en condition inconsciente
En condition inconsciente, la seule variable ayant un effet significatif sur le temps de réaction était
l’interaction entre la catégorie grammaticale de la cible et celle de l’amorce (t = -2.4, p = 0.029).
40
Expérience 3. Amorçage syntaxique pour les noms et les verbes - Résultats
iv) Analyse des erreurs
Les taux d’erreur des participants (arrondi au pourcent près) étaient compris entre 2 et 10%
(moyenne 5,4%).
(1) ANOVA sur les taux d’erreur
Une ANOVA a été conduite sur les moyennes des taux d’erreur par participant en fonction des conditions de présentation de l’amorce, de la catégorie de l’amorce et de la catégorie de la cible.
Que ce soit en réunissant condition consciente et inconsciente ou en les analysant séparément, il n’y
avait pas d’effet significatif de la congruence entre amorce et cible sur le taux d’erreur (ps > 0.3).
Il n'y avait pas différence significative des taux d’erreur entre les cibles verbes et les cibles noms, respectivement 5,5% et 5,3% (p = 0.8).
(2) Régression logistique sur les erreurs
La régression logistique a confirmé l’absence d’effet de la congruence entre catégorie de l’amorce et
catégorie de la cible sur les taux d’erreur (ps > 0.4).
Taux d’erreur (en %) en fonction de la congruence entre catégorie grammaticale de l’amorce et celle de la cible
et des conditions de présentation, consciente ou inconsciente. Les barres d’erreur ont été calculées à partir de
l’erreur standard à travers les sujets dans chaque condition. Il n’y avait pas d’effet de la congruence sur le taux
d’erreur. ns = non significatif.
v) Blocs de répétition
(1) Analyse de l’effet de répétition
Dans les blocs de répétition, nous avons distingué quatre conditions : répété (amorce et cible identiques), congruent non répété (amorce et cible différentes mais ayant la même catégorie grammaticale),
incongruent-similaire (amorce et cible incongruentes pour la catégorie mais similaires sur le plan
orthographique : "il" et "le" ou "on" et "un") et incongruent-dissimilaire ("il" et "un" ou "on" et "le").
L’ANOVA a montré qu’il existait une diminution de temps de réaction significative entre les essais répétés et les essais non répétés (temps médians 527 ms versus 552 ms, différence : 25 ms, F1,15 = 7.34, p <
0.016).
41
Expérience 3. Amorçage syntaxique pour les noms et les verbes - Résultats
Les temps de réaction médians étaient respectivement 527 ms, 550 ms, 544 ms et 552 ms pour les
essais répétés, congruents non répétés, incongruents-dissimilaires et incongruents-similaires.
Il existait une différence significative entre la condition répétée et les conditions incongruentes
dissimilaire et similaire (répété versus incongruente-dissimilaire : différence : 17 ms F1,15 = 5.2, p = 0.038 ;
répété versus incongruent-similaire différence : 25 ms, F1,15 = 8.54, p = 0.01).
La différence entre condition congruente répétée et non répétée était à la limite de la significativité
(différence : 23 ms, F1,15 = 3.93, p = 0.066), dans la direction prédite, et aurait été significative avec un test
de t unilatéral.
En revanche, il n’y avait pas de différence significative entre les conditions incongruente-dissimilaire,
incongruente-similaire et congruente non répétée (ps > 0.17).
Temps de réaction en fonction de la congruence entre catégorie grammaticale de l’amorce et celle de la cible.
Les barres d’erreur ont été calculées à partir de l’erreur standard à travers les sujets dans chaque condition en
prenant leur temps de réaction réduit (pour chaque essai : temps de réaction -moyenne globale de leur temps de
réaction). Les seuils de significativité sont issus des ANOVAs en test t unilatéral. ** = punilatéral < 0.01, * = punilatéral
< 0.05, ns = non significatif
42
Expérience 3. Amorçage syntaxique pour les noms et les verbes - Résultats
Temps de réaction en fonction de la congruence entre catégorie grammaticale de l’amorce et celle de la cible,
de la catégorie de l’amorce et de la catégorie de la cible.
