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LA VILLE DE KRISTIANSTAD EN SUÈDE
Le cercle vertueux
À la fin du mois de février, le Réseau de l’information (RDI) demandait au
directeur général de l’IRÉC de participer à un documentaire sur la municipa-
lité de Kristianstad en Suède. L’intérêt des documentaristes était de constater
de visu comment fonctionne une ville qui a réussi à réaliser le cercle vertueux
en économie c’est-à-dire de compléter un cycle de production de la valeur en
intégrant les cycles écologique et économique. Ils ont contacté l’IRÉC, car
l’institut est un interlocuteur de plus en plus recherché en ce qui trait à la
reconversion verte de l’économie en général et celle du Québec en particulier.
Il y a quelques années
de cela, la municipalité
de Kristianstad en Suède
entreprenait de mettre en
place une stratégie de lutte
au changement climatique
et de réduction des gaz
à effet de serre qui serait
conciliable avec l’objectif
national d’affranchir la
Suède de sa dépendance
aux énergies fossiles. La transformation des
déchets organiques en biogaz occupe une place
centrale dans cette stratégie. Les déchets orga-
niques domestiques et industriels ne sont plus
enfouis, mais dirigés vers une usine de biomé-
thanisation. La municipalité a fait de même
avec les boues de son usine de traitement des
eaux usées. Le biogaz produit est utilisé comme
carburant pour alimenter le réseau d’autobus
de la ville. Il sert également pour une partie du
parc automobile municipal en plus d’alimenter
un réseau de chaleur qui permet de chauffer
les immeubles d’un quartier de la ville de Kris-
tianstad. L’expérience a été concluante au point
que la municipalité est partenaire de stations-
services pour la vente au détail de biogaz aux
automobilistes.
La démarche docu-
mentaire de l’équipe de
RDI visait aussi à montrer
avec un exemple concret
comment la Suède lutte
contre les effets pervers
des changements clima-
tiques et veut s’affranchir
de la dépendance aux
énergies fossiles d’ici 2030.
«Nous avons pu constater
que techniquement, c’est
réalisable et qu’économiquement, c’est viable»,
explique Robert Laplante directeur général de
l’IRÉC lors de son retour de Suède.
Il faut comprendre aussi que cette ville a un
intérêt supplémentaire à déployer des efforts
pour contrer les perturbations climatiques.
En effet, elle est située sous le niveau de la
mer. Elle subit depuis une dizaine d’années de
fréquentes et graves inon-
dations. Les autorités ont
dû déplacer 200 millions
d’Euros pour construire
des digues autour de la
ville afin de contenir les
eaux des rivières Helge et
Hammarsjön. Les gens de
Kristianstad ont obtenu
un soutien substantiel du
gouvernement central.
Une volonté politique
Car ce désir de s’affranchir du pétrole est
venu de l’État suédois. Ce dernier a mis au
point plusieurs programmes de soutien afin de
réduire la dépendance au pétrole, de miser sur
des énergies renouvelables et d’atteindre des
objectifs ambitieux dans son effort de réduc-
tion des gaz à effet de serre. Le gouvernement
suédois a décidé de remplacer le pétrole par des
sources qui font appel à la valorisation des res-
sources locales et qui sont créatrices d’emploi
dans l’économie locale», poursuit le chercheur
de l’IRÉC.
L’exemple de Kristianstad est intéressant,
car les autorités locales ont adopté cette appro-
che globale face aux changements climatiques
et l’ont adaptée selon leur
réalité. Elles n’ont pas
fonctionné à la pièce. Elles
ont adopté une perspective
d’ensemble avec des activités
économiques en boucle.
Pour constituer un système
cohérent, elles ont utilisé
les parcs automobiles et
d’autobus de la ville. Elles
ont ainsi créé une masse cri-
tique qui a permis de pénétrer
le marché du détail avec des
stations-services publiques et privées
de biogaz.
Secteur agricole fort
Cette municipalité ressemble à celle de St-
Hyacinthe au Québec. Son cœur industriel est
formé d’entreprises du secteur agroalimentaire.
Cette ville est située dans une zone fortement
agricole. C’est ce qui explique la présence
d’un immense abattoir. La ville en récupère
les déchets ainsi que le lisier de porc chez les
cultivateurs dans la campagne environnante.
Elle achemine les deux types de déchets à une
usine de traitement où bioréacteur produit des
biogaz. Les autorités ont calculé que l’aug-
mentation des gaz à effet de serre engendrés
par cette collecte dans les campagnes était
largement compensée par les gains liés à la
production de biogaz
De plus, ce qui reste du procédé de trans-
formation en biogaz devient du compost qui
retourne dans les champs.
Enfin, la ville utilise les déchets du bois
venant de l’industrie de la construction et les
rejets des usines de sciage avec le bran de scie
et les copeaux pour produire du biocombusti-
ble. Une usine de granulation transforme ces
déchets en granules utilisées pour chauffer
des usines, des maisons et les serres de la ville.
Il y a aussi une partie qui est transformée en
paillis utilisé pour les parcs et l’ornementation
des rues.
«Autrement dit, souligne le chercheur qué-
bécois, l’ensemble de la vocation économique
de la ville et des zones avoisinantes ont réussi
un cercle vertueux avec le recyclage des déchets
domestiques, industriels et agricoles. Les
autorités municipales ont adopté un système
centralisé bien que la cueillette du lisier doit se
Un autobus fonctionnant au biogaz dans les
rues de Kristianstad.
Kristianstad
Kristianstad («La ville de Christian»)
est une municipalité située dans le sud de
la Suède. Elle compte 77000 habitants en
incluant les banlieues. Elle a été fondée
en 1614 par le roi Christian IV du Dane-
mark. En Suède, le point le plus bas sous
le niveau de la mer est situé à Kristians-
tad. Pour se protéger, les habitants ont
érigé de nombreuses digues et installé de
grandes pompes à eau. Pour étendre la
superficie de leur ville, ils ont occupé de
larges espaces de terre située dans des
zones marécageuses sous le niveau de la
mer. Ils les ont entourés de digues. Afin de
prévenir des inondations au centre de la
ville, ils renforcent les anciennes digues
et construisent de nouvelles digues le long
des deux rivières qui entourent cette ville.
La menace est venue durant l’hiver de
2002 lorsqu’une très grande section de la
ville appelée Tivoliparken a été complète-
ment inondée. Les changements climati-
ques sont une réalité très concrète pour
les habitants de Kristianstad.
KRISTIANSTAD/SUITE À LA PAGE 4
Construction du troisième bioréacteur du
centre de production de Karpalund en ban-
lieue de Kristianstad.
Photo: Lennart Erfors Photo: Lennart Erfors