
4. Des moyens garantis et nancés de manière
solidaire
Le mode de financement de notre modèle d’assurance sociale
garantit une solidarité horizontale (entre bien-portants et
malades) et verticale (entre riches et pauvres).
Le financement se fait à plus de 60 % par des cotisations sociales
qui sont proportionnelles au revenu. Ainsi, les assurés cotisent
non pas en fonction du risque qu’ils encourent, qui est inégalement
réparti, mais en fonction du revenu dont ils disposent.
S’il est vrai que les modèles de type beveridgien permettent
également une certaine forme de solidarité (financement par
l’impôt qui est proportionnel au revenu), il n’est pas certain que
celle-ci soit garantie, en particulier en période de crise et au
gré de la couleur politique des partis au pouvoir. En effet, les
moyens sont alloués indirectement via l’impôt à la protection
sociale contrairement à notre modèle de sécurité sociale qui
est directement financé par les cotisations sociales. On a pu
voir dans l’actualité récente que la Grande-Bretagne a fait des
coupes importantes dans les budgets alloués au système national
de santé (NHS), et qu’un pan important de celui-ci a été privatisé.
Ainsi, dans la future gestion des compétences de sécurité sociale
qui vont être transférées aux entités fédérées, il est dès lors
essentiel de maintenir un financement qui soit réellement solidaire,
afin d’éviter toute forme de dérives telles que nous pouvons
l’observer au Royaume-Uni, et plus récemment au Canada.
5. Une solidarité forte entre branches de la sécurité
sociale
Les recettes de sécurité sociale sont gérées globalement. Cette
gestion globale se fait au niveau de l’Ofce national de Sécurité
sociale (ONSS) sous la supervision du Comité de Gestion de la
Sécurité sociale (constitué de représentants des partenaires
sociaux, des pouvoirs publics et du Collège inter-mutualiste). La
gestion globale implique que les différentes branches de la sécurité
sociale ne sont pas financées selon leurs rentrées financières
propres mais bien selon leurs besoins, permettant ainsi des
transferts entre les branches en boni et les branches déficitaires1.
Par exemple, les boni au sein de l’assurance maladie depuis 2005
ont permis des transferts importants de moyens vers les autres
branches de la sécurité sociale: 350 millions en 2010 et 1,093
milliard en 2011 (sachant qu’en 2012, les boni ont été récupérés
pour combler le déficit de l’Etat).
Si la gestion globale garantit une réelle solidarité entres les
différentes branches de la sécurité sociale, elle permet également
de pouvoir mener une politique globale et transversale. C’est
également le cas plus particulièrement pour le secteur des soins
de santé où, chaque année, la confection du budget permet de
mener des arbitrages entre les différents secteurs et de mener
ainsi une politique cohérente (par exemple concernant l’accueil
des personnes âgées qui implique différents types de structures
de logement et de soins).
6. Les risques de privatisation et de
marchandisation
L’accord institutionnel et le transfert de compétences
qui l’accompagne présentent un risque de renforcer les
phénomènes de privatisation et de marchandisation. Pour
illustrer ce double phénomène, nous prenons l’exemple des
maisons de repos, secteur le plus important parmi les matières
transférées en santé.
Nous définissons ici la privatisation dans le secteur de la santé
comme le glissement du financement des soins par des moyens
publics vers un financement par des moyens individuels. Cela
peut se faire directement via des (majorations de) paiements
propres ou l’exclusion de prestations assurées, ou indirectement
via des (augmentations de) primes d’assurance complémentaire
où seule la solidarité des risques joue un rôle et non plus la
solidarité des revenus (Derieuw, 2007).
Par rapport à la croissance budgétaire actuelle du secteur
des maisons de repos, le financement prévu par l’accord
institutionnel risque d’être insuffisant, et dès lors d’impliquer
un glissement inéluctable vers le financement privé. En effet,
les compétences transférées en matière de santé ne seront à
termes plus nancées par la norme de croissance de 4,5 %. Les
moyens fédéraux actuels, répartis entre les entités fédérées
selon deux clés population différentes (sur base de la répartition
des plus de 80 ans entre les entités pour les matières santé
concernant les personnes âgées, et sur base de la répartition
de la population totale pour les autres matières santé), seront
majorés chaque année en fonction de la croissance du Produit
intérieur brut (PIB), de l’inflation (évolution des prix) et de la
population (afférant à la clé concernée). Pour les maisons de
repos comme pour beaucoup d’autres secteurs, ces moyens
risquent d’être insuffisants.
L’encadrement en MRPA-MRS-CDJ (maisons de repos pour
personnes âgées, maisons de repos et de soins, centres de
jour) représente, en 2011, 2,4 milliards d’euros. Si, en 2000, on
avait appliqué le taux de croissance tel que prévu par l’accord
institutionnel, les budgets n’auraient cru en moyenne que de
4,7 % par an (hors ination), contre 7,3 % effectivement. Ceci
implique que, pour l’année 2011, il aurait manqué plus de 500
millions d’euros pour répondre aux besoins et ce, alors que le
vieillissement de la population va s’accentuer (voir Figure 1).
1 https://www.socialsecurity.be/
MC-Informations 249 • septembre 2012 5