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Rev. Col. Odonto-Stomatol. Afr. Chir. Maxillo-fac., Vol. 13, n° 3, 2006, pp. 51-56
Les doléances objectives immédiates en prothèse adjointe totale
RESUME
La réalisation d’une prothèse adjointe totale passe
par plusieurs étapes. Tout au long des séances, le
patient fonde d’énorme espoir sur le travail final qui
pour lui doit être la solution à son état d’édenté total.
La pose des appareils constitue l’étape de vérité pour
le praticien et pour le patient. Il est donc impérieux
que le praticien maîtrise les doléances objectives
immédiates pour éviter qu’il constitue un motif de
rejet des restaurations par le patient. Au décours de
cas cliniques, nous allons mettre l’accent sur les
points saillants de cette séquence déterminante dans
la réussite du traitement.
MOTS-CLÉS : PROTHÈSE ADJOINTE TOTALE, DOLÉANCES, PATIENT.
SUMMARY
The realization of total removable prosthesis passes
by several stages. Throughout the meetings the patient
melts of enormous hope on the final work which, for him,
must be the solution to its state of made toothless total.
The installation of the apparatuses constitutes the stage
of truth for the dentist and the patient. It is thus pres-
sing that the dentist controls the immediate objective
complaints to prevent that it constitutes a reason for
rejection of the restorations by the patient. With the clinical
wanings of case we will stress the projecting points of
this determining sequence in the success of the treatment.
KEY WORDS : TOTAL REMOVABLE PROSTHESIS, COMPLAINTS, PATIENT.
LES DOLEANCES OBJECTIVES IMMEDIATES
EN PROTHESE ADJOINTE TOTALE
AMANI S.R., BAMBA A., N’DINDIN A. C., N’GUESSAN K.S., ASSI K.D.
Département de Prothèse et Occlusodontie
UFR d’Odonto-Stomatologie.
Université de Cocody Abidjan (côte d’Ivoire).
Correspondance : Dr AMANI Sélibouet Robert
22 BP. 612 Abidjan 22
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© EDUCI 2006
AMANI S.R. ; BAMBA A. ; N’DINDIN A. C. ; N’GUESSAN K.S. ; ASSI K.D.
INTRODUCTION
Pour SANGUIOLO ET MARIANI [cités par
MORA18], en prothèse totale, la facilité n’est
qu’apparente, le traitement de l’édentation
complète est un des plus difficile qu’il soit,
nécessitant une somme de connaissances
considérables dans des domaines aussi variés
que l’anatomie, la physiologie, histologie,les
matériaux, l’occlusion, la pathologie buccale et
générale, sans oublier l’hygiène, la psychologie,
l’esthétique, la phonétique, la gériatrie.
Quelle que soit la qualité de nos restaurations,
il faut, le jour de la pose, s’attendre à résoudre
les doléances présentées par le patient.
Nous seront confrontés aux doléances im-
médiates objectives qu’il conviendra de cerner
et de corriger. On qualifie souvent d’objectives,
les doléances pour lesquelles une amélioration
technique est justifiée, amenant leur disparition
définitive.
Celles ci sont généralement liées à des
phénomènes douloureux plus ou moins intenses,
souvent en relation avec une instabilité
prothétique ou des compressions localisées ; des
griefs esthétiques ou fonctionnels, en particulier
phonétiques peuvent y être associés8. Elles sont
dites immédiates lorsqu’elles se manifestent au
moment même de l’insertion prothétique. Nous
allons les étudier individuellement pour une
meilleure prise en charge.
I- LES DOLEANCES OBJECTIVES
IMMEDIATES
I- 1 INCONFORT ET ENCOMBREMENT
D’après HUE et BERTERECHE12, si les
empreintes, l’occlusion et le montage des dents
sont l’objet de toute notre attention, la forme et
le volume des extrados prothétiques sont sou-
vent laissés à l’habitude et à la dextérité du
laboratoire, sans que celui-ci puisse réellement
tenir compte de l’importance fondamentale de
ces contours comme le soulignait FISCH en 1948.