Temps de réaction en fonction de la catégorie de l’amorce et de la catégorie de la cible
(2) Analyse des essais non répétés
Parmi les essais non répétés, ni l’ANOVA, ni le modèle linéaire ne montrait d’effet de l’interaction
entre catégorie de l’amorce et catégorie de la cible (ANOVA : F1,15 = 0.67, p = 0.425, modèle linéaire: t = 0.09, p = 0.39).
Contrairement aux effets d’amorçage catégoriel attendus, les temps de réaction avaient tendance à
être plus courts lorsque les amorces déterminant étaient suivies d’un pronom que d’un autre déterminant :
543 ms versus 552 ms (t = 1.52, p = 0.12).
43
Expérience 3. Amorçage syntaxique pour les noms et les verbes - Résultats
vi) Comparaison des tailles d’effet d’amorçage
Dans l’expérience 3 les effets d’amorçage dans la tâche principale sont respectivement de 19 ms et 7
ms en condition consciente et inconsciente alors qu’ils étaient de 22 ms et 8 ms dans l’expérience 2. Les
temps de réaction sont plus courts dans l’expérience 3 que dans l’expérience 2.
Un test de Student non apparié montre l’absence de différence significative de la taille des effets
d’amorçage conscient et inconscient entre les expériences 2 et 3 (conscient t = -0.94, p = 0.35, inconscient t
= 0.63, p = 0.54). Les noms et verbes sont donc aussi bien amorcés par des mots de leur catégorie que par
des mots les précédant logiquement dans des phrases (respectivement déterminants et pronoms).
Il n’y a pas non plus de différence significative de la taille des effets d’amorçage inconscient entre la
tâche principale et les blocs de répétition dans l’expérience 3 (test de Student apparié : t = -1.42, p = 0.18).
Les déterminants et les pronoms amorcent donc aussi bien des mots de leur catégorie que des mots leur
succédant logiquement dans des phrases (respectivement noms et verbes).
vii) Tâche de visibilité
Dans la tâche de visibilité, les sujets n’étaient pas capables de percevoir les amorces inconscientes
(taux de réponse correcte = 52,1%, d’ = 0.12, t(15) = 0.44, p = 0.66) alors qu’ils percevaient les amorces
conscientes (taux de réponse correcte = 96,6%, d’ = 3.4, t(15) = 7.75, p < 0.0001).
Il n’y avait pas de corrélation significative entre l’amorçage et la visibilité des amorces, ni en condition
inconsciente (respectivement t(14) = 1.93, p = 0,074 et t(14) = 1.27, p = 0.23).
44
Expérience 3. Amorçage syntaxique pour les noms et les verbes - Discussion
Régression de l’effet d’amorçage en fonction de la visibilité de l’amorce (d’). Chaque point représente un
participant. En bleu, l’amorce a été présentée de façon inconsciente : les valeurs de d’ sont faibles et ne diffèrent
pas significativement de 0 (p = 0.66). En rouge, l’amorce a été présentée de façon consciente : les valeurs de d’
sont élevés et significativement différentes de 0 (p < 0.0001).
c) Discussion
Cette troisième expérience explore l’amorçage syntaxique, c’est-à-dire la capacité du cerveau à utiliser la catégorie grammaticale d’un mot pour anticiper celle du mot qui va suivre. Elle montre l’existence d’un
tel amorçage que l’amorce soit présentée consciemment (taille d’effet 19 ms) ou inconsciemment (taille
d’effet 7 ms).
En condition consciente, l’effet d’amorçage est puissant et robuste.
En condition inconsciente l’effet d’amorçage est plus fragile. Avec l’ANOVA, il est significatif uniquement en analyse unilatérale. Le modèle linéaire montre en revanche un effet significatif.
Cette expérience permet également d'éviter l'écueil de l'amorçage moteur de la réponse (Abrams &
Greenwald, 2000; Dehaene et al., 1998; Greenwald et al., 2003, voir discussion de l'expérience 2) puisque la
réponse motrice pour les cibles ne correspondait pas à la catégorie des amorces. En revanche, un autre
biais propre à ce paradigme ne peut être exclu : celui que l'amorçage observé ne résulte pas du traitement
de la catégorie grammaticale du mot amorce mais des probabilités transitionnelles existant entre les mots
(Thompson et al., 2007). En effet, en français, le mot "le" est extrêmement fréquemment suivi d'un nom
commun et pourrait être associé à cette probabilité indépendamment de sa catégorie. Ce biais n'est en
revanche pas présent dans les résultats des expériences 1 et 2.
