ARTICLE ORIGINAL ORIGINAL ARTICLE J Pharm Clin 2005 ; 24 (3) : 125-38 Bon usage des antifongiques dans le traitement des candidoses et aspergilloses invasives The good use of antifungal drugs in the treatment of invasives candidosis and aspergillosis A. HULIN1*, A.M. DEGUILLAUME2, S. BRETAGNE3, Y. BÉZIE2 1 Service pharmacie - Laboratoire de pharmacologie, CHU Henri Mondor, Créteil <[email protected]> Service pharmacie, Hôpital Saint-Joseph, Paris 3 Laboratoire de parasitologie-mycologie, CHU Henri Mondor, Créteil Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. 2 Résumé. Les infections fongiques restent des affections graves et leur fréquence a augmenté de façon considérable au cours des dernières années en raison principalement du nombre accru de patients immunodéprimés et d’interventions médicochirurgicales invasives. C’est pourquoi, l’arsenal thérapeutique s’est élargi et comprend actuellement la flucytosine, l’amphotéricine B sous différentes formes galéniques, les azolés et la caspofungine. La flucytosine, utilisée en association, présente une efficacité et des toxicités médullaire et hépatique corrélées aux concentrations sériques ce qui implique son suivi thérapeutique. L’amphotéricine B possède une efficacité importante et un spectre d’action large. Les nouvelles formulations galéniques permettent de limiter sa néphrotoxicité. Les azolés ont une pharmacocinétique complexe et une affinité pour les cytochromes humains induisant des interactions médicamenteuses nombreuses. Parmi eux, l’itraconazole et le voriconazole présentent un spectre d’action et une activité intéressants dans les pathologies sévères. Enfin, la caspofongine possède des propriétés antifongiques importantes en cas d’infections réfractaires ou d’intolérance. Nous analysons les recommandations d’utilisation et d’optimisation des antifongiques en vue d’améliorer l’utilisation de ces traitements longs et coûteux. Mots clés : antifongique, amphotéricine B, fluconazole, itraconazole, voriconazole, caspofungine, candidose, aspergillose invasive Abstract. Fungal infections are severe and their incidence has grown considerably in the last years because of the increase number of immunosupressive patients and invasives medical and chirurgical operations. That is why the number of antifungal treatments increases. Currently antifungal drugs are flucytosine, amphotericin B using with differents galenic formulations, azole drugs and caspofungin. Flucytosine, used in association, presents an efficacy and medullar- and hepato-toxicities which are correlated with seric concentrations. A therapeutic monitoring of flucytosine is essential. Amphotericin B has a good efficacy and a large antifungal spectrum. The new galenic formulations limit his nephrotoxicity. Azoles drugs have a complex pharmacokinetic and a different affinity for human cytochromes which induces many drugs interactions. Amongst them, itraconazole and voriconazole present interesting spectrum and activity notably in severe pathologies. In brief, caspofungin has interesting antifungal properties in the cases of refractory infections and intolerance. We analyse some recommandations for the use and optimization of these cost and long treatments. Key words: antifungal drug, amphotericin B, fluconazole, itraconazole, voriconazole, caspofungine, candidosis, invasive aspergillosis L es infections fongiques systémiques restent des affections graves dont l’incidence est en constante progression depuis ces dix dernières années. Elles sont associées à une élévation significative de la morbidité et de la mortalité des patients immunodéprimés. Outre les mycoses d’importation dues à la multiplication des voyages, la principale cause de cette progression réside dans * Correspondance et tirés à part : A. Hulin J Pharm Clin, vol. 24, n° 3, septembre 2005 l’augmentation considérable des facteurs de risques comme l’immunosuppression (sida, transplantation, pathologies cancéreuses et hématologiques), l’utilisation de cathéters vasculaires et l’administration d’antibiothérapies à large spectre. Jusqu’en 1978, les options thérapeutiques pour traiter les infections fongiques systémiques se limitaient à l’amphotéricine B (AmB) et à la flucytosine. La tolérance médiocre, notamment rénale, de l’AmB est souvent source d’échec thérapeutique par arrêt prématuré du traitement ou non 125 A. Hulin, et al. atteinte des posologies cibles. Les antifongiques représentent désormais une classe thérapeutique en pleine expansion, malgré un surcoût économique important. Les formulations phospholipidiques d’AmB, mieux tolérées, permettent une meilleure prise en charge thérapeutique des patients. L’apparition des antifongiques azolés, le fluconazole, l’itraconazole et le