Dossier de presse – Saison 2017/2018

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Saison 2017 / 2018
Odéon-Théâtre de l’Europe
Éditorial
Stéphane Braunschweig
Un théâtre ouvert sur le monde et au croisement des générations :
c’est le rêve que j’ai formé dès mon arrivée pour l’Odéon-Théâtre de
l’Europe. C’est dans cet esprit que nous avons bâti cette deuxième
saison.
À l’heure du Brexit, de l’Amérique de Trump, à l’heure des discours de
repli et de fermeture qu’on voit pulluler en France et dans nombre
de pays d’Europe face au terrorisme, face à l’afflux des réfugiés, et
face au désespoir social, la culture plus que jamais a vocation à faire
tomber les frontières des a priori et des peurs, celles de la xénophobie
et des nationalismes ; la culture, et le théâtre en particulier, doit être
cette terre ouverte aux voix multiples, aux échanges et aux circulations,
pour sentir que nous partageons les même questions, les mêmes
inquiétudes et les mêmes espoirs, avec des points de vue différents.
Nous accueillons cette saison des artistes qui viennent d’Italie,
d’Angleterre, mais aussi d’Australie, de Russie, du Brésil et du Vietnam.
Des spectacles qui nous feront voyager de Novossibirsk jusqu’au
fin fond de l’Amazonie. Des spectacles qui seront comme autant de
“rencontres”, pour reprendre le titre si emblématique de l’incroyable
plongée sonore que nous proposera ce poète de la scène qu’est
Simon McBurney : The Encounter.
Ce n’est sans doute pas un hasard si deux de nos artistes associés
ont choisi de suivre par les chemins de la fiction ces vies d’exil, ces
vies de “migrants” comme on dit aujourd’hui, ces vies déchirées
entre le rêve de rentrer chez soi un jour et celui de parvenir à habiter
l’ailleurs. Ulysse et Pénélope serviront de guide à Christiane Jatahy
pour une Odyssée toute contemporaine, tandis que pour Caroline
Guiela Nguyen l’espace intemporel d’un restaurant vietnamien laissera
deviner la Saigon d’hier dans la France d’aujourd’hui.
Rencontre aussi, entre les Trois Sœurs en langue des signes russe
de Timofeï Kouliabine et les Trois Sœurs réécrites par l’Australien
Simon Stone (notre troisième artiste associé) : ces deux jeunes et
brillants metteurs en scène confronteront ainsi leur vision de la plus
Saison 2017 / 2018
Odéon-Théâtre de l’Europe
actuelle sans doute des pièces de Tchekhov, celle d’une jeunesse
qui cherche coûte que coûte un sens au présent.
Kouliabine, Stone, Guiela Nguyen, Jatahy, mais aussi Julien Gosselin
qui reprendra Les Particules élémentaires d’après Houellebecq ; Cyril
Teste qui donnera sa vision à la fois théâtrale et cinématographique
du film-culte Festen ; Anne-Cécile Vandalem et Lucia Calamaro qui
dans leurs propres textes, Tristesses et La Vita ferma, prendront toutes
deux la mort d’une mère comme point de départ, la première pour une
fable aux allures de polar nordique sur la montée des populismes, la
seconde pour un voyage bouleversant et caustique avec les fantômes
de nos disparus : c’est toute une nouvelle génération d’artistes qui
va s’emparer des scènes de l’Odéon et de Berthier pour éclairer de
leurs regards sensibles et singuliers, avec poésie, lucidité, et humour
très souvent, la complexité de notre monde et de nos existences.
Mais c’est également la vertu des grands auteurs de continuer à
nous parler par-delà les siècles. Regarder notre époque confuse dans
le miroir qu’ils nous tendent est aussi une façon de s’orienter.
Célie Pauthe et Ludovic Lagarde, l’un et l’autre familiers des écritures
contemporaines, se sont tournés vers des classiques : Racine (Bérénice)
et Molière (L’Avare) – des auteurs qui n’ont cessé d’interroger, sur
le mode tragique ou comique, la cécité des passions au cœur des
affaires humaines...
Avec Macbeth, je reviens à Shakespeare, que je n’avais plus monté
depuis longtemps, mais que la scène politique internationale me
rappelle avec urgence : ces figures de toute-puissance ivres de leur
pouvoir ou prêtes à tout pour l’obtenir, cette folie poussée à l’absurde
qui fait tanguer les grands équilibres du monde, m’évoquent ce paysage
d’épouvante, ce champ de bataille livré aux sorcières et aux démons
intérieurs, cette Scottish play dont il ne faut pas prononcer le nom
pour ne pas tomber sous sa malédiction, où Shakespeare a si bien
enchâssé la libido, le pouvoir et le crime, dans une nuit sans sommeil.
Dans cette nuit-là, gardons en tout cas les yeux ouverts !
Les Particules élémentaires
de Michel Houellebecq
mise en scène Julien Gosselin
три сестры
[Les Trois Sœurs]
d’Anton Tchekhov
mise en scène Timofeï Kouliabine
La Vita ferma
[La Vie suspendue]
texte et mise en scène Lucia Calamaro
Les Trois Sœurs
un spectacle de Simon Stone
d’après Anton Tchekhov
12 septembre – 1er octobre / Odéon 6e
5 – 15 octobre / Berthier 17e
7 – 15 novembre / Berthier 17e
10 novembre – 22 décembre / Odéon 6e
Festen
24 novembre – 21 décembre / Berthier 17e
Saigon
12 janvier – 10 février / Berthier 17e
de Thomas Vinterberg et Mogens Rukov
mise en scène Cyril Teste
un spectacle de Caroline Guiela Nguyen
Macbeth
26 janvier – 10 mars / Odéon 6e
Ithaque
16 mars – 21 mars / Berthier 17e
de William Shakespeare
mise en scène Stéphane Braunschweig
Notre Odyssée 1
un spectacle de Christiane Jatahy
inspiré d’Homère
The Encounter
[La Rencontre]
un spectacle de Complicité / Simon McBurney
d’après Petru Popescu
Tristesses
un spectacle d’Anne-Cécile Vandalem
Bérénice
29 mars – 8 avril / Odéon 6e
5 – 27 mai / Odéon 6e
11 mai – 10 juin / Berthier 17e
de Jean Racine
mise en scène Célie Pauthe
L’Avare
de Molière
mise en scène Ludovic Lagarde
2 – 30 juin / Odéon 6e
Les Particules élémentaires
de Michel Houellebecq
mise en scène Julien Gosselin
12 septembre –
1er octobre
Si vous pouviez lécher mon cœur
Odéon 6e
avec
Joseph Drouet, Denis Eyriey,
Antoine Ferron, Noémie Gantier,
Carine Goron, Alexandre Lecroc-Lecerf,
Caroline Mounier, Victoria Quesnel,
Geraldine Roguez, Maxence Vandevelde
adaptation et scénographie Julien Gosselin
lumière Niko Joubert
création musicale Guillaume Bachelé
vidéo Pierre Martin, Jérémie Bernaert
son Julien Feryn
costumes Caroline Tavernier
production Si vous pouviez lécher mon cœur
coproduction Théâtre du Nord – CDN de Lille
Tourcoing Hauts-de-France, Festival d’Avignon,
Le Phénix – Scène nationale de Valenciennes,
La Rose des Vents – Scène nationale Lille Métropole
Villeneuve d’Ascq, Théâtre de Vanves – Scène
conventionnée pour la danse, Le Mail – Scène
Culturelle de Soissons
Les Particules élémentaires,
de Michel Houellebecq, est publié
aux éditions Flammarion, 1998
durée 3h50
Certains textes tiennent à la fois du diagnostic et du symptôme :
ils expriment autant qu’ils décrivent. Publié en 1998, Les Particules
élémentaires est de ceux-là. Ses héros, Michel et Bruno, sont tous deux
nés dans le premier tiers des Trente glorieuses. Adolescents avant mai 68,
ils entrent dans l’âge adulte alors que survient la crise dont la France n’est
jamais sortie depuis. Demi-frères de même mère, sont-ils comme les deux
moitiés d’une humanité qui ne parvient pas à réconcilier ses aspirations
contradictoires ? Le premier est chercheur en génétique. Le second,
après avoir passé une agrégation de lettres modernes, enseigne dans le
secondaire, essaie vaguement d’écrire, y renonce assez vite. Tous deux
ont un sérieux problème avec l’amour, mais pour des raisons strictement
contraires : Bruno incarne son côté « je t’aime », Michel son côté « moi non
plus ». L’un ne cesse de le demander, l’autre de ne savoir y répondre. Car le
désir selon Houellebecq n’a que deux faces également solitaires, que noue
le lien du malentendu. Pour Michel le scientifique, l’amour est une fleur qu’il
lui suffirait de cueillir. Annabelle, la plus belle fille du lycée, ne cache pas
ses sentiments pour lui. Mais lui seul semble ne pas les reconnaître, comme
si, à force de sciences de la vie, la vie même lui avait échappé. Pour Bruno
le littéraire, c’est l’inverse. L’amour ne lui est pas donné, et il n’est pas trop
doué pour. Mais son besoin d’être aimé est irrépressible, et en ces années
où Gainsbourg chante que « l’amour physique est sans issue », il se lance
frénétiquement à sa recherche avant de rencontrer en Christiane, un soir
dans un jacuzzi, la complice tant attendue de ses obsessions.
Les trajectoires de leurs deux vies – deux façons d’être enfermés dans
l’individualisme du XXème siècle finissant – sont étudiées de bout en bout
psychologiquement, sociologiquement, historiquement, dès avant leur
naissance et jusqu’à leurs conclusions respectives : tandis qu’Annabelle et
Christiane se suicident, Bruno finit dans un asile et Michel disparaît dans la
mer, à l’extrême pointe de l’Occident, en laissant derrière lui des manuscrits
qui bouleverseront la face du monde...
No future ? À lire Les Particules élémentaires, le présent semble lui aussi
assez mal en point. Et pourtant, l’existence morne des personnages du
roman est grosse à leur insu d’une postérité inimaginable. Le réalisme
houellebecquien paraît se conjuguer au plus-qu’imparfait du dépressif. Il
s’avère aussi être encadré par, et considéré depuis, un tout autre temps que
le nôtre : celui (pour paraphraser Villon) des frères post-humains qui après
nous vivront. Déchiffrée par notre descendance mutante du haut de son
avenir
de science-fiction, la franche satire du malaise contemporain voit
son amertume féroce doublée d’une secrète compassion.
Quinze ans après la parution des Particules élémentaires, le regard porté
par le romancier sur le dernier demi-siècle n’a rien perdu de son acuité.
Mais depuis, une nouvelle génération est entrée en scène. Il est passionnant
de voir comment Julien Gosselin et ses dix camarades donnent corps à la
mélancolie sardonique des analyses de Houellebecq et à la multiplicité de
Les Particules élémentaires
Julien Gosselin
Julien Gosselin fonde avec de jeunes
comédiens sortis de l’EPSAD la
compagnie Si vous pouviez lécher
mon cœur à Lille en 2009. Il a 26 ans
quand Les Particules élémentaires,
troisième spectacle de la compagnie,
le fait connaître en 2013 d’un large
public. Suivent des projets plus légers,
puis 2666, d’après Roberto Bolaño,
présenté en 2016 au Festival d’Avignon
et aux Ateliers Berthier. Julien Gosselin
est artiste associé au Phénix de
Valenciennes, au TNT de Toulouse et
au Théâtre national de Strasbourg, où
il crée un spectacle avec les élèves
de la promotion 43 : 1993 d’Aurélien
Bellanger (présenté en juillet 2017 au
Festival de Marseille).
ses registres d’écriture. Après 2666, adaptation événement de la somme
romanesque de Bolaño, qui vient d’être distingué par le Grand Prix de la
Critique, Julien Gosselin et sa compagnie reprennent dans la grande salle
de l’Odéon le succès qui les avait révélés aux Ateliers Berthier.
« C’est une chose curieuse... »
Ils longèrent le musée d’Orsay, s’installèrent à une table en terrasse du
XIXème siècle. À la table à côté une demi-douzaine de touristes italiennes
babillaient avec vivacité, tels d’innocents volatiles. Djerzinski commanda une
bière, Desplechin un whisky sec.
« Qu’est-ce que vous allez faire, maintenant ?
- Je ne sais pas... » Desplechin avait réellement l’air de ne pas savoir.
« Voyager... Un peu de tourisme sexuel, peut-être. » Il sourit ; son
visage lorsqu’il souriait avait encore beaucoup de charme ; un charme
désenchanté, certes, on avait visiblement affaire à un homme détruit,
mais un vrai charme tout de même. « Je plaisante... La vérité est que ça
ne m’intéresse plus du tout. La connaissance, oui... Il reste un désir de
connaissance. C’est une chose curieuse, le désir de connaissance... Très
peu de gens l’ont, vous savez, même parmi les chercheurs ; la plupart se
contentent de faire carrière, ils bifurquent rapidement vers l’administratif ;
pourtant, c’est terriblement important dans l’histoire de l’humanité. On
pourrait imaginer une fable dans laquelle un tout petit groupe d’hommes –
au maximum quelques centaines de personnes à la surface de la planète
– poursuit avec acharnement une activité très difficile, très abstraite,
absolument incompréhensible aux non-initiés. Ces hommes restent à jamais
inconnus du reste de la population ; ils ne connaissent ne le pouvoir, ni la
fortune, ni les honneurs ; personne n’est même capable de comprendre le
plaisir que leur procure leur petite activité. Pourtant, ils sont la puissance la
plus importante du monde, et cela pour une raison très simple, une toute
petite raison : ils détiennent les clefs de la certitude rationnelle. [...] À ce
besoin de certitude rationnelle, l’Occident aura finalement tout sacrifié : sa
religion, son bonheur, ses espoirs, et en définitive sa vie. C’est une chose
dont il faudra se souvenir, lorsqu’on voudra porter un jugement d’ensemble
sur la civilisation occidentale. » Il se tut, pensif. Son regard flotta un instant
entre les tables, puis se reposa sur son verre.
