MISE AU POINT
10 | La Lettre du Rhumatologue N° 432 - mai 2017
Alimentation et rhumatismes
inflammatoires
Nutrition and inflammatory rheumatic diseases
G. Chalès*, F. Mazé**
* Professeur émérite de rhumatologie
à la faculté de médecine de Rennes.
** Diététicienne, ancien cadre supé-
rieur au CHU de Rennes.
L
a plupart des maladies chroniques ont des
origines multifactorielles, comprenant des
déterminants génétiques et non modifiables
(âge, sexe) et des déterminants environnemen-
taux (tabagisme, consommation d’alcool, alimen-
tation), qui, eux, sont modifiables. Dans les
maladies chroniques, il est conseillé d’obtenir un
accord mutuel entre le patient et les profession-
nels de la santé, caractéristique essentielle du
processus de “décision partagée” ou de “révélation
des préférences des patients” (1). Ce qui veut dire
que l’opinion, les croyances et les connaissances
du patient sont importantes, en particulier celles
concernant la nutrition, sujet dont le patient reven-
dique la connaissance et qui devient souvent un
terrain de discorde entre le patient et les profes-
sionnels de la santé.
Les patients atteints de rhumatismes inflammatoires
s’interrogent, à juste raison, sur les liens pouvant
exister entre leur maladie et l’alimentation et sur
la possibilité d’une véritable intervention théra-
peutique par la diététique, l’alimentation pouvant
avoir des effets sur l’inflammation et la fonction
immunitaire. L’intérêt des patients pour les méde-
cines alternatives ou complémentaires et l’accès
sans limite à l’information (Internet) compliquent
la tâche du praticien, qui considère souvent avec
scepticisme l’effet thérapeutique de la nutrition.
Comment répondre aux questions des patients sur
ce qu’ils doivent manger pour contrôler les symp-
tômes de la maladie ? Le rôle du médecin et de la
diététicienne consiste à clarifier et à simplifier les
informations, souvent contradictoires, obtenues par
le patient (2).
Patients et alimentation
Que font les patients ? Une enquête récente (3)
sur l’observation d’un régime alimentaire d’évic-
tion par des patients atteints d’un rhumatisme
inflammatoire chronique (RIC) [216 polyarthrites
rhumatoïdes (PR), 166 spondyloarthrites (SpA), trai-
tées par biothérapie dans 75 % des cas], présentée
en 2015 au Congrès français de rhumatologie, est
particulièrement édifiante. Un quart des patients,
et plus particulièrement les femmes (64 femmes
pour 18 hommes), suivaient un régime d’éviction,
quel que soit le RIC. Les types de régime étaient les
suivants : sans lait de vache (81,7 %), sans gluten
(67,1 %), sans lactose (54,1 %), sans viande rouge
(26,1 %), sans féculents (18,8 %) ; certains patients
faisaient plusieurs régimes à la fois. Les patients
jeunes suivaient plus fréquemment un régime (40 %)
que les patients de plus de 65 ans. Fait intéressant,
les patients ne ressentaient pas d’effet bénéfique du
régime sur les symptômes (douleur, gonflements,
fatigue, handicap). Ce régime était mis en place et
contrôlé uniquement par le patient (96 % des cas),
qui le conseillait à un autre patient dans 50 % des
cas. Les sources d’informations sur les régimes
étaient l’entourage, la presse et Internet (3).
Ces données concordent avec celles d’une étude
finlandaise portant sur 164 patients de moins de
65 ans ayant une PR évoluant depuis plus de 5 ans,
dont 26,4 % suivaient un régime précis (végétarien
ou autre), 51,0 % avaient changé leurs habitudes
alimentaires (réduction des graisses animales, de
la viande rouge et des glucides, augmentation de
la consommation de fruits et de légumes), 40,0 %
pensaient qu’il existait un lien entre l’alimentation
et la PR et que l’augmentation de leurs chances de
guérison passait par la modification de leur alimen-
tation (4).