voriconazole et depuis peu, de la classe des échinocandines dont la caspofungine est le premier représentant a enrichi l’arsenal thérapeutique. Les azolés représentent à ce jour la classe la plus utilisée dans le traitement des mycoses systémiques. Physiopathologie Candidoses invasives Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. Les candidoses invasives sont actuellement responsables de plus de 10 % des septicémies en réanimation [1-4]. On distingue les candidoses chroniques hépatospléniques, les endocardites, les pneumopathies, les atteintes du système nerveux central et les candidémies. Tout diagnostic de candidose systémique impose de débuter en urgence un traitement antifongique. Même si Candida albicans est l’espèce la plus impliquée, la part relative des espèces non albicans comme glabrata s’accroît [5-7]. Les Candida non albicans étant souvent résistants aux thérapeutiques conventionnelles, l’apport des nouveaux antifongiques offre donc des perspectives intéressantes pour la prise en charge de ces pathologies. Aspergilloses invasives Les espèces d’Aspergillus les plus fréquemment retrouvées en clinique sont Aspergillus fumigatus (90 %) et flavus (10 %). Une aspergillose invasive affecte principalement les poumons mais aussi les sinus et le système nerveux central de l’hôte. Le taux de mortalité associé à une aspergillose invasive approche les 90 % chez les patients sévèrement immunodéprimés malgré un traitement spécifique. Le diagnostic, basé sur l’identification de la moisissure par culture ou par biopsie histopathologique est particulièrement difficile. En hématologie, un changement de la radiographie pulmonaire ou la présence d’un halo au niveau de la scintigraphie chez les patients à risque est souvent le seul indice d’une aspergillose pulmonaire probable. En raison de la gravité extrême de l’aspergillose invasive et de la faible efficacité des traitements actuels, il est évident que le risque aspergillaire doit être évalué et géré en amont de cette complication. bera la thymidylate synthase et donc la synthèse de l’ADN fongique [8]. La flucytosine est fongistatique aux doses thérapeutiques. Les polyènes, en se fixant sur l’ergostérol de la membrane fongique, forment des pores transmembranaires provoquant la fuite de cations intracellulaires (Na+, K+) et la mort des cellules fongiques [9]. D’autres mécanismes complémentaires ont également été évoqués pour expliquer la lyse cellulaire comme la genèse d’un stress oxydant par auto-oxydation. Le spectre d’activité antifongique de l’AmB inclut les champignons levuriformes (Candida sp., Cryptococcus neoformans) les filamenteux (Aspergillus sp. et mucorales), et les dimorphiques (Histoplasma sp., Blastomyces dermatidis). La résistance intrinsèque à l’AmB est rare, elle concerne principalement Candida lusitania et Aspergillus terreus [10]. Les azolés antifongiques sont des triazolés fongistatiques qui inhibent l’enzyme fongique C14 déméthylase, dépendante du cytochrome P450 nécessaire à la conversion du lanostérol en ergostérol, principal stérol de la membrane cellulaire du champignon [11]. Le fluconazole (Triflucan®) présente un spectre d’activité préférentiel pour Candida albicans et Cryptococus neoformans. En revanche, il est inactif sur Candida krusei (résistance primaire) et l’Aspergillus. L’itraconazole est actif sur les espèces d’Aspergillus. Le voriconazole présente un spectre d’action large vis-à-vis des espèces d’Aspergillus et de Candida ainsi que des pathogènes émergents tels que des espèces de Gluco-, mannoprotéines Phospholipide Ergostérol Polymères de glucanes Chitine Cible candines Biosynthèse de la paroi cellulaire Cible amphotéricine B Fonctions de la paroi membranaire Réticulum endoplasmique Vacuole Noyau Squalène Principaux antifongiques systémiques Golgi Classification Ergostérol Mitochondrie La classification est présentée dans le tableau 1. Mécanismes d'action et résistance aux antifongiques La figure 1 présente la structure des champignons Candida et Aspergillus et indique les sites d’action des principaux antifongiques. Après pénétration dans les cellules fongiques, la 5-FC est transformée en 5-FU par la cytosine désaminase [1] qui va s’incorporer à l’ARN fongique inhibant la synthèse protéique et après transformation en 5-fluorodeoxyuridine, inhi- 126 Cible 5-fluorocytosine Biosynthèse d'ADN, ARN Paroi membranaire Paroi cellulaire Cible azolés, allylamines, morpholines Biosynthèse de métabolites essentiels (ergostérol) Figure 1. Sites d’action des différentes classes d’antifongiques J Pharm Clin, vol. 24, n° 3, septembre 2005 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. Bon usage des antifongiques Scedosporium et de Fusarium. Un problème récent observé avec