à légiférer dans ce domaine. L’information doit porter sur la
maladie, les traitements, leurs effets attendus et inattendus. Je
n’entrerai pas dans le débat sur le degré d’information
à transmettre : faut-il toujours dire toute la vérité à tous les
malades ? La tentation que peut avoir le médecin de « tout
dire » ne peut-elle se confondre avec le désir de se décharger
d’un lourd fardeau, voire de se défausser de toute respon-
sabilité sur l’avenir de ce malade ?
Quoi qu’il en soit, l’écart du niveau de connaissance entre
malade et médecin s’amenuise progressivement. Qu’en est-il
du niveau du savoir, c’est-à-dire de l’intégration et de l’appli-
cation des connaissances ? Quand se pose aujourd’hui la
question d’un choix thérapeutique, médecins et malades
sont-ils réellement sur un pied d’égalité ? Il me semble impor-
tant, pour les deux parties, qu’ils ne le soient pas et que leur
relation soit et demeure asymétrique.
–Le malade doit être informé le plus possible, le mieux
possible, et de la façon la plus adaptée : c’est évident,
c’est aussi la loi.
–Le malade doit avoir une opinion sur les options thérapeu-
tiques proposées : c’est tout aussi évident.
–Le médecin ne doit pas se décharger de la responsabilité
du choix : c’est à lui de dire au malade ce qui, à lui méde-
cin, lui paraît être le mieux, le plus adapté, le plus…le
moins…pour le malade, et seulement pour ce malade parti-
culier. L’un des piliers de l’éthique médicale est, à mon sens,
la responsabilité du médecin face au malade. Cette respon-
sabilité ne doit pas être transférée au patient.
Dans la situation où l’on dispose de deux traitements possi-
bles qui ont chacun leurs avantages et leurs inconvénients,
il existe un fossé entre le fait de dire au malade : « moi,
Docteur, je pense qu’il vous faut ce traitement car…»ou
« quel traitement souhaitez-vous recevoir, car moi, Docteur,
je vous laisse ce choix ? ». Bien entendu le malade a et doit
avoir la possibilité de ne pas suivre le choix du médecin. Mais
le médecin ne doit pas pour autant être contraint de prescrire
un traitement qu’il ne juge pas opportun pour ce malade,
quitte à lui conseiller de solliciter un autre avis médical.
Il est des situations où ni le médecin ni le malade ne sont en
mesure de pouvoir choisir entre deux ou plusieurs traitements
possibles. L’exemple des protocoles thérapeutiques et
singulièrement ceux qui proposent une randomisation est
particulièrement instructif.
Pour une pathologie donnée, il existe un traitement de réfé-
rence parfaitement connu, maîtrisé, dont on sait les résultats
attendus et une innovation thérapeutique qu’il faut tester et
comparer. Il est scientifiquement admis que seuls les essais
randomisés contrôlés peuvent apporter une réponse à cette
problématique. Les malades qui participent à ces essais
sont protégés par la loi. C’est donc au hasard de décider
du traitement à entreprendre. Bien entendu le médecin est
libre d’inclure ou non les malades dans ces protocoles et le
malade est libre de donner ou non son consentement
« éclairé » après avoir reçu une information « précise et
adaptée » comme l’exige la loi. Il est néanmoins légitime de
se poser trois questions :
–Qu’est-ce qu’un consentement « éclairé », demandé dans
des situations parfois sombres, voire particulièrement drama-
tiques, obtenu dans des délais nécessairement très courts ?
–Pourquoi le médecin accepte-t-il d’inclure des malades
dans le protocole ? Il n’y a évidemment pas de réponse
unique : par désir de mieux pour le malade ; par pur esprit
scientifique, « pour faire avancer la science » ; par attrait de
la publication scientifique, moteur de la carrière…
–Pourquoi le malade accepte-t-il d’être inclus dans le proto-
cole ? Il n’y a évidemment pas non plus de réponse unique :
parce qu’il a confiance en ce médecin ou en la médecine ;
par désir de plaire au médecin ; par désir de contribuer à
l’avancement de la science ; par goût du risque…
Nous sommes à une époque où la normalisation envahit le
champ sociétal, où la mondialisation règne, où l’information
s’impose en droit, où la relation qui s’établit entre un médecin
et le malade subit nécessairement des bouleversements.
Doit-on pour autant affirmer que médecin et malade sont,
face à la maladie et aux possibilités thérapeutiques que les
progrès techno-scientifiques autorisent, sur un même niveau ?
Les relations entre soignant et soigné sont, resteront et doivent
demeurer asymétriques. Il appartient certes au médecin
d’adapter son discours aux demandes légitimes de la société
actuelle mais l’éthique de son métier implique l’acceptation
d’une responsabilité vis-à-vis du malade et non de lui laisser
l’illusion d’un choix qu’il n’a pas. ■
Hématologie, vol. 16, n° 4, juillet-août 2010
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