Si les causes de ce déclin sont, dans les grandes lignes connues, ses conséquences dans la structure
et le fonctionnement des réseaux de pollinisation le sont beaucoup moins, principalement en raison
de leur très grande complexité et de l’existence de verrous méthodologiques.
La complexité d’un réseau de pollinisation réside dans le très grand nombre de partenaires
interagissant et dans la multitude de liens interactifs réels ou potentiels qui en découlent. De plus,
ces liens peuvent recouvrir différences situations : des interactions positives (mutualisme
plantes/pollinisateurs) ou négatives (par exemple dépôt de pollen hétérospécifique sur les
stigmates), des interactions directes (entre une plante et un visiteur) ou indirectes (quand les plantes
de la communauté déterminent ensemble la composition et l’abondance des assemblages de
pollinisateurs). L’intensité des interactions varie également en fonction du degré de spécialisation
des partenaires. Ces différents paramètres changent en fonction de nombreuses caractéristiques des
assemblages de plantes et de pollinisateurs.
Cette incroyable complexité explique que la très grande majorité des études se soit focalisée sur des
systèmes de pollinisation très simplifiés incluant un nombre restreint d’espèces et à une échelle
spatio-temporelle réduite [6].
Les méthodes communément utilisées pour caractériser les réseaux, basées sur les taux de visites,
comportent de très sérieuses limites [7] : (i) elles assimilent toute visite à une interaction positive
alors que, lors d’une visite, un insecte peut ne pas déposer de pollen ou déposer du pollen
hétérospécifique et ainsi, interagir négativement avec la plante [1] ; (ii) beaucoup d’espèces
d’insectes sont difficilement voire non identifiables in situ, induisant un faible niveau de résolution du
réseau ; (iii) les pollinisateurs de certaines plantes sont si rares qu’ils ne sont que très rarement
observés en milieu naturel ; (iv) la constitution de réseaux de visites nécessite de très longs temps
d’observation excluant toute possibilité de mener des études à large échelle spatio-temporelle ; (v)
finalement, ces réseaux sont incomplets car ils n’incluent pas les interactions que les insectes ont
réalisées en dehors de l’aire d’observation lors de leur déplacement dans le paysage.
Des études récentes comparant des réseaux basés sur l’identification des pollens sur le corps des
insectes avec des réseaux de visites, montrent que ces derniers donnent une image biaisée de la
réalité [8]. Ils montrent également que l’étude des charges polliniques des insectes et des stigmates
permettrait de bien mieux décrire les réseaux d’interactions, laquelle se heurte à de nouvelles
difficultés : l’identification visuelle des pollens très longue et très difficile voire impossible pour bon
nombre d’espèces et une expertise souvent absente dans les laboratoires.
L’imprécision des méthodes conventionnelles en vigueur et leur coût en temps excluent toute
possibilité d’étudier les réseaux de pollinisation à grandes échelles spatiales et à un niveau de
résolution élevé.
Ainsi, l’un des défis majeurs à relever est de développer de nouvelles méthodologies pour : (1)
comprendre par quels processus les changements globaux peuvent déstabiliser les réseaux de
pollinisateurs, et (2) évaluer les risques de mise en place de spirales d’extinction et les risques de perte
de services écologiques [1].
Objectifs
L’objectif de ce projet est d’utiliser les nouvelles technologies de séquençage haut débit (NGS,
technologie Mi-Seq Illumina) et de génomique environnementale (métabarcoding) pour étudier les
réseaux de pollinisation dans des milieux agricoles ou naturels. Le métabarcoding consiste à identifier
les espèces dans un échantillon environnemental contenant un mélange d’ADN de nombreux