1 5 BATAILLES AÉRIENNES SUR LE DÉSERT La Regia Aeronautica en Afrique du Nord (1940-1943) (Quatrième partie) El Alamein : l’effondrement de l’Axe et la perte de la Libye Les débarquements alliés en Afrique du Nord française Les différents aspects de la guerre aérienne en Afrique septentrionale. PPar Giancarlo Garello (Tra (Traduction de Lucien Morareau) Pro Profils couleur de Thierry Dekker Insigne de coiffure d’officier de la Regia Aeronautica. (Collection de l’auteur) Insigne de pilote de la Regia Aeronautica. (Collection de l’auteur) Couverture de « Signal » n°13 (juillet 1942) : Cou légende indique « Le camarade de combat la lé ititalien, le lieutenant Celentano qui a abattu dans le ciel d’Afrique trois Curtiss qui étaient à nos trousses ». (Collection de l’auteur) 7 1 - LA BATAILLE D’EL ALAMEIN ET L’EFFONDREMENT DE L’ARMÉE ITALO-ALLEMANDE. Le 15 août 1942, la hiérarchie du haut commandement italien en Afrique Septentrionale fit l’objet d’une réorganisation. La juridiction territoriale du Commandant Supérieur de l’Afrique Septentrionale (SUPERASI - gen. Ettore Bastico)1 se réduisit à la seule Libye (SUPERLIBIA)2 et le Gen Rommel, commandant de l’armée italo-allemande en Égypte (dénommée depuis le 1er Octobre 1ª Armata Corazzata Italo-Tedesca ou ACIT, 1ère Armée blindée italo-allemande), passa sous les ordres directs du Commandement Supérieur (gen. Cavallero) à Rome qui constitua sa propre représentation en territoire égyptien (DELEASE), commandée par le gen. Barbasetti di Prun. Les responsabilités de DELEASE étaient surtout logistiques et administratives et ne concernaient pas la partie opérationnelle ; Rommel apprécia la nouvelle organisation qui lui assurait une liberté presque totale de manœuvre opérationnelle et le soustrayait à la dépendance inopportune du gen. Bastico avec qui il avait de fréquents différents. La tentative manquée de Rommel de percer les défenses britanniques, au début de septembre 1942 (Bataille d’Alam el-Halfa), fut suivie par une période de calme apparent que les chefs des forces opposées utilisèrent à la préparation de l’affrontement final. Les commandements de l’Axe, conscients que le sort de l’Afrique septentrionale était en jeu, intensifièrent au maximum l’envoi de troupes et d’équipements, en utilisant pour le transport des carburants non seulement les précieux pétroliers, mais aussi des sous-marins et avions de transport. Au cours du mois d’octobre, le flux du ravitaillement vers la Libye subit une réduction draconienne, lorsque sur les 84 000 tonnes environ de matériel parties des ports italiens, 37 000 furent perdues (44%). En décembre, le pourcentage des pertes atteignit 53%. L’offensive aérienne contre Malte, conduite avec détermination jusqu’au mois d’août par les forces aériennes italo-allemandes, reprit avec intensité le 11 octobre mais, au cours d’une semaine, les Spitfire infligèrent des pertes prohibitives principalement à la Luftwaffe qui assurait la plus grande part des raids ; le relâchement de la pression sur l’île permit à la Royal Air Force de récupérer brièvement son potentiel offensif qui de nouveau imposa un lourd tribut aux convois italiens en transit. C’est alors que le Gen Alexander décida d’éliminer définitivement la menace qui pesait sur le Delta du Nil et tous les efforts furent dédiés au renforcement de la 8ème Armée en faisant affluer par le canal de Suez de grandes quantités de troupes fraîches et de blindés ; la WDAF (Western Desert Air Force) fut renforcée par de nouveaux appareils de construction britannique et américaine alors que commençaient à arriver au Moyen Orient, les premières unités aériennes de l’USAAF. À partir de la seconde moitié du mois d’octobre, les Britanniques pouvaient compter en Égypte et en Palestine sur 605 avions de chasse, 254 bombardiers moyens, 61 bombardiers lourds C.R.42 en vol de convoyage au-dessus de la mer ; au premier plan l’aile blanche protectrice d’un hydravion Cant. Z.506. (G. Apostolo) 1. Abréviations de grades : chaque nation ayant sa manière propre d’écrire les abréviations de grades militaires, nous avons choisi de conserver ces particularités nationales. C’est ainsi par exemple que les abréviations italiennes ne comportent pas de majuscules alors que celles des autres pays (Allemagne, France, Grande-Bretagne et Etats-Unis) en ont. 2. Le 12 août 1942, après les victoires de Gazala et Tobrouk, le gen. Bastico qui détenait également le poste de gouverneur de la Libye, avait été promu maréchal d’Italie pour faire contrepoids à la nomination de Feldmarschall de Rommel et maintenir ainsi la subordination hiérarchique formelle de Rommel vis-à-vis de Bastico et Cavallero qui occupaient des fonctions supérieures. 