En effet la prothèse doit, non seulement occuper
ce que certains auteurs dénomment ‘’l’espace
passif libre, la zone neutre’’, mais aussi s’inté-
grer et s’adapter aux contours et déplacements
de ces mêmes parois musculaires.
Par leur rôle esthétique, mécanique et fonc-
tionnel, les formes et le volume des extrados pro-
thétiques contribuent à augmenter l’indice de
satisfaction du patient.
I- 2 NAUSEES
Elles sont d’origine réflexe. Incoercibles, elles
peuvent déterminer le rejet immédiat de la pro-
thèse et le refus d’aller plus loin. Ainsi le réflexe
nauséeux doit être détecté dès notre premier con-
tact avec le patient.
Les origines sont de plusieurs ordres : psy-
chogènes (la peur) et somatiques.
Le traitement sera à la fois psychologique,
prothétique et pharmacologique.
I-3 INSTABILITE DES PROTHESES
Selon HUE et BERTERETCHE12 25% des porteurs
de prothèses ressentent une insatisfaction liée,
entre autres facteurs, au manque de rétention et
de stabilité.
Il faut distinguer d’emblée l’instabilité en occlu-
sion de celle en inocclusion.
En inocclusion, l’instabilité peut être due au
manque de rétention ou à des bords prothétiques
en sur-extention. L’interférence de ces bords
avec la musculature périphérique engendre une
blessure muqueuse ou une instabilité prothétique3.
Le concept occlusal utilisé en prothèse adjointe
complète est celui de l’occlusion généralement
équilibrée selon GYSI. Toute défaillance dans la
concrétisation de ce concept, que ce soit suite à
un montage des dents erronée ou bien liée à un
tassement des prothèses sur leur surface d’appui,
peut conduire à l’apparition d’une instabilité
prothétique en occlusion3.
L’instabilité en occlusion sera corrigée en
procédant à une équilibration immédiate et en
recherchant un trépied stable en occlusion
centrée. Au maxillaire, l’instabilité de la
prothèse peut aussi être liée à la présence d’un
joint vélo-palatin important et mal situé.
Elément indispensable à la rétention des
prothèses adjointes complètes, le joint vélo-
palatin doit être situé en regard de la zone
aponévrotique du voile, entre le palais osseux
et la partie musculaire du voile.
Si le joint est situé trop antérieurement, il
favorise une instabilité prothétique par manque
d’herméticité. La technique proposée par DEVIN
permet d’y remédier.
Un joint trop postérieur est lui aussi à l’origine
d’une instabilité prothétique et de blessures3.
Le modelage des extrados prothétiques est
important pour répondre à certaines doléances
post-prothétiques concernant la rétention et la
stabilisation. A la mandibule, la situation est
malheureusement différente ; les phénomènes
de rétention liés à l’adhésion et à la cohésion
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Les doléances objectives immédiates en prothèse adjointe totale
sont réduits en raison de la diminution de la
surface d’appui, mais aussi de l’importance du
volume salivaire recouvrant le fond du vestibule
local et le plancher de la cavité buccale. Cela
s’oppose à la création d’un film et d’un ménisque
salivaire efficaces, sauf après une phase de
déglutition, acte qui ‘’assèche ‘’ la cavité buccale
et lamine le film salivaire.
La musculature périphérique contribue à la
rétention et à la stabilisation prothétique.
L’action des muscles est stabilisatrice si les
fibres musculaires sont orientées parallèlement
aux bords prothétiques et au plan d’occlusion, ou
stabilisatrice si elles sont perpendiculaires aux
bords prothétiques ou au plan d’occlusion.
I-4 DOLEANCES TACTILES ET
DOULOUREUSES
D’après une enquête de SMITH et HUGUES23
la douleur est la doléance la plus citée par les
porteurs de prothèses totale bimaxillaire.
