SOMMAIRE
La pratique du financement de la recherche par le secteur industriel est en augmentation au
Québec et au Canada. En effet, la recherche orientée en partenariat avec le secteur privé
s’aligne aux nouvelles priorités gouvernementales, qui favorisent les projets avec un
potentiel de retombées commerciales (Miningou, 2014). Peu importe la nature du
partenariat, le secteur public collabore couramment avec d’autres secteurs pour atteindre
ses objectifs et remplir ses mandats (IOM, 2012; Kraak et al., 2012; Roehrich et al., 2014;
Rowe et al., 2013). Par exemple, dans le domaine de la santé, les collaborations visant
l’atteinte d’objectifs de santé publique sont de plus en plus courantes, au Québec et ailleurs
(De Pinho Campos et al., 2011; Marks, 2014; Roehrich et al., 2014).
Dans la littérature scientifique et grise, deux positions prédominent le discours sur les
collaborations avec l’industrie agroalimentaire pour l’atteinte d’objectifs de santé publique:
une position favorable et une défavorable. D’une part, on attribue plusieurs bienfaits aux
collaborations avec le secteur privé. Ceux en faveur de cette pratique considèrent que
l’industrie agroalimentaire représente un vecteur d’action et un partenaire crucial pour la
résolution de problèmes complexes, et proposent une série de principes indispensables pour
assurer le caractère éthique des collaborations intersectorielles (Johnston et Finegood,
2015; MSPTG, 2013). En ce qui concerne les partenariats de recherche, on dit qu’une
collaboration avec l’industrie agroalimentaire mobilise les ressources financières et
humaines pour la recherche, diversifie l’expertise impliquée dans la collaboration,
accomplit des objectifs qu’un unique acteur ne pourrait remplir seul, contribue à la mise en
pratique des résultats de recherche, facilite les transferts de connaissances entre secteurs et
l’innovation scientifique (IOM, 2012; IRSC, 2013; Kraak et al., 2012; Rowe et al., 2013;
Yassi et al., 2009). D’autre part, ceux en défaveur de cette pratique nomment une série de
problèmes et de risques liés à l’implication de l’industrie agroalimentaire pour
l’amélioration de la santé publique. En effet, l’industrie agroalimentaire est perçue comme
étant un contributeur aux problèmes de surpoids et d’obésité de par la nature des produits
qu’elle commercialise et on compare ses stratégies à celles de l’industrie du tabac
(Brownell et Warner, 2009; Freedhoff, 2014; Johnston et Finegood, 2015; Marks, 2014).
De plus, comme elle possède des intérêts commerciaux qui visent la maximisation des
profits et qu’elle détient des intérêts dans les fruits de la recherche produite, il peut être
problématique qu’une compagnie provenant de l’industrie agroalimentaire finance des
études sur des sujets liés à la santé publique ou des populations (Freedhoff, 2014; MSPTG,
2013). On estime également que l’implication de l’industrie agroalimentaire dans la
recherche crée des biais systémiques, susceptibles de se perpétuer dans le temps et que les
partenariats avec des acteurs agroalimentaires amènent des situations de conflits d’intérêts,
qui peuvent influencer les perceptions publiques de leur marque et de leurs produits, et
affecter la crédibilité des institutions qui collaborent avec eux (Kraak et al., 2012; Marks,
2014; Palma et al., 2014; Richards et al., 2015).