17 2 - LES OPÉRATIONS DE LA 5ª SQUADRA AEREA En prémices à l’opération Lightfoot, l’offensive de la WDAF contre les positions de l’Axe, ses lignes de communication et les Landing Grounds de la zone d’El Daba débuta le 19 octobre 1942 avec une importante participation de Kittyhawk (désignation britannique du Curtiss P-40 ; Warhawk pour l’USAAF). La chasse italo-allemande réagit en détruisant un Curtiss de la SAAF et un Spitfire de l’escorte mais perdant à son tour un pilote du JG 53 qui fut repêché en mer par un hydravion de secours. Pendant les jours suivants, les chasseursbombardiers du Commonwealth furent encore très actifs mais ils subirent de fortes pertes au cours de missions contre les installations d’aviation. Dans la seule journée du 20, la WDAF admit la perte de 11 avions de chasse et d’un Baltimore, presque tous sud-africains. Pendant la période du 20 au 31 octobre, la chasse de la 5ª Squadra Aerea perdit 15 M.C.202 au cours de 39 engagements aériens ; 50 autres Folgore furent détruits ou endommagés par des actions terrestres de même que 15 M.C.200, 5 Cant Z.1007 et 5 C.R.42. Les 3 et 4 novembre, après la rupture du front d’El Alamein, débuta le repli des unités trop exposées à l’offensive ennemie: le 4° Stormo recula de Fuka à Martuba et céda ses avions disponibles au 3° Stormo, pendant que le 50° Stormo Assalto remis ses C.R.42 au 5° Stormo. Grâce à l’arrivée d’Italie de nouveaux M.C. 202, le 4° récupéra en partie son potentiel et se prépara à remplacer le 3° qui abandonna le terrain avancé d’Abu Smeit à l’aube du 5 novembre puis, par étapes vers l’ouest, rejoignit Bu Amud, à proximité de Tobrouk, en compagnie du 101° Gruppo du 5° Stormo Assalto. Toutes les autres unités reçurent l’ordre de s’installer sur les terrains de Cyrénaïque jusqu’à Benghazi et au-delà. Au cours de ce repli qui se réalisa sans problème malgré des difficultés logistiques exceptionnelles, les aviations de chasse et d’assaut se dépensèrent sans compter pour protéger les colonnes en mouvement le long de la côte. La bonne organisation de la retraite permit le sauvetage de grandes quantités de matériel et de plus de soixante-dix appareils indisponibles, en bonne partie constitués de précieux M.C.202. De même furent évacuées de Libye les unités inutilisables pour un emploi tactique comme les Gruppi d’avions torpilleurs, les Squadriglie de reconnaissance maritime et celles d’observation. Le 20 novembre 1942, après la réorganisation de ses unités, la situation de la 5ª Squadra Aerea était la suivante : Savoia S.79 de la 256a Squadriglia/108° Gruppo Autonomo AS au printemps 1943. Printemps 1943. Un S.79 du 108° Gruppo Autonomo AS escorté par un M.C.200 de la 83ª Squadriglia/8° Gruppo. (Collection de l’auteur) Le gen. S.A. Mario Bernasconi, commandant de la 5ª Squadra Aerea du 1er octobre 1942 au 15 avril 1943. (État-major de l’Aéronautique-SMA) Le gen. D.A. Venceslao D’Aurelio, commandant du Secteur Est depuis août 1942. Par la suite, il fut l’officier général italien de liaison auprès de l’O.B.S. (SMA) 26 3 - L’OPÉRATION TORCH. LES ALLIÉS ENVAHISSENT L’AFRIQUE DU NORD FRANÇAISE. Le 8 novembre 1942, trois imposantes Task Forces navales anglo-américaines qui avaient appareillé des États-Unis et de Grande-Bretagne, se rejoignirent sur les côtes du Maroc et de l’Algérie pour entreprendre l’opération Torch. L’objectif était double : satisfaire Staline qui depuis Le personnel de la Délégation Aéronautique de la Commission Italienne pour l’armistice avec la France (CIAF) en Algérie fut surpris par les débarquements alliés et entièrement capturé. (U.S.National Archives and Records AdministrationNARA) Les officiers et sousofficiers italiens de la CIAF d’Alger sont conduits dans des camps de prisonniers à bord de camions américains, sous les manifestations hostiles de la population. (NARA) longtemps sollicitait l’ouverture d’un second front et poser des jalons en vue de l’anéantissement des forces de l’Axe en Afrique du Nord. Le plan, longuement mis au point par les plus grands chefs politiques et militaires alliés, prévoyait l’occupation de Casablanca au Maroc 36 4 - L’ULTIME DÉFENSE EN TUNISIE. En février 1943, le