Dans les blocs de répétition, l’effet d’amorçage catégoriel est complexe. Il existe un effet de répétition
significatif mais les autres conditions sont moins distinctes. Les sujets sont relativement lents lorsqu’il existe
une similarité orthographique entre amorce et cible de catégorie différente. Cela témoigne vraisemblablement d’un effet de voisinage qui trompe les sujets (Davis & Lupker, 2006; van Heuven et al., 2001). Les voisins orthographiques sont des mots qui ne diffèrent que par une lettre (par exemple "un" et "on"). Il est plus
difficile de les distinguer que deux mots qui ne sont pas voisins. Lorsque le sujet voit, par exemple, l’amorce
"on", puis la cible "un", il doit inhiber l’effet d’amorçage lié à l’orthographe pour ne pas répondre "pronom"
(catégorie de l’amorce) mais "déterminant" (catégorie de la cible), c’est pourquoi les temps de réaction sont
plus longs pour la condition incongruent-similaire.
Si l'on suit l'hypothèse d'un amorçage lié aux probabilités transitionnelles, nous devrions observer un
amorçage facilité d'un pronom vers le mot "le" puisque dans la langue française "le" peut aussi être un
45
Expérience 3. Amorçage syntaxique pour les noms et les verbes - Discussion
pronom réfléchi, dans la phrase "il/on le prend" par exemple. A l'inverse les probabilités transitionnelles d'un
déterminant vers un pronom sont nulles "le-il" ou "le-on" n'apparaissant pas en tant que tels dans la langue
française.
Pourtant les pronoms sont autant amorcés par les déterminants et les pronoms dans les blocs de
répétition, ce, malgré l’effet de voisinage précédemment évoqué et les anomalies de probabilités
transitionnelles. Par ailleurs, dans la tâche principale en condition inconsciente, les noms sont autant
amorcés par les pronoms que par les déterminants (pas de différence significative) alors que les proabilités
transitionnelles vont à l’encontre d’un amorçage pronom-nom.
Ces résultats suggèrent l’existence de points communs entre le traitement des pronoms et des noms,
expliquant à la fois leur amorçage par des déterminants et leur propension à amorcer des noms.
La comparaison des tailles des effets d’amorçage ne montre pas de différence significative pour les
amorçages conscient et inconscient dans la tâche principale entre les expériences 2 et 3, ni pour l’amorçage
inconscient entre la tâche principale et les blocs de répétition de l’expérience 3. Les effets d’amorçage catégoriel et syntaxique sont donc de même taille : les noms et les verbes sont aussi bien amorcés par d’autres
noms et verbes que par des déterminants et des pronoms, de même les pronoms et les déterminants amorcent aussi bien des verbes et des noms que d’autres pronoms et déterminants.
46
Discussion générale
5) Discussion générale
a) Résumé des principaux résultats
Nos expériences montrent l’existence d’un amorçage grammatical. Nous avons prouvé la propension
d’un mot à amorcer un mot de la même catégorie grammaticale que lui (amorçage catégoriel) mais aussi à
amorcer un mot qui lui succèderait logiquement dans une phrase (amorçage syntaxique). L’influence de la
catégorie grammaticale de l’amorce a été retrouvée aussi bien en condition consciente qu’inconsciente.
Ces résultats ne peuvent pas être attribués à des effets d'amorçage orthographiques, phonologiques,
syntaxiques, sémantiques ou morphologiques puisque ces paramètres étaient contrôlés (noms et verbes
cibles appariés sur ces paramètres) et indépendamment de l’association stimulus-réponse.
L’amorçage conscient catégoriel et syntaxique est robuste. L’amorçage inconscient est de plus petite
taille mais il est présent dans les 3 expériences. Les tailles des effets d’amorçage catégoriels et syntaxiques
sont comparables.
Dans les expériences 1 et 2, nous retrouvons un effet d’amorçage catégoriel inconscient.
Par ailleurs, les terminaisons des mots cibles avaient une influence significative sur la détermination
de leur catégorie grammaticale (par exemple, un mot terminé par "er" suggérait fortement un verbe). Cet
effet était reproductible. Ainsi, nous avons pu créer une variable quantitative reflétant l’indice que constitue
une terminaison vis-à-vis de la catégorie grammaticale et en étudier les effets en matière d’amorçage.
