VOCABULAIRE
Vocabulaire
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Correspondances en Onco-Urologie - Vol. III - no 2 - avril-mai-juin 2012
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ESSAIS
ET ERREURS* Alain Rey, directeur de rédaction du Robert, Paris
C
e mot cache son jeu. Aujourd’hui,
il nous parle d’une action destinée
à produire un résultat – ce n’est pas
un jeu ou une fantaisie – et dont on n’est pas
certain, quant au résultat.
L’essai porte en lui la réussite et l’échec,
une vérité ou une erreur. Quant au mot,
il continue discrètement un dérivé tardif,
exigium, du verbe plus ancien exigere. Même
en latin, on avait à peu près oublié que ce
verbe était en fait ex-agere, c’est-à-dire “agir
ou plutôt conduire en dehors, vers l’exté-
rieur”. En eff et, lorsqu’on agit, on conduit les
choses et soi-même vers un objectif, ou au
moins on tente de le faire. Cette activité vers
le dehors amène à confronter une impression
ou un résultat ; une des modalités de cette
manière de faire, c’est l’exigium latin, qui est
une pesée et plus généralement un essai, ce
qui s’appelle en anglais un test.
L’essai est donc bel et bien, à l’origine, une
manière d’expérience, ce qui le préparait
pour l’activité scientifi que. Du fait que l’essai,
quand il n’est pas probant, doit être recom-
mencé, on en parle beaucoup au pluriel :
les essais.
Avant d’envahir la technique, avec les
essais d’une machine, d’un matériel, d’un
prototype, ce mot décidément très commode
s’est appliqué à la littérature. Il est diffi cile,
si l’on aime tant soit peu les bons livres et
la pensée en liberté, d’ oublier les Essais de
Michel de Montaigne, titre qui souligne la
modestie d’un propos pourtant génial, mais
qui ne prétend pas résoudre les questions
qu’il pose.
L’idée d’essai étant universelle, il était
normal que le mot français servît à traduire
des équivalents étrangers, comme l’anglais
try et trial. Ce qui fait que nous parlons de
transformer un essai pour pouvoir l’emporter
sur l’adversaire, d’après les règles du jeu de
ballon inventé à Rugby, ville universitaire
anglaise.
Du côté de la méthode scientifique,
technique, c’est en traduisant la locution
anglaise by trial and error, “par essai et erreur’’,
qu’on décrit assez bien la nature de l’essai.
Mais si on l’entoure de précautions et qu’on
corrige les erreurs anciennes, on retrouve
sans le vouloir le verbe latin exigere, dont
tout découle.
Que l’essai et l’exigence soient les deux
facettes, l’ une populaire et orale, avec force
déformations, l’autre savante et écrite, de la
même origine latine, c’est une assez belle
leçon de méthode pour tous les chercheurs
et “essayeurs” du monde.
* © Le Courrier de la Transplantation 2008;1:8.