Dans la PR, les patientes, notamment celles qui sont
âgées, pensent que l’alimentation peut influencer
le cours de la maladie, de façon positive (régime
végétarien, légumes, fruits, poissons, oméga 3) ou
de façon négative (produits laitiers, chocolat, sel,
épices, viandes, abats, tomates, épinards, agrumes,
pommes, rhubarbe, café, alcool) et que les méde-
cins ne croient pas à l’impact de l’alimentation
sur la PR, ce qui renforce leurs propres croyances
et leurs recherches d’informations (entourage,
MISE AU POINT
La Lettre du Rhumatologue N° 432 - mai 2017 | 11
Points forts
»
Les macro- et les micronutriments pourraient influencer l’immunité intestinale et systémique via
le microbiote intestinal.
»
Il est important de comprendre : comment les patients souffrant de RIC appréhendent et utilisent
lesinformations concernant l’alimentation ; qui peut les motiver à modifier leurs habitudes alimentaires ;
que certains patients gardent secrète la pratique de manipulations diététiques.
»Il est prouvé que le jeûne suivi par un régime végétarien ou un régime méditerranéen crétois améliore
ladouleur, mais n’a pas d’action sur la raideur et le handicap ; qu’une supplémentation par huile de poisson
peut améliorer une partie de la symptomatologie de la PR.
»
Les effets des manipulations diététiques, comportant des régimes végétariens, méditerranéen, élémentaires
et d’élimination sont incertains.
»Il n’y a pas d’arguments scientifiques en faveur d’un régime sans lait et/ ou sans gluten dans la PR.
»Les effets indésirables des régimes ne doivent pas être ignorés.
Mots-clés
Régime
Nutrition
Rhumatismes
inflammatoires
chroniques
Polyarthrite
rhumatoïde
Spondyloarthrite
Highlights
»
Macro and micronutrients
might affect both intestinal and
systemic immune response via
the intestinal microbiota.
»
It is important to under-
stand: how the patients
suffering from inflammatory
rheumatic diseases; experi-
ence and utilize the available
nutrition information; which
source motivate them to
change their dietary habits;
that some patients keep their
dietary manipulation a secret.
»
There is some evidence
that fasting followed by a
vegetarian eating plan or
a Cretan Mediterranean-
style eating plan improve
pain, but not stiffness and
physical function; that fish oil
supplements may be helpful
in relieving some symptoms in
rheumatoid arthritis.
»
The effects of dietary mani-
pulation, including vegetarian,
Mediterranean, and elemental
eating plans, and elimination
diets on rheumatoid arthritis
are still uncertain.
»
There are no scientific argu-
ments in favor of gluten-free
diet and/or milk-free diet in RA.
»
Potential adverse effects of
dietary manipulation should
not be ignored.
Keywords
Diet
Nutrition
Inflammatory rheumatic
diseases
Rheumatoid arthritis
Spondyloarthritis
médias). Trente à 50 % des patients modifieraient
leur alimentation, en réduisant les apports énergé-
tiques (moins de glucides, moins de lipides, déficit
en calcium, acide folique, vitamine E, zinc, cuivre,
magnésium, sélénium), le plus souvent en cas de
PR sévère, pour des raisons multiples (difficultés
physiques pour préparer les repas, pour mastiquer,
effets digestifs des médicaments, fatigue, régimes
valorisés par les médias et l’entourage, espoir de
contrôler soi-même la maladie).
Il est impératif que les conseils diététiques tiennent
compte des idées reçues des patientes sur les “bons”
et les “mauvais” aliments, si l’on veut améliorer
l’adhésion, en clarifiant et démystifiant les rela-
tions entre alimentation et maladie. En effet, l’ali-
mentation est fréquemment citée comme facteur
déclenchant de la PR ou responsable des poussées
de la maladie.
Quels sont les fondements
rationnels des régimes ?