Michel Houellebecq : Les Particules élémentaires,
(J’ai Lu, 2000, pp. 267-268)
три сестры
[Les Trois Sœurs]
d’Anton Tchekhov
mise en scène Timofeï Kouliabine
5 – 15 octobre
en langue des signes russe, surtitré en français et anglais
Berthier 17e
avec
Ilia Mouzyko, Anton Voïnalovitch,
Klavdia Katchoussova,
Valeria Kroutchinina,
Irina Krivonos, Daria Iemelianova,
Linda Akhmetzianova, Denis Frank,
Alexeï Mejov, Pavel Poliakov,
Konstantin Télégine, Andreï Tchernykh,
Sergeï Bogomolov, Sergeï Novikov,
Ielena Drinevskaïa
scénographie Oleg Golovko
lumière Denis Solntsev
production Théâtre “Krasnyi Fakel”
(la Torche rouge) – Novossibirsk
coréalisation Odéon-Théâtre de l’Europe,
Festival d’Automne à Paris
avec le soutien de l’Adami
durée 4h15
Étoile montante des scènes russes, Timofeï Kouliabine a déjà été invité à
Moscou, à Vienne, mais jamais encore en France. Lors de leur création,
ses Trois Sœurs ont été qualifiées d’« événement historique » par la critique.
La proposition est en effet d’une radicalité et d’une efficacité extrêmes,
suscitant l’émotion par des voies inédites : ce Tchekhov-ci est joué
intégralement, littéralement, mais sans qu’une seule parole soit prononcée.
Sur scène, les murs de la maison des Prozorov ne sont qu’indiqués au
sol. Toutes ses pièces peuvent donc être habitées en même temps, sans
risque de confusion, car entre le texte tchékhovien et ses spectateurs vient
s’intercaler un niveau inédit : celui de la langue des signes russe, avec son
vocabulaire et sa syntaxe propres, surtitrée en anglais et en français. Du
coup, ce ne sont pas seulement nos oreilles, mais nos yeux qui sont tenus
en alerte et nouent des rapports inédits avec la scène. Les domaines du
familier et de l’énigmatique, du texte et de sa représentation, du proche et
de l’étranger, communiquent selon d’autres règles, dégageant des intensités
nouvelles, des nuances d’humanité ou de cruauté insoupçonnées.
Entretien avec Timofeï Kouliabine
Cela faisait longtemps, dites-vous, que vous souhaitiez monter une
pièce en langue des signes...
Timofeï Kouliabine : Oui. J’ai toujours aimé observer, dans la rue, les gens
qui ont des difficultés pour entendre et pour s’exprimer. C’est un exercice
très intéressant que de les regarder parler en essayant de comprendre
de quoi il est question. C’est de là que m’est venue cette idée de monter
un spectacle en langage des signes. Etudier ce langage, ce n’est pas
seulement apprendre la langue elle-même, mais aussi la psychologie de
la langue.
Vous dites encore que le choix des Trois Sœurs – la pièce de Tchekhov
dont vous vous sentez le plus proche – s’est imposé de manière assez
évidente...
T. K. : Dès le départ, il était évident qu’il devait s’agir d’une pièce du
répertoire parmi les plus souvent montées. En Russie, Tchekhov est dans
chaque théâtre. Et ses Trois Sœurs ont déjà été mises en scène un nombre
incalculable de fois. J’aurais pu prendre aussi La Cerisaie ou La Mouette,
mais il m’a semblé que la situation décrite dans la pièce collait très bien
avec mon propos. Il est question d’une famille de l’intelligentsia russe qui
vit dans une petite ville de province, où elle est arrivée un beau jour en
provenance de Moscou, et qui ressent cette ville comme très hostile. Loin
de Moscou, les membres de la famille Prozorov éprouvent la solitude.
Or, les personnes sourdes et muettes forment aussi un groupe vivant dans
un cercle fermé, très séparé des gens « ordinaires » : leur environnement peut
leur sembler parfois très difficile à vivre...
три сестры
[Les Trois Sœurs]
Timofeï Kouliabine
Né en 1984, Timofeï Kouliabine se
forme à l’Académie du théâtre de
Russie (GITIS). Il est nommé en 2007
metteur en scène associé du Théâtre
de la Torche rouge de Novossibirsk,
avant d’en prendre la direction en
2015. Il monte une dizaine de pièces de
théâtre et deux opéras au cours de ces
neuf saisons, dont Eugène Onéguine,
d’après Pouchkine, accueilli à Moscou
(Prix spécial 2014 du jury du Masque
d’Or), et Tannhäuser, de Wagner,
créé à l’Opéra de Novossibirsk. Plus
récemment, il a présenté à Moscou
Don Pasquale de Donizetti au Bolchoï
et Ivanov de Tchekhov au Théâtre des
Nations (2016). Sa mise en scène de
Rigoletto de Verdi a été créée à l’opéra
de Wuppertal en avril 2017.
Comment vos comédiens ont-ils réagi, et comment avez-vous travaillé
avec eux ?
T. K. : Ils étaient naturellement curieux et intéressés, puisqu’ils ne savaient
pas vers quoi ils allaient. Un professeur de langue des signes les a suivis
individuellement pour apprendre le texte, assis à la table. Cela leur a
demandé un an et demi. Ils ont ensuite constitué de petits groupes en
fonction de chaque scène, pour répéter le texte entre eux – puisqu’ils
doivent comprendre non seulement leur texte, mais aussi celui du partenaire.
Puis, nous sommes passés au plateau. Je leur demandais de « prononcer »
leur texte – je ne sais quel mot employer – en portant quelque chose, ou en
tenant quelque chose à la main (...), ou encore, puisqu’ils venaient de passer
un an et demi assis, de dire leur texte tout en marchant, en s’asseyant, en
s’allongeant sur la scène : cela a posé tout une série de problèmes, parce
que toute leur attention ayant été centrée sur les mains et sur le texte, ils
avaient désappris à marcher. Réapprendre à marcher, à boire du thé, à tenir
des objets tout en s’exprimant, tout cela a pris du temps. Ce n’est qu’après
cette longue période que j’ai véritablement commencé à mettre en scène
la pièce et à analyser les situations. Nous étions entourés de moniteurs
diffusant les surtitres. Parce que ce sont les surtitres qui envoient l’action,
les comédiens jouent en fonction d’eux : s’il y a une pause dans le texte, il
y en a une aussi dans les surtitres. Ils n’ont pratiquement pas la possibilité
d’improviser. Nous avions en outre avec nous, durant les répétitions, deux
consultants : des personnes sourdes-muettes qui nous donnaient des
conseils au sujet des petits détails de la vie quotidienne. La véracité a été
l’une de nos principales
préoccupations.
Le texte de Tchekhov, disiez-vous, « retouve sa pureté »...
Timofeï Kouliabine : En fait, l’effet produit est étrange. Pour les Russes,
c’est LA Bible du théâtre. Mais quand ce texte est prononcé sur une scène
par des comédiens et quand on le lit ou quand on lit des surtitres, cela fait
une différence très grande : on a alors l’impression de lire ce texte pour la
première fois de sa vie. Et alors on réalise à quel point ce texte est grand,
juste, avec quelle vérité il décrit les comportements humains. Pour moi, cela
signifie que ce texte est toujours vivant, immortel.
Tchekhov est toujours présenté comme l’écrivain de
l’incommunicabilité, ses personnages ont du mal à se comprendre, à
s’entendre. Que devient le fameux « sous-texte » tchekhovien lorsque
les comédiens sont tenus de regarder dans les yeux la personne à
laquelle ils s’adressent ?
Timofeï Kouliabine : Le « sous-texte », c’est quand je dis une chose en en
sous-entendant une autre. Tchekhov ne l’a pas inventé, mais l’a porté à un
point de développement inégalé. Mais le sous-texte n’existe pas pour les
gens sourds et muets. Ils n’ont pas cette nuance d’intonations. Quand on
voit les personnages sur scène, ils se parlent d’une manière très linéaire,
très directe, mais quand on lit les mots de Tchekhov au-dessus d’eux, tous
les sous-textes imaginables se font jour au même moment. Ainsi, le soustexte appartient au spectateur, et non au comédien.
Propos recueillis par David Sanson pour l’Odéon-Théâtre de l’Europe et le
Festival d’Automne à Paris. (Extrait) Traduction de Roustam Akhmedsin
La Vita ferma
[La Vie suspendue]
regards sur la douleur du souvenir
texte et mise en scène Lucia Calamaro
7 – 15 novembre
en italien, surtitré en français
Berthier 17e
avec
Riccardo Goretti, Alice Redini,
Simona Senzacqua
traduction française Federica Martucci
décor et costumes Lucia Calamaro
peintures Marina Haas
production Sardegna teatro,
Teatro Stabile dell’Umbria/Terni festival
en coproduction avec Teatro di Roma,
Odéon-Théâtre de l’Europe, Festival
d’Automne à Paris, La Chartreuse –
Centre national des écritures du spectacle
avec le soutien d’Angelo Mai et PAV
durée 2h30
Lieu où l’on voit, le théâtre est une machine à fantômes. Depuis toujours,
il fait place aux absents. C’est en termes théâtraux que Lucia Calamaro
(triple lauréate en Italie du prix UBU) pose la question de La Vita ferma :
celle de ces individus que sont les morts, celle de « leur façon d’exister en
nous et en dehors de nous ». Calamaro porte sa quête en scène par le biais
d’un récit d’apparence toute simple, mettant en avant un couple, Simona et
Riccardo, et Alice, leur fille. Leurs tranches de vie, saisies dans un temps
qui tantôt se précipite tantôt se fige, alimentent sans pathos une réflexion
sur les liens entre douleur et souvenir, autour de la mort de Simona et de sa
présence persistante (voire insistante !) audelà de sa disparition. Mais chez
Calamaro, la gravité des « drames de la pensée » n’exclut pas un humour
certain, nourri de ressassements obsessionnels et d’intelligence ironique.
Sur le plateau d’un blanc éclatant, les couleurs vives des costumes et
des meubles sont autant d’indices vitaux de résistance. Les trois acteurs
s’interpellent, s’agrippent allègrement avec une tendresse et un appétit de
jeu contredisant les signes extérieurs du deuil. Un hommage éloquent à
l’amour de la mémoire, à la mémoire de l’amour.
« La vie est un drame de la pensée »
Sa gestation a eu en moi la fatigue des temps de la révélation lente et
cachée, en abordant ce drame que la pensée ne sait pas, ne veut pas, ne
peut pas gérer. Pour atteindre le cour de ce « drame de la pensée », j’ai
écarté plus de matière qu’il n’en reste. Mais le reste, ce qui reste, représente
pour moi le point final d’une histoire qui embrasse, délimite et développe le
problème de la gestion intime des morts, question complexe, sporadique
et très souvent culpabilisante. Il ne s’agit pas de la mort, ni du problème de
mourir et de qui meurt, qui se résout sous la cloche mystérieuse du néant,
qui empêche toute compréhension. Mais des morts, leur façon d’exister en
nous et en dehors de nous, leur façon de se rappeler épisodiquement à
nous et surtout leur souvenir, difficilement raccommodé, jamais à la hauteur
de la personne qui est décédée, si peu fidèle et profondément réinventé
par ceux qui sont encore en vie. L’élaboration du deuil ne représente pas la
seule solution, au contraire ; une idéologie provenant peut-être de la vulgate
freudienne demande et exige de répondre à son désir le plus rapidement
possible en trouvant un nouvel objet pour remplacer celui perdu. C’est
peut-être là qu’intervient un récit anodin comme celui-ci, une pratique du
singulier par excellence, afin de s’accorder le droit d’affirmer le caractère
irremplaçable, tragique et radical de chaque amour perdu, de chaque bienaimé disparu. Le drame de penser ou non aux morts est toujours le drame
de la pensée de ceux qui restent et qui offrent ou confisquent une existence.
Je ne peux pas dire de quel genre est l’existence des morts, mais comme
prêche Etienne Souriau « Il n’y a pas d’existence idéale, l’idéal n’est pas un
genre d’existence. » La vie suspendue est donc un espace mental où on
met en scène une tranche de vie de trois personnes lambda vivantes – un
père, une mère, une fille, - à travers l’accident et la perte. Un certain blocage
La Vita ferma
[La Vie suspendue]
Lucia Calamaro
Dramaturge, metteur en scène,
comédienne, Lucia Calamaro a vécu
son enfance à Rome, son adolescence
à Montevideo, ses années d’études
à Paris. Après un diplôme d’art et
d’esthétique à la Sorbonne, elle
retourne en Uruguay et participe à
plusieurs spectacles avant de fonder
à Rome en 2003 la compagnie
Malebolge, qui lui permet de donner
forme à sa propre écriture scénique.
En 2008, elle crée Tumore et en 2012,
L’Origine du monde, portrait d’un
intérieur qui remporte trois prix UBU,
dont celui du Meilleur texte original
italien (spectacle présenté au Théâtre
de la Colline en 2015, dans le cadre
du Festival d’Automne). Lucia Calamaro
enseigne la dramaturgie à l’école Paolo
Grassi de Milan depuis 2014. La Vita
ferma a été créé en septembre 2016
au festival de Terni.
temporel a également eu lieu, amplifiant la réflexion sur la problématique
de la douleur et du souvenir, sur le fossé irréductible entre les vivants et
les morts, et sur cette douleur qui est la seule à pouvoir le combler tout en
résistant.
Lucia Calamaro
Extrait
Alice : Je crois que le travail du deuil accompagne un penchant naturel et
qu’il n’est pas une obligation sociale, mais un processus de sauvegarde
de l’espèce, l’espèce des vivants qui, au fond, pense peu et mal à l’espèce
des morts. Quelle sorte d’être devient un être mort ? Il est assimilable à
quoi ? Sa mutation en fantasme l’annule t-il ? Quelle sorte d’existence c’est
l’existence d’un mort ? Est-on sûr qu’il s’agisse d’un absolu non-être ?