le voriconazole est l’émergence d’espèces non aspergillus telles que mucor [12]. La caspofungine est le premier et le seul représentant actuellement disponible de cette nouvelle classe thérapeutique dont la cible pharmacologique est la paroi fongique. Les échinocandines inhibent des glucanes de la paroi, par inhibition non compétitive de la bêta-1,3 glucane synthase [13]. Le blocage de cette enzyme entraîne l’arrêt de la synthèse de la paroi cellulaire (effet fongistatique), puis sa destruction (effet fongicide). Le 1,3-bglucane est le composant principal de la paroi des Saccharomyces et des Candida, ce qui explique l’activité fongicide rapide de la caspofungine contre la plupart des souches de Candida, y compris celles résistantes au fluconazole [14]. L’activité de la caspofungine vis-à-vis des Candida commence à évoluer et des résistances à C. glabrata ont été récemment décrites [15]. D’autres molécules de cette famille, comme la micafungine [16] ou l’anidulafungine [17] actuellement en développement, paraissent également prometteuses [18]. Les échinocandines n’ont qu’une activité fongistatique sur Aspergillus sp., avec inhibition toutefois quasi complète de leur croissance [19, 20, 21]. Les spectres d’activité des différents antifongiques sont résumés dans le tableau 2. Tableau 1. Classification systémiques. Famille Polyènes Azolés des Dénomination commune Amphotéricine B désoxycholate Amphotéricine B lipidique Amphotéricine B liposomale Itraconazole Fluconazole Triflucan® Voriconazole Vfend® AntimétabolitesFlucytosine Echinocandines Caspofungine principaux Spécialité antifongiques Présentation Fungizone® Injectable 50 mg Abelcet® Injectable 100 mg Ambisome® Injectable 50 mg Sporanox® Gélule 100 mg Solution buvable 10 mg/mL Injectable, 250 mg Injectable 100, 200, 400 mg Gélule 50, 100, 200 mg Poudre pour suspension orale 50, 200 mg/5 mL Injectable 200 mg Comprimé 50, 200 mg Poudre pour suspension orale 40 mg/mL Injectable 2,5 g Injectable 50, 70 mg Ancotil® Cancidas® Statut réglementaire et financier des antifongiques Tous les antifongiques systémiques sous soumis à prescription hospitalière et sont dispensés en prescription restreinte. Les formes vectorisées d’AmB (Abelcet® et Ambisome®), le voriconazole, l’itraconazole et la caspofungine font par ailleurs partie de la liste des médicaments onéreux de la circulaire T2A. Critères de choix thérapeutiques Indications et service médical rendu L’indication phare de la flucytosine est le traitement de la cryptococcose en association à l’AmB. La flucytosine n’a pas d’effet sur les filamenteux. L’AmBD injectable (Fungizone®) est utilisée pour traiter l’ensemble des infections fongiques systémiques (candidoses, aspergilloses). Elle est indiquée dans le traitement d’attaque des aspergilloses invasives pulmonaires ou disséminées, des candidoses systémiques, le traitement empirique de fièvre chez le granulopénique, et le traitement de la cryptococcose neuro-méningée. Les formulations lipidiques d’AmB sont généralement utilisées en cas d’insuffisance rénale, ou d’intolérance à l’AmB conventionnelle, surtout lors d’aspergillose ou de candidose disséminée. Ainsi, bien qu’Abelcet® (ABLC) n’apporte pas de bénéfice clinique supplémentaire démontré, elle représente toutefois une amélioration du service médical rendu (ASMR) modeste de niveau III par rapport à Fungizone® injectable en terme de tolérance rénale. Dans le traitement empirique des infections fongiques présumées chez des patients neutropéniques fébriles, Ambisome® représente une ASMR importante (niveau II) par rapport à Fungizone® injectable en terme de tolérance rénale. Le fluconazole (Triflucan®) formes orale et injectable, représente une ASMR importante (niveau II) par rapport à la stratégie de prise en charge usuelle des candidoses systémiques. L’itraconazole (Sporanox®) est indiqué dans le traitement des mycoses systémiques viscérales (aspergillose, chromomycose, histoplasmose, sporotrichose et autres mycoses rares à germes sensibles). Le voriconazole (V-Fend®) représente une ASMR majeure (niveau I) en terme de survie dans les aspergilloses invasives et de réponses favorables obtenues dans les candidoses résistantes au fluconazole et les infections à Scedosporium spp. ou Fusarium spp. Tableau 2. Spectre d’activité des principaux antifongiques disponibles. Aspergillus spp. Amphotéricine Flucytosine Fluconazole Itraconazole Voriconazole Caspofungine + + + + Candida albicans + ± + + + + Candida tropicalis + ± + + + + Candida parapsilosis + ± + + + + Candida glabrata + ± ± ± + + Candida krusei + ± ± + + Candida lusitaniae + ± + + + : actif ; – : inactif ; ± : inconstamment actif ; rouge : fongistatique ; noir : fongicide. J Pharm Clin, vol. 24, n° 3, septembre 