Chapitre 2: Le théorème de projection et ses
applications
1 Introduction
En géométrie élémentaire, si Pest un plan et xun point qui n’appartient
pas à P, il existe un unique point yPqui est le plus proche de xau sens
de la distance euclidienne. Ce point yest en fait la projection orthogonale de
xsur le plan P. On va généraliser de manière abstraite cette propriété aux
espaces de Hilbert.
2 Projection sur un convexe fermé
2.1 Le résultat général
Soit Vun espace normé sur Rou C. On rappelle les définitions suivantes
Définition 2.1 : 1) On appelle segment d’extrémités a, b V, le sous-ensemble
de Vdéfini par
(1) [a, b] = {λa + (1 λ)bV; 0 λ1}.
2) un sous-ensemble AVest convexe si pour tous a, b A,[a, b]A.
Exemple : Tout sous-espace vectoriel de Vest un ensemble convexe.
On considère à partir de maintenant un espace de Hilbert Hsur Cavec sa
norme ||x|| =< x, x >.
Théorème 2.2 (de projection) : Soit Aun sous-ensemble convexe fermé (et
non vide) de H. Alors pour tout xH, il existe un unique yAtel que
(2) inf
aA||xa|| =||xy||.
Autrement dit il existe un unique point yAqui est à une distance de xla
plus petite possible 1. Ce point ys’appelle la projection de xsur A.
Notes du cours sur les espaces de Hilbert de M. L. Gallardo, Licence 3-ième année,
Université de Tours. Les démonstrations sont données dans le cours oral.
1. on notera qu’une borne inf n’est pas toujours atteinte. Ici le théorème dit que l’inf est
atteint et en un unique point.
1
2.2 Projection sur un sous-espace fermé
Le cas particulier le plus important du théorème précédent est la projection
sur un sous-espace vectoriel fermé Fde H. Soit alors xH.
Corollaire 2.3 : 1) soit yFtel que ||xy|| = infzF||xz||. Alors xy
est orthogonal à F(i.e. orthogonal à tous les vecteurs zF).
2) Réciproquement si yFest tel que xyF, alors ||xy|| = infzF||xz||
i.e. yest la projection de xsur F.
Définition 2.4 (et Notation) : Dans le cas du résultat précédent, on notera
y=PF(x)et on dira que yest la projection orthogonale de xsur F.
Corollaire 2.5 : La projection orthogonale PF:HFest une contraction
linéaire (i.e. une application linéaire telle que pour tout xH,||PF(x)|| ≤
||x||).
3 Applications du théorème de projection
3.1 Supplémentaires orthogonaux
Soit Hun espace de Hilbert et AH,A6=un sous-ensemble quelconque.
Définition 3.1 : On appelle orthogonal de A, l’ensemble
(3) A={xH;yA, < x, y >= 0}.
Proposition 3.2 :Aest toujours un sous-espace vectoriel fermé de H.
Proposition 3.3 : Soit Vun sous-espace vectoriel de H. alors (V)=V.
En particulier si Vest fermé, on a (V)=V
Exercice : Soit Mun sous-espace vectoriel de H. Montrer que xMsi et
seulement si
(4) yM, ||xy|| ≥ ||x||.
(indication : pour la condition suffisante, pour y0Met F=Cy0la droite
engendrée par y0, on pourra remarquer que PF(x)=0puis utiliser la propriété
caractéristique de PF).
Théorème 3.4 : Soit Fun sous-espace vectoriel fermé de H. Alors
(5) H=FF(somme directe orthogonale).
Autrement dit :
(6) xH, !yF, !zF, x =y+z
(ou le quantificateur !signifie «il existe un unique»).
Remarque et Exercice : L’hypothèse que Fest fermé dans Hest fonda-
mentale. Par exemple si H=l2, le sous-espace vectoriel Edes x= (xi)iN
tels que seules un nombre fini des coordonnées xisont non nulles 2, n’est pas
fermé dans Het on a E={0}. Dans ce cas EE=En’est pas égal à H.
2. i.e. xi= 0 pour tout iassez grand.
2
3.2 Décompositions orthogonales
Soit Dun ensemble fini ou dénombrable. Dans toute la suite on conviendra
que D={1,2, . . . , d}si Dest fini et D=Nsi Dest dénombrable. Soit alors
Hun espace de Hilbert et (en)nDune famille de vecteurs de H.
Définition 3.5 : On dit que (en)nDest un système orthonormal dans Hsi :
(7) n6=mD, < en, em>= 0.
(8) nD, ||en|| =< en, en>= 1
Proposition 3.6 : Si (en)nDest un système orthonormal, alors c’est une
famille (algébriquement) libre de vecteurs de H.
Corollaire 3.7 : Si (en)nDest un système orthonormal dans H, alors
cardD dimH. En particulier dans un espace de Hilbert de dimension finie
les systèmes orthonormaux sont finis.
Théorème 3.8 (projection sur un s.e.v. de dimension finie) : Soit e1, . . . , en
un système orthonormal fini et V=V[e1, . . . , en]le sous-espace vectoriel de
Hengendré par les ei. Alors
(9) xH, PV(x) =
n
X
i=1
< x, ei> ei.
Corollaire 3.9 : Si xV[e1, . . . , en], alors on a
(10) x=
n
X
i=1
< x, ei> eiet ||x||2=
n
X
i=1 |< x, ei>|2.
Corollaire 3.10 (inégalité de Bessel) : Soit (en)nDest un système orthonor-
mal dans H, alors
(11) xH, X
nD|< x, ei>|2≤ ||x||2.
(où PnD|< x, ei>|2est une somme finie si Dest fini et une série conver-
gente si D=N).