Non. C’est pourquoi, de temps en temps, tu y repenses. Se rappeler c’est
résister. Décider de se souvenir d’un mort, passé un certain temps, c’est
métaboliquement très difficile. Le corps, la tête ne veulent pas. Tu ne te
souviens de rien. Parfois, des bribes de mémoire jaillissent, mais tu ne sais
plus les couleurs, les sons. C’est une vision bricolée, une donnée connue du
présent qui cherche à raviver l’image de plus en plus imprécise mais sans y
parvenir. Tout, en toi, ne demande qu’à vivre ton futur. Face à la mort, nous
sommes, plus que jamais, des animaux.
Lucia Calamaro : La Vita ferma (traduction française de Federica Martucci)
La Vie suspendue suivi de L’Origine du monde, de Lucia Calamaro,
est publié aux éditions. Actes Sud-Papiers, trad. fr. Federica Martucci,
novembre 2017
Les Trois Sœurs
un spectacle de Simon Stone
d’Anton Tchekhov
10 novembre –
22 décembre
en italien, surtitré en français
création
Odéon 6e
avec
Jean-Baptiste Anoumon, Assaad Bouab,
Amira Casar, Éric Caravaca,
Servane Ducorps, Eloïse Mignon,
Laurent Papot, Frédéric Pierrot,
Céline Sallette, Assane Timbo,
Thibault Vinçon
(distribution sous réserve)
décor Lizzie Clachan
costumes Mel Page
musique Stefan Gregory
lumière Cornelius Hunziker
production Odéon-Théâtre de l’Europe
création française d’après la production
originale du Theater Basel
(créée le 10 décembre 2016 en version allemande)
avec le soutien du Cercle de l’Odéon
durée 2h35
Trois sœurs. Semblables, différentes. Trois destins entrelacés. Au fil du
temps, les existences se précisent, les choix se figent, les rêves de la
jeunesse se dissipent dans la médiocrité ambiante. Pourtant elles restent
sœurs, jamais elles ne l’oublient, ni nous non plus... Après Medea, Simon
Stone revient à l’Odéon où il est artiste associé, pour nous offrir une
occasion unique de découvrir, après la version de Kouliabine, sa propre
interprétation du chef-d’œuvre par lequel Tchekhov ouvre le XXème siècle.
L’air de famille, chez Stone, a tout d’un air du temps. L’œuvre du Russe est
ici comme une sœur aînée, celle de l’Australien est sa cadette. Vodka chez
l’une, drogues chez l’autre, ce qui n’interdit pas l’alcool. Il est beaucoup
question d’amour chez la première, de sexe chez la seconde, et de
frustration chez les deux. Nous sommes bien au XXIème siècle. Donald Trump
est Président, les réfugiés de Syrie et d’ailleurs frappent aux portes de
l’Europe. Cette langue électrique, efficace, drôlement désespérée, est celle
de notre modernité. Mais à travers la vitesse télévisuelle des échanges,
nous entendons percer, et nous reconnaissons, la même mélancolie. Sous
les éclairs aveuglants de l’actualité, quelque chose du monde n’a peutêtre pas tant changé que cela depuis 1900. Et ces êtres assis sous nos
yeux « dans l’antichambre du drame », ces « frères humains » qui nous sont
si proches, s’inventent des histoires en attendant comme autrefois que le
rideau se lève sur la vraie vie. Simon Stone dirigera ici pour la première fois
des acteurs français.
Simon Stone
Extrait
O Je crois que c’est juste des maux
de tête. Je veux dire, je suis allée chez
le docteur et il a parlé de migraines je
ne comprends pas ce truc de « devoir
rester couchée cinq heures dans le noir
sans quoi je vomirai ».
K La clé n’est pas là ? O Mais ça arrive
de plus en plus souvent. Je travaille
trop. Ça existe ça, les maux de tête
à cause du stress ? Je veux dire, ça
existe vraiment ? Parce que les gens
en parlent mais ils parlent aussi de
transmission de pensée et de chakras.
J’aimerais bien que les scientifiques
soient plus respectés, comme ils
l’étaient avant.
T Quand ils insistaient pour dire que la
Né à Bâle, en Suisse, en 1984, de parents australiens, Simon Stone grandit
en Angleterre, à Cambridge. De retour en 2007 en Australie, il y fonde
The Hayloft Project et assure sa réputation dès sa première production :
L’Éveil du printemps, de Wedekind, qui remporte les prix majeurs du théâtre
australien. Avec sa compagnie, il développe un travail fondamentalement
collectif, qui ne cesse de tester des hypothèses sur le contenu, la forme
et le potentiel du théâtre. Simon Stone a été l’artiste associé du Belvoir St
Theatre (Sydney) de 2010 à 2013. Suivent des adaptations où son sens du
plateau, son talent narratif et ses qualités de directeur d’acteurs se donnent
libre cours. Thyeste, de Sénèque, plusieurs Tchekhov (dont une Cerisaie,
et en 2008 un Platonov monté dans un magasin de Melbourne), Le Canard
sauvage, d’Ibsen, lui valent très vite une notoriété internationale. Installé
en Europe depuis 2015, il est artiste associé au Theater Basel (Angels in
America de Tony Kushner, qui remporte en Autriche le Prix Nestroy 2016 de
la Meilleure mise en scène en langue allemande ; Drei Schwestern, d’après
Les Trois Sœurs de Tchekhov), au Toneelgroep Amsterdam (Husbands and
Wives de Woody Allen ; Medea d’après Euripide ; Ibsen huis, programmé au
Festival d’Avignon 2017) et à l’Odéon-Théâtre de l’Europe (où il a présenté
Medea, en juin 2017). Il travaille aussi pour l’opéra et dans d’autres théâtres
en Europe, notamment à Hambourg (Peer Gynt, d’Ibsen) au Burgtheater de
Vienne (John Gabriel Borkman, du même auteur) et à Londres, au Young Vic
Les Trois Sœurs
Terre était plate ?
K Est-ce qu’on l’a laissée ailleurs ?
O Pour que je puisse au moins croire
une seule chose. Il y a trop d’options,
trop de théories réfutées, reprouvées,
quand même réfutées et à chaque fois
que tu ouvres ton application lemonde.
fr le cancer n’existe soudainement plus
ou bien le fait de manger des pommes
de terre est quand même bon pour toi
ou se laver les dents ne sert à rien – S
Peut-être que tu as une tumeur.
O Euh ?
Simon Stone : Les Trois Sœurs (trad. fr.
Robin Ormond)
(Yerma, d’après García Lorca). Son premier long-métrage, The Daughter
(inspiré de sa mise en scène du Canard sauvage), est sorti en salles en
2015. Il est artiste associé de l’Odéon-Théâtre de l’Europe.
Festen
de Thomas Vinterberg et Mogens Rukov
adaptation théâtrale Bo Hr. Hansen
mise en scène Cyril Teste
10 novembre –
22 décembre
Berthier 17e
avec
Estelle André, Vincent Berger,
Hervé Blanc, Sandy Boizard ou
Marion Pellissier, Sophie Cattani,
Bénédicte Guilbert, Mathias Labelle,
Danièle Léon, Xavier Maly,
Lou Martin-Fernet, Ludovic Molière,
Catherine Morlot, Anthony Paliotti,
Pierre Timaitre, Gérald Weingand
et la participation de Laureline Le Bris-Cep
adaptation française Daniel Benoin
collaboratrices artistiques Sandy Boizard,
Marion Pellissier
scénographie Valérie Grall
illustration olfactive Francis Kurkdjian
création culinaire Olivier Théron
lumière Julien Boizard
chef opérateur Nicolas Doremus
montage en direct Mehdi Toutain-Lopez
musique originale Nihil Bordures
production Collectif MxM
production déléguée Bonlieu scène nationale Annecy
avec le soutien de la Fondation d’entreprise Hermès
dans le cadre de son programme New Settings
coproduction MC2 : Grenoble, Théâtre du Nord
– CDN de Lille Tourcoing Hauts-de- France, La
Comédie de Reims – CDN, Le Printemps des
Comédiens, TAP – Scène nationale de Poitiers,
Espace des Arts – Scène nationale Châlon-surSaône, Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines –
Scène nationale, Lux – Scène nationale de Valence,
Célestins – Théâtre de Lyon, Le Liberté – Scène
nationale de Toulon, Le Parvis – Scène nationale
Tarbes-Pyrénées, Théâtre de Cornouaille – Scène
nationale de Quimper avec la participation du
DICRéAM, de KKDC, d’agnès b., d’Olivier Théron
– Traiteur & Évènements, de La Ferme du Buisson
– Scène nationale de Marne-la-Vallée, de la Maison
Jacques Copeau
Les auteurs sont représentés dans les pays
francophones européens par Renauld & Richardson,
Paris ([email protected]) en accord avec l’Agence
Nordiska ApS, Copenhague, Danemark
durée 1h50
Festen est une triple histoire de cinéma, de théâtre et de famille : un grand
film superbement réalisé, mais aussi un texte dramatique de plein droit. Cette
œuvrecarrefour offre un matériau idéal à Cyril Teste et au Collectif MxM
pour poursuivre, après le succès de Nobody, leur exploration des sociétés
contemporaines par le biais de la performance filmique. Définie comme « écriture
théâtrale qui s’appuie sur un dispositif cinématographique en temps réel et à vue »,
la performance filmique « injecte dans le temps du cinéma le présent du théâtre »,
captant ainsi sur scène l’énergie éphémère du plateau de tournage. Mais Festen est
bien plus qu’une expérience esthétique. On y assiste à la confrontation explosive
d’un rituel (la célébration d’un anniversaire) et de sa rupture (la dénonciation par
un fils des crimes de son père). L’effet de réalité ainsi produit est sidérant : au-delà
de l’inceste paternel, c’est la complicité tacite de toute une société qui se révèle.
Cette version, revécue chaque soir au cours d’un banquet bien réel, sera également
un hommage en filigrane à une autre histoire de famille danoise : celle du prince
Hamlet, qui lui aussi choisit de faire de la cérémonie scénique « le piège où prendre
la conscience du roi. »
ACTE 1— Scène 1
Le décor : une grande table mise. Cette table doit être le lieu de base de Festen.
La fête se déroule autour de la table. Les comédiens créent tous les autres
espaces en utilisant quelques accessoires. Il peut y avoir des portes des deux
côtés du plateau. Ainsi va naître le manoir sous nos yeux. La table n’est pas
éclairée. Mais un lustre est suspendu au plafond. Une jeune femme - Linda - arrive
une lettre a` la main. Elle prend une chaise. Elle se met sur la chaise. Sur la pointe
des pieds. Elle embrasse la lettre. Elle cache la lettre dans le lustre. Elle descend
de la chaise et sort. Le lustre disparaît.
Scène 2
Helge entre. C’est le chef de famille. Il prend la chaise et la remet à sa place près
de la table. Il savoure un verre de vin.
Helge. Quand on fête ses soixante ans, comme je le fais aujourd’hui, on n’a plus
vraiment de projet. La plus grande partie de sa vie est derrière soit. Mais si on a
bien vécu, comme je l’ai fait, on peut regarder et en arrière et en avant. On peut se
souvenir des moments douloureux comme des moments joyeux. On peut être fier
de sa famille et on essaie de tout faire pour que ses enfants réussissent. Et puis on
espère que ceux qui sont invités viendront et que ceux qui ne sont pas invités ne
viendront pas.
Festen
Cyril Teste
Formé à l’ÉRAC et au CNSAD, Cyril Teste est le metteur en scène du Collectif
MxM. Dès leur premier spectacle, Alice Underground (2000), les membres de MxM
s’interrogent sur le processus de fabrication des images en explorant le potentiel
des nouvelles technologies. Vient ensuite un travail d’après Sophocle, Anatomie
Ajax (2002), puis trois pièces de Patrick Bouvet (dont Direct /Shot, en 2004 au
Festival d’Avignon) et Electronic City de Falk Richter (2007). Depuis Park (2012),
le Collectif MxM développe des projets fondés sur le concept de performance
filmique, comme Nobody de Falk Richter, créé en 2015. Cyril Teste est aussi auteur
(Romances, 2008 ; [.0 ], poésie sonore, 2009 ; Reset et Sun, 2010-2011) et
réalisateur de plusieurs moyens et longs- métrages.