Dans l’expérience 2, le modèle linéaire révèle un effet d’amorçage inconscient par l’indice de terminaison de l’amorce pour la catégorie grammaticale de la cible.
L’effet de l’indice de terminaison des amorces n'est retrouvé qu'en condition inconsciente lorsque le
délai entre amorce et cible est très court (16 ms), et uniquement lorsque les amorces n'ont jamais été vues
consciemment par le participant. Dans les autres conditions, cet effet peut être observé dans l'analyse des
temps de réaction courts. Cela suggère, d'une part, que la terminaison intervient dans le traitement précoce
de la catégorie grammaticale, d'autre part, que le fait d'avoir vu consciemment les amorces permet aux sujets d'extraire leur catégorie grammaticale beaucoup plus rapidement, éclipsant l'effet des terminaisons.
Pour rendre compte de ces résultats, nous proposons donc un modèle en deux étapes, dans lequel (1)
la terminaison d’un mot constitue un premier indice de sa catégorie grammaticale ; (2) dans un second
temps, le cerveau accède au lexique syntaxique afin de déterminer, pour les mots connus, la catégorie
grammaticale à laquelle ils appartiennent. Il faut noter que cette seconde étape peut effacer la première, par
exemple dans le cas d’un mot comme "berger" dont la terminaison suggère qu’il s’agit d’un verbe alors que
le lexique montre qu’il s’agit d’un nom.
b) Bases cérébrales des deux étapes impliquées dans le traitement de la
catégorie grammaticale
Des équipes ont étudié le décours temporel du traitement auditif des phrases et distinguent également
le traitement de la forme du traitement de la catégorie grammaticale (Friederici, 2002).
La perception auditive et visuelle des mots implique des aires sensorielles différentes : cortex auditif
d’une part, cortex visuel puis aire de la forme visuelle des mots en occipito-temporal ventral gauche d’autre
part. Toutefois, l’activité cérébrale qui suit la perception visuelle ou auditive de mots converge après 250 ms
dans les régions temporales, l’aire de Broca, puis les régions frontales (Marinkovic et al., 2003). Selon les
études sur le traitement auditif des phrases, le gyrus temporal supérieur postérieur gauche jouerait un rôle
dans l’analyse de la forme des mots et le gyrus temporal supérieur antérieur gauche et l’operculum frontal
dans l’analyse de la catégorie (Friederici, 2002, 2012, voir schéma ci-après).
D’autres auteurs pensent que le gyrus frontal inférieur gauche serait impliqué dans l’extraction de la
catégorie grammaticale des mots (Snijders et al., 2009) et la capacité à prédire le mot suivant grâce au contexte syntaxique (Hernández et al., 2014; Iijima et al., 2009; Iijima & Sakai, 2014).
47
Discussion générale
Modèle du décours temporel des processus impliqués dans le traitement d’une phrase entendue. Extrait de
Friederici, 2002. STG = gyrus temporal supérieur, MTG = gyrus temporal moyen, IFG = gyrus frontal inférieur,
MTL = lobe temporal moyen, LAN = left antérior negativity, BA = aire de Brodmann
c) Limites de nos résultats et asymétrie de l'amorçage selon la catégorie
Nos résultats présentent plusieurs limites. Dans l'expérience 1, les amorces conscientes étaient les
mêmes mots que les cibles, les effets d'amorçage conscient pouvaient donc être liés à une association stimulus-réponse (Abrams & Greenwald, 2000; Damian, 2001). En effet, les sujets ayant déjà catégorisé les
amorces conscientes en tant que cibles, l’amorçage pouvait être strictement moteur, c’est-à-dire induit par la
reconnaissance du mot indépendamment du traitement spécifique de sa catégorie grammaticale.
Ce biais est éliminé dans l'expérience 2 où les amorces conscientes sont des mots n'ayant jamais été
catégorisés par les sujets, confirmant l'existence d'un amorçage conscient indépendamment de l'association
stimulus-réponse.
Il persiste cependant un biais d'amorçage moteur de la réponse, la tâche et les boutons de réponse
étant identiques pour l'amorce et la cible en cas de congruence (Dehaene et al., 1998; Greenwald et al.,
2003). Ce biais est néanmoins contrôlé par l'expérience 3 puisque les catégories des amorces et des cibles
sont différentes, ne pouvant entraîner d'amorçage de la réponse.
