Leçon 24 : Théorème de Thalès. Applications à la géométrie du plan et de l’espace. Pré-requis : − Calcul vectoriel − Mesure algébrique : − Droites dans le plan et dans l’espace Définition. Soient D une droite et Mi un vecteur directeur de D. Si A et B sont deux points de D, la mesure algébrique du bipoint (A, B), notée AB, est l’abscisse x du vecteur AB dans la base Mi M , autrement dit, c’est le réel x tel que AB = x.iM. On pose alors AB = x.1 de D Cadre : On considèrera E un espace affine de dimension 2 ou 3 (ce sera précisé le cas échéant), et on notera E son espace vectoriel associé. On rappelle que la dimension d’un espace affine est la dimension de l’espace vectoriel associé, que l’on appelle direction de l’espace affine. Il faut savoir que le théorème de Thalès est un résultat purement affine : Il ne fait intervenir en aucun cas de notions euclidiennes telles que la distance ou l’orthogonalité. Ne confondons donc pas « mesure algébrique » et « longueur » ou « distance » (Même s’il faut garder à l’esprit que toutes ces notions sont liées). 1 Théorème de Thalès 1.1 Dans le plan On considèrera dans cette partie que E est un espace affine de dimension 2 (un plan affine donc). Théorème 1. Soient ∆ et ∆ ′ deux droites distinctes de E, D1 , D2 et D3 trois droites distinctes de E telles que D1 est parallèle à D2 , et elles coupent ∆ et ∆ ′ respectivement en trois points distincts A, B, C et A ′ , B ′ , C ′. Alors D1 est parallèle à D3 si, et seulement s’il existe k ∈ R tel que A ′C ′ = k.A ′B ′ et AC = k.AB. Avant la preuve, un dessin pour illustrer cette configuration : 1. D’autres définitions de la mesure algébrique seront proposées en annexes. Il est nécessaire de bien maîtriser cette notion pour attaquer cette leçon. M. Mercier aborde très bien toutes les subtilités de celle-ci dans son livre « L’épreuve d’exposé au CAPES de mathématiques, volume IV », chapitre Théorème de Thalès, que je vous invite à aller consulter. 1 2 Section 1 ∆ D1 ∆′ A D2 A′ B B′ D3 C′ C Figure 1. Thalès dans le plan Preuve 1. Montrons que D1 est parallèle à D3 sous ces conditions. Si c’est le cas, on pourrait trouver K ∈ R tel que CC ′ = K.AA ′. Pour montrer l’existence d’un tel K, utilisons la relation de Chasles sur le vecteur CC ′ : CC ′ = CA + AA ′ + A ′C ′ = k.BA + AA ′ + k.A ′B ′ = k.(BA + AB ′) + (1 − k).AA ′ =(1) k.BB ′ + (1 − k)k ′.BB ′ = K ′.BB ′ =(2) K.AA ′ (1) et (2) proviennent de l’hypothèse D1 parallèle à D2, donc de la colinéarité de leurs vecteurs directeurs. Donc D1 est bien parallèle à D3. Réciproquement, puisque A, B et C sont alignés sur ∆, il existe k ∈ R tel que AC = k.AB . De même, A , B ′ et C ′ étant alignés sur ∆ ′, il existe k ′ ∈ R tel que A ′C ′ = k ′.A ′B ′. On va montrer que k = k ′. ′ A ′C ′ = k ′.A ′B ′ A ′A + AC + CC ′ = k ′.(A ′A + AB + BB ′) (1 − k ′).A ′A + k ′.B ′B − C ′C = k ′.AB − AC = (k ′ − k).AB or D1, D2 et D3 sont parallèles, donc A ′A, B ′B et C ′C sont colinéaires et donc il existe λ ∈ R tel que (1 − k ′).A ′A + k ′.B ′B − C ′C = λ.AA ′, et ainsi, on a λ.AA ′ + (k − k ′).AB =M0 or AA ′ et AB ne sont pas colinéaires, donc ces deux vecteurs forment une base de E, ainsi λ.AA ′ + (k − k ′).AB =M0 λ = k − k′ = 0 k = k′ 3 Théorème de Thalès Corollaire 2. Sous les mêmes hypothèses que le théorème 1., on a D1 parallèle à D3 si, et seulement si AC A ′C ′ = ′ ′ AB AB Preuve 2. D1 est parallèle à D3 si et seulement s’il existe k ∈ R tel que ( AC = k.AB A ′C ′ = k.A ′B ′ Au choix d’un repère sur D1 et sur D2, on a AC = k.AB et A ′C ′ = k.A ′B ′ et ainsi A ′C ′ AC =k= ′ ′ AB AB d’où le résultat. Réciproquement, si on a r= A ′C ′ AC = ′ ′ AB A B Alors A ′C ′ = r.A ′B ′ et AC = r.AB , et comme A, B et C sont alignés sur ∆ et A ′, B ′ et C ′ le sont sur ∆ , on