Saigon
un spectacle de
Caroline Guiela Nguyen artiste associée
les Hommes Approximatifs
12 janvier –
10 octobre
en français et vietnamien, surtitré en français
Berthier 17e
avec
Caroline Arrouas, Dan Artus,
Adeline Guillot, Thi Truc Ly Huynh,
Hoàng Son Lê, Phú Hau Nguyen,
My Chau Nguyen Thi, Pierric Plathier,
Thi Thanh Thu Tô, Anh Tran Nghia,
Hiep Tran Nghia
collaboration artistique Claire Calvi
scénographie Alice Duchange
costumes Benjamin Moreau
lumière Jérémie Papin
création sonore Antoine Richard
composition musicale Teddy Gauliat-Pitois,
Antoine Richard
dramaturgie Jérémie Scheidler,
Manon Worms
traduction Duc Duy Nguyen,
Thi Thanh Thu Tô
production production les Hommes Approximatifs,
La Comédie de Valence – centre dramatique
national Drôme-Ardèche
coproduction Odéon-Théâtre de l’Europe,
MC2 : Grenoble, Festival d’Avignon,
Centre dramatique national de NormandieRouen, Théâtre national de Strasbourg,
Centre dramatique régional de Tours –
Théâtre Olympia, La Comédie de Reims –
CDN, Théâtre National de Bretagne – Rennes,
Théâtre du Beauvaisis – Scène nationale de
l’Oise en préfiguration, Théâtre de la CroixRousse
avec le soutien financier de la Région
Auvergne-Rhône-Alpes, du Conseil
départemental de la Drôme, de l’Institut
français dans le cadre de son programme
Théâtre Export
avec le soutien de l’Institut français du Vietnam,
de l’Université de Théâtre et de Cinéma de
Hô-Chi-Minh-Ville et de La Chartreuse,
Villeneuve lez Avignon – Centre national des
écritures du spectacle
avec la participation artistique du Jeune
théâtre national
durée 3h45
Après Elle brûle, puis Le Chagrin et Mon Grand amour, Caroline
Guiela Nguyen (artiste associée à l’Odéon-Théâtre de l’Europe) et ses
collaborateurs abordent actuellement la dernière ligne droite de leur
nouvelle création : Saigon. Le projet réunit des comédiens français et
vietnamiens, afin de parler « de ces deux mondes qui se sont croisés,
aimés, détruits puis oubliés depuis maintenant soixante ans », et tenter de
donner corps à « cette France qui doit se raconter au-delà de ses propres
frontières ». Dans les spectacles des Hommes Approximatifs, beaucoup de
choses se jouent dans les intervalles. Entre deux regards, entre deux gestes
ou deux paroles. Des existences entières peuvent s’y glisser. Il suffit, par
exemple, de remarquer que Saigon est un nom aujourd’hui perdu, vestige
d’un autre temps (la capitale s’appelle Hô-Chi-Minh-ville depuis 1975),
pour que se creusent toutes les distances de l’Indochine au Vietnam, du
Vietnam à la France. Certaines vies se sont jouées là, entre 1954 et 2017.
Souvent, elles sont restées discrètes, silencieuses. Parfois, la langue
maternelle a été tue jusqu’à l’effacement. Mais l’Histoire, quand elle se
présente sous forme intime – quand elle se divise en histoires comme un
fleuve en plusieurs bras – peut briller au détour d’une confidence, d’un
simple mot oublié depuis un demi-siècle, pour peu qu’on sache l’écouter.
La chair poétique des spectacles des Hommes approximatifs naît d’un
long processus d’enquêtes et de rencontres, puis d’écriture collective
au plateau. Un fils, par exemple, peut demander par courriel à sa mère
d’origine vietnamienne de lui citer dix expériences qu’il n’aura pas vécues
et elle, si (« par exemple 1. je n’ai pas connu l’exil 2. je n’ai pas connu le
départ précipité d’un jour à l’autre pour prendre un bateau »). La mère peut
alors avoir du mal à comprendre une telle demande – et cette difficulté peut
devenir une part essentielle de leur échange. Un spectacle comme Saigon,
bouquet de voix et de visages situé dans un restaurant valant pour tous
lieux et tous temps, se bâtit à partir de centaines d’émotions de ce genre,
qu’il s’agit ensuite de métamorphoser en théâtre tout en préservant leur
teneur en vérité humaine. « La grande préoccupation de notre compagnie »,
conclut Caroline Guiela Nguyen, « est de savoir quels sont les récits que
nous apportons comme réponse à notre monde. »
« D’autres blessures que les nôtres »
Plus que jamais, la grande préoccupation de notre compagnie est de
savoir quels sont les récits que nous apportons comme réponse à notre
monde. Nous souhaitons considérer le théâtre, aimer le théâtre, dans
sa capacité à être poreux à ce qui nous traumatise, nous inquiète, nous
empêche de dormir ou au contraire, nous console. Aujourd’hui plus que
jamais, nous pensons que nous avons cette responsabilité là, celle de libérer
nos imaginaires pour représenter le monde tel qu’il nous arrive, dans son
mystère et son réel. Notre grande peine serait de laisser derrière nous des
terrains abandonnés, des sujets innommables, de l’impensé, du mutisme et
de dresser des murs entre nous et d’autres. Pour cela, nous avons décidé
Saigon
Caroline Guiela Nguyen
D’abord étudiante en sociologie, puis
en Arts du Spectacle, Caroline Guiela
Nguyen entre en classe professionnelle
au Conservatoire de Théâtre d’Avignon
en 2004, puis intègre l’école du
Théâtre National de Strasbourg, dirigée
par Stéphane Braunschweig, en
section mise en scène. En 2008, elle
participe à la création de la compagnie
Les Hommes Approximatifs. Suivent
cinq créations à La Comédie de
Valence, depuis Se souvenir de Violetta
(2011) jusqu’à Le Chagrin (2015).
En 2015, elle collabore avec Joël
Pommerat à la création de Désordre
d’un futur passé, de Jean Ruimi, à la
Maison Centrale d’Arles. Elle crée avec
Alexandre Plank et Antoine Richard
une pièce radiophonique, Le Chagrin
(Julie et Vincent) pour France Culture.
Elle anime aussi plusieurs stages,
notamment au sein du programme
« Premier acte » du Théâtre National
de la Colline. Artiste associée durant
deux saisons au Théâtre Olympia
de Tours et à La Colline, elle est
aujourd’hui artiste associée à l’Odéon,
à la MC2 de Grenoble et membre du
collectif artistique de La Comédie de
Valence. La compagnie Les Hommes
Approximatifs travaille actuellement sur
deux créations : Mon grand Amour (mai
2016) et Saigon
de regarder plus précisément nos territoires, plus précisément les visages
et d’entendre les récits de cette France qui doit se raconter au-delà de ses
propres frontières. Nous sommes faits d’autres histoires que la nôtre, nous
sommes faits d’autres blessures que les nôtres. Pour cela, l’une des grandes
nécessités que nous éprouvons aujourd’hui et qui motive de façon viscérale
notre projet Saigon, est cette volonté de mettre en présence des comédiens
qui viennent d’horizons lointains, pour que nous ayons, ensemble, le projet
de livrer un récit commun.
Caroline Giuela NGuyen
Macbeth
de William Shakespeare
mise en scène Stéphane Braunschweig
26 janvier –
10 mars
création
Odéon 6e
avec
Christophe Brault, David Clavel,
Virginie Colemyn, Adama Diop,
Boutaïna El Fekkak, Roman Jean-Elie,
Glenn Marausse, Chloé Réjon,
Alison Valence, Jean-Philippe Vidal
collaboration artistique Claire Calvi
scénographie Alice Duchange
costumes Benjamin Moreau
lumière Jérémie Papin
création sonore Antoine Richard
composition musicale Teddy Gauliat-Pitois,
Antoine Richard
dramaturgie Jérémie Scheidler,
Manon Worms
traduction Duc Duy Nguyen,
Thi Thanh Thu Tô
traduction Daniel Loayza
collaboration artistique
Anne-Françoise Benhamou
collaboration à la scénographie
Alexandre de Dardel
costumes Thibault Vancraenenbroeck
lumière Marion Hewlett
son Xavier Jacquot
production Odéon-Théâtre de l’Europe
durée estimé 3h
Macbeth
[à part] Deux vérités sont dites, en guise
d’heureux prologues à la pièce qui se
prépare et dont le thème est impérial.
– Merci, seigneurs. – Cet aiguillon
surnaturel ne peut être mauvais, ne peut
être bon. S’il est mauvais, pourquoi
m’avoir donné des prémices de succès
en partant d’une vérité ? Je suis baron
de Cawdor. S’il est bon, pourquoi est-ce
que je cède à l’évocation dont l’effroyable
image hérisse mes cheveux et contraint
mon cour sur son siège à frapper contre
De part et d’autre du meurtre du roi Duncan et de l’usurpation du
trône par le régicide Macbeth, les questions qui se posent restent
béantes comme des plaies. Le héros n’est peut-être qu’un brave
qui a eu le malheur de croiser sur sa route trois sorcières dont
il n’aurait pas dû écouter les prophéties. Mais de qui sontelles
les porte-parole ? Dans un monde où la boue des champs de
bataille est l’envers sanglant des lieux feutrés du pouvoir, toutes
les transgressions semblent devenues possibles. Macbeth est
comme l’histoire d’un rêve qui prend peu à peu corps. Ce rêve
semble d’abord flotter entre les deux époux Macbeth. Il ne se
met à prendre, à coaguler, qu’à partir du moment où ils s’en
reparlent. Dans cette pièce onirique, on ne sait jamais exactement
où l’imagination commence à s’incarner, ni comment séparer
fantasme et réalité – mais la spirale destructrice, une fois lancée,
ne s’arrête plus... La plus courte des tragédies de Shakespeare
semble combattre le cauchemar d’un monde basculant dans
l’irrationnel et livré au règne de la peur : Stéphane Braunschweig y
voit une œuvre pour notre temps.
« Car ces pensées, qui ne font pour l’instant que rêver le
meurtre, Secouent déjà si fort l’unité de mon être Que
ma raison étouffe, rien qu’à former les images, Et que
rien n’est, pour elle, sinon cela qui n’est pas. »
(I, 3, 139-142)
Tout est dans ces vers : le surgissement irrépressible du fantasme,
sa fonction de désunion qui dresse une part de la personnalité
psychique contre l’autre, la puissante création qui procède de
l’imagination et voit son pouvoir subjuguer tous les autres aspects
de l’être du sujet en vue du seul but qui tienne : la réalisation du
désir. Seul le fantasme prend le chemin le plus court. Et c’est
pourquoi on dit Macbeth « possédé » par les sorcières. En fait
son esprit est littéralement ensemencé par les germes qu’elles
y ont introduit ; il est gros, à tous les sens du terme, de pensées
monstrueuses, de la même manière qu’une femme au service du
démon porte dans son ventre un enfant du diable, voué au mal.
C’est cette « grossesse » psychique qui engendrera en Macbeth
des visions affolantes.
[...] Macbeth stérile ne peut enfanter que des pensées
monstrueuses, il ne peut donner la vie, seulement engendrer la
mort.
[...] L’art de Shakespeare est si fort qu’il est capable de nous
présenter la génération comme une bête monstrueuse et la haine
comme un sentiment qui inspire la compassion (« notre pauvre
haine ») tant est misérable l’homme stérile, envieux de la génération
des autres.
[...] Ainsi le thème de l’absence d’enfant est-il bien équivoque car
Macbeth
mes côtes des coups contre nature ? Les
terreurs du présent pèsent moins que les
horreurs qu’on imagine ; ma pensée, où
le meurtre n’est encore qu’une chimère,
secoue ce faible corps au point que ses
fonctions se paralysent à cette idée, et
rien n’est que ce qui n’est pas.
Shakespeare : Macbeth, acte I, scène 3
(trad. D. Loayza)
plus la demeure des Macbeth est déserte et leur nursery vide et plus l’esprit
de Macbeth se peuple d’étranges créatures : pensées, visions, tourments
qui sont les enfants de son imagination, de ses fantasmes. Fantômes et
fantasmes ont la même racine.
[...] Les pensées enfantent les pensées, comme les images les images.
Le mal donne toujours l’illusion que l’acte nécessaire à l’obtention des
avantages attendus sera limité à une seule transgression, singulière, unique,
sans lendemain. Et toujours cette action en entraîne une autre, se répète et
se renouvelle. Le mal engendre sa lignée plus sûrement que l’acte qui vise à
la procréation, toujours aléatoire, incertaine, précaire [...].
Macbeth est malade depuis l’enfance, sujet à des crises qui lui donnent
des visions. Son mal cependant est surtout moral : l’ardeur qui lui vaut
l’admiration au combat ne s’arrête ni à la fin de la guerre, ni lorsqu’elle reçoit
sa récompense ; l’idée de sang lui est naturelle, même si l’exécution du
crime le fait un instant reculer. Comme tous les criminels mus par la passion
plus que par l’intérêt, le crime originaire n’est jamais suffisant.
André Green, « Macbeth : engendrement et déracinement », in La Déliaison
(Les Belles Lettres, 1992)
Ithaque
Notre Odyssée 1
un spectacle de Christiane Jatahy artiste associée
inspiré d’Homère
16 mars –
21 avril
Berthier 17e
avec
Karim Bel Kacem, Julia Bernat,
Cédric Eeckout, Stella Rabello,
Matthieu Sampeur, Isabel Teixeira
dramaturgie, scénographie
Christiane Jatahy
collaboration artistique, à la lumière,
à la scénographie Thomas Walgrave
conception système vidéo Julio Parente
collaboration artistique Henrique Mariano
production Odéon-Théâtre de l’Europe
coproduction Théâtre National – Bruxelles,
Teatro São Luiz – Lisbonne, Centre culturel
Onassis – Athènes, Comédie de Genève
avec le soutien du CENTQUATRE – Paris
durée estimé 2h30
Odyssée
Muse, conte-nous l’aventure de
l’Inventif, celui qui pilla Troie, qui
pendant des années erra, voyant
beaucoup de villes, découvrant
beaucoup d’usages, souffrant beaucoup
d’angoisses dans son âme sur la mer...
Par où donc vais-je commencer, par où
finir ? Je dirai tout d’abord mon nom :
ainsi, le saurez-vous à votre tour, et, si
j’échappe au jour fatal, je resterai votre
hôte, encor que vivant loin de vous.
Je suis Ulysse, fils de Laërte, dont les
ruses sont fameuses partout, et dont
la gloire touche au ciel. Ithaque est
basse, et la dernière dans la mer vers
les ombres ; les autres au-delà, vers
l’orient ; c’est une île rocheuse, une
nourrice de guerriers, et moi, je ne
connais rien de plus beau que cette
terre. Homère : Odyssée, I, v. 1 ss. ;
chant IX, vv. 15 ss. ; chant IX, vv. 25 ss.,
Paris, La Découverte, trad. Philippe
Jaccottet
Artiste associée à l’Odéon, Christiane Jatahy puise son inspiration dans la
question des migrations et de l’exil, dans la confrontation des points de vue
féminin et masculin, dans une attention à l’altérité qui s’exprime à travers un
art de la narration plurielle, mêlant théâtre, cinéma et performance. Sa nouvelle
recherche prendra pour point de départ l’un des textes fondateurs de la littérature
occidentale : l’Odyssée. Jatahy aime « travailler sur les frontières entre l’acteur et le
personnage, l’acteur et le spectateur, le cinéma et le théâtre, la réalité et la fiction »
afin de « découvrir de nouveaux territoires ». Or l’Odyssée est un matériau poétique
où « les frontières » ne cessent de « travailler ». Incarnée par six comédiens – trois
acteurs francophones, trois actrices brésiliennes –, la création portera « sur les
odyssées imaginées, sur les odyssées qui pourraient être réelles. Sur la tentative
d’arriver à la maison, dans une maison. Sur qui reste et qui part. Sur la recherche
de l’autre.
