MISE AU POINT
La Lettre du Rhumatologue • N° 432 - mai 2017 | 11
Points forts
»
Les macro- et les micronutriments pourraient influencer l’immunité intestinale et systémique via
le microbiote intestinal.
»
Il est important de comprendre : comment les patients souffrant de RIC appréhendent et utilisent
lesinformations concernant l’alimentation ; qui peut les motiver à modifier leurs habitudes alimentaires ;
que certains patients gardent secrète la pratique de manipulations diététiques.
»Il est prouvé que le jeûne suivi par un régime végétarien ou un régime méditerranéen crétois améliore
ladouleur, mais n’a pas d’action sur la raideur et le handicap ; qu’une supplémentation par huile de poisson
peut améliorer une partie de la symptomatologie de la PR.
»
Les effets des manipulations diététiques, comportant des régimes végétariens, méditerranéen, élémentaires
et d’élimination sont incertains.
»Il n’y a pas d’arguments scientifiques en faveur d’un régime sans lait et/ ou sans gluten dans la PR.
»Les effets indésirables des régimes ne doivent pas être ignorés.
Mots-clés
Régime
Nutrition
Rhumatismes
inflammatoires
chroniques
Polyarthrite
rhumatoïde
Spondyloarthrite
Highlights
»
Macro and micronutrients
might affect both intestinal and
systemic immune response via
the intestinal microbiota.
»
It is important to under-
stand: how the patients
suffering from inflammatory
rheumatic diseases; experi-
ence and utilize the available
nutrition information; which
source motivate them to
change their dietary habits;
that some patients keep their
dietary manipulation a secret.
»
There is some evidence
that fasting followed by a
vegetarian eating plan or
a Cretan Mediterranean-
style eating plan improve
pain, but not stiffness and
physical function; that fish oil
supplements may be helpful
in relieving some symptoms in
rheumatoid arthritis.
»
The effects of dietary mani-
pulation, including vegetarian,
Mediterranean, and elemental
eating plans, and elimination
diets on rheumatoid arthritis
are still uncertain.
»
There are no scientific argu-
ments in favor of gluten-free
diet and/or milk-free diet in RA.
»
Potential adverse effects of
dietary manipulation should
not be ignored.
Keywords
Diet
Nutrition
Inflammatory rheumatic
diseases
Rheumatoid arthritis
Spondyloarthritis
médias). Trente à 50 % des patients modifieraient
leur alimentation, en réduisant les apports énergé-
tiques (moins de glucides, moins de lipides, déficit
en calcium, acide folique, vitamine E, zinc, cuivre,
magnésium, sélénium), le plus souvent en cas de
PR sévère, pour des raisons multiples (difficultés
physiques pour préparer les repas, pour mastiquer,
effets digestifs des médicaments, fatigue, régimes
valorisés par les médias et l’entourage, espoir de
contrôler soi-même la maladie).
Il est impératif que les conseils diététiques tiennent
compte des idées reçues des patientes sur les “bons”
et les “mauvais” aliments, si l’on veut améliorer
l’adhésion, en clarifiant et démystifiant les rela-
tions entre alimentation et maladie. En effet, l’ali-
mentation est fréquemment citée comme facteur
déclenchant de la PR ou responsable des poussées
de la maladie.
Quels sont les fondements
rationnels des régimes ?
Les principaux mécanismes d’action d’un nutriment
dans les maladies inflammatoires ont été détaillés
dans une revue générale récente, en particulier le rôle
direct des aliments et des nutriments (effets anti-
oxydant, anti-inflammatoire, immuno modulateur,
épigénétique, toxique) et le rôle des aliments sur le
microbiote intestinal (5). Si l’on suit le fil rouge de
l’inflammation, plusieurs mécanismes potentiels
sont susceptibles d’impliquer l’alimentation dans
les voies de l’inflammation et de l’auto-immunité,
selon des travaux expérimentaux (in vitro, modèles
animaux) [6].
Comment diminuer l’activité
inflammatoire des eicosanoïdes ?
Les eicosanoïdes constituent une famille de molé-
cules dérivées du métabolisme de l’acide arachi-
donique, regroupant prostaglandines, prostacyclines,
thromboxanes et leucotriènes. On sait que les acides
gras (AG) polyinsaturés oméga 3 diminuent la pro-
duction de cytokines pro-inflammatoires tandis
que les AG oméga 6 stimulent la production de
cytokines pro-inflammatoires. Les AG oméga 3 se
trouvent dans les poissons gras, mais aussi dans la
volaille, les noisettes et les baies, et dans l’huile
de colza et de noix. Les poissons gras et les sup-
pléments d’huile de poisson contiennent 2 types
d’AG oméga 3, non synthétisables par l’homme
(AG dit “essentiels”) et dépendant de l’alimentation :
l’acide eicosapentaénoïque (EPA) et l’acide docosa-
hexaénoïque (DHA). L’acide α-linoléique (ALA) est
un AG oméga 3 d’origine végétale (olives, noix, soja,
huile de colza, de lin). L’acide arachidonique, AG
oméga 6 présent dans les membranes cellulaires,
provient des graisses animales de l’alimentation.
Les aliments d’origine végétale ne contiennent pas
d’acide arachidonique. Le régime végétarien permet
ainsi d’éliminer l’apport exogène d’acide arachi-
donique de l’alimentation, susceptible de diminuer
la production d’eicosanoïdes pro-inflammatoires
comme les leucotriènes B4 (LTB4) [7] et les prosta-
glandines E2 (PGE2).
Comment diminuer l’activité
de l’inflammasome NLRP3 ?
Les AG oméga 3 inhibent l’inflammasome NLRP3
dans les macrophages humains in vitro, ce qui
pourrait entraîner une réduction des symptômes
de la PR. Lors du jeûne ou d’un régime cétogène
à faible consommation d’hydrates de carbone
(à la base du régime Atkins), l’organisme produit et
utilise des corps cétoniques (le β-hydroxybutyrate
et l’acétoacétate) comme source d’énergie alterna-
tive à la place de l’ATP ; le β-hydroxybutyrate sup-
prime l’activation du NLRP3 dans les macrophages
en présence de cristaux d’urate de sodium dans un
modèle murin (6). La restriction calorique a été
testée dans la PR, le plus souvent avec des résultats
favorables dans des essais de faibles effectifs (6).
Comment diminuer l’expression
des protéines d’adhésion
sur les lymphocytes et les monocytes ?
En effet, l’expression des molécules d’adhésion
(vasculaire et cellulaire) sur les cellules du système