L’ANNEE 1942 :LES CARACTERES DE LA GUERRE MONDIALE Introduction En décembre 1941, le bombardement japonais de Pearl Harbor précipite les États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale. Peu de temps après, le Président américain, expliquant à ses concitoyens les caractères de cette guerre, affirme qu'elle est différente de toutes les autres et d'une “ espèce ” nouvelle. Le jugement qu'il formule, en ce début 1942, se fonde sur un premier bilan qui intervient alors que le conflit connaît un développement sans précédent. Jamais une guerre n'a connu autant de théâtres d'opération, autant d'engagement humain et matériel, autant de mobilisation des sciences et des techniques. C'est bien autour de ces aspects géographiques et matériels que s'observe en premier lieu la différence. Mais le propos de Roosevelt dépasse la simple approche quantitative. Si la Seconde Guerre mondiale présente une nouveauté, c'est aussi qu'elle est différente par nature. Affrontement planétaire entre des puissances militaires, la guerre est également une lutte contre des forces sur lesquelles le Président américain ne manque pas de porter un jugement moral. I - Un choc d'une ampleur sans précédent 1. Un conflit planétaire En ce début 1942, le conflit s'est étendu à toutes les parties du monde. Les forces de l'Axe accentuent leur poussée. - En Europe : l'Allemagne est maîtresse directement ou indirectement de la majeure partie du continent. Seuls Royaume-Uni et Union soviétique résistent, cette dernière devant se préparer à une nouvelle attaque massive. - En Afrique : offensive de Rommel en Libye. Corne orientale de l'Afrique sous contrôle. - En Asie et dans le Pacifique : Japonais victorieux contre la Chine, contre les USA (objectif Philippines), le Royaume-Uni (Birmanie, Malaisie, Singapour), les Pays-Bas (Indonésie). Iles du Pacifique occupées. Ils sont aux portes de l'Australie et de l'Inde. L'espace du conflit est élargi par le rayon d'action des raids aériens, des flottes de guerre et des forces sous-marines qui font des océans de nouveaux champs de bataille (guerre sous-marine dans l'Atlantique Nord et à la pointe sud de l'Afrique). 2. Une mobilisation unique des hommes et des économies Les hommes - Des millions de combattants ; des millions de victimes (militaires et civils) ; des millions de prisonniers. - Une main-d'œuvre pour l'économie de guerre : main-d'œuvre nationale organisée (poussée de l'emploi féminin, hausse de la durée du travail) ; maind'œuvre réquisitionnée par les vainqueurs (travail des prisonniers) ; maind'œuvre sollicitée (“ la relève ” en France pour l'appareil de production allemand). L'économie de guerre - Économie des pays en guerre tournée vers les productions nécessaires (acier, carburants, armes, véhicules...). ­ Engagements financiers (budgets mobilisés, “ impôts pour la guerre ”, emprunts et souscriptions). - Pillage des pays occupés. - Rôle de la propagande pour convaincre les populations des nécessités de l'effort. La guerre économique : Anglais contre la “ route du fer allemande ” en 1940 ; blocus allemand sur le Royaume-Uni en 1940-1941 ; pratique de la “ terre brûlée ” en URSS ; bombardement d'objectifs industriels et de ports. II - Une guerre d'innovations 1. La guerre technologique 2. Accroissement fantastique des moyens militaires classiques : masse croissante des chars (efficacité des Panzerdivisionnen allemandes en 1940), des avions de chasse et d'assaut (Stukas allemands ; Hurricanes et Spitfires anglais, déterminants dans la bataille d'Angleterre durant l'été 1940), des bombardiers, des avions de transports pour les vastes opérations aéroportées, des navires de transport et de guerre (rôle essentiel des porte-avions), des sous-marins. Arrivée d'armes nouvelles : - Des milliers de scientifiques et de techniciens au travail. - Des innovations essentielles : le radar (repérage des attaques aériennes) ; le sonar pour les sous-marins. ­ Des recherches “ prometteuses ” (travail des savants sur l'atome, recherche de moyens balistiques nouveaux en Allemagne). Le rôle des moyens de propagande : journaux, cinéma, radio (BBC contre Radio Paris). 2. Des stratégies qui sont coordonnées à l'échelle planétaire Pas de stratégie concertée entre les forces de l'Axe. Dès 1941, du côté des Alliés, les grands objectifs à atteindre ont été définis en commun (reddition inconditionnelle de l'Allemagne, anéantissement de la “ barbarie ” nazie proclamée dans la Charte de l'Atlantique). Discussion autour des moyens (opération massive en Europe ? multiplication des opérations périphériques ?). III - Une guerre d'une nature différente 1. Un combat “ pour débarrasser le monde du mal ” (Roosevelt) L'affrontement militaire est aussi la traduction d'un affrontement idéologique. Deux camps bien distincts sont face à face. D'un côté, les Alliés : c'est le camp qui met en avant les valeurs de la démocratie et qui prononce le primat de l'homme. L'URSS est incluse dans ce groupe (bien que son idéologie soit combattue par les démocraties libérales), selon le principe qui veut que tout ennemi de l'Axe est un allié. De l'autre côté, des systèmes totalitaires qui méprisent l'homme : le fascisme italien (qu’il faut nuancer en fonction de l’attitude de l’armée italienne dans la zone d’occupation et son rôle protecteur vis à vis des juifs) ; le régime nazi, fondé sur un racisme obsessionnel et sur le droit naturel à un “ espace vital ” (décret Nacht und Nebel en décembre 1941, conférence de Wannsee en janvier 1942) ; I'empire du Japon qui use des moyens les plus brutaux pour assurer une implantation continentale et sa domination sur l'Asie orientale. 2. Une guerre qui affecte les consciences nationales Des États qui acceptent la “ collaboration ” (France, Hongrie, Roumanie). Des forces de résistance qui se mettent en place : lutte des résistants contre les occupants, mais aussi contre des concitoyens passés dans l'autre camp. Des combats qui prennent la forme de guerres civiles (Pologne, Yougoslavie, France, Chine). Conclusion Le bilan partiel de la guerre qui a pu être établi au début 1942 a confirmé combien ce conflit apparaissait différent de tous les précédents. Au moment où l'ensemble des grandes puissances du monde est engagé dans les combats, la guerre est bien cette gigantesque conflagration matérielle et morale que sous-entend la formule de Roosevelt. Ramassée dans le schéma simple d'un combat entre le monde de la liberté et celui du totalitarisme, elle devient vite pour les Alliés la lutte du bien contre le mal. Et, parce qu'elle est juste, elle justifie pour eux l'engagement et l'effort acharné pour la victoire. C'est bien là le sens des propos du Président américain : une guerre pas comme les autres. Les matériaux, pourtant, ne sont pas tous réunis encore pour argumenter alors que la réalité des camps d'extermination nazis n'est pas connue et que les armes les plus terribles imaginées par l'être humain ne sont encore qu'à l'état de projet.