En revanche, l'expérience 3 présente un autre biais qui est absent des deux premières, l'effet d'amorçage pourrait reposer sur des probabilités transitionnelles et non sur le traitement de la catégorie grammaticale de l'amorce (Thompson et al., 2007). En effet, les mots "le" et "un" sont très fréquemment suivis de
noms communs dans la langue française et l'effet d'amorçage peut être le reflet de cette probabilité transitionnelle sans que les participants aient véritablement traité la catégorie grammaticale de ces mots. Ce biais
est cependant inexistant des expériences 1 et 2. D'autre part, dans les blocs de répétition de l'expérience 3,
les pronoms sont autant amorcés par les déterminants que par les pronoms. De même, dans la tâche
principale en condition inconsciente, il n'y a pas de différence significative d'amorçage pour les cibles noms
par des amorces déterminants ou pronoms personnels, alors que les successions "déterminant-pronom" et
"pronom-nom" sont inexistantes dans la langue française.
Ces résultats suggèrent qu’en condition inconsciente les pronoms peuvent être considérés comme
des noms (absence d'incongruence catégorielle pronom-nom et absence d'incongruence syntaxique
déterminant-pronom).
48
Discussion générale
d) Expériences complémentaires
L’ensemble de ces résultats nécessite d’être confirmé par des paradigmes testant les amorçages catégoriels et syntaxiques en tenant compte des biais sus-cités.
A l’avenir, nous prévoyons de conduire des études d’imagerie cérébrale fonctionnelle et en magnétoencéphalographie afin de mettre à l’épreuve notre modèle du traitement de la catégorie grammaticale en
deux étapes, identifiant les régions impliquées dans chacune d’elles et la propagation de l’activité cérébrale
correspondante
L’effet de "repetition suppression" (Dehaene et al., 2001) au gré des effets d’amorçage, catégoriel, ou
lié à la terminaison, pourrait préciser le rôle de chaque région cérébrale dans ce processus.
Par ailleurs, puisqu’un amorçage syntaxique inconscient a été retrouvé, il serait intéressant de voir s’il
dépend d’un contexte grammatical large ou uniquement du mot qui précède la cible, en utilisant des séquences visuelles de plus de deux mots, par exemple, "je" + "le" + nom ou verbe, où "le" pourrait être
masqué. Ce paradigme permettrait aussi de tester l'hypothèse d'un amorçage lié aux probabilités transitionnelles.
Une autre façon d'explorer cette question serait de voir s'il existe un effet de l'amorçage reposant exclusivement sur caractéristiques grammaticales de la cible, par exemple la nominalité. Dans ce cas, il pourrait y avoir des effets d'amorçage entre un déterminant féminin et un nom masculin (par exemple "la-poulet")
reposant sur l'amorçage déterminant-nom. Cet effet pourrait être additif avec l'amorçage lié au genre
(Ansorge et al., 2013) en cas de double congruence de la catégorie et du genre.
Enfin l'utilisation de pseudo-mots permettrait d'étudier à la fois l'amorçage syntaxique indépendamment des probabilités transitionnelles ainsi que l'effet des terminaisons, congruentes ou incongruentes
avec la catégorie qui leur est attribuée.
e) Conclusion
Nos résultats concordent avec d'autres expériences menées sur les effets d'amorçage grammatical
inconscient (Ansorge et al., 2013; Iijima & Sakai, 2014) et plaident en faveur de l'existence d'un "lexique
syntaxique", niveau de traitement au cours duquel le cerveau retrouverait rapidement les propriétés grammaticales des mots (catégorie, genre, nombre d’arguments, etc). Nous avons montré l'existence d’un effet
d’amorçage inconscient lié à la catégorie grammaticale de deux natures, catégoriel et syntaxique, de taille
comparable, et par quatre catégories grammaticales différentes : nom, verbe, déterminant et pronom. Ces
résultats ont des implications dans le champ de recherche de la conscience, puisqu’ils repoussent plus loin
le degré de complexité des informations pouvant être traitées de façon subliminale. Dans le champ du langage, ils soutiennent l’hypothèse d’un traitement automatique et inconscient des informations de catégorie
grammaticale, et suggèrent également l’absence de distinction complète entre un pronom personnel et un
nom à ce niveau.