Les doléances tactiles sont constituées par des
réactions douloureuses en occlusion de relation
centrée. Toutes les causes d’irritation doivent
être éliminées d’une façon très stricte avant que
le patient ne prenne congé de nous.
Notre premier soin consistera à éliminer les
points de contacts prématurés responsable de
surcharges locales, de compression et de
douleurs. Toutes les surextensions et les zones
de surcharge devront être repérées et éliminées.
I-5 DOLEANCES PHONETIQUES
Il est certain que la mise en bouche d’une
prothèse peut entraîner des troubles de l’articu-
lation de certains phonèmes, car les positions
phonétiques de la langue, des joues et des
lèvres se trouvent modifiées par les limites
imposées par les appareils. L’adaptation est plus
ou mois rapide selon les patients.
I-6 DOLEANCES ESTHETIQUES
D’après LOUIS, DABADIE et BICHET16, le
besoin esthétique, bien ancré en chacun de
nous, se trouve exacerbé lorsqu’il s’agit d’une
partie normalement visible de notre corps. Cette
esthétique est profondément perturbée au stade
ultime de l’édentation totale ce qui entraîne des
complexes irréversibles de frustration et de trou-
bles de l’affectivité. Tout au long du traitement
de son edentement, le patient va accorder un
grand intérêt au rétablissement de son esthétique,
intérêt avivé par son entourage, par la préoccu-
pation de plus en plus généralisée de conserva-
tion d’une jeunesse apparente, par enfin tous
les problèmes psychologiques et sociaux consé-
cutifs à l’edentement21.
Or, le chirurgien-dentiste est débiteur d’une
obligation de résultats et se trouve confronté à
la responsabilité esthétique.
Le rétablissement prothétique de l’esthétique lui
impose de nos jours de créer l’illusion de la den-
ture naturelle afin de donner au patient la sen-
sation de ne pas être reconnu comme édenté
par son entourage20.
Les principales doléances esthétiques sont:
dents trop grandes, dents trop jaunes, dents trop
ou peu visibles, dents prothétiques trop décou-
vertes, patient ressemble encore trop à un
édenté, reconstitutions prothétiques revêtent un
aspect trop artificiel.
A ces doléances, souvent subjectives, peuvent
s’ajouter des reproches objectifs :
- sensation de plénitude sous le nez,
- volet labial antéro-supérieur trop long ou trop
épais,
- philtrum déprimé,
- volet labial trop court ou trop mince,
- lèvre supérieure en retrait,
- dents antérieures trop lingualées…
Il serait absurde de vouloir imposer notre no-
tion de l’esthétique à nos patients. Au contraire,
il est essentiel de dialoguer, de montrer l’inter-
relation des éléments entre eux, surtout de faire
comprendre que la plupart des matériaux utilisés
pourront évoluer dans leur forme, leur teinte…
C’est pourquoi, il est judicieux et presque indis-
pensable qu’un proche, affectivement influent,
accompagne le patient lors des rendez-vous et
notamment lors des étapes du choix des dents
prothétiques, de l’essayage esthétique et de la
pose des prothèses.
II- MATERIEL ET METHODE
II-1 MATERIEL
II.1-2 Population d’étude
Elle est composée d’une patiente venue dans
le centre pour la pose de prothèses adjointe
totale bi-maxillaire.
II1-3 Matériel de travail
Le matériel de travail est constitué d’un
plateau d’examen et du matériel d’équilibration.
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II.2- METHODES D’ETUDE
Madame X, ménagère, âgée de 66 ans, était
suivie pour la réalisation d’une prothèse totale
bimaxillaire. Les différentes étapes partant de
l’examen clinique à l’essayage esthétique et
fonctionnel ont été réalisées selon la technique
classique.
Pour la pose elle était accompagnée par son
fils. Les prothèses venues du laboratoire ont été
examinées au niveau de leur occlusion et de
leur finition avant leur mise en bouche.
Après la pose, nous avons recueilli les doléan-
ces immédiates de la patiente. et avons procédé
aux corrections nécessaires.