Les principaux mécanismes d’action d’un nutriment
dans les maladies inflammatoires ont été détaillés
dans une revue générale récente, en particulier le rôle
direct des aliments et des nutriments (effets anti-
oxydant, anti-inflammatoire, immuno modulateur,
épigénétique, toxique) et le rôle des aliments sur le
microbiote intestinal (5). Si l’on suit le fil rouge de
l’inflammation, plusieurs mécanismes potentiels
sont susceptibles d’impliquer l’alimentation dans
les voies de l’inflammation et de l’auto-immunité,
selon des travaux expérimentaux (in vitro, modèles
animaux) [6].
Comment diminuer l’activité
inflammatoire des eicosanoïdes ?
Les eicosanoïdes constituent une famille de molé-
cules dérivées du métabolisme de l’acide arachi-
donique, regroupant prostaglandines, prostacyclines,
thromboxanes et leucotriènes. On sait que les acides
gras (AG) polyinsaturés oméga 3 diminuent la pro-
duction de cytokines pro-inflammatoires tandis
que les AG oméga 6 stimulent la production de
cytokines pro-inflammatoires. Les AG oméga 3 se
trouvent dans les poissons gras, mais aussi dans la
volaille, les noisettes et les baies, et dans l’huile
de colza et de noix. Les poissons gras et les sup-
pléments d’huile de poisson contiennent 2 types
d’AG oméga 3, non synthétisables par l’homme
(AG dit “essentiels”) et dépendant de l’alimentation :
l’acide eicosapentaénoïque (EPA) et l’acide docosa-
hexaénoïque (DHA). L’acide α-linoléique (ALA) est
un AG oméga 3 d’origine végétale (olives, noix, soja,
huile de colza, de lin). L’acide arachidonique, AG
oméga 6 présent dans les membranes cellulaires,
provient des graisses animales de l’alimentation.
Les aliments d’origine végétale ne contiennent pas
d’acide arachidonique. Le régime végétarien permet
ainsi d’éliminer l’apport exogène d’acide arachi-
donique de l’alimentation, susceptible de diminuer
la production d’eicosanoïdes pro-inflammatoires
comme les leucotriènes B4 (LTB4) [7] et les prosta-
glandines E2 (PGE2).
Comment diminuer l’activité
de l’inflammasome NLRP3 ?
Les AG oméga 3 inhibent l’inflammasome NLRP3
dans les macrophages humains in vitro, ce qui
pourrait entraîner une réduction des symptômes
de la PR. Lors du jeûne ou d’un régime cétogène
à faible consommation d’hydrates de carbone
(à la base du régime Atkins), l’organisme produit et
utilise des corps cétoniques (le β-hydroxybutyrate
et l’acétoacétate) comme source d’énergie alterna-
tive à la place de l’ATP ; le β-hydroxybutyrate sup-
prime l’activation du NLRP3 dans les macrophages
en présence de cristaux d’urate de sodium dans un
modèle murin (6). La restriction calorique a été
testée dans la PR, le plus souvent avec des résultats
favorables dans des essais de faibles effectifs (6).
Comment diminuer l’expression
des protéines d’adhésion
sur les lymphocytes et les monocytes ?
En effet, l’expression des molécules d’adhésion
(vasculaire et cellulaire) sur les cellules du système
MISE AU POINT
12 | La Lettre du Rhumatologue N° 432 - mai 2017
Alimentation et rhumatismes inflammatoires
immunitaire contribue à la réponse inflammatoire
dans la PR. Une supplémentation en huile de poisson
modifie l’expression des molécules de surface du
monocyte, et des extraits d’huile d’olive dimi-
nuent, in vitro, l’adhésion des molécules d’adhésion
vasculaire (VCAM-1) et intracellulaire (ICAM-1) et
l’expression des sélectines E (6).
Comment diminuer
la production de cytokines
inflammatoires et promouvoir
la résolution de l’inflammation ?
L’EPA et le DHA peuvent inhiber la production
de cytokines inflammatoires par les leucocytes
humains, selon de nombreuses études in vitro.