49
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53
Annexes - Listes de stimuli utilisés dans les expériences 1 et 2
Annexes
Listes de stimuli utilisés dans les expériences 1 et 2
accoudoir
annuaire
arbre
atelier
bachelier
bénitier
clavier
cocotier
concombre
corsaire
dentier
diamètre
dinosaure
dortoir
dossier
échiquier
écuyer
égouttoir
élixir
épervier
escalier
espoir
évier
fakir
gendre
gibier
gosier
grenier
huissier
kilomètre
kir
laurier
loisir
loyer
maire
marronnier
membre
menhir
miroir
mouchoir
apercevoir
abstraire
abattre
apparier
balbutier
bénéficier
clarifier
colorier
confondre
déplaire
danser
débattre
conclure
décevoir
dissocier
étudier
écumer
émouvoir
fournir
expédier
expatrier
enfouir
épier
farcir
fendre
copier
glorifier
gratifier
humidifier
commettre
unir
lier
languir
loger
traire
manier
moudre
maintenir
mincir
mouvoir
navire
nombre
ordre
panier
papier
peignoir
pitre
plaidoyer
poulailler
prêtre
réservoir
sanctuaire
score
secrétaire
semestre
séminaire
spectre
théâtre
ventre
vizir
54
naître
rompre
tordre
plier
parier
polir
produire
pagayer
polluer
prêter
recevoir
suffire
éclore
satisfaire
soumettre
soustraire
souscrire
transmettre
vendre
vernir
Annexes - Listes de stimuli utilisés dans l’expérience 3
Listes de stimuli utilisés dans l’expérience 3
le
un
il
on
bandit
buste
caniche
circuit
contexte
cortège
coyote
critère
cycle
déficit
déluge
désordre
fruit
génie
microbe
paysage
poulpe
primate
régime
répit
reptile
rôle
semestre
sergent
sport
stade
symbole
tonnerre
trèfle
trombone
bondit
subsiste
trébuche
compatit
conspire
coopère
radote
collabore
circule
désobéit
décampe
dérape
frémit
bégaie
succombe
patauge
postule
persiste
réside
surgit
raffole
rôde
sautille
survient
dort
tarde
spécule
transpire
ronfle
titube
55
Annexes - Résultats des modèles linéaires de l’expérience 1
Résultats des modèles linéaires de l’expérience 1
Toutes conditions confondues (expérience 1)
Variables (valeur de référence)
Estimate Std. Error
t value
p value
(Intercept)
578.71
8.71
66.41
0.0000
Category of the prime (verb)
16.05
4.04
3.97
0.0013
Category of the target (verb)
14.55
5.32
2.74
0.0154
Category of the target (verb) * Category of the prime
(verb)
-43.10
5.71
-7.56
0.0000
Category of the target (verb) * ending cue prime
0.05
0.19
0.26
0.3786
Category of the target (verb) * ending cue prime * Category of
the prime (verb)
0.16
0.25
0.65
0.3133
Category of the target (verb) * ending cue target
-0.95
0.17
-5.69
0.0000
Conscious Unconscious (unconscious)
16.78
4.04
4.15
0.0009
-8.61
5.72
-1.50
0.1275
-19.82
5.71
-3.47
0.0035
8.06
4.06
0.0010
0.25
-0.30
0.3738
0.33
-0.28
0.3762
Conscious Unconscious (unconscious) * Category of the
prime (verb)
Conscious Unconscious (unconscious) * Category of the
target (verb)
Conscious Unconscious (unconscious) * Category of the
32.75
target (verb) * Category of the prime (verb)
Conscious Unconscious (unconscious) * Category of the
-0.08
target (verb) * ending cue prime
Conscious Unconscious (unconscious) * Category of the
-0.09
target (verb) * ending cue prime * Category of the prime (verb)
Conscious Unconscious (unconscious) * ending cue prime
0.01
0.18
0.04
0.3920
Conscious Unconscious (unconscious) * ending cue prime *
Category of the prime (verb)
-0.11
0.24
-0.48
0.3474
ending cue prime
0.05
0.13
0.41
0.3587
ending cue prime * Category of the prime (verb)
0.05
0.17
0.29
