Dès cette première prise de parole, on voit la présence de
pratiquement tous les éléments qui seront développés dans la
suite de l'échange ; éléments que l'on retrouvera, à quelques
nuances près, dans le discours des autres enquêtés.
Mais au-delà des tentatives de définitions élaborées pour
expliquer la notion de kif, deux faits ont d'emblée suscité mon
intérêt. Il s'agit d'une part, des commentaires et du méta-
discours que développe l'interlocutrice tunisienne autour de
cette notion, et d'autre part, de la difficulté que manifeste
l'enquêtrice suisse pour en saisir le sens, malgré les multiples
explications fournies. La question s'est posée alors de savoir si
cette situation était spécifique à cet entretien ou si elle pouvait
concerner toute rencontre mobilisant ce même thème. C'est
pourquoi il m'a semblé judicieux de ne pas me cantonner à ce
seul entretien mais d'élargir le recueil des données sur ce thème.
Constitution du corpus et changement de point de vue
Contrairement aux habitudes que nous avons en sciences
sociales, où l'on élabore un projet et une méthodologie
d'enquête pour le recueil du corpus en fonction d'une
problématique théorique posée au préalable, la démarche dans
ce travail est totalement inverse. Puisque c'est à partir du
contenu de cet entretien que j'ai déplacé l'objet de l'enquête : je
suis passée de la thématique de la pratique des langues vers la
thématique de l'explication de la notion de kif et de l'expression
idiomatique qui l'accompagne. Mais avant de commencer cette
recherche, j'ai voulu savoir s'il y avait d'éventuelles
publications sur ce thème. J'ai alors effectué une recherche sur
le net. C'est ainsi que j'ai découvert non pas des travaux, mais
un corpus de définitions sur une page web dénommée "Nos
kifs" adressée à des juifs tunisiens. On relève sur cette page
environ 350 définitions1. En constatant le déséquilibre, entre
* je dédie cet article à Mongia, pour le kif partagé.
1 Le créateur de ce site (harissa.com) a élaboré, pour obtenir ces définitions,
une demande en vue d'une fausse recherche de la façon suivante : "Un