Récemment, on a mis en évidence des média-
teurs spécialisés dans la résolution de l’inflam-
mation (Specialized Pro-resolving Mediators [SPM]),
comportant des molécules issues du DHA (résol-
vines, protectines, marésines) capables de faciliter
l’arrêt des phénomènes inflammatoires (stimulation
de la phagocytose macrophagique, diminution de la
production de cytokines inflammatoires) [8].
Comment utiliser
les bactéries du microbiote ?
Lenvironnement microbien, en particulier le micro-
biote intestinal, compte jusqu’à 100 000 milliards
de bactéries ; le séquençage à haut débit a recensé
une dizaine de millions de gènes bactériens, attri-
bués à quelques milliers d’espèces microbiennes qui
protégeraient la barrière muqueuse de son invasion
par les agents pathogènes, métabolisant certains
constituants de l’alimentation en nutriments utiles
et contribuant à l’homéostasie du système immu-
nitaire (9).
Les premières études concernant le microbiote
intestinal au cours des RIC ont révélé des dysbioses
(déséquilibre du microbiote intestinal), aussi bien
au cours de la PR que du rhumatisme psoriasique et
de la SpA, dont certaines ont des similitudes avec
celles décrites au cours des maladies inflammatoires
chroniques de l’intestin (diminution de la diversité
microbienne, raréfaction des Firmicutes ayant des
propriétés anti- inflammatoires) [9].
Les bactéries du microbiote sont impliquées dans
la transformation (digestion) des fibres et autres
denrées alimentaires en métabolites, principale-
ment des AG à chaîne courte (10, 11), qui ont la
capacité : d’influencer la fonction des macrophages
et des cellules dendritiques, ce qui a un effet anti-
inflammatoire ; de diminuer la production de
cytokines inflammatoires (TNFα, IL-6, IFNγ) ; d’aug-
menter le nombre et la fonction des lymphocytes T
régulateurs favorisant la tolérance du soi (10). Les
métabolites issus des nutriments, à savoir les AG à
chaîne courte ou moyenne, ainsi que les AG oméga 3,
agissent comme ligands des récepteurs couplés aux
protéines G (RCPG) de l’épithélium intestinal et des
cellules de l’immunité innée (neutrophiles, macro-
phages) et des lymphocytes T régulateurs, ce qui
stimule les voies anti-inflammatoires.
D’autres mécanismes ont été incriminés :
L’allergie ou l’intolérance alimentaire pourraient
expliquer que certains nutriments, considérés
comme “allergènes potentiels”, déclenchent des
poussées articulaires. Il ne s’agit pas d’une réaction
allergique de type I (par l’intermédiaire des IgE) ou
de type III (complexes immuns). Quelques études
ont montré, dans ce contexte, une augmentation
des IgG (gliadines, lactoglobulines) qui diminuent
ou se normalisent sous régime végétarien ; mais ces
anticorps IgG sont aussi présents chez des sujets
sains. L’intolérance alimentaire est un processus non
immunologique. On a vu plus haut les nutriments
décrits par les patients comme ayant une influence
négative sur leur PR (poussées) : certains peuvent
contenir ou déclencher le relargage d’amines
vasoactives (histamine, sérotonine, octopamine,
phényl éphrine) susceptibles d’être à l’origine de ces
poussées articulaires. Ce point de vue consistant
à considérer certains aliments comme des aller-
gènes potentiels a conduit à diverses manipulations
diététiques (régimes d’élimination, élémentaire,
végétariens, jeûne).
L’augmentation de la perméabilité intestinale,
résultat de l’inflammation intestinale, majorée par
les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS),
les traitements de fond et l’alimentation (café,
thé, épices, ananas, alcool, céréales, lectines des
légumes), pourrait faciliter le passage des antigènes
et une réponse immunologique. Lexclusion de ces
substances pourrait réduire la perméabilité gastro-
intestinale (10).
