UE 4 – Rein et voies urinaires Dr. Vandroux Date : 09/09/14 16/10/2015 Plage horaire : 10h45-12h45 8h30/10h30 Promo : DCEM1 2015/2016 2014-2015 Ronéistes : ALBY Camille Bénédicte DE GRAEVE BARANES Charlotte Ryma HENNI Alcaloses métaboliques I. Définition II. Causes A.Pertes gastriques acides B.Diurétiques C.Contraction volumique D.Traitement alcalinisant III. Classification des alcaloses métaboliques IV. Complications des alcaloses métaboliques A.L’alcalose métabolique entraîne-t-elle une hypoventilation ? B.Pourquoi la réponse ventilatoire à l’alcalose métabolique est-elle faible ? C.Effet de l’alcalose métabolique sur l’oxygénation périphérique V. Traitements des alcaloses métaboliques I. Définition L’alcalose métabolique est un désordre acido-basique fréquent chez le patient hospitalisé (fréquent aussi en médecine générale, mais les patients sont soumis à beaucoup moins d’agressions à domicile qu’à l’hôpital où on verra que certaines choses peuvent favoriser une alcalose) , favorisé en particulier par l’importante prescription de certains diurétiques. Cette alcalose est souvent sans conséquences mais la mortalité est significative selon l’importance de l’alcalose (pH>7,55 = 40% de mortalité). Le diagnostic repose sur l’augmentation des bicarbonates plus importante que la PaCO2 ne laisserait présager. (idem acidose métabolique) L’alcalose s’auto-entretient malgré la correction du problème initial : la déplétion en chlore limite l’excrétion urinaire des bicarbonates. Retenir : alcalose métabolique = augmentation bicarbonates associée le plus souvent à perte Chlore (2 anions principaux). Conséquences sur l’auto entretien : même si vous essayez d’enlever les bicarbonates, si vous n’avez pas assez de chlore pour qu’il y ait électro neutralité, pas de perte d’assez bicar.. Penser à ajouter du chlore dans la plupart des alcaloses. II. Causes - Pertes gastriques acides = perte de HCl (perte de H+ entrainant l’alcalose, perte aussi de Cl- importants) (exemples : vomissements, sondes gastriques) Pertes peu importantes sauf vomissements - Diurétiques (prescription+++) - Contraction volumique (mécanisme à connaître) - Traitement alcalinisant Les deux derniers sont plutôt des situations intra hospitalières A. Pertes gastriques acides Les pertes gastriques doivent être importantes pour que la fuite de H+ soit significative (vomissements, pas que) Le plus de pertes gastriques : une aspiration naso-gastrique (sonde, nourrit pas la personne, aspiration, perte du liquide dans l’estomac) continue induit une alcalose par perte de Na+, de K+, de Cl-, d’H+ et par perte volémique (d’autant plus importante si le patient n’est pas correctement réhydraté). C’est la situation la plus fréquente entrainant une alcalose. Traitement principal : le sérum physiologique : on peut souvent compenser l’alcalose en amenant le Na+ et le Cl- perdus sans compenser les pertes en H+. (NaCl, sérum phys) Le déficit en H+ peut être estimé en soustrayant la concentration gastrique en Cl- de la somme des concentrations en Na+ et K+ (principe d’électroneutralité). Non utilisé en pratique B. Diurétiques Il faut que ce soit des diurétiques n’entrainant pas de perte de bicarbonates. Ils entraînent l’alcalose métabolique par pertes électrolytiques et/ou contraction volumique (volume de sang plus petit par perte d’eau, donc augmentation de la concentration des autres ions notamment bicarbonates) L’excrétion de chlore augmente avec la diurèse, le Cl- suit le Na+ éliminé dans les urines. Non réabsorbé, il est remplacé par les bicarbonates pour maintenir la neutralité électrique (c’est donc le mécanisme inverse de celui des acidoses métaboliques). L’augmentation de réabsorption de bicarbonates par perte de chlore entretient donc l’alcalose. Il existe une déplétion potassique (pas avec tous les diurétiques) qui est due à l’augmentation du flux de sodium sur le tubule distal qui stimule la pompe Na/K. Cette déplétion potassique augmente la sécrétion de H+ sur le tubule distal et favorise ainsi l’alcalose. Cette pompe (qui fonctionne en compétition, sert à réabsorber le sodium pour maintenir la quantité de sodium et donc le volume d’eau de l’organisme) enlève un Na+ et donc va perdre une charge +, qu’il va falloir compenser par un ion + soit le K+ ou le H+. Si vous avez beaucoup de protons et pas de K, c’est plutôt les protons qui vont passer et inversement. Le magnésium fuit avec la diurèse, favorisant ces pertes potassiques (hypoMg souvent associée hypoK : Mg sert à garder des réserves en K) Les déficits électrolytiques entretiennent l’alcalose en empêchant l’excrétion rénale des bicarbonates (ces déficits favorisent leur réabsorption et réduit l'excrétion tubulaire). En résumé, la plupart des diurétiques (mais pas tous) éliminent l’eau en éliminant du sel, NaCl donc du chlore d’où alcalose. C. Contraction Volumique La réduction du volume extracellulaire favorise l’alcalose métabolique : • Les pertes d’eau libre augmentent la concentration sérique des bicarbonates (et le mécanisme inverse pour les acidoses : augmentation du volume extracellulaire engendre acidose par dilution des bicarbonates). • La diminution de la masse sanguine circulante stimule la libération d’aldostérone et favorise la perte de K+ et d’H+ au niveau du tubule distal. (Rôle aldostérone : récupérer le plus de sodium pour remettre une masse sanguine normal. Elle utilise un transporteur qui échange du Na contre du K+ ou du H+ => favorise alcalose par perte de protons) Q/R : causes contraction volumique =diurétiques, perte eau libre (déshydratation, diabète insipide) 4. Traitement alcalinisant La perfusion de soluté alcalin (par exemple en traitement d’urgence d’une hyperkaliémie) n’entraîne généralement pas d’alcalose métabolique car les ions alcalins perfusés sont rapidement excrétés dans les urines. S’il existe des désordres électrolytiques coexistants qui interfèrent avec l’excrétion de bicarbonates (déplétion en chlore), l’administration de solutions alcalinisantes entraîne une alcalinisation prolongée. Sources d’alcalinisation exogène : - bicarbonate de sodium (mais généralement on l’utilise si la personne est en alcalose) - le Ringer lactate (RL) - acétate (utilisé en nutrition parentérale), - citrates qui sont des chélateurs du calcium (forment un complexe avec le calcium) évitant la coagulation du sang et auquels le patient est exposé lors d’une transfusion (citrate dans les poches de sang), ou dans les machines d’hémofiltration (= mode de dialyse, en cas de contre-indication à l’héparino thérapie, ajout de citrates dont le rôle sera de maintenir la fluidité du sang entrant dans la machine, sachant que du calcium est ajouté « en fin de circuit » pour que le sang filtré retrouve ses propriétés de coagulation). Schéma d’orientation diagnostique Pour faire simple, quand vous avez une alcalose métabolique (idem pour tous les désordres métaboliques déjà vus) 1ère question à se poser : quel est l’état du VEC ? Déshydraté (le plus souvent) en raison d’une perte de liquide urinaire ou de vomissements). Ensuite on regarde la quantité de chlore dans les urines : - perte de chlore d’origine digestive (vomissement, aspiration) ou diarrhées chroniques, utilisation importante de laxatifs (régimes artificiels) - beaucoup de chlore au niveau des urines : utilisation de diurétique (la plupart sont des natriurétiques, faisant partir du Na accompagné de Cl), syndrome de Bartter et hypercalcémie sont plus rares. Si le VEC est augmenté, autres mécanismes : - le principal = hyper aldostéronisme (l’adostérone stimule la pompe Na/H