Sur le fait d’être étranger. ». Jatahy annonce une exploration conduite dans un
espace bifrontal. D’un côté, le public découvrira le point de vue de Pénélope ; de
l’autre, celui d’Ulysse. Parfois, chacune des faces sera traversée par son envers.
Personne ne pourra tout voir. Au terme du voyage, à la fois naufrage et arrivée au
port, scène et publics se verront confondus en un seul et même espace. Où sera
dès lors le réel, où sera la fiction ? Par où passera la ligne de leur partage ? Une
chose est sûre : « L’imagination est ce qu’il y a de l’autre côté ».
Christiane Jatahy
Née à Rio de Janeiro en 1968, Christiane Jatahy est à la fois dramaturge, cinéaste,
metteur en scène et actrice. Avec sa compagnie Vértice de Teatro, elle installe
ses mises en scène en dehors des théâtres imaginant des dispositifs originaux
qui questionnent le rapport entre l’acteur et le public. En 2004, elle radicalise sa
démarche avec Conjugado, monologue d’une femme solitaire qui mêle projections
de documentaires et performance face au public ; ainsi qu’avec Corte Seco où
des caméras de surveillance révèlent le cadre et les coulisses. En 2005, A Falta
que nos Move ou Todas as Historias Sao Ficçao (Le Manque qui nous anime ou
toutes les histoires sont des fictions) explore la frontière entre réalité et fiction.
En 2012, elle réalise sous ce même titre un long-métrage filmé sans interruption
pendant treize heures à l’aide de trois caméras portables. La durée du film une fois
monté est aussi de treize heures ; celui-ci étant systématiquement diffusé de 17h
à 6h du matin, exactement comme il a été tourné. La même année, elle reçoit le
premier prix Prêmio Shell de Teatro pour la meilleure mise en scène 2012 pour le
spectacle Julia. Elle est à nouveau récompensée par le premier prix Prêmio Shell
de Teatro, ainsi que par le prix Prêmio APTR, pour la meilleure mise en scène avec
What if they went to Moscow? Reconnue sur un plan international, elle a été la
révélation de l’édition 2013 du Festival Temps d’images au CENTQUATRE-PARIS
en partenariat avec Arte.
Ithaque
Notre Odyssée 1
Christiane Jatahy
Née à Rio de Janeiro en 1968, Christiane Jatahy est à la fois dramaturge, cinéaste,
metteur en scène et actrice. Avec sa compagnie Vértice de Teatro, elle installe
ses mises en scène en dehors des théâtres imaginant des dispositifs originaux
qui questionnent le rapport entre l’acteur et le public. En 2004, elle radicalise sa
démarche avec Conjugado, monologue d’une femme solitaire qui mêle projections
de documentaires et performance face au public ; ainsi qu’avec Corte Seco où
des caméras de surveillance révèlent le cadre et les coulisses. En 2005, A Falta
que nos Move ou Todas as Historias Sao Ficçao (Le Manque qui nous anime ou
toutes les histoires sont des fictions) explore la frontière entre réalité et fiction.
En 2012, elle réalise sous ce même titre un long-métrage filmé sans interruption
pendant treize heures à l’aide de trois caméras portables. La durée du film une fois
monté est aussi de treize heures ; celui-ci étant systématiquement diffusé de 17h
à 6h du matin, exactement comme il a été tourné. La même année, elle reçoit le
premier prix Prêmio Shell de Teatro pour la meilleure mise en scène 2012 pour le
spectacle Julia. Elle est à nouveau récompensée par le premier prix Prêmio Shell
de Teatro, ainsi que par le prix Prêmio APTR, pour la meilleure mise en scène avec
What if they went to Moscow? Reconnue sur un plan international, elle a été la
révélation de l’édition 2013 du Festival Temps d’images au CENTQUATRE-PARIS
en partenariat avec Arte.
The Encounter
[La Rencontre]
un spectacle de Complicité / Simon McBurney
d’après Amazon Beaming
de Petru Popescu
29 mars –
8 avril
en anglais, surtitré en français
Odéon 6e
avec
Simon McBurney
coréalisation Kirsty Housley
collaboration à la mise en scène
Jemima Jones
scénographie Michael Levine
son Gareth Fry, Pete Malkin
lumière Paul Anderson
vidéo Will Duke
production Complicité
coproduction Edinburgh International Festival,
Barbican Centre – Londres, Centre culturel
Onassis – Athènes, Schaubühne – Berlin,
Théâtre de Vidy – Lausanne, Warwick
Arts Centre
avec le soutien du Cercle de l’Odéon,
du Cercle Giorgio Strehler
durée estimé 1h55
En 1971, Loren McIntyre, photographe-reporter du National Geographic,
s’enfonça dans la jungle, aux confins du Brésil et du Pérou, à la recherche des
Mayoruna, « les hommes-félins », une tribu isolée et semi-nomade vivant dans
la vallée du Javari, un affluent voisin des sources de l’Amazone. L’expérience
devait transformer sa vie. Seize ans plus tard, il fit à Manaos la connaissance de
Petru Popescu et lui raconta son histoire. L’écrivain roumain en tira un roman
de cinq cents pages : Amazon Beaming. Simon McBurney y a puisé la matière
d’un spectacle solo étrange et envoûtant, pour nous faire partager par les voies
du théâtre le plus inventif et le plus contemporain le voyage à la rencontre
des « hommes-félins ». Muni d’un casque audio, chaque spectateur est invité à
une immersion dans un récit qui est aussi un voyage initiatique aux frontières
immémoriales de la conscience, dans les échos d’une autre nature et d’un autre
temps. McBurney et sa compagnie, le Theatre Complicite, ont longuement mis
au point ce projet en s’entourant d’une équipe de techniciens de pointe et en
prenant conseil auprès de spécialistes des sciences cognitives. Fondé en 1983,
Complicite est sans doute la compagnie britannique la plus influente et la plus
célèbre des trente dernières années. Ses créations ont été applaudies dans plus
d’une quarantaine de pays. Invité en France par Peter Brook dès 1995, Simon
McBurney y est revenu à plusieurs reprises, notamment avec Mnemonic (1999). Il
n’avait jamais encore eu l’occasion de se produire à l’Odéon.
Simon Mc Burney
Je sens que ma main, tâtonnant ici et
là dans l’univers, a déchiré un coin du
voile. Pourquoi ai-je déchiré ce coin, si
je ne suis pas prêt pour la rencontre ?
Petru Popescu : Amazon Beaming,
Macdonald, 1991, p. 140
Simon McBurney est un acteur, scénariste et réalisateur britannique. Après son
expérience à l’Ecole internationale de théâtre de Jacques Lecoq à Paris, il a cofondé
la compagnie Complicite en 1983, avec qui il a collaboré pour plus de trente
productions comme Shun-kin (2008) pour lequel il a reçu le Grand Prix du Theatre
Yomiuri du meilleur metteur en scène en 2009, A Disappearing Number (2007) et
The Master and Margarita (2011) de Mikhaïl Boulgakov, présenté à l’ouverture du
Festival d’Avignon dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes. En 2012, il est le
premier Artiste Associé anglais au Festival d’Avignon. Simon McBurney a également
travaillé pour la télévision et le cinéma, comme acteur, scénariste et réalisateur.
On a pu le voir à l’écran notamment dans Le Dernier Roi d’Écosse de Kevin
Macdonald (2006) et, plus récemment, dans Magic in the Moonlight de Woody
Allen (2014) et The Theory of Everything de James Marsch (2014). En 2008, Simon
McBurney a été récompensé par l’Académie des Arts de Berlin avec le Prix Konrad
Wolf du meilleur artiste pluridisciplinaire européen. Depuis sa fondation en 1983,
Complicite a fait le tour du monde – remportant plus de cinquante récompenses
théâtrales – et a contribué à influencer le paysage du drame moderne. Après avoir
été introduit clandestinement dans un bidonville au Chili pour jouer en 1984, puis
avoir été diffusé en live dans les cinémas du monde entier, la compagnie a continué
à expérimenter et collaborer, notamment avec le Barbican, The National Theatre,
Setagaya Public Theatre à Tokyo, l’Orchestre Philarmonique de Los Angeles, De
Nederlandse Opera et les Pet Shop Boys. En marge de son travail artistique,
Complicite mène un vaste programme pédagogique (Creative Learning programme)
dont les récentes réalisations sont Like Mother, Like Daughter et Tea.
The Encounter
[La Rencontre]
Petru Popescu
Petru Popescu est né à Bucarest en 1944. Après son quatrième roman dissident,
Burial of the Vine, également publié en Grande-Bretagne, Popescu entre en
conflit avec Ceaucescu. Il est accusé de trahison et ses livres sont mis à l’index
et détruits. Il décide alors d’écrire en anglais et de déménager à Los Angeles, où
il termine la rédaction d’Amazon Beaming. Il écrit ensuite Almost Adam (publié
en français sous le titre de Primitif, par Jean-Claude Lattès en 1997). Au cours
des trente dernières années, le travail de Popescu a été salué par John Cheever,
William Styron, Elie Wiesel, John Ashbery et Deepak Chopra. Il travaille en ce
moment sur un nouveau roman.
Loren McIntyre
Loren McIntyre est né à Seattle en 1917 et il otient un diplôme en culture
latinoaméricaine à l’Université de Berkeley. Pendant la Seconde guerre mondiale,
il s’engage avec l’US Navy dans le Pacifique. Il étudie ensuite l’ethnologie à
l’Université nationale de San Marcos, à Lima. Dès la fin des années 1950, alors
qu’il travaille pour le US Aid Program au Pérou et en Bolivie, McIntyre commence
à photographier ses voyages. Ses photos et articles apparaissent par la suite
dans plus de 500 publications, dont Time, Life, Smithsonian, Audubon et le South
American Explorer. En 1971, il mène une expédition parrainée par la National
Geographic Society pour localiser la source de l’Amazone, dont il découvre
qu’il s’agit d’un petit lac, maintenant nommé Lagune McIntyre, dans la province
d’Apurímac. Le premier livre de McIntyre, The Incredible Incas and their Timeless
Land, a été publié en 1975; ses autres ouvrages incluent Exploring South America
(1990), Amazonia (1991) et une biographie d’Alexander von Humboldt. Après avoir
vécu de nombreuses années en Amérique du Sud, il déménage à Arlington, en
Virginie, où il s’éteint en 2003.
Tristesses
un spectacle d’Anne-Cécile Vandalem
Das Fräulein (Kompanie)
5 – 27 mai
Odéon 6e
avec
Vincent Cahay,
Anne-Pascale Clairembourg,
Epona Guillaume, Séléné Guillaume,
Pierre Kissling, Vincent Lécuyer,
Bernard Marbaix, Catherine Mestoussis
ou Zoé Kovacs, Jean-Benoît Ugeux,
Anne-Cécile Vandalem,
Françoise Vanhecke
musique Vincent Cahay, Pierre Kissling
scénographie Ruimtevaarders
son Jean-Pierre Urbano
lumière Enrico Bagnoli
costumes Laurence Hermant
vidéo Arié van Egmond,
Fédérico D’Ambrosio
production Das Fräulein (Kompanie)
coproduction Théâtre de Liège, Le Volcan –
Scène nationale du Havre, Théâtre National –
Bruxelles, Théâtre de Namur – centre
dramatique, Le Manège.Mons, Bonlieu scène
nationale Annecy, Maison de la Culture
d’Amiens, Les Théâtres – Marseille /Aix-enProvence
coproduction dans le cadre du projet
Prospero Théâtre national de Bretagne,
Théâtre de Liège, Schaubühne am Lehniner
Platz, Göteborgs Stadsteater, Théâtre national
de Croatie, World Theatre Festival Zagreb,
Festival d’Athènes et d’Épidaure, Emilia
Romagna Teatro Fondazione
avec le soutien de la Fédération WallonieBruxelles – Service Théâtre, WallonieBruxelles International
avec l’aide de l’ESACT – École Supérieure
d’Acteurs, LA HALTE – Liège, Le Boson –
Bruxelles
avec le soutien du Cercle de l’Odéon,
du Cercle Giorgio Strehler
durée estimé 2h10
Tristesses : si ce nom se dit ici au pluriel, c’est qu’il est à la fois celui
d’une île scandinave, d’un suspense policier, d’un symptôme politique.
L’île est à peine imaginaire. Anne-Cécile Vandalem y a situé une fable
pour notre temps. Martha Heiger, dirigeante du Parti du Réveil Populaire
et favorite des prochaines élections, revient à Tristesses pour rapatrier le
corps de sa mère sur le continent. Mais pourquoi Ida s’est-elle suicidée
en se pendant au drapeau danois ? Et que manigance réellement sa fille ?
Tristesses étant aussi un polar nordique, on n’en dévoilera pas plus ici,
mais les maisons isolées sur la nuit du plateau sont le décor d’un drame
où extérieurs en scène et intérieurs filmés alternent sur un rythme digne
des meilleures séries. Enfin, Tristesses propose une réflexion sur la
montée des populismes : selon Vandalem, « l’attristement des peuples » est
aujourd’hui l’une des plus redoutables techniques de manipulation des
esprits. Mais « les larmes », ajoute-t-elle, « ont une puissance esthétique
infinie », indéterminable, et « les émotions peuvent être élan, moteur, énergie
vive pour initier une prise de parole ou un acte ». Cette énergie a conquis
en 2016 le public du Festival d’Avignon : en exposant les mécanismes
asservissants de la tristesse, l’artiste invite à ne pas leur succomber.