L’effet placebo (ou nocebo) ou des facteurs
psychologiques peuvent contribuer à la réponse des
patients aux régimes d’exclusion, ou aux modifica-
tions de l’alimentation (régime végétalien, végé-
tarien, élémentaire), car les patients savent que
leur alimentation a changé. Concernant les régimes
végétariens, il a été montré que les patients ayant
une forte croyance dans les traitements alter-
MISE AU POINT
La Lettre du Rhumatologue N° 432 - mai 2017 | 13
natifs rapportent plus d’allergies et d’intolérances
alimentaires que les autres patients, ont un plus
grand contrôle sur leur maladie, et ont plus de faci-
lité, sur le plan psychologique, à modifier leur régime
(profil du candidat pour ce type de régime).
A-t-on des données
épidémiologiques
sur les relations
entre l’alimentation
et le risque de PR ?
La somme des preuves concernant les associations
entre les facteurs diététiques et le risque de PR
est limitée, et les résultats ne sont pas cohérents.
Cela est dû en partie aux différences des métho-
dologies utilisées dans chaque étude pour analyser
une exposition aussi complexe que l’alimentation.
Il est donc difficile de tirer des conclusions fermes
concernant l’association entre différents aliments et
nutriments et le développement d’une PR (que les
facteurs rhumatoïdes et les anticorps anti-CCP soient
positifs ou négatifs). Les preuves les mieux établies
concernent la consommation modérée d’alcool, qui
diminuerait le risque de PR, et la consommation de
poisson, qui contribuerait à la prévention de la PR (11).
Les résultats des essais
cliniques concernant
les manipulations diététiques
sont-ils à la hauteur
des résultats expérimentaux ?
La réponse est globalement non. Les travaux sur
l’alimentation dans les rhumatismes inflam matoires
chroniques (effectués essentiellement dans la PR)
sont relativement anciens, réalisés avant l’appari-
tion des biothérapies (12) ; dans les années 1980,
on voit apparaître des rapports anecdo tiques sur
les liens possibles entre alimentation et PR, avec
les premiers essais contrôlés randomisés (ECR)
concernant les manipulations diététiques ; les
années 1990 sont les plus fertiles en ECR sur les
régimes (jeûne, régime végétarien, végétalien,
élémentaire [liquide contenant des acides aminés
essentiels, acides gras à chaîne moyenne, glucose,
vitamines et minéraux], d’élimination [les aliments
susceptibles d’être la cause des symptômes sont
exclus puis réintroduits]) et sur les supplémentations
en oméga 3. Les années 2000 sont plus axées sur les
régimes méditerranéens, végétaliens, sans gluten,
les supplémentations en oméga 3, pro biotiques et
antioxydants (13).
La revue systématique de Smedslund et al. (14),
portant sur 8 ECR (366 patients), publiés entre 1979
et 2003, comparant une manipulation diété tique
à un régime ordinaire (tableau), a montré qu’un
jeûne suivi par 13 mois de régime végétarien pouvait
diminuer la douleur (− 1,89 sur une échelle visuelle
analogique [EVA] à 10), tout comme un régime
méditerranéen crétois de 12 semaines (− 14 sur une
EVA à 100), sans effet sur la fonction ou la raideur
articulaire ; les effets des régimes végétaliens, végé-
tariens, élémentaires et d’élimination étaient incer-
tains (petits effectifs, risque élevé de bais, 8 % de
sorties d’étude).
Ces manipulations diététiques ont aussi des effets
indésirables, à savoir une perte de poids (− 3,24 kg)
délétère dans une maladie potentiellement cachecti-
sante. Le simple fait de passer d’une alimentation
non équilibrée ( c’est-à-dire riche en acides gras
saturés) à une alimentation “saine” (augmentation
de la consommation de fruits, de légumes et de
fibres, réduction des graisses saturées au profit des
graisses insaturées) peut conduire à un bien-être
expliquant une amélioration de la symptomatologie
de la PR (14).
