ro4 DEBATS
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I existe des rayons bio dans tous les hypermarchés,
mais nous parlons une largue traitée àmoft. Dats son
li r.re « De quel amour blessée » (1), le poète et essâÿste
Alain Borer institue la notion de <. réchauffement lin'
Sursftque »... C'est cela : nous cherchons à préseryer
notre eâu, notre ait notre sol, nousvoulons conselrer
notre modèle social, notre sysême de sarté, le peu d,industrie
qu'ilnousrestg nous ravalons les façades d'immeubles, nous pro-
tégeons notre patrimoine, mais celui qui s'avise de défendre le
français passe pour un barboq unüeuxronchonhors course - et
de droite, par-dessus le marché. C'est automatique. Au mieux, il
passe pour un poseu4 un fayot, un intello. Et pourtant, le fiançâis,
ce que nous avons de plus précieux, se porte mal. Sa maladie est
intemg elle est externe dans les deux cas volontaire, provoquée,
et même revendiquée. Et c'est le plus tragique. LEtat nous y invite
Ie plus souvent, et c'estle plus absurde.
Méthodiquement, nous appau\Tissons nofevocabulaire. Nous
avions deux mots, nous n'en avons plus qu'un : nous aüons homo-
nyme (= de même nom) et épon1.rne (= qui donne son nom), nous
n'avons plus qu'éponyme, qli paraît plus chic; nous tlroru 1es
conséquences, au lieu des concluslons, nous laissons proliférer les
pléonasmes (prépare r à lhvance, isque potentief, nous répétons
à la fois (il est à la fois beau, et à la fois iche) parce que nous ne
réfléchissons plus à ce que nous disons ; nous peruertissons la
sptÉLxe, toujours dans le sens de l'appauwissement : abuser une
l?mme veut dire la fl oter, abuser d'une femme veut dire la violer,
et nous ne disons pl us qt'abuser une femme (la üoler. Ajoutons
que cela fait suite à Ia quasi-suppression du verbe yroler, lui-même
proscrit, parce que trop précis - et nous avor.rs appris à harr Ia pré-
cision (on n'apprend plus à écrire en curslre, à l'écolg mais en
dttdche). L anglais y aide : nous aions déroulement, emploi du
temps, déldi, moment, synchronisation, minutage, nous n,avons
plus qu'ur.r seul mo! timing, qui les dit tous, donc aucun. Métho-
diquemen! lrous distordons le lien entre écriture et prononcia-
tioq puisque nous accueillons les mots arglais sans les {iarciser
dars leur ofthographe et en les prononçant à l'anglaisg ai?Phone,
même s'ils sont français db gine (entendu l'autre jour : Il est
pauvre comme djob. »). Nous cherchons à tout prix à intégrer les
immigrés, n.nis leurs mots, eux, peuyentrester fichés dans le frar-
çais sans qubn en souffte le moins du monde. Nous faisons du
communautarisme linguistique. Méthodiquement, nous râccour-
cissons les mots de plus de deux syllabes à coups d apocopes qui
laissent entendre que la rapidité vaut mieux que tout: le doc4le
bénef,l'ordi,l'homo,l'tnfo, à tout' ot encore le réac... Ne sommes-
nous pas passés, ici même, du << lfouye/ Obs ervateur » à « I'Obs »?
Nostra culpa. Le raccourcissemenq multiplié par l'appaurrisse-
ment du vocabulaire, donne des résultats atroces, des in.nges
figées, des stéréoqpes, comme dars le o langage SMS » : mdr
(Iriot de rire), asr, (âge sexe ville)... Méthodiquement, nous
décourageons toute la créativité lexicale, ricanons des mots nou-
veatx (courriel, bogue), non parce qu'ils sont recommardés par
les autorites, mais uniquement parce qu'ils sont d'apparence fran-
çaise : nous voulons faire perdre toute tonicité à notre langue,
parce que c'est la nôtre. Et si nous l'encourageons, comme dans
la féminisation des noms de titres et fonctions, c'est pour mieux
oublier qu'il existait en français une classe de mots dits éprcènes
(des deux genres), comme un ou une enfarq un ou une secrétaire,
un ou une cinéastg et qu'il suffisait de lël atgr àprofesseuT auteur,
cheJ sars aller jusqu'aux barbarismes que sont prolèsseure,
auteure, cheffe... L impayable féministe Geneviève Fraisse n'a-
t-elle pas parlé des « sdns-pdplères » d'Alrrsterdam ?
ue le niveau dbfthographe cles élèves aitbaissi
plus personne ne le conteste (c'est wai des
élèves, c'est wai des professeurs). Mais la nou-
veauté est que la faute ne touche plus la seule
orthographe d'usage : les pratiques ont toujours
un peu flotté sur ces questions, sans qubn ait à
s'en offtrsquer : comblen d'r à embarrasser ? quel est le genre du
mor élitoire? Le fiarçais est aussi un j eu de société très prisé, et
parfois difficile; non,lafaute nouvelle concerne la nature gram-
maticale des mots, la différence qubn établit entre un verbe et
une préposition, entle un adjectifet un arti cle : je mais mon man-
tedu, j e m'e st mon mantedu... Cette confu sion est infi niment plus
grave, plus profonde,justementparce qu'il s'agit d'une confusion,
non d'une erreur. Que la nature des mots ne soitplus fixée, que
la construction des verbes soit laissée au hasard, l'emploi des
temps anarchique, et c'est toute la logique grammaticale qui s'ef-
fondre comme un pan de falaise. Que lbral et lécrit divorcent
(une part de àrr, une règle de gramaire, deux heuros), et cèstun
auüe pan qui s'écroule. Que des hommes politiques 0e « care ))
de Martine Aubry !) ne parlent bien qu'une seule largue, la
lalgue de bois, et c'est encore un pal de moins. Que les orga-
nismes publics matraquent des fautes cent fois parjour, et c'est
la noyade. La SNCF s'excuse <r poar 1a géne occasionnée », sans
complément d'agent (occasionnéepar), et vous recommande :
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