En découdre avec ce qui nous désespère quotidiennement, dans ce
monde-ci.
En découdre avec ce qui nous désespère quotidiennement, dans ce mondeci. Je veux parler de la tristesse. De la diminution de puissance1 exercée
chaque jour sur nos corps. Cette diminution s’exerce par l’emprise d’autre(s)
corps sur les nôtres. Ces corps peuvent être des personnes, des choses ou
des situations.
Je veux parler de la tyrannie de la positivité parce qu’aujourd’hui, dans nos
sociétés occidentales, nous n’existons qu’au regard de ce que nous faisons.
Cette positivité s’accompagne d’une surexposition qui, à la manière d’un
projecteur de théâtre, éclaire le spectacle de nos actions de sa lumière
permanente, aveuglante et paralysante. Quelle place dans un tel paysage
pour l’ombre, le scintillement (le mouvement d’aller et retour entre l’ombre et
la lumière), la résistance, le désir ?
Je veux parler de la relation de la tristesse et du pouvoir, car il est évident
que la plus grande arme politique actuelle est l’attristement des peuples
dont la culpabilité, la honte, la frustration, l’impuissance, la haine et la
désespérance en sont des dérivés. Je veux parler des émotions comme
motions et puissance de transformation, car lorsqu’elles se changent en
pensées et en actions, les émotions peuvent être élan, moteur, énergie vive
pour initier une prise de parole ou un acte.
Je veux montrer les larmes en tant que manifestation des signes extérieurs
de la tristesse, car elles ont une puissance esthétique infinie. Je veux
Tristesses
Anne-Cécile Vandalem
Actrice, autrice et metteuse en scène
Anne-Cécile Vandalem développe au
sein de Das Fräulein (Kompanie) un
travail singulier de création artistique
contemporaine. Elle est à l’origine
de l’écriture, de la mise en scène
et de la conception artistique et
scénographique (en collaboration avec
différents scénographes) de l’ensemble
de ses projets. Elle est par ailleurs
interprète d’une majeure partie de ceuxci. Après des études d’interprétation
au Conservatoire Royal de Liège,
Anne-Cécile Vandalem débute sa
carrière auprès de metteurs en scène
et collectifs théâtraux tels que Charlie
Degotte, Dominique Roodthooft et la
Cie Transquinquennal. Dès 2003, elle
se lance dans l’écriture et la conception
de spectacles théâtraux et crée, en
collaboration avec l’acteur Jean-Benoit
Ugeux, les spectacles Zaï Zaï Zaï
Zaï et Hansel et Gretel. En 2008 elle
créé Das Fräulein (Kompanie) au sein
de laquelle elle concevra désormais
l’ensemble de ses spectacles. Au
cinéma, elle tourne avec notamment
avec Anne Leclercq (Le besoin
pressant d’une occupation amoureuse
quelconque, Dissonance), Gaetan
d’Agostino (O Négatif), Frédéric
Forestier (Les Parrains), Xavier Serron
(Rien d’insoluble), Frédéric Fonteyne
(Fattal Attraction, dans le cadre d’une
exposition au Museum des sciences
naturelles), Dominique Standaert
(Formidable) et Karine Devillers (Les
hommes de ma vie).
parler de l’adolescence comme force vive, puissance pour le future ; du
déploiement paradoxal de ces corps dans lesquels naissent les désirs
tandis que s’abattent les espoirs. Et enfin, je veux parler de la Survivance
des lucioles, « de ce qui tombe et déchoit, assurément, mais qui, dans sa
chute, émet une lueur de météorite propre à renseigner sur leur passé les
peuples qui viennent après et à orienter leur avenir ; toute image qui assure
la transmission d’une expérience et, par là, la survivance des peuples
exposés à disparaître »2.
Anne-Cécile Vandalem
1 Terme qui, selon l’interprétation qu’en fait G. Deleuze, pourait s’apparenter à l’affect ; l’affect
étant la puissance de vie. Cette conception rejoint l’affirmation de Spinoza selon laquelle il y a,
à l’origine de toute forme d’existence, une affirmation de la puissance d’être.
2 Voir G. Didi-Huberman, Survivance des lucioles, ed Minuit, 2009.
Bérénice
de Jean Racine
mise en scène Célie Pauthe
11 mai –
10 juin
Berthier 17e
avec
Clément Bresson, Mounir Margoum,
Mahshad Mokhberi, Mélodie Richard,
Hakim Romatif
collaboration à la mise en scène
Denis Loubaton
collaboration artistique Marie Fortuit
scénographie Guillaume Delaveau
lumière Sébastien Michaud
costumes Anaïs Romand
musique et son Aline Loustalot
vidéo François Weber
production Centre Dramatique National
Besançon Franche-Comté
avec le soutien du Cercle de l’Odéon,
durée estimé 2h15
Césarée
Césarée
Césarée
L’endroit s’appelle ainsi
Césarée
Cesarea
Il n’en reste que la mémoire de l’histoire
et ce seul mot pour la nommer
Césarée
La totalité.
Rien que l’endroit
Et le mot.
Le sol.
Il est blanc.
De la poussière de marbre
mêlée au sable de la mer
Douleur.
L’intolérable.
La douleur de leur séparation.
Césarée
L’endroit s’appelle encore
Césarée.
Titus et Bérénice vivent un amour impossible. Ils ne le savent pas. Bérénice
ne peut pas même le concevoir : depuis cinq ans, son amant n’a cessé de lui
jurer une passion éternelle. Quant à Titus, il préfère s’étourdir, s’aveugler : s’il
est si brave guerrier, peut-être est-ce pour mourir au combat avant d’avoir à
regarder en face l’inéluctable réalité. Mais voici que s’est levé le jour tragique.
Entre la loi du monde et la foi des amants, il va falloir choisir. Et ce choix est
un mortel déchirement... Racine l’a lui-même indiqué : « toute l’invention »,
ici, « consiste à faire quelque chose de rien ». Ce « rien » est une ligne de
partage qui sans bruit, sans coup de théâtre, s’ouvre entre ceux qui s’aiment
et les écarte l’un de l’autre, tout en élevant leurs paroles à la puissance
d’un chant d’absolue passion. Célie Pauthe, comme ses mises en scène
d’Une Bête dans la jungle, puis d’Un Amour impossible l’ont démontré,
est particulièrement sensible à ces histoires poignantes où se concentre
l’essence d’un lien intime. Sa Bérénice, à laquelle elle est parvenue à force
de lire Duras, naîtra de la même intuition. Elle en a confié les voix principales
à deux interprètes que le public de l’Odéon a déjà eu l’occasion d’applaudir :
Mélodie Richard (qui fut Nina dans La Mouette de Thomas Ostermeier) et
Clément Bresson (qui interpréta le rôle-titre du Tartuffe mis en scène par
Stéphane Braunschweig).
« Que ce que vous ferez, dit Horace, soit toujours simple et ne soit
qu’un »
« Titus, qui aimait passionnément Bérénice, et qui même, à ce qu’on croyait,
lui avait promis de l’épouser, la renvoya de Rome, malgré lui et malgré
elle, dès les premiers jours de son empire ». Cette action est très fameuse
dans l’histoire ; et je l’ai trouvée très propre pour le théâtre, par la violence
des passions qu’elle y pouvait exciter. En effet, nous n’avons rien de plus
touchant dans tous les poètes que la séparation d’Enée et de Didon, dans
Virgile. Et qui doute que ce qui a pu fournir assez de matière pour tout un
chant d’un poème héroïque, où que Didon avait avec Enée, elle n’est pas
obligée, comme elle, de renoncer à la vie. A cela près, le dernier adieu qu’elle
dit à Titus, et l’effort qu’elle se fait pour s’en séparer, n’est pas le moins
tragique de la pièce ; et j’ose dire qu’il renouvelle assez bien dans le cœur
des spectateurs l’émotion que le reste y avait pu exciter. Ce n’est point une
nécessité qu’il y ait du sang et des morts dans une tragédie ; il suffit que
l’action en soit grande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions
y soient excitées, et que tout s’y ressente de cette tristesse majestueuse
qui fait tout le plaisir de la tragédie. Je crus que je pourrais rencontrer toutes
ces parties dans mon sujet ; mais ce qui m’en plut davantage, c’est que je le
trouvai extrêmement simple. Il y avait longtemps que je voulais essayer si je
pourrais faire une tragédie avec cette
simplicité d’action qui a été si fort du goût des anciens : car c’est un des
premiers préceptes qu’ils nous ont laissés : « Que ce que vous ferez, dit
Horace, soit toujours simple et ne soit qu’un ». [...] Il y en a qui pensent que
cette simplicité est une marque de peu d’invention. Ils ne songent pas qu’au
contraire toute l’invention consiste à faire quelque chose de rien [...].
Bérénice
Cesarea.
L’endroit est plat
face à la mer
la mer est au bout de sa course
frappe les ruines
toujours forte
là, maintenant, face à l’autre continent
déjà.
Bleue des colonnes de marbre bleu
jetées
là devant le port.
Tout détruit.
Tout a été détruit.
Marguerite Duras, Césarée
Racine : Bérénice, préface
Célie Pauthe
D’abord assistante à la mise en scène (Ludovic Lagarde, Jacques Nichet,
Guillaume Delaveau, Alain Ollivier, Stéphane Braunschweig), elle intègre
en 2001 l’Unité nomade de formation à la mise en scène au CNSAD. En
1999, elle travaille avec Pierre Baux et Violaine Schwartz, à la création de
Comment une figue de paroles et pourquoi, de Francis Ponge. En 2003, elle
met en scène Quartett de Heiner Müller au Théâtre national de Toulouse (Prix
de la Révélation théâtrale du Syndicat de la critique) ; en 2005, L’Ignorant
et le Fou de Thomas Bernhard (TNS, 2007). Elle crée en 2007 La Fin du
commencement de Sean O’Casey au Studio de la Comédie-Française
et, l’année suivante, S’agite et se pavane d’Ingmar Bergman au Nouveau
Théâtre de Montreuil. En 2011, elle met en scène Train de nuit pour Bolina
de Nilo Cruz pour la biennale de création « Odyssées en Yvelines ». De 2010
à 2013, elle est artiste associée à La Colline - Théâtre national. Elle y crée
Long voyage du jour à la nuit d’Eugene O’Neill ; avec Claude Duparfait, elle
collabore à la mise en scène de Des arbres à abattre d’après le roman de
Thomas Bernhard ; en 2013, elle crée Yukonstyle de Sarah Berthiaume et
en 2014, Aglavaine et Sélysette de Maurice Maeterlinck. Depuis juin 2013,
elle est nommée directrice du CDN Besançon Franche-Comté où elle a créé
en janvier 2015 La Bête dans la jungle d’après Henry James suivie de La
Maladie de la mort de Marguerite Duras. Elle collabore à la mise en scène de
La Fonction Ravel, un projet de et avec Claude Duparfait, au piano François
Dumont, créé en septembre 2016 au CDN Besançon Franche- Comté. Par
ailleurs, elle travaille avec la plateforme Siwa sur un projet autour de L’Orestie
d’Eschyle, mené par une équipe franco-irakienne.
Mélodie Richard
À sa sortie du Conservatoire National d’Art Dramatique en 2011, Mélodie
Richard joue avec Yann-Joël Collin dans TDM3 de Didier-Georges
Gabily, puis avec Krystian Lupa dans Salle d’Attente d’après Lars Norén
et Perturbation d’après Thomas Bernhard. Elle travaille également avec
Christophe Honoré dans Nouveau Roman, et Thomas Ostermeier dans
Les Revenants. En 2015 elle joue dans La Bête dans la jungle de Henry
James suivie de La Maladie de la Mort de Marguerite Duras, mis en scène
par Célie Pauthe, et Intrigue et Amour de Schiller mis en scène par Yves
Beaunesne. Thomas Ostermeier la dirige à nouveau dans La Mouette de
Tchekhov en 2016. Au cinéma, elle a tourné entre autres dans Vénus noire
d’Abdellatif Kechiche, Métamorphoses de Christophe Honoré (Révélation des
Césars 2014) et Nos Arcadies d’Arnaud Desplechin.
L’Avare
de Molière
mise en scène Ludovic Lagarde
2 – 30 juin
Odéon 6e
avec
Marion Barché, Myrtille Bordier,
Louise Dupuis, Alexandre Pallu,
Laurent Poitrenaux, Tom Politano,
Julien Storini, Christèle Tual
et Jean-Luc Briand, Élie Chapus,
Benjamin Dussud, Sophie Engel,
Zacharie Jourdain, Élodie Leau,
Benoît Muzard
scénographie Antoine Vasseur
lumière Sébastien Michaud
costumes Marie La Rocca
maquillage et coiffure Cécile Kretschmar
musique Pierre-Alexandre “Yuksek” Busson
son David Bichindaritz
ensemblier Éric Delpla
collaboratrice artistique Céline Gaudier
dramaturgie Marion Stoufflet
production La Comédie de Reims – CDN
avec le soutien du Fonds d’Insertion pour
Jeunes Artistes Dramatiques DRAC et Région
PACA
durée estimé 2h35
Extrait
MAÎTRE JACQUES - Combien serezvous de gens à table ?
HARPAGON - Nous serons huit ou dix ;
mais il ne faut prendre que huit. Quand
il y a à manger pour huit, il y en a bien
pour dix.
VALÈRE.- Cela s’entend.
MAÎTRE JACQUES.- Hé bien ! Il faudra
quatre grands potages bien garnis,
et cinq assiettes d’entrées. Potages :
bisque, potage de perdrix aux choux
verts, potage de santé, potage de
canards aux navets. Entrées : fricassée
de poulets, tourte de pigeonneaux, ris
de veaux, boudin blanc, et morilles.