Le meilleur niveau de preuve (méta-analyses, revues
systématiques) concerne la supplémentation par
l’huile de poisson contenant de l’EPA et du DHA,
Tableau. Résultats des essais cliniques concernant l’effet des manipulations diététiques dans
la PR (d’après [14]).
Type de régime comparé
à une alimentation normale
Paramètres mesurés Effet estimé (IC95)
7-10 jours de jeûne suivis
parun régime végétarien (n=25)
[Skoldstam, 1979]
EVA (0-10) douleur et raideur
à 9 semaines
DMS : − 0,90 (− 2,98 ; 1,18)
DMS : − 0,70 (− 3,09 ; 1,69)
7-10 jours de jeûne suivis
par un régime lactovégétarien
(n=34)
[Kjeldsen-Kragh, 1991]
EVA (0-10) douleur
HAQ (0-3)
DM (heures) à 13 mois
DMS : − 1,89 (− 3,62 ; −0,16)*
DMS : − 0,07 (− 0,48 ; 0,34)
DMS : − 1,08 (− 2,23 ; 0,07)
Régime végétalien sans gluten
(n=61)
[Hafstrom, 2001]
Réponse ACR 20 à 12 mois RR : 8,91 (1,24 ; 64,3)*
Régime méditerranéen (n=51)
[Skoldstam, 2003]
EVA (0-100) douleur
HAQ (0-3)
DM (mn) à 12 semaines
DMS : − 14,00 (− 22,63 ; − 4,37)*
DMS : − 0,20 (− 0,48 ; 0,08)
DMS : − 26,00 (− 58,08 ; 6,08)
Régime élémentaire (n=47)
[Kavanagh, 1995]
Fonction à 4 semaines DMS : − 0,8 (− 4,37 ; 2,77)
DMS : différence moyenne standardisée ; RR : risque relatif ; HAQ :
Health Assessment Questionnaire
; DM : dérouillage
matinal.
* Différence significative.
MISE AU POINT
14 | La Lettre du Rhumatologue N° 432 - mai 2017
Alimentation et rhumatismes inflammatoires
qui atténue une partie des symptômes des PR avérées
(douleur, raideur matinale, nombre d’articulations
gonflées et douloureuses, utilisation des AINS).
Cependant, la dose optimale d’EPA et de DHA utile
pour améliorer la symptomatologie de la PR est
encore débattue (probablement supérieure à 2,7 g/ j
pendant plus de 3 mois) ; le mauvais goût (capsule,
solution) peut être un obstacle à l’adhésion. La
méta-analyse de Miles et Calder (23 études) [15]
a montré un bénéfice systématique mais modeste
des oméga 3 (huile de poisson) sur le nombre
d’articulations douloureuses et gonflées, la durée
du dérouillage matinal, l’EVA globale de la douleur
et de l’activité de la maladie, et l’utilisation des
AINS. En revanche, la méta-analyse de Lee et al.
(10 études) [16] n’a montré un effet bénéfique que
sur la réduction de l’utilisation des AINS, en raison
d’une sélection plus drastique des études (> 2,7 g
d’acides gras oméga 3, pendant plus de 3 mois).
Lessai clinique le plus récent [17] a porté sur 140 PR
débutantes, traitées par une trithérapie conven-
tionnelle (méthotrexate + sulfasalazine + hydroxy-
chloroquine) randomisées en 2 groupes recevant
10 ml d’huile de poisson contenant soit une dose
élevée d’EPA + DHA de 5,5 g/j (87 sujets), soit une
dose faible de 400 mg/ j (groupe témoin, 53 sujets).
Au bout de 1 an, 10,5 % des patients du groupe
dose élevée et 32,1 % de ceux du groupe témoin
avaient commencé à prendre du léflunomide, indi-
quant l’échec de la trithérapie conventionnelle
(HR ajusté = 0,24 ; IC
95
: 0,10-0,54). Le taux de rémis-
sion ACR était significativement plus élevé dans le
groupe huile de poisson que dans le groupe témoin
(HR ajusté = 2,09 ; IC95 : 1,02-4,30).
