
choses tirées ». Aucun doute, ce qui est traîné, tiré, est encore loin au Moyen Âge d'être associé à la locomotive entraînant « à toute
vapeur » derrière elle une vingtaine de wagons.
Le train bénéficiera néanmoins dès sa naissance lexicale de quelque succès : dès la fin du XII
e
siècle, se rapprochant du futur
moyen de transport, il désigne déjà un convoi de bêtes de somme et, plus largement au XIII
e
siècle, les domestiques, chevaux et
voitures accompagnant un haut personnage, le roi par exemple. D'où le fait de « mener grand train » et le « train du roy ». Forcément
long et somptueux.
Ainsi, peut-on expliquer à nos enfants et petits-enfants le sens premier du mot « train », que l'on entend encore résonner dans la
chanson traditionnelle d'un noël populaire très répandu : « De bon matin, j'ai vu passer le train de trois grands rois qui partaient en
voyage ». A dos d'animal, qu'il s'agisse de chevaux, d'ânes ou de chameaux mais, quoi qu'il en soit, pas encore sur une voie de chemin
de fer.
UN PETIT PEU DE CHOCOLAT ?
Le train roule. C'est le moment de satisfaire à la gourmandise : le chocolat ... Mais sous quel
emballage ? Quelle forme ? Quelques écrivains sont bienvenus ici pour nous aider à procéder aux bons
choix. Colette est tout d'abord requise, forte de ses souvenirs d'enfance, dans La Maison de Claudine
(1922) : « Le chocolat dans ce temps-là, ça se faisait avec du cacao, du sucre et de la vanille. En haut de
la maison, les briques de chocolat séchaient, posées toutes molles sur la terrasse ». Cependant, même si
en définitive la brique se retrouve à petite échelle chez Louis Courthion, dans les Contes valaisans (1904)
–« Elle en profita pour se glisser une brique de chocolat entre les dents ... »- avouons que la brique n'a pas
vraiment cours dans le train. Avec Marcel Proust et Le Côté de Guermantes (1921), on préférera les
pastilles, mais le train n'en est pas le cadre : « Le vieux maréchal de Guermantes, remplissant ma bonne
d'orgueil, s'arrêtait aux Champs-Élysées en disant: Le bel enfant ! Et sortait d'une bonbonnière de poche
une pastille de chocolat ».
Quant à la Comtesse mise en scène par Abel Hermant dans M. de Courpière (1907), elle rappelle
qu'était donnée « en guise d'étrennes, à chacun, une papillote de chocolat », il y « en avait un tas dans une
coupe de Chine ». Mais pas de porcelaine de Chine dans le train. Et si l'on se réfère à Claude Simon, dans
Le vent (1957), qu'aperçoit-il par la porte ouverte ? Une voisine qui fait s'« asseoir [un enfant] sur une
chaise » et « sort d'un placard deux billes de chocolat qu'elle distribue avec une tranche de pain ». Enfin,
Roger Martin du Gard préfère quant à lui dépapilloter « une croquette de chocolat » et la « mettre entre les dents » du petit Antoine.
En définitive, que tire-t-on du sac de voyage emporté dans le train ? « Quelques tablettes de chocolat et autres douceurs », comme
l'évoque Anatole France dans Le Crime de Sylvestre Bonnard (1881).
Et si l'on a mauvaise conscience au nom d'un quelconque régime, signalons un alibi formidable pour s'en régaler. Celui offert par
un maître ès gastronomie, Anthelme Brillat-Savarin qui, dans la Physiologie du goût (1825), affirme haut et fort que « les personnes
qui font usage du chocolat sont celles qui jouissent d'une santé plus constamment égale, et qui sont les moins sujettes à une foule de
petits maux qui nuisent au bonheur de la vie ». Quel encouragement ! Et pour lever tout scrupule, de poids par exemple, Brillat-
Savarin offre une dernière précision bienvenue à l'adresse des consommateurs de chocolat : « Leur embonpoint est aussi plus
stationnaire : ce sont deux avantages que chacun peut vérifier dans sa société et parmi ceux dont le régime est connu ». Alors
pourquoi s'en priver ! Déchirons sans attendre le papier d'argent qui enrobe la tablette.
LE CHOCOLATE
« Chocolate, s. m. », « Composition de Cacaos & d'autres
choses dont on fait un breuvage qu'on boit fort chaud, & qui,
à ce qu'on prétend, entretient la chaleur de l'estomac, & aide
à la digestion. Prendre du chocolate ». On a bien lu,
« chocolate », telles sont alors en effet la prononciation et
l'orthographe du breuvage présenté en 1680 dans le
Dictionnaire françois de Richelet, premier dictionnaire tout
entier consacré à la langue française.
De fait, un peu d'histoire s'impose : lorsqu'en 1609, les
Juifs marranes furent chassés d'Espagne et du Portugal, ils
apportèrent à Bayonne, entre autres nouveautés, leur savoir-
faire savoureux en matière de « chocolate », à la mode
espagnole. Ils transformèrent alors la ville en un centre réputé
de la fabrication chocolatière. Quelques années plus tard, en
1615, le « chocolate » était mis à l'honneur à Paris au
moment où Louis XIII se mariait avec Anne d'Autriche, fille
de Philippe III d'Espagne. La mariée était en effet grande
amatrice de chocolat, au point d'avoir emmené avec elle une
servante « spécialisée » dans la préparation de la délicate
mixture. Cet engouement allait du même coup rapidement se
propager auprès des nantis qui la côtoyaient. Ainsi, la cour, le clergé et les médecins adoptèrent goulûment le chocolate …
À cet engouement pour le « chocolat », désigné désormais de manière moderne, les auteurs de dictionnaires répondent en
s'interrogeant sur l'origine même du mot. Gilles Ménage, premier étymologiste digne de ce nom, évoque à bon escient et sans hésiter
l'origine mexicaine du mot, puisqu'il s'agit de fait d'une fève rapportée du Mexique par les conquistadors. Furetière, cependant,
n'hésite pas à forger une étymologie en partie fausse. Certes, il évoque le mot indien composé de latté, désignant l'eau, mais il avance
de manière tout à fait erronée que la première partie du mot, choco, est à rapprocher du mot choc qui rappellerait « le bruit avec lequel
on le prépare », puisqu'effectivement, à l'aide du moussoir, ou encore de la mouvette, on casse, on « choque » bel et bien les
morceaux de chocolat « assaisonnés avec l'eau chaude et le sucre ».En vérité, les étymologistes d'aujourd'hui ont bien repéré