CH. MAZEL. M. TRABELSI, D. GHOMRI, O. GUINGAND, E. DE THOMASSON, R. TERRACHER
Le traitement chirurgical du canal cervical étroit se heurte à
un double impératif neurologique et mécanique,
L'impératif neurologique est le principal
Il est essentiel d'effectuer une décompression de bonne
qualité. Cette décompression est le gage de l'arrêt de l'évo-
lution, voire de la régression de la myélopathie cervicar-
throsique.
Cette décompression est de façon classique effectuée soit
par un abord postérieur unique soit par un abord antérieur
unique, le choix de la voie d'abord était en général dicté par
l'étiologie de la compression; à titre d'exemple:
• OPLL (ossification of the posterior longitudinal ligament)
justifiant une laminectomie, voire une laminoplastie;
• discarthrose justifiant plutôt un abord antérieur avec cor-
porectomie multi-étagée,
En fait, le canal cervical étroit discarthrosique est rarement
isolé antérieur ou postérieur. Dans de nombreux cas opérés
par l'un ou l'autre des deux abords, il n'est pas rare dans
les années suivant cette décompression chirurgicale, d'étre
amené à rediscuter une indication opératoire complémentaire
sur le versant qui n'a pas été décomprimé. Ainsi dans le cas
d'une décompression postérieure, s'il y a eu une bonne
régression des troubles sensitifs, il subsiste encore des
troubles moteurs qui font discuter l'opportunité d'une
décompression du cordon pyramidal par un abord antérieur.
Inversement, dans le cadre d'un abord antérieur de corpo-
rectomie, ou de discectomie multi-étagée, si la régression
ou la stabilisation des troubles moteurs est bonne, les
troubles sensitifs peuvent subsister.
Le deuxième impératif est mécanique
Qu'il s'agisse d'un abord antérieur ou postérieur, la stabili-
sation du rachis cervical n'est pas évidente. Dans le cas des
laminectomies, la fréquence des swan-neck est loin d'être
rare, même s'il n'est pas effectué d'arthrectomie, C'est
pour cela que des auteurs ont décrit la laminoplastie.
Dans le cas des abords antérieurs, un problème mécanique
subsiste aussi. En effet, en cas de corporectomie étendue, la
reconstruction est confiée soit àun greffon péronier, soit à
un greffon iliaque tricortical et il est indispensable d'envi-
sager une ostéosynthèse associée, Nous connaissons le
caractère moyennement satisfaisant des ostéosynthèses
antérieures isolées. Les démontages ne sont pas rares, La
gêne avec dysphagie liée à la présence du matériel est aussi
une complication post-opératoire immédiate non négli-
geable à prendre en compte.
e'est l'ensemble de ces arguments qui nous a amenés à
reconsidérer la tactique du traitement des canaux cervicaux
étroits. Nous avons pris la décision de procéder àun double
abord systématique, postérieur puis antérieur pendant la
même hospitalisation, Tous les problèmes seraient donc
résolus au décours de ces deux interventions chirurgicales.
252
Cette tactique opératoire, outre l'intérêt d'une qualité de
décompression optimale, permet de travailler dans de
bonnes conditions neurologiques: le fait de pratiquer
l'abord postérieur de laminectomie et de fixation première,
autorise quelques jours plus tard àeffectuer un abord de
décompression avec un "coussin" protecteur en arrière de la
moelle. En effet, la moelle qui est inévitablement refoulée
lors de l'abord antérieur par les manœuvres de la curette ou
de la fraise n'est plus bloquée en arrière par les lames. Le
"coussin" amortisseur ainsi disponible permet une bien
meilleure expansion et un moindre traumatisme médullaire.
C'est cette expérience que nous rapportons dans cet article,
HISTORIQUE ET ÉVOLUTION DES
TECHNIQUES DE TRAITEMENT DU
CANAL CERVICAL ÉTROIT
La notion d'une atteinte médullaire par cervicarthrose
(Barre 1974, Byron Stookey 1928, Alajouanine 1930) n'a
été reconnue avec sa fréquence réelle que peu à peu à tra-
vers les études de Marcia Wilkinson 1960, de Breig et
Turnbull 1966. La découverte des canaux congénitalement
étroits (Payne et Spllane 1957), leur relation avec la cervi-
carthrose (Hink 1960) a attiré l'attention des chirurgiens sur
leur fréquence.
Le traitement, par analogie avec les compressions d'origine
tumorales, était réalisé initialement par 1aminectomie; au
symposium d'Edimbourg en 1960, sur ce sujet, la quasi-
totalité des auteurs faisait référence aux résultats de lami-
nectomies. Les interventions par voie latéro-cervicale
(Robinson et Smith 1955, Cloward i95S) (6,7) commen-
~ < , ' - -.,. i.'
çaient à avoir leur place dans le traitement des radiculalgies
cervicobrachiales, mais n'étaient qu' exceptionn~llement
proposées pour les atteintes médullaires, Depuis lors les
études se sont multipliées, perme.~t~nt la comparaison d'un
grand nombre de cas, d~ leur al1atomie, de leur sémiologie
et de leur évolution. Les attitudes thérapeutiques s'étant
ainsi diversifiées.
Les abords postérieurs
Historiquement, la voie d'abord postérieure était la princi-
pale voie d'abord utilisée pour les interventions de myélo-
pathies cervicarthrosiques jusque dans les années 1960
(40,13,15,25,32) ,
La laminectomie
"Libérer" la moelle par laminectomie, lui permettre de
s'écarter éventuellement des ostéophytes vertébraux anté-
rieurs, est apparu comme une solution simple, peu aggres-
sive, pouvant s'adresser aux canaux congénitalement rétré-
cis aussi bien qu'aux sténoses localisées,
Les reproches à cette technique ne sont pas négligeables:
- elles laissent persister les ostéophytes corporéau~ àla face