III- RESULTATS
Les doléances présentées par la patiente se
résume comme suit :
Figure n°1 : Prothèse maxillaire
Figure n°2 : Prothèse mandibulaire
Figure n°3 : Patiente vue de profil sans
prothèses
figure n°4 : Patiente vue de profil
avec prothèses
Figure n°5 : Frein labial supérieur traumatisé
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Les doléances objectives immédiates en prothèse adjointe totale
- Prothèses trop grosses,
- Difficulté pour avaler la salive,
- Prothèse mandibulaire instable,
- Dents trop longues,
- Douleur au niveau du frein labiale supérieur,
- Elocution pénible.
Les doléances énumérées par la patiente sont
de plusieurs ordres. Nous avons dans un premier
temps mis la patiente en confiance en lui
disant que le traitement ne s’arrête pas avec la
pose des prothèses, mais qu’une nouvelle phase
d’acceptation et d’adaptation de ses prothèses
commence.
La gestion de ses doléances immédiates s’est
faite étape par étape. La prothèse maxillaire a
été corrigée au niveau de son épaisseur et le
frein lingual libéré dans ses amplitudes extrê-
mes de déplacement. La lèvre supérieure, du fait
de l’épaisseur de la fausse gencive, donnait une
impression de dents longues. Après meulage et
disparition de la béance, la patiente juge conve-
nable le profil labial . Une légère réduction du joint
postérieur de la prothèse a permis de remédier
au troubles de la déglutition.
L’instabilité de la prothèse mandibulaire a été
réglée par une réduction des bords en sur-
extension et une équilibration occlusale. La
patiente est repartie satisfaite après avoir reçu
les consignes d’usages. Un nouveau contrôle est
prévu dans trois jours.
IV- DISCUSSION
Les doléances présentées par notre patiente
sont multifactorielles. Elles sont la somme des
erreurs enregistrées lors de la réalisation de nos
prothèses au laboratoire. Le praticien peut au
niveau de la clinique avoir prix toutes les dispo-
sitions utiles mais les acquis sont souvent
détruits au laboratoire.
Dans notre pays où la formation des techni-
ciens de prothèse s’est faite pour la plupart du
temps sur le tas, ces derniers travaillent à l’ins-
tinct et ne tiennent pas toujours compte des
recommandations spécifiques du praticien sur
des restaurations prothétiques données.
Il en résulte souvent des déconvenues au plan
esthétique et fonctionnel lors de la pose des
prothèses. Une formation plus approfondie de ces
techniciens de prothèses et une collaboration
plus étroite entre eux et les praticiens aideront
à remédier à ces erreurs de construction
prothétique.
A la décharge de ces techniciens de prothèse,
il est très souvent reproché aux praticiens de
ne pas avoir de fiche de liaison avec des consi-
gnes précises.
CONCLUSION
La prothèse adjointe totale, au regard des
attentes des patients, demande beaucoup de savoir
faire et de savoir être au praticien. La pose ne
doit pas constituer une hantise mais plutôt une
source d’espérance pour le patient quand au
règlement de ses attentes. Le plus important c’est
de pouvoir, lors de la pose, traduire en acte les
doléances du patient.
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thèse adjointe partielle Thèse, Chir. Dent., Nantes,
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5- BERTERETCHE, MV. La gustation chez l’édenté
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septembre 1994.
6- CATALAN, S. A. Stomatites associés au port des
prothèses dentaires amovibles : étiologies et trai-
tements Cah. de proth. N°46, 59-78, juin 1984
7- CHOUKROUN, G L’acceptation psychologique de la
prothèse. C. D. F. N° 305, 45-51, 19 septembre 1985
8- FROMENTIN O. et HÜE O. De l’expression des
doléances en prothèse amovible complète : com-
prendre pour mieux traiter, Actualités Odonto-
Stomatol. N°217, mars 2002, pp. 23-37
Figure n°6 : Impression de dents trop longues
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