a AC = r.AB et A ′C ′ = r.A ′B ′ ′ d’où le résultat. Corollaire 3. Soient D1 et D2 deux droites distinctes de E, ∆ et ∆ ′ deux droites distinctes de E sécantes en A. On suppose que D1 et D2 coupent ∆ et ∆ ′ en respectivement B, C, B ′ et C ′. Alors D1 est parallèle à D2 si, et seulement si AC ′ CC ′ AC = = AB AB ′ BB ′ Preuve 3. C’est la même preuve que celle faite au corollaire 2. modulo le fait qu’il n’y a pas de troisième droite nommée D3 ! (En réalité, on peut ramener la configuration du théorème 1. à celle du corollaire 3. en translatant la droite ∆ ′, pour qu’elle intersecte ∆ en A ′ = A) 1.2 Dans l’espace On considèrera dans cette partie que E est un espace affine de dimension 3. Théorème 4. Soient P1 , P2 , et P3 trois plans distincts de E tels que P1 soit parallèle à P2 , et soient ∆ et ∆ ′ deux droites de E telles qu’aucune des droites ∆ et ∆ ′ ne soient contenues dans P1 , P2 ou P3. Les deux droites ∆ et ∆ ′ coupent P1 en A et A ′ , P2 en B et B ′ et P3 en C et C ′. Alors, on a P1 parallèle à P3 si, et seulement si AC A ′C ′ = ′ ′ AB AB 4 Section 2 Avant la preuve, un petit dessin : ∆ A P1 B P2 ∆′ A′ B′ C′ P3 C Figure 2. Thalès dans l’espace Preuve 4. On se place dans la configuration suggérée par la preuve du corollaire 3. : Considérons une droite ∆ ′′ parallèle à ∆ ′ coupant ∆ en A. On peut appliquer le résultat établi dans le plan, puisque du coup, ∆ et ∆ ′′ sont coplanaires ! Le résultat découle alors immédiatement. 2 Diverses applications Il existe beaucoup d’applications de ce théorème. En voici deux parmi beaucoup d’autres : 2.1 Théorème de Ménélaüs Théorème 5. Soient ABC un triangle non aplati du plan E et P, Q, R trois points appartenant respectivement aux droites (BC ), (AC ) et (AB ) et distincts des sommets du triangle. Les points P, Q et R sont alignés si, et seulement si QC RA PB × × =1 PC QA RB Avant la preuve, un dessin pour illustrer la situation : 5 Diverses applications P C Q A B K R Figure 3. Configuration de Ménélaüs Preuve 5. Supposons les points P , Q et R alignés. La parallèle à (QR) passant par C coupe (AB ) en K, et le corollaire 3. donne PB RB QC RK = et = PC RK QA RA impliquant PB QC RB RK RB × = × = PC QA RK RA RA d’où PB QC RA × × =1 PC QA RB Réciproquement, posons P ′ le point d’intersection de (RQ) et de (BC ). Ce point existe car si (RQ ) et (BC ) étaient parallèles, le corollaire 3. entrainerait que qui n’est pas possible. Puisque R ∈ (AB ), Q ∈ (AC ) et sens direct de ce théorème nous permet d’écrire QA RA = QC , RB P ′ ∈ (BC ) PB = 1, soit B = PC ′ P , R et Q alignés impliquant que C ce ∩ (RQ ), on a et le P ′B QC RA × × =1 P ′C QA RB Cette dernière égalité liée à l’hypothèse nous permet d’écrire PB P ′B = P ′C PC soit P = P ′, montrant que les points P , Q et R sont bien alignés. 6 Section 2 2.2 Le carré de Rupert Les notations sont celles imposées par la figure 4.. Soit ABCDEFGH un cube d’arête a. Les points L, M , N et O partagent les arêtes auxquelles ils appartiennent dans un rapport 1/4, et se projettent orthogonalement sur le plan (ABCD ) en respectivement P , Q, R et S. Les points L, M , R et S sont coplanaires, car LM = LP + PS + SR + RN + NM = LP + RN + PS + NM + SR = SR et de plus, la droite (LM ) étant orthogonale à (MN ) et à (MQ ), elle est donc orthogonale à (MR), et ainsi, le quadrilatère LMRS est un rectangle. Enfin, on prouve que LMRS est un carré : En utilisant les théorèmes de Thalès et de Pythagore, on obtient LM GL 3 PS BP 1 = = et = = FH GF 4 AC BC 4 q q √ 3 3 √ AC2 a2 3 √ d’où LM = 4 .FH = 4 a 2 et LS = LP 2 + PS 2 = a2 + 16 = a2 + 8 = 4 a 2 √ 2 3 9 L’aire de ce carré vaut ALMRS = 4 a 2 = 8 .a2. Il s’agit en réalité du carré de plus grande aire inscriptible dans ce cube. Figure 4. Le carré de Rupert