gen. d’Armata Giovanni Messe assuma le commandement de la 1ère Armée italienne en Tunisie (Collection de l’auteur) La réaction de l’Axe à l’opération Torch fut, comme nous l’avons vu plus haut, immédiate. Après les premiers débarquements aériens dans les aérodromes, l’avant-garde formée par des éléments de la 10ème Division blindée allemande s’installa à Tunis et à Bizerte, pendant qu’arrivaient les premières unités de la division italienne Superga. On assista alors à une course destinée à occuper le plus possible de terrain : les Alliés constituèrent deux colonnes, une britannique qui se dirigea au nord sur Mateur, dans les environs de Bizerte et une anglo-américaine en direction de Tunis par le col de Medjez el-Bab. Les villes de Bougie, Philippeville et Bône furent dépassées dans la foulée mais, le 17 novembre, les troupes de l’Axe opposèrent une résistance tenace. Pendant une dizaine de jours se succédèrent attaques et contre-attaques le long d’une ligne discontinue qui s’étendait au sud jusqu’à El Gerit et au nord jusqu’au Cap. Serrat ; le front n’était défendu que par quelques troupes fraichement arrivées d’Italie mais qui réussirent tout de même à bloquer l’avance anglo-américaine. Cette pause permit à l’Axe de faire parvenir des renforts à Tunis et à Bizerte en élargissant et en développant les deux têtes de pont avec l’arrivée de la 5ème Armée blindée constituée par deux divisions d’infanterie et une division blindée allemandes et du XXX. Corps d’armée italien (divisions Superga et Centauro). Le commandement de la 5ème Armée qui occupait la bande de territoire tunisien allant du Cap. Ferrat au 34ème parallèle fut donné au Gen Von Arnim qui remplaça le Gen Nehring. La zone italienne de compétence s’étendait du sud du 34ème parallèle jusqu’à la ligne défensive Mareth, le long de laquelle prit position la 1ère Armée italienne née de la fusion de l’ACIT avec d’autres unités italiennes et allemandes provenant de Tripolitaine. Le gen Giovanni Messe, ancien commandant du Corps expéditionnaire italien en Russie (C.S.I.R.) fut désigné chef de cette nouvelle grande unité, alors que le Feldmarschall Rommel assuma le commandement du Groupe d’Armées (1ère et 5ème). La 1ère Armée s’articulait en deux corps, les XXème et XXIème et comprenait quatre divisions italiennes d’infanterie (Trieste, Pistoia, Spezia, Giovani Fascisti), trois allemandes (90ème et 164ème Afin de pouvoir se protéger mutuellement, les appareils des S.A.S. volent en formation serrée. Sur ce cliché, le S.82 609-5 photographié à partir du poste de tir d’un autre appareil. (Collection de l’auteur) Savoia S.82 servant à la 609a Squadriglia des Servizi Aerei Speciali (S.A.S.) en 1942. 44 5 - DERNIERS COMBATS DANS LE CIEL D’AFRIQUE. L’organisation centrale de la Regia Aeronautica en Tunisie. À la suite de l’arrivée de 155 ° Gruppo CT à El Aouina et à l’affluence croissante des avions de transport des S.A.S (Servizi Aerei Speciali) sur les terrains autour de Tunis, Superaereo créa un Comando di Aeronautica Tunisia (gen. B.A. Giuseppe Gaeta) qui fonctionna jusqu’au 15 février 1943 mais qui, compte tenu de la présence aéronautique italienne initiale en Tunisie plus que symbolique, était surtout chargé de tâches Trois aviateurs assis sur les ailes aident le cap. Piccolomini à éviter les obstacles au roulage. L’avion est le Folgore 90-1 (MM 7806). (BA via G. Apostolo) Macchi M.C.202 (MM 7806) de la 90a Squadriglia, piloté par le cap. Piccolomini. On remarque sur le nez la signature de l’as Baracca qui devint l’emblème du 4° Stormo. L’opération Torch contraignit la Luftwaffe à transférer 320 appareils de transport en Méditerranée au détriment du front russe. 164 d’entre eux seront perdus entre novembre et janvier 1943. La photographie a été prise sur le terrain de Comiso. (Collection de l’auteur) logistiques. A partir du 15 février, la 5a Squadra Aerea, dont le QG était installé à El Hamma en territoire tunisien, prit le commandement de l’ensemble des forces aériennes italiennes réunies en Tunisie qui furent réparties en deux secteurs d’opérations : Secteur Nord (gen. B.A. Mario Boschi), de la côte jusqu’au 34ème parallèle et Secteur Sud (col. Carlo Drago, puis col. Vincenzo Biani) du 34ème parallèle à la frontière libyenne. 