0.3755
ending cue target
0.94
0.13
7.21
0.0000
Log10 freq target
-7.63
2.44
-3.12
0.0072
56
Annexes - Résultats des modèles linéaires de l’expérience 1
Condition consciente (expérience 1)
Variables (valeur de référence)
Estimate Std. Error
t value
p value
(Intercept)
578.05
8.78
65.85
0.0000
Category of the prime (verb)
16.03
4.08
3.93
0.0014
Category of the target (verb)
14.99
5.62
2.67
0.0176
Category of the target (verb) * Category of the prime
(verb)
-42.86
5.76
-7.45
0.0000
Category of the target (verb) * ending cue prime
0.04
0.19
0.23
0.3811
Category of the target (verb) * ending cue prime * Category
0.17
of the prime (verb)
0.25
0.66
0.3111
Category of the target (verb) * ending cue target
-0.66
0.20
-3.22
0.0059
ending cue prime
0.04
0.13
0.28
0.3765
ending cue prime * Category of the prime (verb)
0.07
0.18
0.43
0.3564
ending cue target
0.78
0.16
4.91
0.0002
Log10 freq target
-6.85
2.94
-2.33
0.0332
Condition inconsciente (expérience 1)
Variables (valeur de référence)
Estimate Std. Error
t value
p value
(Intercept)
595.20
8.78
67.76
0.0000
Category of the prime (verb)
7.52
4.00
1.88
0.0722
Category of the target (verb)
-5.48
4.94
-1.11
0.2084
Category of the target (verb) * Category of the prime (verb) -10.26
5.63
-1.82
0.0793
Category of the target (verb) * ending cue prime
0.17
-0.28
0.3758
Category of the target (verb) * ending cue prime * Category
0.07
of the prime (verb)
0.22
0.32
0.3717
Category of the target (verb) * ending cue target
-1.17
0.17
-6.75
0.0000
ending cue prime
0.06
0.12
0.54
0.3368
ending cue prime * Category of the prime (verb)
-0.06
0.16
-0.39
0.3619
ending cue target
1.01
0.14
7.46
0.0000
Log10 freq target
-8.61
2.47
-3.48
0.0034
-0.05
57
Annexes - Résultats des modèles linéaires de l’expérience 2
Résultats des modèles linéaires de l’expérience 2
Toutes conditions confondues (expérience 2)
Variables (référence)
Estimate Std. Error
t value
p value
(Intercept)
615.90
15.11
40.77
0.0000
Category of the prime (verb)
13.76
4.60
2.99
0.0085
Category of the target (verb)
5.71
6.34
0.90
0.2585
Category of the target (verb) * Category of the prime (verb)
-30.46
6.46
-4.71
0.0002
Category of the target (verb) * ending cue prime (xp1)
-0.21
0.21
-1.03
0.2291
Category of the target (verb) * ending cue prime (xp1) *
Category of the prime (verb)
0.28
0.28
1.00
0.2348
Category of the target (verb) * ending cue target (xp1)
-1.05
0.20
-5.36
0.0000
Conscious Unconscious (unconscious)
22.13
4.58
4.84
0.0001
-12.76
6.49
-1.97
0.0618
-7.87
6.44
-1.22
0.1844
21.78
9.11
2.39
0.0287
-0.47
0.29
-1.62
0.1087
0.66
0.38
1.72
0.0930
Conscious Unconscious (unconscious) * ending cue prime (xp1) 0.21
0.21
1.01
0.2326
Conscious Unconscious (unconscious) * ending cue prime (xp1)
-0.38
* Category of the prime (verb)
0.27
-1.41
0.1450
ending cue prime (xp1)
0.17
0.15
1.19
0.1917
ending cue prime (xp1) * Category of the prime (verb)
-0.16
0.20
-0.83
0.2743
ending cue target (xp1)
1.14
0.15
7.57
0.0000
Log10 freq target
-5.32
3.03
-1.76
0.0876
Conscious Unconscious (unconscious) * Category of the prime
(verb)
Conscious Unconscious (unconscious) * Category of the target
(verb)
Conscious Unconscious (unconscious) * Category of the
target (verb) * Category of the prime (verb)
Conscious Unconscious (unconscious) * Category of the target
(verb) * ending cue prime (xp1)
Conscious Unconscious (unconscious) * Category of the target