HARPAGON.- Que diable ! Voilà pour
traiter toute une ville entière.
Signé Ludovic Lagarde, voici un Avare de choc, bourreau des autres
comme de soi-même, faisant le malheur de ses proches et la joie de ses
spectateurs ! Avide autant qu’avare, Harpagon veut à la fois accumuler et
retenir. Et surtout, ne pas consommer. Lagarde nous montre la demeure
de son Harpagon quasiment sans mobilier, mais encombrée de containers
prêts à être réexpédiés, en vertu de la loi du profit. Toute solidarité, tout lien
familial ou social sont solubles dans l’or. Pour Harpagon, la richesse est
faite pour disparaître au fond d’un trou noir, sans retour et sans fond, pareil
à celui qu’il creuse au fond de son jardin pour y enfouir sa chère cassette.
Tant pis pour les autres – et pour soi-même, car ce trou est aussi une fosse
au fond de laquelle l’Avare creuse sa propre tombe... Comment donc en
sortir ? Est-ce seulement possible ? Ludovic Lagarde met brillamment en
relief les deux faces de L’Avare, sommet de la comédie noire. Comédie, car
on n’échappe pas si facilement à la vitalité de la vie (même Harpagon songe
à se remarier !). Noire, parce que l’Avare reste incurable : l’or lui tient lieu
de corps, et la cassette de dernière demeure... Dès lors, quel avenir un tel
homme peut-il laisser à ses enfants ? Et si son monde est bien le nôtre, quel
visage voyons-nous dans le sombre miroir qu’il nous tend ?
Le désir n’est pas généreux
L’Avare courant partout en criant « Ma cassette ! Ma cassette ! », ça fait rire.
Pourquoi ? Peut-être parce que, aux yeux de tous, voici soudain le désir qui
surgit avec l’objet de ce désir. Tout cru. Sans voile. Un diable sautant tout
nu hors de sa boîte – de sa cassette – au beau milieu d’un parterre de gens
très bien venus en beaux habits prendre un plaisir élevé au théâtre. Ça fait
rire. Ça pourrait être obscène, effrayant aussi, hideux, comme le visage avéré
du péché. [ ... ] La figure de l’Avare dresse une figure irregardable du désir.
Appelons ça, donc, sa face sadienne : qu’il n’y a nulle démocratie du désir,
que tout désir présente un visage, souterrain et obscur, plus qu’obstiné (trait
que Freud, d’ailleurs, associe à l’Avarice), impatient, impératif, impérieux,
impitoyable, tyrannique, asservissant, avilissant, brutal, criminel voire meurtrier.
Disons, au moins, le désir n’est pas généreux, il ne partage pas. Molière
en savait un bout sur l’Avare ; c’est sans doute que l’Avare, lui, en sait un
bout sur le désir (ressort essentiel de l’intérêt de Molière pour l’Avare ?).
Ironie, voici l’Avare élevé en Figure de vérité sur les âmes en proie au péché.
Contrairement au commun des mortels, l’Avare sait ce qu’il veut, clair sur
son désir. Non seulement il sait ce qu’il veut mais cela lui donnerait une
pénétration sur ce qui s’agite au plus intime de chacun.
Gérard Wajcman : Collection, suivi de L’Avarice (éd. Nous, 2014)
L’Avare
MAÎTRE JACQUES.- Rôt dans un
grandissime bassin en pyramide : une
grande longe de veau de rivière, trois
faisans, trois poulardes grasses, douze
pigeons de volière, douze poulets de
grain, six lapereaux de garenne, douze
perdreaux, deux douzaines de cailles,
trois douzaines d’ortolans...
HARPAGON (en lui mettant la main
sur la bouche). - Ah ! Traître, tu manges
tout mon bien.
Molière : L’Avare, acte I, scène 3
Ludovic Lagarde
C’est à la Comédie de Reims et au Théâtre Granit de Belfort
qu’il réalise ses premières mises en scène. En 1993, il crée
Sœurs et frères d’Olivier Cadiot. Depuis 1997, il a adapté et
mis en scène plusieurs romans et textes de théâtre de l’auteur :
Le Colonel des Zouaves (1997), Retour définitif et durable
de l’être aimé (2002) et Fairy Queen (2004). En 2008, il a
mis en scène les opéras Roméo et Juliette de Pascal Dusapin
à l’Opéra-Comique et Massacre de Wolfgang Mitterer au
théâtre São João de Porto ainsi qu’au festival Musica à
Strasbourg. Depuis janvier 2009, Ludovic Lagarde dirige la
Comédie de Reims, Centre dramatique national. Il y crée en
mars 2010 Doctor Faustus Lights the Lights de Gertrude
Stein en compagnie du musicien Rodolphe Burger. Au Festival
d’Avignon 2010, il crée Un nid pour quoi faire et Un mage en
été d’Olivier Cadiot. En janvier 2012, Ludovic Lagarde présente
à la Comédie de Reims l’intégrale du théâtre de Georg Büchner
– Woyzeck, La Mort de Danton, Léonce et Léna – repris au
Théâtre de la Ville en janvier 2013. En mars 2013, il met en
scène au Grand Théâtre du Luxembourg et à l’Opéra-Comique
La Voix humaine d’après le livret de Jean Cocteau. Il crée Lear
is in Town pour la 67e édition du Festival d’Avignon, d’après
Le Roi Lear de William Shakespeare, dans une traduction de
Frédéric Boyer et Olivier Cadiot. En 2014, il met en scène Le
Regard du nageur, écrit et interprété par Christèle Tual et crée
Quai ouest avec des comédiens grecs au Théâtre National de
Grèce à Athènes. À l’automne 2014, il crée L’Avare de Molière
à La Comédie de Reims, puis La Baraque, un texte d’Aiat
Fayez, en février 2015 dans le cadre du festival Reims Scènes
d’Europe. En 2016, il met en scène Marta de Wolfgang Mitterer
à l’Opéra de Lille, et dirige Laurent Poitrenaux dans l’adaptation
de Providence, dernier roman d’Olivier Cadiot, à la Comédie de
Reims.
Les artistes associés
à l’Odéon-Théâtre de l’Europe
Stéphane Braunschweig a souhaité associer quatre artistes à son
projet artistique en tant que directeur de l’Odéon-Théâtre de l’Europe :
Sylvain Creuzevault, Caroline Guiela Nguyen, Christiane Jatahy et
Simon Stone. Trois d’entre eux sont présents dans la saison 17-18.
Ils nous parlent ici de leurs spectacles.
Caroline Guiela Nguyen
“Cette polyphonie intérieure” : Saigon
Je peux dire que les questions coloniales seront
dans le cœur même des personnages. Nous ne
parlons pas des choses, nous les représentons et
il n’y a que comme ça que j’arrive à démêler les
inquiétudes que nous procure le monde. Je ne veux
pas de discours sur les gens, je veux les gens
eux-mêmes. Je veux mettre en scène le récit de gens
qui portent sur eux l’empreinte même de la
modification de notre monde, de son mouvement,
de sa géographie et de son histoire. Et l’histoire
coloniale de la France a été l’un des premiers
facteurs qui fait que notre pays contient en son sein
des gens porteurs de cette polyphonie intérieure.
Les êtres sont faits d’autres histoires que celles
du sol sur lequel ils sont posés, et c’est en ce sens
que nous sommes connectés à des choses plus
fortes qu’un sentiment national, nous sommes faits
des autres espaces, réels ou imaginaires. Nous
appartenons aussi à des constructions imaginaires,
c’est notre plus grande liberté et c’est aussi notre
plus grand besoin.
Simon Stone
“L’antichambre du drame” : Les Trois Sœurs
Tchekhov a créé un théâtre du seuil : il se situe
avant et après le drame. Non que rien ne se passe
pendant la pièce : c’est que cela arrive ailleurs,
et nous voyons l’antichambre du drame. Des êtres
sont assis, attendent, espèrent, en dehors d’une
narration, inventant des histoires, se préparant à leur
sortie – leur sortie de la scène mais, on l’espère,
leur entrée dans leur vraie vie. Notre monde moderne
est devenu le parfait reflet de celui imaginé par
Tchekhov. L’illusion de la connexion, l’illusion de faire
partie d’une plus grande histoire, mais cette
histoire se passe ailleurs et nous en sommes les
témoins, nous la commentons, nous n’y prenons
pas vraiment part. Alors nous inventons des jeux,
des groupes sociaux, des réalités virtuelles, des
fantasmes voyeuristes, attendant notre entrée dans
le monde réel, peut-être un événement réel dont
nous pourrions être le centre. Est-ce pour le moins
possible ? Et quand nous irons finalement à
Moscou, si nous y arrivons, Moscou existera-t-elle
encore ?
Christiane Jatahy
“Dans le même bateau” : Ithaque
Il s’agit d’odyssées imaginaires, d’odyssées qui
pourraient être réelles, de l’Odyssée d’Homère.
Il s’agit d’essayer de rentrer à la maison, dans une
maison. Il s’agit de celui qui part et de celui qui
reste. De partir à la recherche de l’autre. Il s’agit
d’être étranger. D’être réfugié. De la guerre et de
ses blessés. De fiction et de réalité, et de la manière
dont on imagine cette réalité. Il s’agit d’autres
fictions. Du passé depuis Homère. De notre passé.
D’aujourd’hui, d’ici, et de maintenant.
Il s’agit de son espace à elle et de son espace à
lui. L’espace est divisé en trois. Son point de vue à
elle. Son point de vue à lui. L’espace intermédiaire
est celui de la pensée, de l’imagination, du souvenir.
[…] On entrevoit alors tout un imaginaire. À quel
moment la fiction devient-elle réelle ?
Le public voit deux points de vue différents de la
même histoire, jusqu’au moment où tout se défait,
où tout prend l’eau, c’est le naufrage, c’est l’arrivée.
Tout le monde est dans le même bateau. Il n’y a plus
de séparation entre la scène et le public. Entre
ceux qui vivent et ceux qui voient.
(traduit du portugais par Thomas Quillardet)
TRAVERSES
DES DÉBATS, DES RENCONTRES,
DES INATTENDUS...
TRAVERSES, ce sont tous ces chemins – obliques, surprenants, voire buissonniers – que l’Odéon vous propose de
suivre dans les alentours des spectacles. Tous les débats, toutes les rencontres, lectures, propositions inattendues
qui éclairent ou rythment autrement une saison. Les TRAVERSES rassembleront des rendez-vous familiers des
fidèles des Bibliothèques de l’Odéon, comme les Scènes imaginaires, les Fragments de saison, Les petits Platons, les
conversations philosophiques conduites par Marc Crépon, les après-midi scientifiques animées par Étienne Klein. Une
lecture avec des détenus du centre pénitentiaire de Fresnes. On y découvrira aussi des regards croisés avec certains
artistes présents dans la saison. “L’Europe en portraits”, où différentes personnalités seront invitées à nous parler des
raisons pour lesquelles elles se sentent européennes. Des “Nocturnes”, une série de lectures dans le noir. Des
ponctuations avec d’autres arts : musique ou photographie. Des projections de films. Les Rencontres Européennes de
la Scénographie. Le congrès de l’Alliance Graphique Internationale.
En partenariat avec France Culture, France Inter, l’École Normale Supérieure, le musée du Louvre...
L’offre des TRAVERSES sera riche et diverse.
Pour suivre au mieux le temps présent, le programme détaillé des TRAVERSES de l’Odéon sera
communiqué au fil de la saison dans les programmes trimestriels.
Devenez mécène
de l’Odéon
Particuliers
Théâtre national, l’Odéon-Théâtre de l’Europe porte un projet
artistique d’excellence, qui met à l’honneur les artistes européens
et la création théâtrale contemporaine..
Rejoignez le Cercle de l’Odéon
À travers leurs dons, les membres du Cercle de
l’Odéon contribuent à l’activité de création du
théâtre en participant au financement de plusieurs
spectacles phares de la saison. Pour chacun
des spectacles soutenus, des rencontres et des
soirées sont proposées aux membres, permettant
de découvrir l’envers du décor, de suivre le
processus de création et de partager des moments
privilégiés en compagnie des équipes artistiques.
Transmettez votre goût du théâtre
Génération(s) Odéon est un programme
d’éducation artistique et culturelle à destination
d’élèves de seconde scolarisés en réseau
d’éducation prioritaire. Pendant un an, ils suivent un
parcours de spectacteur, découvrent la pratique
théâtrale et interrogent la citoyenneté européenne.
Aidez des élèves à vivre une expérience artistique
européenne en soutenant la nouvelle génération
d’élèves.
Rejoignez le Cercle Giorgio Strehler
Il réunit les mécènes désireux de soutenir et
partager les audaces venues d’ailleurs. Ses
membres apportent chaque saison leur soutien à
un spectacle européen et contribuent à la
découverte en France du travail de metteurs en
scène, comédiens et dramaturges étrangers.
Le Cercle Giorgio Strehler soutient cette saison
le spectacle The Encounter [La Rencontre] de
Complicité / Simon McBurney.
Comment adhérer au Cercle?
en remplissant le bulletin d’adhésion
disponible au théâtre ou téléchargeable sur
notre site internet
theatre-odeon.eu/fr/nous-soutenir
Hervé Digne – Président du Cercle de l’Odéon
Pauline Rouer – Directrice du mécénat
Fanny Pelletier – Chargée du mécénat
et du développement
[email protected]
01 44 85 40 19
Comment faire un don?
en ligne sur la plateforme de dons sécurisée
http://www.theatre-odeon.eu/fr/generations-odeon
Les dons versés à l’Odéon-Théâtre de l’Europe donnent
droit à une déduction fiscale de 66% du montant du don
dans le cadre de l’impôt sur le revenu.
L’Odéon remercie les mécènes particuliers*
pour leur précieux soutien.
