Ann Biol Clin, vol. 69, n◦2, mars-avril 2011 225
Amylasémie et chirurgie cardiaque
Tableau 1. Principaux lieux de production d’amylase chez
l’homme.
Glandes salivaires
Pancréas
Poumons
Trompes de Fallope
Thyroïde
Tissu adipeux
Testicule
Ovaire
juillet 2009 [5] ne préconisent plus ce dosage dans cette
indication. L’essentiel des étiologies de l’augmentation de
l’amylasémie, ainsi que l’isoenzyme concernée, sont réper-
toriées dans le tableau 2.
Parmi les causes d’hyperamylasémie figure l’étiologie post-
opératoire, en particulier post-chirurgie cardiaque. Elle
peut, toutefois, se retrouver après tout type d’intervention.
En effet, il est fréquent de retrouver une augmentation de
l’amylasémie chez des patients en réanimation cardiaque
postopératoire. Selon les différentes études de la littéra-
ture à ce sujet, l’augmentation est trouvée chez 20 à 80 %
des patients [3, 6-10]. Ces données varient en fonction de
la technique utilisée pour le dosage, des bornes définies
pour l’hyperamylasémie et du type d’intervention chirur-
gicale (remplacement de valve mitrale et/ou aortique, et
pontages coronariens). La cinétique de l’hyperamylasémie
est très variable d’un patient à un autre, tant sur le plan
quantitatif que sur le plan qualitatif. Différents profils types
peuvent être mis en évidence : dans la majorité des cas,
l’augmentation reste mineure (inférieure à trois fois la
valeur de référence) et dure de 36 à 72 heures en moyenne.
D’autres patients présentent une élévation quantitativement
plus importante (cinq à huit fois la normale), avec une ciné-
tique identique. Pour certains, l’élévation est majeure (>10
à 15 fois la normale) et la décroissance plus lente, pouvant
durer sept jours ou plus [6-9]. La majorité des études conclut
que cette augmentation précoce serait due à une augmen-
tation de l’isoenzyme salivaire. Pour les augmentations
plus tardives, l’isoenzyme pancréatique pourrait être égale-
ment impliquée. Une étude japonaise montre chez certains
patients, une augmentation biphasique de l’amylasémie
avec un premier pic précoce d’origine salivaire et un second
d’origine pancréatique [6].
Les mécanismes responsables de l’augmentation post-
opératoire de l’amylasémie restent mal connus. Diverses
hypothèses sont avancées pour expliquer ce phénomène,
mais à l’heure actuelle il n’existe pas de consensus sur
le sujet. Pour certains auteurs, la circulation extracorpo-
relle serait responsable d’un syndrome de bas débit et
d’une hypoperfusion tissulaire globale, ce qui entraîne-
rait des modifications du métabolisme cellulaire et une
libération d’amylase par l’ensemble des cellules pro-
ductrices [7]. Une étude finlandaise [3] a proposé que
l’hyperamylasémie serait due au moins en partie à une
importante diminution de l’excrétion rénale des deux isoen-
zymes, pancréatique et salivaire. Pour expliquer cette
diminution, trois hypothèses ont été émises : modifi-
cation des propriétés physicochimiques de l’amylase,
diminution de la filtration glomérulaire et dommages tubu-
laires transitoires secondaires à l’intervention [3]. Pour
Kazmlerczak et van Lente [8], il existerait une corrélation
entre l’augmentation de l’isoenzyme salivaire et la sévérité
des pleurésies réactionnelles à l’intervention, responsable
d’une réabsorption d’amylase d’origine pulmonaire depuis
le liquide d’épanchement pleural vers le plasma. Une partie
de l’augmentation pourrait aussi être due à une inhalation
de liquide gastrique contenant des sécrétions salivaires pen-
dant l’anesthésie générale, ce qui entraînerait une altération
de l’endothélium pulmonaire, et faciliterait la réabsorption
de l’amylase dans le sang [8]. Dans la grande majorité des
cas l’augmentation de l’amylasémie en postopératoire reste
isolée.
Dans ce contexte, seule l’existence d’une augmentation
concomitante de la lipasémie devra orienter vers une pan-
créatite aiguë secondaire. Selon la conférence de consensus
de 2001, seul le dosage de la lipasémie doit être demandé
pour le diagnostic positif de la pancréatite aiguë [4]. Les
réactions pancréatiques secondaires rapportées dans la litté-
rature sont quasiment toutes infracliniques [6]. L’existence
même de pancréatites aiguës patentes postopératoires en
chirurgie cardiaque est controversée.
Une augmentation de l’isoenzyme pancréatique est
également retrouvée dans de nombreuses pathologies pan-
créatiques et biliaires, ainsi que dans diverses complications
et affections abdominales. On observe une augmenta-
tion souvent modérée de l’amylasémie (souvent inférieure
à trois fois la normale) lors des syndromes occlusifs,
appendiculaires, d’infarctus mésentérique et d’ulcère gas-
troduodénal perforé. Dans tous ces cas, l’élévation paraît
due à une réabsorption digestive accrue. Au décours de cho-
langiopancréatographies rétrogrades endoscopiques, une
augmentation modérée et bénigne de l’isoenzyme pancréa-
tique est observée dans plus de 50 % des cas [11].
L’isoenzyme salivaire est augmentée dans toute pathologie
des glandes salivaires, qu’elle soit infectieuse (oreillons,
parotidite aiguë...), lithiasique, tumorale (adénome pléo-
morphe, adénocarcinome parotidien...) ou secondaire à
une radiothérapie cervicale.
Les pathologies pulmonaires d’origine infectieuse, comme
la tuberculose ou certaines pneumonies graves, peuvent
donner dans de rares cas une augmentation modérée.
Outre les néoplasies salivaires et pancréatiques, certaines
tumeurs peuvent être à l’origine d’augmentations parfois
importantes de l’amylasémie, en particulier les tumeurs
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