perte H+ mais récupération Na+ donc augmentation de volume). - Cushing, les excès de glucocorticoïdes ont des effets similaires (aldostérone like), mais moins importants - Dans les syndromes paranéoplasiques, certaines tumeurs pouvant sécréter des hormones proches de l’aldostérone ou de glucocorticoides - consommation de réglisse - HTA rénovasculaire : HTA induite par la vascularisation des reins. En cas de sténose de l’artère rénale, le sang qui arrive au rein est insuffisant (diminution de la filtration glomérulaire et de la pression artériolaire dans les reins), ce qui active la production d’aldostérone. Il s’agit d’un hyperaldostéronisme secondaire III. Classification des alcaloses métaboliques Elles se classent en chloro-sensible et chloro-résistante en fonction de la chlorurie. Un seuil de chlorurie (UCl) entre 10 et 15 mEq/L différencie ces deux types à partir d’un échantillon d’urine. UCl < 10 mEq/L : alcalose chloro-sensible : Le traitement sera alors de rajouter du chlore. UCl > 15 mEq/L : alcalose chloro-résistante : Le traitement sera alors plus compliqué, il faudra rajouter un médicament en plus : un diurétique. (ajouter du NaCl => absorption de plus de NaCl, perte de davantage de protons) /! Il y a un piège, un modèle qui ne rentre pas dedans : sonde nasogastrique (alcalose chlorosensible sans pouvoir le voir sur le ionogramme urinaire) (en gris = non abordé) A propos des diurétiques : Ils entraînent pour la plupart une alcalose métabolique soit par contraction volumique, soit par perte de chlore, soit par perte de bicarbonate. Dans ce cas là, le traitement de la majorité des alcaloses métaboliques consistera à enlever l'aldostérone, pour empêcher la réabsorption de Na+ par le rein : il s'agit d'un diurétique. Es diurétiques sont classés en plusieurs groupes, dont : - Les thiazidiques - Les épargneurs de potassium sont actifs sur le tube contourné proximal. L'aldactone est un diurétique spécial, il a une action sur le tube contourné distal uniquement, c'est pour cela qu'on l'utilise dans les alcaloses métaboliques. Mais les diurétiques peuvent entraîner une alcalose chloro-sensible tout en ayant une UCl > 15 mEq/L (perte importante chlore) • Alcalose chloro-sensible : A SAVOIR !! - Elle se caractérise par une déplétion en chlore et en volume - Pertes gastroduodénales d’acide chlorhydrique : vomissements, SNG, dérivations digestives (perte de chlore même si le diagnostic n’est pas sur l’analyse) - Diurétiques de l’anse et thiazidiques • Alcalose chloro-résistante : - Expansion volémique et déplétion en potassium - Excès de minéralocorticoïdes (adostérone, même les glucocorticoides) : Cohn, sténose de l'artère rénale, ttt par corticoïdes Le syndrome ou adénome de Cohn est une tumeur des surrénales qui sécrète de l'aldostérone en excès. La sténose de l’artère rénale va entraîner un hyper-réninisme qui augmente la synthèse de l'aldostérone (SRAA) et de corticoïdes. Schéma récapitulatif de la classification des alcaloses métaboliques Signes cliniques : si trop aldostérone, trop minéralocorticoïdes, sténose rénale => HTA (pas HTA signe une autre cause, plutôt chlorosensible) Alcalose métabolique moins visible (≠ acidose : hyperventilation compensatrice..) IV. Complications des alcaloses métaboliques Si l'alcalose métabolique est modérées, elle est bien tolérée et passera inaperçue. L’alcalose sévère (bicarbonates > 50 mEq/L) et l’acidémie sévère (pH > 7,6) peuvent entraîner des convulsions et des troubles du rythme cardiaque. Quels sont les effets sur la ventilation et l’oxygénation périphérique ? A. L’alcalose métabolique entraîne-t-elle une hypoventilation ? Sur une personne normale : pas d’hypoventilation Chez une personne qui a besoin d’une stimulation pour davantage respirer, comme l’insuffisant respiratoire