Chapitre V : SELECTION NOTION DE VALEUR ADAPTATIVE La sélection représente l’influence du milieu (au sens large) sur la probabilité d’un génotype donné à transmettre ses gènes à la génération suivante. Un génotype avantagé va entrainer une augmentation de la fréquence des allèles qu’il transmet et un génotype désavantagé entrainera une diminution des fréquences des allèles qu’il contient. La sélection agit sur le phénotype et à travers les génotypes, elle fait varier les fréquences alléliques. La valeur adaptative W mesure la probabilité d’un génotype de transmettre ses gènes à la génération suivante. On l’appelle aussi « valeur sélective » ou « fitness ». Sa valeur est donc comprise entre 0 et 1. Elle dépend de deux paramètres : La viabilité La fertilité différentielle des génotypes Si W = 0 non viables ou stériles Si W = 1 génotype plus avantagé La valeur adaptative W est une valeur relative qui est toujours estimée par rapport aux autres génotypes vivant dans le même milieu ; Les mesures de valeur adaptative sont complètes et souvent on estime une partie de la valeur adaptative réelle. On peut mesurer W par des approches démographiques qui peuvent mesurer les taux de viabilité (survie) dans les populations naturelles ou les taux de germination. Exemple : Estimations de W par marquage – recapture : Le mélanisme industriel chez la Phalène du Bouleau Forme claire : « typica » Forme mélanique : « Carbonaria » Après la révolution industrielle, le phénotype le plus répandu typica a diminué pour laisser place à Carbonaria. Les papillons se voient moins sur un bouleau sombre (pollution) lorsqu’ils sont Carbonaria. Expériences de Kettlewel (1953) : Marquages, lâchaget et recapture de papillons en campagnes et en villes. Région industrielle de Birmingham : 84% recapturés noirs Région rurale (dorset) : 74% recapturés clairs Survie différentielle des deux phénotypes Confirmations : Observation directe de la prédation des oiseaux Mesures anti pollution dans les années 70 : baisse de la fréquence des carbonaria Autres méthodes pour estimer W : le modèle de Hardy et Weinberg Exemple de l’anémie falciforme (drépanocytose) : Mutation dans chaine beta de l’hémoglobine : GAG (Glu) GTG (Valine) Hb normale (allèle A) Hb mutée (allèle S) Génotypes SS anémies mortelles La sélection agit entre le stade zygote et l’âge adulte (viabilité). Dans certaines régions, l’allèle S est maintenu (où le paludisme est endémique) et les hétérozygotes SA sont plus résistants donc avantagés. On a donc maintien du polymorphisme (présence des deux allèles). A chaque génération (en panmixie), les fréquences génotypiques des zygotes = p², 2pq et q² même si p et q changent d’une génération à l’autre. La sélection agit entre le zygote et l’adulte. II. SELECTION ET EVOLUTION DES FREQUENCES ALLELIQUES Soient 2 allèles a1 et a2 : G0 Valeur adaptative G1 (après sélection) a1a1 P² W1 W1p² a1a2 2pq W2 2W₂pq a2a2 Q² W3 W3q² f(a1) = (2a1a1 +a1a2)/2(a1a1 + a1a2 + a2a2) = (2w1p² + 2w2pq )/ 2(w1p² + 2w2pq + w3q²) = P1 Δp = p1 – p0 =( p(W1P – W2Q)/ W1P² + 2W2PQ + W3Q² ) - p = Le dénominateur (W1P² + 2W2PQ +W3Q²) est aussi appelé Valeur sélective moyenne de la population. Remarque : le signe de Δp depend uniquement du numérateur et des écarts (W1 – W2) et (W2 – W3) Lorsque p et q sont différents de 0 et 1 (polymorphisme) : Δp < 0 diminue Δp > 0 p augmente Δp = 0 équilibre Cas remarquable : a1a1 a1a2 W1 W2 Soit W1>W3 Trois cas possibles pour W2 : a2a2 W3 1 : W1>W2>W3. sélection directionnelle On veut connaitre le signe de Δp et l’évaluation du polymorphisme. L’hétérozygote a une valeur adaptative intermédiaire entre celle des homozygotes. Δp = pq * (p(W1-W2) + q(W2-W3))/ W DONC Δp est toujours positif. Pn+1 > Pn p= f(a1) est croissante : p 1 donc f(a2) = q=0 de a2 élimination du polymorphisme (sélection uniformisante). fixation de a1 et élimination 2 : W2>W1>W3 sélection équilibrée L’hétérozygote a une valeur adaptative supérieure à celle des homozygotes. Ici, Δp peut être positif, nul ou négatif. Si p< p Δp> 0 p est croissant et p tend vers p Si p> p Δp < 0 p diminue et p p P valeur stable d’équilibre (Δp = 0) polymorphisme (p et q différent de 0) Lorsque l’hétérozygote est avantagé, la sélection conduit à un maintien stable du polymorphisme. Ceci est un argument majeur de la théorie sélectionniste pour défendre le rôle important de la sélection dans la diversité et l’évolution génétique des populations. 