(verb) * ending cue prime (xp1) * Category of the prime (verb)
58
Annexes - Résultats des modèles linéaires de l’expérience 2
Condition consciente (expérience 2)
Variables (référence)
Estimate Std. Error
t value
p value
(Intercept)
615.79
14.93
41.24
0.0000
Category of the prime (verb)
13.82
4.67
2.96
0.0091
Category of the target (verb)
5.85
6.51
0.90
0.2591
Category of the target (verb) * Category of the prime (verb)
-30.64
6.56
-4.67
0.0002
Category of the target (verb) * ending cue prime (xp1)
-0.23
0.21
-1.08
0.2166
Category of the target (verb) * ending cue prime (xp1) *
Category of the prime (verb)
0.29
0.28
1.01
0.2322
Category of the target (verb) * ending cue target (xp1)
-1.11
0.22
-5.03
0.0001
ending cue prime (xp1) * Category of the prime (verb)
-0.15
0.20
-0.77
0.2902
ending cue prime (xp1)
0.17
0.15
1.16
0.1989
ending cue target (xp1)
1.15
0.17
6.74
0.0000
Log10 freq target
-5.32
3.44
-1.55
0.1203
Condition inconsciente (expérience 2)
Variables (référence)
Estimate Std. Error
t value
p value
(Intercept)
636.89
15.33
41.55
0.0000
Category of the prime (verb)
1.00
4.52
0.22
0.3834
Category of the target (verb)
-1.41
6.09
-0.23
0.3825
Category of the target (verb) * Category of the prime (verb)
-8.52
6.34
-1.34
0.1587
Category of the target (verb) * ending cue prime (xp1)
-0.65
0.20
-3.23
0.0051
Category of the target (verb) * ending cue prime (xp1) *
Category of the prime (verb)
0.92
0.26
3.52
0.0027
Category of the target (verb) * ending cue target (xp1)
-0.96
0.21
-4.68
0.0002
ending cue prime (xp1)
0.35
0.14
2.49
0.0237
ending cue prime (xp1) * Category of the prime (verb)
-0.54
0.19
-2.91
0.0101
ending cue target (xp1)
1.10
0.16
6.80
0.0000
Log10 freq target
-5.13
3.17
-1.62
0.1085
59
Annexes - Résultats des modèles linéaires de l’expérience 3
Résultats des modèles linéaires de l’expérience 3
Toutes conditions confondues
Variables (référence)
Estimate Std. Error
t value
p value
(Intercept)
596.07
12.00
49.69
0.0000
Category of the prime (pronoun)
15.56
5.00
3.11
0.0073
Category of the prime (pronoun) * Category of the target
(verb)
-36.12
7.07
-5.11
0.0001
Category of the target (verb)
6.20
9.69
0.64
0.3162
Conscious Unconscious (unconscious)
11.72
4.98
2.35
0.0317
-10.07
7.05
-1.43
0.1412
19.27
9.97
1.93
0.0663
0.59
7.06
0.08
0.3909
-9.77
9.05
-1.08
0.2156
Conscious Unconscious (unconscious) * Category of the
prime (pronoun)
Conscious Unconscious (unconscious) * Category of the
prime (pronoun) * Category of the target (verb)
Conscious Unconscious (unconscious) * Category of the
target (verb)
Log10 freq target
Condition consciente
Variables (référence)
Estimate Std. Error
t value
p value
(Intercept)
595.85
12.01
49.59
0.0000
Category of the prime (pronoun)
15.63
5.08
3.08
0.0078
Category of the prime (pronoun) * Category of the target
(verb)
-36.16
7.18
-5.03
0.0001
Category of the target (verb)
6.14
9.71
0.63
0.3180
Log10 freq target
-10.85
9.43
-1.15
0.1995
Condition inconsciente
Variables (référence)
Estimate Std. Error
t value
p value
(Intercept)
607.51
12.03
50.51
0.0000
Category of the prime (pronoun)
5.45
4.88
1.12
0.2072
Category of the prime (pronoun) * Category of the target
(verb)
-16.60
6.91
-2.40
0.0290
Category of the target (verb)
6.85
9.74
0.70
0.3025
Log10 freq target
-8.50
9.50
-0.89
0.2589
60
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