chronique, il y a un risque de perte de cette stimulation, plus de « surrespiration », donc diminution de la ventilation liée à pH normal, il respire moins donc moins oxygène et risque d’hypoxémie. Si l’acidose métabolique stimule la respiration, il est plus difficile d’affirmer que l’alcalose métabolique la diminue. La réponse ventilatoire est variable et peut manquer. Chez les patients sous diurétiques, il est rare de constater une rétention de CO2 (pas de problème de respiration) PaCO2 attendue = 0,7 * HCO3 + 20 +/- 2 Cette formule montre qu’il faudrait une augmentation de bicarbonates très importante pour qu’apparaisse une rétention de CO2. B. Pourquoi la réponse ventilatoire à l’alcalose métabolique est-elle faible ? Les modifications de l’équilibre acido-basique influent sur la ventilation par le biais de chémorécepteurs périphériques. En effet, pour avoir une réponse ventilatoire à une alcalose métabolique, il faut un récepteur transducteur et sensitif : il s'agit de chémorecepteurs qui vont mesurer le pH. (QCM++) L’activité de base (c'est-à-dire l'impulsion de base ) de ces chémorécepteurs reste faible en condition normale de pH, et ils n’envoient que peu d’influx aux centres respiratoires du tronc cérébral. • L’acidose métabolique augmente la fréquence des décharges et stimule la respiration. • En revanche, l’alcalose métabolique ne peut déprimer une activité initialement faible. Le risque d’hypoventilation par alcalose métabolique est donc minime (sauf chez l’insuffisant respiratoire) C. Effet de l’alcalose métabolique sur l’oxygénation périphérique La concentration d’oxygène au niveau des tissus est déterminée par l’équilibre entre apports et consommation. L’alcalose réduit l’apport d’oxygène en diminuant le débit cardiaque et en déplaçant la courbe de dissociation de l’oxygène vers la gauche (effet Bohr) : l'oxygène va être moins redistribué aux tissus alors qu'au contraire, les tissus en ont plus besoin ! Donc physiologiquement, c'est néfaste d'être en alcalose. (effet Bohr, souvenir de paces à savoir absolument selon lui, mais on espère l’avoir dissuadé d’en faire des QCM) Elle peut stimuler la glycolyse et augmenter la consommation d’oxygène. V. Traitements des alcaloses métaboliques Alcalose donc ajouter des protons, manque de chlore donc ajouter du chlore => perfusion d’acide chlorhydrique (HCl) ou per os (dilution +++). Plus simplement, ajout de sérum phys : apporte tout autant de chlore, le métabolisme fait que ce chlore sera ajouté à la place des bicarbonates - Lorsqu'elle est chloro-sensible : Compensation des pertes chlorées par perfusion de sérum physiologique voire d’acide chlorhydrique dans de rares cas. - Acétazolamide (diurétique): inhibe la réabsorption du bicarbonate au niveau du tubule rénal et peut être utilisé si le volume extracellulaire est élevé. Il induit une déplétion potassique (problématique) - AntiH2 (antihistaminique à visée digestive comme le tagamet): diminution de la sécrétion acide gastrique (moins de perte de HCl) - Epuration extra-rénale (troubles hydroélectriques, électrolytiques plutôt importants) - Pour l’alcalose chloro-résistante : bloquer les minéralocorticoides notamment l’aldostérone par un diurétique antialdostérone = aldactone (reconstitution du stock potassique, antagoniste des minéralocorticoïdes, diurétique épargneur de potassium) Retenir : chlorésistant -> aldactone chlorosensible -> NaCl (sérum phy) Ces traitements ne sont utilisés qu’à titre symptomatique en attendant la correction spécifique du problème sous-jacent (rechercher la cause) Ex : si on met de l'aldactone, on ne s'en contente pas. Il faut aussi rechercher par exemple un syndrome de Cohn (scanner, etc…) (généralement : alcalose = résultat des effets adverses de médicaments données précédemment)