70 6 - OPÉRATIONS AÉRIENNES DANS LE SAHARA. Une carte du Sahara libyen : à partir de Sebha les routes sont tracées vers les postes de défense militaire dans le désert. (fam. Zamprogno via F. Ballista) « Guerres sur le désert », le titre donné à la série de Batailles Aériennes dédiée aux opérations de la Regia Aeronautica en Libye n’était peut-être pas tout à fait approprié. En effet, les combats aériens décrits dans les précédents numéros, se déroulèrent moins au-dessus du désert que le long de la zone côtière riche de cultures et de zones habitées et où de grandes quantités d’hommes en mouvement sur ses rares voies de communication, s’affrontèrent avec des résultats alternés. La vraie guerre dans le désert se développa au Fezzan et autour des oasis situées le long de la frontière avec l’Afrique Équatoriale Française et concerna tout un réseau de forts et de petites redoutes construits par les Italiens dans les immensités profondes du Sahara. L’océan de sable fut le terrain de chasse privilégié des Long Range Désert Group (LRDG) britanniques qui devinrent de véritables épines dans les flancs des postes isolés italiens. En septembre 1940 déjà, deux patrouilles de ces unités mobiles (Captains Mitford et Clayton), parties du Caire et après avoir parcouru 2 150 kms en plein désert, s’étaient attaquées aux oasis de Gialo et de Koufra, infligeant des dégâts à des avions et à des dépôts de carburant. Le 27 décembre 1940, les deux patrouilles firent jonction au NO de Koufra et se regroupèrent avec des Français libres provenant du Tchad et placés sous le commandement du Lt/ Col Jean Colonna d’Ornano (issu d’une noble famille corse). Le 11 janvier 1941, la petite unité mixte attaqua le fort italien de Murzuk mais elle fut repoussée après deux heures de fusillades : trois Ghibli et un hangar furent incendiés sur le terrain d’atterrissage local et trois aviateurs furent fait prisonniers. Au cours de l’action, l’officier français fut tué et son corps fut enseveli dans le petit cimetière du poste avec les honneurs de la guerre, aux côtés du commandant italien du fort, le cap. Giulio Giua, également tué dans le combat. La mort de d’Ornano eut un grand retentissement dans les milieux proches de De Gaulle qui le considérèrent comme le premier héros de la France Libre mort au champ d’honneur. La Commission italienne d’armistice avec la France (CIAF) protesta énergiquement auprès du gouvernement de Vichy, déclarant qu’il ne s’impliquait pas assez pour empêcher les activités hostiles à l’Italie menées par des militaires dissidents, comme prévu par l’article XIV de la convention d’armistice14. Fin 1940, la « dissidence » gaulliste prenait de l’ampleur à la frontière méridionale du Sahara libyen : en effet le colonel JacquesPhilippe Leclerc15, désigné depuis le 2 décembre 14. Le gen. Arturo Vacca Maggiolini, président de la CIAF, dans un rapport au gouvernement de Rome, écrivit que si d’Ornano avait été fait prisonnier, il n’aurait pas eu droit aux honneurs militaires, mais aurait subi le sort réservé aux combattants « hors-la-loi », c’est-à-dire être passé par les armes. 15. Le général Leclerc (de son vrai nom Philippe, François, Marie, comte de Hautecloque) fut envoyé en Afrique Équatoriale Française par le général De Gaulle avec la mission de réunir sous le drapeau de la France Libre, les troupes stationnées dans la colonie. S’étant auto promu colonel, il fut plus tard nommé général de brigade à titre provisoire et confirmé dans ce grade le 10 avril 1942. Il conclut sa brillante carrière de combattant en entrant dans Paris en 1944 à la tête de la 2ème Division blindée puis en menant son unité jusqu’au « nid d’aigle » d’Hitler à Berchtesgaden. Il trouva la mort dans un accident aérien en 1947, âgé de seulement 45 ans. Camouflés dans les maquis de l’oasis de Gialo, deux C.R.42 de la 393ª Squadriglia font bonne garde. (famille Costigliolo via Ass. Cult. 4° Stormo) 76 7 - LA LUFTWAFFE EN MÉDITERRANÉE. Martuba. Le Ju 88 D-2 7A+GH de la 1(F)./121 de reconnaissance stratégique. L’insigne de l’unité, une oie stylisée, est peint sur le nez de l’appareil. (E. Leproni) En automne 1941, profitant de la pause hivernale qui avait interrompu les opérations sur le front de l’Est, Hitler prit une décision surprise en transférant le commandant de la II. Luftflotte en Russie, le Feldmarschall Albert Kesselring, à la tête du théâtre d’opérations méditerranéen avec le titre d’Oberbefehlshaber Süd (O.B.S.) (Commandant Supérieur Sud), avec sous ses ordres toutes les forces allemandes de terre, aériennes et de mer présentes en Méditerranée. En ce qui concerne l’aviation, il