3 : W1>W3>W2 Δp peut être encore positif nul ou négatif. Si p< p Δp<0 p diminue et p0 Si p> p Δp >0 p augment et p 1 Perte de polymorphisme Exemple de sélection directionnelle : Les papillons anglais mélanisme industrielle Pollution f© augmente Sans pollution f( c ) diminue Sélection équilibrée Ex : drépanocytose (anémie falciforme) dans les régions où sévit le paludisme. Gène AS plus résistant au paludisme Maintien du polymorphisme par avantage des hétérozygotes. Autre exemple de polymorphisme équilibré maintenu par avantage des hétérozygotes : les boucles d’inversion chromosomiques dans les populations naturelles de drosophiles. Mécanisme = sélection en faveur des hétérozygotes ? Les allèles associés à l’intérieur de la boucle sont transmis en bloc à la manière d’un super gène. Les gamètes viables produits par les hétérozygotes de structure sont des gamètes non recombinés. Si on a des crossing over dans la boucles, on peut avoir des gamètes normaux où des gamètes non viables (résultat de la recombinaison, du crossing over). Les associations alléliques multilocus les plus avantagées dans certains milieux sont maintenues en plus forte fréquence. Distribution des polymorphismes d’inversion : Les différentes inversions montent des valeurs… Effets de la sélection sur le polymorphisme nucléotidique. Dans les populations naturelles de drosophiles, on connait deux types d’enzymes : 2 allozymes ADH En étudiant le polymorphisme électrophorétique on peut étudier les fréquences alléliques et on a noté une variation géographique de ces fréquences. La fréquence de l’allèle S (slow) est plus élevée en région tropicale alors que l’allèle F (fast) est plus élevé en région tempérée. Polymorphisme de l’ADH chez la drosophile Comparaison de 11 séquences du gène ADH provenant d’individus échantillonnés dans des populations d’origine géographique différente (Kreitman 1983) 43 sites nucléotidiques variables 9 allèles (ou haplotypes) dont 29 sites non codants 14 sites dans zones codantes 13 synonymes 1 non synonyme : A (lysine) C (thréonine) (allozyme S ) (allozyme F) Dans les exons, les changements nucléotidiques peuvent entrainer le remplacement d’un acide aminé : Matuations non synonymes : Ka = taux de substitution non synonyme /site Nombre moyen de changement non syn observé entre deux séquences / nombre total de changements non syn possibles entre elles Le code génétique est dégénéré : certaines substitutions sont « silencieuses » Mutations synonymes : Ks = taux de substitution synonyme / site. Comparaison des mutations synonyme et non synonymes : Ka/Ks =1 evolution neutre Ka/Ks <1 sélection négative (contraintes fonctionnelles) chaque fois qu’un nouvel allèle apparait, la sélection l’élimine. L’allèle restant est retenu car les autres sont défavorables. Situation commune. Ka/Ks > 1 sélection positive. Chaque fois qu’on a un nouvel allèle, il est retenu donc c’est intéressant d’avoir plein de protéines différentes. Intéressant pour le système immunitaire (plus de protéines antigéniques différentes plus de capacité de défense). La nature neutre ou sélectionnée des polymorphismes a fait l’objet d’un débat dans la théorie de l’évolution. L’école sélectionniste ou néo darwinnienne considère que la sélection est le moteur de l’évolution. La sélection peut être « uniformisante » (aboutit à une perte de polymorphisme) sélection directionnelle. On parle de sélection positive lorsque on a fixation de l’allèle avantageux On parle de sélection négative (ou purificatrice) entraine l’élimination de l’allèle délétère. Dans la vision sélectionniste, les allèles retenus sont les plus avantageux. La sélection peut maintenir le polymorphisme : Sélection fréquence – dépendante (ex : avantage du type rare) Variation spatio temporelle des conditions sélectives Avantages des hétérozygotes (sélection « balancée » ou équilibrée, « surdominance ») Ecole neutraliste : La plupart des mutations sont délétères sélection négative Peu e mutations sont avantageuses sélection positive rare La majorité des allèles restant dans les populations est « neutre ». Dans la vision neutraliste, les allèles (en majorité neutre) sont fixés par la dérive et le polymorphisme est le résultat de l’interaction mutation – dérive. La mise en évidence des différents types de sélection sur les séquences d’ADN et leur importance chez différentes espèces devient un enjeu du débat entre sélectionnistes et neutralistes.