3.3 Séries de Fourier associées à un système orthonormal
Soit (en)nDest un système orthonormal dans Hqu’on suppose fixé pour
les définitions et les résultats qui suivent.
Définition 3.11 : Pour tout xH, on appelle :
1) coefficient de Fourier d’ordre nD(où n-ième coefficient de Fourier) le
nombre < x, en>(C),
2) série de Fourier de xla série 3PnD< x, en> en.
3. c’est une série de vecteurs de Hsi D=Net une somme finie si cardD < +.
3
Théorème 3.12 : Pour tout xH, la série de Fourier de xest convergente
dans Het sa somme est telle que
(12)
X
nD
< x, en> en
2
=X
nD|< x, en>|2.
Exercice : Soit (λn)nDune suite de nombres complexes. Montrer que la série
PnDλnenest une série de vecteurs convergente dans Hsi et seulement si la
série numérique PnD|λ|2est convergente. Dans ce cas si x=PnDλnenest
la somme de la série, quels sont les coefficients de Fourier de xet que vaut
||x||2?
3.4 Bases hilbertiennes
On a vu au paragraphe précédent que la série de Fourier d’un vecteur xH
est toujours convergente, mais quelle est la valeur de sa somme ? Nous allons
aborder cette question dans ce paragraphe puis y répondre complètement dans
le paragraphe 3.5. On suppose toujours qu’un système orthonormal (en)nD
de Hest donné.
Définition 3.13 : On dit que (en)nDest un système total dans Hsi
(13) {en;nD}={0}.
Autrement dit si xHest tel que < x, en>= 0 pour tout nD, alors x= 0.
Proposition 3.14 : Si V[en;nD]est le sous-espace fermé 4engendré par
les en(nD), alors (en)nDest un système total si et seulement si
(14) V[en;nD]={0}.
Théorème 3.15 : Si (en)nDest un système orthonormal total dans H, alors
(15) xH, x =X
nD
< x, en> en.
Autrement dit tout vecteur de Hest somme de sa série de Fourier. De plus
pour tous x, y H, on a l’égalité de Bessel-Parseval
(16) < x, y >=X
nD
< x, en> < y, en>,
en particulier pour x=y, on obtient
(17) ||x||2=X
nD|< x, en>|2.
Définition 3.16 : Un système orthonormal total (en)nDde Hest appelé
aussi base hilbertienne de H.
4. On rappelle que V:= V[en;nD]est l’ensemble de toutes les combinaisons linéaires
(finies) Pλkenket que V[en;nD]est l’adhérence de Vdans H.
4
Exemple : Si H=`2(voir le chapitre 1), pour tout nNconsidérons
l’élément e(n)= (e(n)
k)kNl2tel que e(n)
k= 0 si k6=net e(n)
n= 1 i.e.
e(n)a toutes ses coordonnées nulles sauf la n-ième qui vaut 1. Le système
(e(n))nNest une base hilbertienne de l2qu’on appelle parfois base hilbertienne
canonique. Le système (e(n))nNest en effet orthonormal et il est total car si
x= (xn)n1`2est tel que < x, e(n)>= 0 alors x= 0 (car < x, e(n)>=xn,
donc toutes les coordonnées de xsont nulles).
Remarque : Une base hibertienne (en)nDde Hn’est une base algébrique
de Hque si cardD < +i.e. si Hest de dimension finie. Par exemple le
sous-espace vectoriel V=V[(e(n))nN]de `2engendré par la base hilbertienne
de `2, n’est pas égal à `2car il ne contient que les vecteurs de `2dont les
coordonnées sont nulles à partir d’un certain rang.
Exercice : Montrer que si (en)nNest une base hilbertienne (infinie) d’un
espace de Hilbert H, le vecteur P
n=1
1
nenHne peut pas s’écrire comme
une combinaison linéaire (finie) des vecteurs en. En déduire que (en)nNn’est
pas une base de Hau sens algébrique. (On remarquera que d’après l’exercice
du paragraphe 3.3, la série P
n=1
1
nenest bien convergente dans Het elle
représente donc un vecteur de H).
3.5 Cas général d’un système orthonormal quelconque
Soit (en)nDun système orthonormal dans H.
Remarque : on notera que (en)nDest toujours une base hilbertienne du
sous-espace vectoriel fermé de Hqu’il engendre.
Théorème 3.17 : Soit V=V[en;nD]le sous-espace vectoriel fermé de
Hengendré par les en(nD) et PVl’opérateur de projection orthogonale sur
V. Alors pour tout xH, on a
(18) PV(x) = X
nD
< x, en> enet ||PV(x)||2=X
nD|< x, en>|2.
On notera que lorsque le système (en)nDest total, on a V=H,PV(x) = x
et on retrouve le résultat du théorème 3.14. comme cas particulier.
Question pratique : Soit Vun sous-espace vectoriel fermé de H, comment
déterminer PV(x)?
Si dimV =d < +, il suffit de déterminer une base orthonormale puis d’ap-
pliquer le théorème 3.7.
Si dimV = +, il suffit de disposer d’un système orthonormal total dans V
et d’appliquer le théorème 3.16. Ceci n’est possible que dans les espaces de
Hilbert séparables comme on le verra dans le paragraphe 4.
Le procédé d’orthonormalisation de Gram-Schmidt : Soit (bn)nD(où
Dest fini ou dénombrable), une famille libre de vecteurs de Het soit V=
V[bn;nD]le sous-espace vectoriel engendré par les bn. Pour tout kN,
soit Vk=V[b1, . . . , bk]le sous-espace engendré par les kpremiers vecteurs. On
considère alors la suite des vecteurs (cn)nDobtenus de la manière suivante :
(19) c1=b1, c2=b2PV1(b2), . . . , ck=bkPVk1(bk), . . . (kN).
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