s’agissait du II. Fliegerkorps en Sicile, du X. Fliegerkorps en Grèce et du Fliegerführer Afrika en Libye. Ce poste élevé plaçait le brillant maréchal bavarois au sommet de la chaîne de commandement du front méridional, au-dessus de Rommel donc. Lors de son passage à Rome pour y rencontrer les chefs militaires et politiques italiens, il fut décidé que Kesselring prendrait directement ses ordres du Duce, en évitant ainsi l’intermédiaire du Commandant suprême italien, le gen. Cavallero, qui n’apprécia guère d’être ainsi tenu à l’écart. Les missions assignées à la II. Luftflotte étaient les suivantes : - Collaborer avec l’aviation italienne pour maintenir ouvertes les voies de communication maritime entre l’Italie et l’Afrique septentrionale ; - Apporter un appui aux forces italo-allemandes en Libye ; - Assurer le blocus de Malte ; - Interrompre les ravitaillements maritimes britanniques pour Malte et Tobrouk en provenance de l’Est et de l’Ouest. Pour les unités destinées à opérer en Sicile, la Regia Aeronautica céda à la Luftwaffe les aérodromes de Catane, Gerbini, Gela, San Pietro de Caltagirone, Sciacca et Trapani plus deux bases d’appui en Italie continentale à Bari et Brindisi. Mi-décembre 1941, le II. Fliegerkorps entra en action contre la forteresse de Malte mais c’est entre mars et avril 1942 que la pression se fit la plus importante. Au cours de cette offensive aérienne, 10 000 tonnes de bombes furent lancées sur l’île (à peu près la moitié du tonnage utilisé pendant la Bataille d’Angleterre !) et mirent hors d’usage ses bases aériennes et navales, ce qui permit de mai à juillet au flux de ravitaillement vers la Libye de redevenir suffisant pour les besoins vitaux de l’armée italo-allemande qui se préparait à l’assaut vers l’Égypte. La neutralisation de l’île avait cependant demandé une telle dépense d’énergie qu’elle imposa une pause dans les opérations (à mi-mai, les pertes subies par le II. FK approchaient le chiffre de 500 appareils détruits ou rendus inutilisables). En outre, le front de l’Est s’était remis en mouvement et avait besoin de renforts aériens qui devaient être prélevés dans des zones considérées comme moins stratégiques. En conséquence, Berlin ordonna le déplacement de Sicile vers la Russie d’un groupe de bombardement et de deux groupes de chasse. De plus, le II. FK céda un groupe de bombardement au X. FK et, devant l’imminence de l’offensive de Rommel, un groupe chacun de Ju 87 (III./StG 3), de Bf 110 (9./ZG 26) et de Bf 109 (III./JG 53) au Fliegerführer Afrika. Dans la mesure où l’analyse détaillée de la bataille de Malte sort du thème de cette étude, ce n’est que dans les grandes lignes que nous allons examiner l’activité des unités allemandes en Libye qui, à partir de l’opération Crusader, ne ménagèrent aucun effort pour obtenir la supériorité aérienne sur le champ de bataille. L’engagement soutenu contre la WDAF se manifesta presque quotidiennement, avec de 86 8 - LA PROTECTION AÉRIENNE DES CONVOIS NAVALS. Sur l’hydrobase d’Augusta, le Cant. Z.506 186-1 est prêt à être mis à l’eau par la grande grue de la base. (Collection de l’auteur) Un Cant. Z.506 en mission de surveillance ASM survole un contre-torpilleur italien. (E. Bagnasco) Dans les mois qui précédèrent la guerre, convaincus que la France et l’Angleterre auraient par tous les moyens bloqué le trafic maritime dans le canal de Sicile, les chefs militaires italiens considéraient le ravitaillement de la colonie libyenne par des navires marchands de gros tonnage comme irréalisable. Car dans les milieux politiques, on prévoyait un conflit de brève durée pendant les premiers mois duquel des avions, des sous-marins et des petits bâtiments rapides à moteur seraient utilisés pour les opérations de transports urgents. Il ne faut pas oublier que la soudaine décision de Mussolini d’ouvrir les hostilités le 10 juin 1940 coûta la perte sèche de 218 navires marchands, empêchés de rentrer en métropole car navigant en mer et ne pouvant passer par Gibraltar ou Suez ou encore bloqués dans des ports ennemis ou neutres : il s’agissait de 1 200 000 tonnes de bâtiments, représentant 35 % du tonnage total et qui comprenaient les meilleures et les plus modernes unités de la flotte commerciale italienne. 90 9 - LES AVIONS TORPILLEURS. Vue ventrale du premier S.79 modifié en avion torpilleur (MM 21128) avec ses aménagements pour l’emport de deux torpilles. Sur les exemplaires de série, seul le projectile de gauche était embarqué. (G. Alegi) 19. Un 3° Nucleo Addestramento, sous les ordres du magg. Guglielmo Di Luise, fut créée à Pise au début de 1942. 