Outre son effet bénéfique pour les articulations,
l’huile de poisson peut aussi avoir un intérêt pour
diminuer le risque cardiovasculaire de la PR, même
si un certain nombre de méta-analyses récentes
ont montré qu’il n’y avait pas réellement de
bénéfice cardiovasculaire en cas de consomma-
tion importante d’acides gras polyinsaturés et de
consommation plus faible d’acides gras saturés,
en soulignant qu’il existe de nombreuses raisons
expliquant les résultats contradictoires concernant
l’effet “cardio protecteur” des oméga 3 : origine eth-
nique des populations étudiées ( Japon-Alaska versus
États-Unis) ; hétérogénéité des populations étu-
diées, avec des niveaux de risque cardiovasculaire
différents, source des oméga 3 (marine ou végé-
tale), dose (EPA + DHA) et durée d’intervention,
comorbidités associées (diabète), utilisation
concomitante d’hypo lipémiants. La grande revue
américaine Circulation (impact factor : 17), dans
une page dédiée aux patients (santé du cœur et
oméga 3), recommande la prise de 0,5 à 1,8 g/ j
d’EPA + DHA (poissons gras ou huile de poisson
ou capsules), de 1,5 à 3 g/ j d’ALA (huile de colza,
de lin, de noix ou capsules), en listant les sources
alimentaires d’oméga 3 et leur contenu en oméga 3 ;
l’association américaine du cœur recommande la
prise de poisson gras 2 fois par semaine (18). Il faut
rappeler que 1 g d’oméga 3 correspond à 50 g de
saumon d’élevage, 60 g de saumon en conserve,
65 g de sardines en conserve, 75 g de maquereau
frais, 130 g de thon en conserve.
Les prébiotiques et probiotiques connaissent actuelle-
ment un regain d’intérêt. Une revue récente a souligné
les arguments clés qui suggèrent que le microbiote
intestinal jouerait un rôle dans la pathogénie de la
PR. Une dysbiose (déséquilibre du microbiote intes-
tinal) pourrait conduire à la rupture de la tolérance
immune, qui serait suivie d’un déséquilibre immu-
nitaire favorisant une réponse pro- inflammatoire
au niveau du tractus digestif : d’où l’idée de l’utili-
sation de prébiotiques et de probiotiques comme
intervention prophylactique et thérapeutique contre
l’inflammation du tractus digestif (19).
Les probiotiques sont des micro-organismes vivants
bénéfiques à l’organisme, qui font partie de la flore
intestinale. Les prébiotiques ont pour rôle de fournir
de l’énergie, représentant une source spécifique de
nourriture pour les bactéries intestinales, et plus
précisément pour les bonnes bactéries. Ce sont
des sucres, comme la cellulose, le lactose, des
galacto- oligosaccharides, et surtout l’inuline. Ils
sont fermentés par la microflore bactérienne et
résistants lors de leur passage dans l’estomac et
l’intestin grêle, avant d’arriver dans le côlon, leur
destination finale. En ingérant des prébiotiques, on
pourrait donc contrôler la population bactérienne,
c’est-à-dire rééquilibrer la flore intestinale, mais ceci
est loin d’être démontré.
Plusieurs études ont montré une amélioration du
Health Assessment Questionnaire (HAQ) ou de la
perception de la PR par le patient. Cependant,
les données concernant l’utilisation des pro-
biotiques chez l’homme sont encore rares et non
concluantes (20).
Deux études iraniennes récentes, randomisées et
contrôlées, ont montré un effet bénéfique de Lacto-
bacillus casei dans la PR : la première concernait la
douleur, le nombre d’articulations douloureuses
et gonflées et le DAS28 chez 46 patientes, et a
montré une amélioration des taux de TNFα, d’IL-12
et d’IL-10 (21) ; la seconde concernait le DAS28 chez
60 patientes (21).
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