Cercle Giorgio Strehler
Cercle de l’Odéon
Grands Bienfaiteurs
Madame Julie Avrane-Chopard
Madame Marie-Jeanne Husset
Madame Isabelle de Kerviler
Madame Marguerite Parot
Mécènes
Monsieur & Madame Christian Schlumberger
Membres
Monsieur Arnaud de Giovanni
Monsieur Vincent Manuel
Monsieur Joël-André Ornstein &
Madame Gabriella Maione
Monsieur Francisco Sanchez
Bienfaiteurs
Monsieur Jad Ariss
Monsieur Guy Bloch-Champfort
Madame Anne-Marie Couderc
Monsieur Philippe Crouzet
& Madame Sylvie Hubac
Monsieur François Debiesse
Monsieur Stéphane Distinguin
Monsieur Laurent Doubrovine
Madame Sophie Durand-Ngo
Madame Anouk Martini-Hennerick
Madame Nicole Nespoulous
Monsieur Stéphane Petibon
Madame Vanessa Tubino
Madame Sarah Valinsky
Parrains
Madame Nathalie Barreau
Monsieur David Brault
Madame Agnès Comar
Madame Raphaëlle d’Ornano
Madame Stéphanie Rougnon
& Monsieur Matthieu Amiot
Monsieur Louis Schweitzer
Monsieur & Madame Jean-François Torres
Les Amis du Cercle de l’Odéon
Les donateurs du programme Génération(s) Odéon
* Certains donateurs ont souhaité garder l’anonymat /
liste au 18 avril 2017
Devenez mécène
de l’Odéon
Entreprises
Associez votre entreprise au prestige d’une institution théâtrale
ouverte sur le monde et au croisement des générations.
Accompagnez les missions du théâtre
- Soutenez le projet artistique
de Stéphane Braunschweig
- Favorisez l’accès au théâtre en soutenant
nos actions sociales et nos projets d’éducation
artistique et culturelle
- Engagez-vous aux côtés des projets innovants
du théâtre.
Avantages pour vos clients et collaborateurs
- Soirées d’exception réservées à vos invités
avec les équipes artistiques des spectacles
- Possibilité d’organiser des événements de
relations publiques à l’occasion des spectacles
de la saison
- Facilité d’accès au théâtre pour vos salariés
- Visibilité sur nos supports de communication
- Déduction fiscale de 60% du montant de votre
don dans le cadre de l’impôt sur les sociétés.
Pauline Rouer
[email protected]
Organisez des événements privés
Les Jeudis de l’Odéon
Avant ou après la représentation, recevez vos
invités dans l’un des espaces privatisés du théâtre.
Champagne et places groupées en première
catégorie à partir de 90 € par personne ou
cocktail dînatoire à partir de 190 € par personne.
Location d’espaces
L’Odéon-Théâtre de l’Europe met ses espaces
à votre disposition pour vos soirées privées,
conférences, séminaires ou réceptions. Que ce
soit dans le cadre prestigieux du 6e arrondissement
(800 places) ou dans l’espace plus insolite des
Ateliers Berthier 17e (480 places), nous serons
heureux d’accueillir les événements qui rythment
la vie de votre entreprise.
Fanny Pelletier
[email protected]
L’Odéon remercie les entreprises mécènes
pour leur précieux soutien.
Membres du Cercle de l’Odéon
Mécènes des actions d’éducation
artistique et culturelle
Mécènes de saison
Soutient l’éducation artistique
et culturelle en milieu scolaire
Soutient le programme
Génération(s) Odéon
Soutient le programme
Adolescence et territoire(s)
Grands Bienfaiteurs
Carmin Finance
Crédit du Nord
Eutelsat
SUEZ Eau France
Bienfaiteurs
AXEO TP
Cofiloisirs
Fonds de dotation Emerige
Partenaires de saison
Château La Coste
Maison diptyque
Rosebud Fleuristes
Champagne Taittinger
Mécènes des actions d’accessibilité
Soutient le programme handicap
Fondation Raze
Soutient les représentations
avec audiodescription
Génération(s)
Odéon
Initié par l’Odéon-Théâtre de l’Europe,
Génération(s) Odéon est un programme
d’éducation artistique et culturelle à destination
de classes en réseau d’éducation prioritaire.
Depuis 2014, plus d’une centaine d’élèves ont bénéficié
de ce programme. À la rentrée 2017, Génération(s)
Odéon continue et s’adresse désormais à deux classes
de seconde sur une année.
Le programme se poursuit dans une volonté d’affirmer
sa dimension européenne. Que signifie être un jeune
citoyen européen ? Comment les oeuvres du passé
éclairent-elles notre présent ? Comment le théâtre peutil aiguiser notre regard sur le monde ?
Autant de questions qui seront abordées lors d’ateliers
de pratique prenant appui sur Macbeth de William
Shakespeare. Tout au long de la saison, les jeunes
participants assisteront à des spectacles à l’Odéon,
l’occasion de découvrir des œuvres aussi bien
classiques que contemporaines. Au cœur de leur
parcours, ils auront l’opportunité de partir faire un
voyage à l’étranger à la rencontre d’autres jeunes
Européens.
Restitution
en juin 2018 / Théâtre de l’Odéon 6e
Pour financer la seconde classe, l’Odéon compte sur
votre soutien, faites un don !
http://www.theatre-odeon.eu/fr/generations-odeon
50
élèves de seconde
1
parcours de spectateur à
l’Odéon-Théâtre de l’Europe
60
heures d’ateliers
2
artistes intervenants
1
texte du répertoire européen
comme matière de travail
1
voyage dans une ville
européenne à la rencontre
d’autres élèves
1
partenariat avec
un théâtre européen
1
restitution sur la scène
du Théâtre de l’Odéon
avec le soutien du
Fonds de dotation Emerige
Adolescence
et territoire(s)
Fidèle à sa mission d’ouverture à un large public,
l’Odéon-Théâtre de l’Europe, avec l’appui de ses
partenaires, est engagé depuis 2012 dans le
programme Adolescence et territoire(s).
Grâce au soutien de Vivendi Create Joy, ce sont près
de 90 adolescents qui ont déjà bénéficié de ces ateliers
de pratique artistique.
Pendant une saison, une vingtaine de jeunes âgés de
15 à 20 ans issus de territoires proches des Ateliers
Berthier (17e) vont être initiés à la dramaturgie et à la
pratique du jeu sous la direction d’artistes. Ces ateliers
les encouragent à l’écoute de l’autre et les sensibilisent
à l’importance de la maîtrise de la langue. Ensemble,
ils participent à la création d’un spectacle, présenté en
juin 2018, proposant à chaque fois une fiction traitant
de questionnements propres à leur génération.
Pour enrichir leur regard de spectateurs, des sorties au
théâtre accompagnent ce travail.
Depuis 2012
5
éditions
5
territoires partenaires : Paris 17e,
Saint-Ouen, Clichy-la-Garenne,
Saint-Denis, Asnières-sur-Seine
7
artistes associés :
Didier Ruiz, Jean Bellorini,
Julie Deliquet, Manon Thorel
et Julie Lerat-Gersant,
Chloé Dabert et Sebastien Eveno
564
heures d’ateliers de pratique
théâtrale hors temps scolaire
86
jeunes concernés
23
représentations
Pour cette 6e édition, l’Espace 1789 de Saint-Ouen,
fidèle partenaire du projet, et le T2G – Théâtre
de Gennevilliers soutiennent et accompagnent ce
programme aux côtés de l’Odéon-Théâtre de l’Europe.
Représentations
en juin 2018 / Ateliers Berthier 17e
puis à l’Espace 1789 de Saint-Ouen
et au T2G – Théâtre de Gennevilliers
#AetT
3 202
spectateurs
1
documentaire réalisé lors
de chaque édition
avec le soutien
de Vivendi Create Joy
Parking
Un projet dans le cadre du dispositif de jumelage
entre de grands établissements publics culturels
et les Zones de sécurité prioritaire (ZSP) d’Îlede-France.
avec le soutien du commissariat général
à l’égalité des territoires (CGET), la Préfecture
de la région Île-de-France et la Préfecture
du département de Seine-Saint-Denis
avec le concours de l’Espace 1789
et de la Colline – Théâtre national
À Saint-Ouen, l’Odéon-Théâtre de l’Europe s’engage,
pendant trois ans, pour un projet artistique confié au
collectif Zirlib et à Mohamed El Khatib sur le thème du
déplacement et des trajectoires. Comment et pourquoi
les habitants de Saint-Ouen sont-ils arrivés sur ce
territoire ? Comment rendre compte de la diversité de
leurs histoires individuelles dans l’espace commun de
la ville ?
Collectes de paroles et témoignages nourrissent la
construction d’un film documentaire, fil rouge de ce
projet. Sa réalisation est prétexte à créer des liens
entre personnes qui vivent côte à côte sans pourtant se
connaître, grâce à des ateliers de pratique artistique.
Ce documentaire sera projeté dans l’espace public,
sous la forme d’un “drive-in” où les voitures et leurs
histoires joueront elles aussi un rôle important.
Le point de départ unique et essentiel de la compagnie
de théâtre Zirlib est la rencontre. Rencontre avec une
femme de ménage, un éleveur de moutons,
un supporter de foot, un marin...
À partir de ces rencontres, se mettent en place des
protocoles de recherche qui aboutissent à des formes
dont chacun peut s’emparer immédiatement.
1er Acte
Fort des réussites des trois premières années
du programme, 1er Acte est reconduit pour une
quatrième saison, en collaboration avec deux
nouveaux partenaires, l’Odéon-Théâtre de
l’Europe et le Festival d’Avignon.
Afin de promouvoir une plus grande diversité dans
le recrutement des écoles de formation d’acteurs, et
sur les plateaux de théâtre, Stéphane Braunschweig
et Stanislas Nordey ont initié en 2014 avec leurs
partenaires des Fondations Edmond de Rothschild
et de la Fondation SNCF le programme d’ateliers
d’acteurs 1er Acte.
Successivement portés par la Colline puis par le
Théâtre National de Strasbourg, les ateliers 1er Acte
s’adressent à des jeunes acteurs ayant, dans leur
parcours artistique, professionnel ou personnel,
fait l’expérience de la discrimination. En trois ans,
les ateliers ont réuni une cinquantaine d’apprentis
comédiens, en leur proposant un vrai tremplin vers
leur professionnalisation. Il s’agit de donner à de
jeunes talents des clés de réussite dans le spectacle
vivant, grâce à l’implication d’artistes de renom et de
pédagogues qui leur transmettent leurs connaissances
du métier au cours de sessions intensives de travail.
Restitution
5 mars 2018 / Théâtre de l’Odéon 6e
un programme développé par le Théâtre National
de Strasbourg, les Fondations Edmond de Rothschild,
la Fondation SNCF, en collaboration avec le Festival
d’Avignon, l’Odéon-Théâtre de l’Europe, le CCN2 –
Centre chorégraphique national de Grenoble
Le théâtre de l’Europe
“L’identité culturelle des Européens, une identité multiple,
complexe, contradictoire et qui pourtant est reconnaissable
comme le fil rouge qui tramerait notre histoire.”
Giorgio Strehler.
L’Odéon-Théâtre de l’Europe a joué un rôle déterminant
dans la défense d’une certaine Europe culturelle.
Une Europe toujours ancrée dans son héritage de
valeurs issues pour une grande part des idéaux des
Lumières, mais aussi une Europe d’aujourd’hui traversée
par un présent qui l’oblige à se repenser et à se
réinventer. Ces questionnements sont aussi au cœur
de notre activité.
Mitos 21
L’Odéon fait partie de l’association européenne Mitos
21, regroupant certaines des institutions théâtrales
européennes les plus importantes. Son objectif
principal est de favoriser la rencontre et l’échange entre
professionnels du théâtre en Europe, et de travailler
ensemble sur des thématiques communes en mettant
en perspective les savoir-faire.
Les membres : Amsterdam Toneelgroep, Barcelone Teatre Lliure,
Berlin Deutsches Theater, Budapest Katona József Szinház,
Copenhague Det Kongelige Teater, Cracovie Narodowy Stary
Teatr, Ludwigsbourg Akademie für Darstellende Kunst BadenWürttemberg, Düsseldorf Schauspielhaus, Francfort Schauspiel,
Londres National Theatre, Moscou Théâtre des Nations, Salzbourg
Université Mozarteum – Institut Thomas Bernhard, Stockholm
Dramaten – Kungliga Dramatiska Teatern, Zürich Schauspielhaus
http://mitos21.com/
La Route européenne des théâtres historiques
Classé monument historique, l’Odéon s’inscrit au côté
de 120 théâtres partenaires à travers toute l’Europe
dans « La Route des théâtres historiques ». Douze
itinéraires regroupant chacun une dizaine de salles
remarquables vous sont proposés, sous la forme de
circuits touristiques.
http://www.perspectiv-online.org/pages/fr/route-europeenne.php
Portrait d’Europe
Nous sommes tous le fruit de notre histoire commune.
Un cycle de rencontres avec des personnalités à la
découverte de leurs origines européennes, proposé
dans le cadre de TRAVERSES.
Génération(s) Odéon
Ce programme d’éducation artistique et culturelle à
destination de classes situées en réseau d’éducation
prioritaire a déjà bénéficié à plus d’une centaine
d’élèves depuis 2014.
Cette saison, deux classes de seconde travaillent
autour de la question : Qu’est-ce qu’être un jeune
citoyen européen ? (voir p. 52)
Spectacles en langue étrangère, surtitrés en
français
Tpи cecTpы [Les Trois Sœurs], en langue des signes
russe, surtitré en français et anglais La Vita ferma
[La Vie suspendue], en italien Saigon, en français et
vietnamien The Encounter [La Rencontre], en anglais
Représentations surtitrées en anglais et français
Les Trois Sœurs vendredis 1er et 15 décembre
Macbeth vendredis 23 février et 9 mars
Bérénice vendredis 25 mai et 8 juin
L’Avare vendredis 15 et 29 juin
Location : 01 44 85 40 40 / theatre-odeon.eu
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