20. La construction en série du S.79 avait été initiée par la SIAI Marchetti, Reggiane et l’Aeronautica Umbra AUSA (à part un petit lot confié à Macchi). La société mère termina la production à l’automne 1940 avec la 18ème série, laissant aux entreprises sous licence la tâche de la poursuivre. À partir de la 15ème série de la SIAI, de la 9ème de Reggiane et de la 5° de l’AUSA, les S.79 qui sortiront des chaînes de production seront en version torpilleur. Un S.79 va recevoir son arme mortelle. (G. Apostolo) Après les résultats très prometteurs obtenus par les avions torpilleurs au cours des premiers mois du conflit, l’état-major de l’Aeronautica décida de développer la spécialité, en constituant de nouvelles escadrilles et en intensifiant la formation des équipages volontaires qui affluaient en grand nombre. En octobre 1940, l’école de Gorizia se transforma en 1° Nucleo Adestramento Aerosiluranti (1ère Unité de formation d’avions torpilleurs) et, en novembre le 2° Nucleo fut créé à Naples-Capodichino19. Entretemps, à partir de l’automne 1940, sur les S.79 qui quittaient les chaînes de montage, les modifications propres à la version torpilleur étaient montées directement, avec les aménagements pour le projectile et les dispositifs de lancement et de visée20. Grâce à une certaine disponibilité des S.79, la Regia Aeronautica multiplia en peu de temps le nombre des unités d’avions torpilleurs en les distribuant dans les différents secteurs opérationnels du bassin méditerranéen. Ainsi, presque discrètement, l’avion torpilleur devint partie intégrante de l’armée de l’air, aux côtés du bombardement et de la chasse. Les actions courageuses menées par ses équipages reçurent une attention croissante de la part de la radio et des journaux, attention qui contribua à créer autour de cette nouvelle arme et de ses équipages vainqueurs une vaste sympathie populaire. Les noms de Buscaglia, Cimicchi, Erasi, Marini, Faggiani, Graziani et de nombreux autres, plusieurs fois cités dans les communiqués d’opérations, devinrent familiers à tous les Italiens et leur réputation amena dans les rangs des unités d’avions torpilleurs, beaucoup de volontaires enthousiastes. Six escadrilles autonomes furent constituées en quelques mois et allèrent rejoindre la pionnière, la 278ª : la 279ª, initialement basée en Mer Égée et par la suite en Afrique du Nord, où elle fut rejointe par la 284ª, la 280ª et la 283ª à Elmas, la 281ª et la 282ª (sur S.84) en Mer Égée. Ces escadrilles autonomes furent par la suite réunies en Gruppi. Gruppi Aerosiluranti (S.79) 41° Gruppo (Rhodes sur S.84 en mai 1941, puis Pise sur S.79 en août 1942) : 130° Gruppo (Elmas, le 1er septembre 1941) : 131° Gruppo (Benghazi - K2, le 25 mars 1942) : 132° Gruppo (Littoria, 1er avril 1942 pour la Sicile) 133° Gruppo (Benghazi, le 1er avril 1942) 104° Gruppo (46° Stormo, Pise, 1er mai 1942 puis Rhodes) 105° Gruppo (46° Stormo, Pise, 1er mai 1942 puis Sardaigne) 204ª, 205ª Sq. 280ª, 283ª Sq. 279ª, 284ª Sq. 278ª, 281ª Sq. 174ª, 175ª Sq. 252ª, 253ª Sq. 254ª, 255ª Sq. 95 10 - LE SACRIFICE DES SERVIZI AEREI SPECIALI (S.A.S.). L’année 1941 vit un accroissement important de l’activité des S.A.S. De nouveaux fronts s’ouvrirent à l’est, tout d’abord en Grèce, puis en Russie et les besoins de transports aériens de personnel et de marchandises se multiplièrent au point qu’il fut nécessaire de recourir à l’aide de la Luftwaffe qui mit à disposition une escadre entière de Ju 52 pour le transport de troupes en Albanie. La retraite en Cyrénaïque ajouta un autre souci au gen. Aurelio Riotta, premier commandant des S.A.S.25, car il fut nécessaire d’organiser le rapatriement de la colonie libyenne de 40 000 civils. Un pont aérien marqué par des épisodes dramatiques, car la chasse britannique ne réservait aucun traitement de faveur aux avions de transport, qu’ils soient chargés de soldats ou de voyageurs désarmés. Ainsi que cela se produisit le 10 janvier 1941, lorsque le S.83 I-AREM du Nucleo L.A.T.I., fut abattu en mer une heure après son départ de Benghazi ; l’équipage du comandante Suster et tous les passagers civils transportés périrent dans cette tragédie. Le 30 janvier, un accident en vol causa la perte du S.75 du comte. Negro et de 32 femmes et enfants qui rentraient en métropole. Le problème des liaisons avec l’Empire où, après une brève période favorable aux troupes italiennes, la situation militaire ne faisait qu’empirer, restait préoccupant. Dans la première partie de « Guerre sur le désert » (B.A. n° 55), nous avons déjà mentionné à l’envoi de C.R.42 en Afrique Orientale Italienne (A.O.I.) qui avait été réalisé par les S.82 du 149° Gruppo T modifiés par le montage de deux réservoirs supplémentaires pour en augmenter l’autonomie. Le vol sans escale de Benghazi vers l’empire était très difficile pour les équipages car se déroulant sur des territoires désertiques hostiles, en silence radio total et sans aides à la navigation. Avant la chute de l’empire africain, les S.82 réalisèrent 330 vols en transportant entre autres, 51 biplans C.R.42 démontés. Les pertes dues aux actions ennemies ou aux accidents furent assez réduites (13 avions). Le soutien fourni au dernier point d’appui italien, l’oasis de Gondar en Éthiopie, nécessita des exploits aéronautiques exceptionnels de la part des équipages des S.A.S. qui, partis de Benghazi avec des S.75, après un vol de 4 000 km, atterrissaient sur une bande de terrain aux alentours de la forteresse assiégée. Le vol de retour demandait une escale technique à Djibouti pour le ravitaillement en carburant. Pour ne pas créer de complications aux autorités de la Côte française des Somalis, les appareils italiens furent peints de blanc et portaient les marques de la Croix Rouge. Mais le stratagème ne fonctionna pas bien longtemps car la SAAF découvrit le maquillage et, le 23 septembre, les Mohawk du Squadron 3 furent autorisés à attaquer l’aérodrome neutre du Djibouti. Le 6 octobre, le Capt. Parsonson repéra au parking le S.75 I-LUNO (607-10) du comte. Peroli et, malgré la réaction de la DCA, le mitrailla et l’incendia. L’équipage de l’I-LUNO fut récupéré par un autre S.75 (comte. Orlandini) qui, parti de Rome avec une escale à Benghazi, atteignit Djibouti, embarqua les collègues et rentra en métropole par le même parcours, totalisant 55 heures de vol presque ininterrompu ! L’ingénieur Bruno Velani, déjà directeur de réseau d’Ala Littoria en A.O.I. et responsable du service technique du 149° Gruppo, organisa d’une manière exceptionnelle, les liaisons vers la lointaine colonie26. La mise en service d’une quantité conséquente de S.82 (150 jusqu’à fin 1941), permit de développer le nombre d’unités de transport avec la création de nouveaux Gruppi (144°, 145° et 146°) et la transformation en Stormo T du 18° B.T. Le théâtre nord-africain continua à absorber la plus grande partie de l’activité des S.A.S. qui, 25. Le gen. S.A. Liotta fut remplacé le 1er décembre 1941 par le gen. D.A. Vincenzo Velardi qui, le 14 avril 1943, transmit son commandement au gen. S.A. Attilio Matricardi. À la veille de l’armistice, le commandement des S.A.S. était assuré par le gen. S.A. Ulisse Longo. 26. Après la guerre, l’ingénieur Velani fut administrateur délégué de la compagnie nationale italienne ALITALIA de sa fondation (1947) au début des années 70. Les S.82 transportèrent en Afrique Orientale Italienne (AOI) 51 biplans de chasse C.R.42 démontés. (B. Catalanotto) Le S.83 ex-OO-AUD (de la Sabena), en service avec la 605ª Squadriglia des S.A.S. en escale à Alger-Maison Blanche, à disposition du CIAF. (R. Baudru) 98 28. (NdT) Les Arditi (courageux, vaillants) étaient des unités spéciales créées en 1917 pendant la Grande Guerre au sein des régiments d’infanterie italiens. Chargés des coups de mains et autres opérations surprises, ils étaient l’équivalent des « corps francs » de l’Armée française. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, si leur concept d’utilisation n’avait pas changé, ils furent par contre regroupés en unités autonomes. Les S.82 des S.A.S. furent aussi employés pour l’infiltration de saboteurs-parachutistes dans les territoires d’Afrique du Nord occupés par les Alliés. Il s’agissait de patrouilles du X° Régiment d’Arditi28 du Regio Esercito, composées chacune d’une dizaine d’hommes spécialement sélectionnés et dotés d’équipements spéciaux. Dans la nuit du 16 janvier 1943, la première patrouille (s.ten. Zoli) qui avait comme objectif le pont ferroviaire sur l’Oued Eddous (près de Bouira en Algérie) fut parachutée ; l’action fut un succès mais le commando fut capturé après une échauffourée. D’autres missions furent tentées dans la nuit du 12 février (ten. De Totto) contre le pont ferroviaire de Beni Mansour (près de Bordj Bou Arreridj dans les Aurès) qui fut endommagé et, dans la nuit du 10 et le 11 avril, quand trois patrouilles (cap. Bosco, ten. Graff et s.ten. Varutti) qui devaient attaquer l’aérodrome de Biskra et deux ponts, atterrirent à 40 kms des objectifs et furent interceptées et capturées. L’identification erronée des zones de saut et différentes insuffisances d’organisation contribuèrent à ces échecs. Une opération de commando interarmes fut organisée dans la nuit du 14 juin avec la participation de quatre patrouilles du X° Arditi complétées par des Arditi saboteurs de la Regia Aeronautica (ADRA) et qui avaient pour mission d’opérer des destructions sur les aérodromes de Benghazi et Tripoli en Libye et d’Aïn Oulmène et La Sénia en Algérie. La mission fut un fiasco presque total : la patrouille en partance de Gerbini vit son S.82 détruit dans un bombardement et dut renoncer. Seuls deux Arditi de l’ADRA réussirent à pénétrer sur le terrain de Benina (Benghazi), y détruisant un certain nombre d’avions et d’équipements divers à l’aide de charges explosives. L’effet de surprise passé, tous les autres participants furent faits prisonniers. 11 - CONSIDÉRATIONS FINALES. La fin de la campagne nord africaine arriva après trois ans d’offensives et de contre-offensives qui se succédèrent dans un milieu hostile aux hommes et aux machines mais idéal pour une guerre de mouvement. Tous les belligérants en tirèrent des enseignements qui trouvèrent leur application dans les nombreux conflits de l’aprèsguerre, des guerres arabo-israéliennes jusqu’à l’opération « Desert Storm » contre Saddam Hussein. Le Italiens apprirent eux aussi à leurs dépens, que l’époque des guerres coloniales était révolue et que les « millions de baïonnettes », tant exaltées par Mussolini, étaient inutiles contre les véhicules blindés et contre des adversaires dotés d’une grande mobilité. La Libye épuisa les ressources insuffisantes de l’Italie, non équipée structurellement pour soutenir une longue guerre d’usure contre l’Empire britannique et son puissant allié américain. À partir d’un certain point, la comparaison entre les insuffisances des forces armées de Mussolini et les capacités militaires et d’organisation des Alliés ne laissa aucun doute sur l’issue de la lutte. L’abandon de la Tunisie ouvrit fatalement la route à l’invasion de l’Europe continentale. Avec ce quatrième dossier de « Guerre sur le désert – La Regia Aeronautica au combat 1940/1943 » se termine notre étude sur les opérations aériennes menées par l’aviation italienne Une image symbolique pour honorer la mémoire de tous les aviateurs tombés en Afrique du Nord : la sépulture rustique du 1st Lt Arnold D. Jaqua du 65th FS, mort au combat sur Gabés le 29 avril 1943. REQUIESCANT IN PACEM. (Bob Hanning/57th FG) en Afrique du Nord pendant le dernier conflit. Le travail de synthèse qui, en pratique, a concerné une grande partie de l’activité opérationnelle de la Regia Aeronautica pendant la seconde guerre mondiale, a été très important du fait de l’énorme quantité de documentation à consulter et à trier. Le traitement d’un sujet aussi complexe aurait peut-être mérité d’être fractionné en un nombre plus élevé de dossiers ; nous saurons en tenir compte si une autre occasion nous est donnée de collaborer avec notre ami Michel Ledet qui nous a accordé toute sa confiance. Nous conclurons par une note personnelle. Quelques recensions ont regretté que la présentation « thématique » que nous avons adoptée, c’est-à-dire suivant le cours de la bataille aérienne, mais « unité par unité », plutôt qu’une progression uniquement chronologique des événements, ne rende la compréhension du texte plus ardue. En réalité nous avons choisi cette méthode de narration en pensant aux lecteurs de langue française, peu familiers avec l’histoire de la Regia Aeronautica. De cette manière nous avons pu mettre l’accent sur quelques-unes des unités aériennes plus célèbres, sur leurs pilotes et sur leurs emblèmes, rendant ainsi plus vivante l’aride chronologie journalière des combats. Arrivé au terme de notre travail, nous voulons remercier tous les amis qui nous ont aidés, d’une manière désintéressée, mettant à notre disposition leurs archives photographiques et leur documentation. Un remerciement spécial à notre ami Lucien Morareau qui a su traduire en français fluide et élégant le texte original qui ne l’était pas toujours. L’auteur.