2005 127 A. Hulin, et al. La caspofungine (Cancidas®) apporte un service médical rendu important mais une ASMR mineure de niveau IV en termes de tolérance par rapport à Ambisome® dans le traitement empirique des infections fongiques présumées (notamment à Candida ou Aspergillus) chez les patients adultes neutropéniques fébriles à haut risque d’insuffisance rénale. La caspofungine est un apport important dans la prise en charge des candidoses invasives de l’adulte non neutropénique, notamment chez les patients prétraités par un azolé ou colonisés par une espèce de moindre sensibilité au fluconazole. La commission de transparence a jugé difficile lors de l’obtention des AMM de situer la caspofungine par rapport aux autres antifongiques déjà commercialisés (dont le voriconazole) dans l’aspergillose invasive. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. Recommandations internationales : Conférences de consensus Candidoses invasives Plusieurs recommandations ont été récemment publiées pour traiter les candidoses invasives (figures 2 et 3) [22–24]. Tout diagnostic de candidose systémique impose de débuter en urgence un traitement. En première intention, jusqu’à identification de l’espèce, les dernières recommandations favorisent l’utilisation de l’AmBD en l’absence d’insuffisance rénale, ou le fluconazole injectable (12mg/kg/j), sauf chez le neutropénique ou le patient préalablement traité par fluconazole [23]. Le choix de ces deux molécules se justifie par leur faible coût et un large spectre d’activité sur les Candida pour l’AmB, et par une bonne tolérance associée à une grande facilité d’utilisation pour le fluconazole. La caspofungine, qui bénéficie d’un meilleur profil de tolérance [25] que l’AmBD, et d’une efficacité équivalente tend à la remplacer. Les formes lipidiques d’AmB (Ambisome® ou Abelcet®) sont également moins toxiques et aussi efficaces que l’AmBD lorsqu’elles sont utilisées à des posologies correctes [26, 27]. Après identification de l’espèce de Candida, le fluconazole est actuellement le traitement de première intention si l’espèce y est sensible et si le patient n’est pas neutropénique. Pour les espèces résistantes ou de sensibilité intermédiaire au fluconazole, un autre antifongique doit être utilisé. Il peut s’agir de l’AmBD, sauf si le patient est insuffisant rénal ou neutropénique et déjà traité par d’autres médicaments néphrotoxiques [23]. Dans ces cas, les formes lipidiques d’AmB ou la caspofungine sont préconisées [28]. Le voriconazole a l’AMM dans les candidoses réfractaires au fluconazole, et présente l’avantage d’être utilisable par voie orale. Il est efficace vis-à-vis de certains isolats résistants au fluconazole [29], notamment C. krusei [30]. Toutefois, l’extrapolation aux autres espèces de Candida résistantes ou de sensibilité intermédiaire au fluconazole reste controversée. Cela explique certaines réserves quant à son utilisation systématique pour les levures résistantes au fluconazole [23]. Actuellement, dans ce contexte, le relais oral par voriconazole n’est proposé que lorsque l’infection est contrôlée [23]. Une étude multicentrique mondiale, en cours d’analyse, doit prochainement permettre de répondre à cette question [22]. Les associations d’antifongiques (AmB et flucytosine) sont préconisées pour traiter les endocardites, méningites et endophtalmies. Les autres associations d’antifongiques, comme celles associant la caspofungine à un azolé ont déjà été employées de façon empirique. Toutefois, aucune évaluation précise n’a encore été effectuée, et dans l’attente de résultats mieux étayés, ces associations sont actuellement contre-indiquées. Les traitements prophylactiques sont rarement indiqués. Seules les transplantations hépatique ou pancréatique et les allogreffes de moelle présentent un risque majeur de candidose justifiant d’une prophylaxie. La mise en place d’un traitement préemptif précoce (traitement d’une candidose probable ou possible) peut se justifier chez les patients à haut risque (immunosuppression, modification de la flore bactérienne ou présence de facteurs mécaniques aggravants comme les cathéters intraveineux ou artériels, une nutrition parentérale, une hémodialyse ou dialyse péritonéale) [23]. Les traitements possibles sont alors l’AmB sous forme vectorisée ou non et la caspofungine. Créatininémie < 1,5 fois la normale Neutropénique rec evant 2 traitements néph rot oxiques ? Oui Non Créatininémie ≥ 1,5 fois la normale Non-neutropénique Tt. antérieur par azolé ? Oui Fungizone® IV 1 mg/kg/j Non-neutropénique Tt. antérieur par azolé ? Non Fungizone® IV 1 mg/kg/j OU Triflucan® IV 12 mg/kg/j Non Neutropénique Oui Triflucan® IV 12 mg/kg/j Cancidas® IV, 70 mg J1 , 50 mg/ j OU AmBIsome ® IV, 3 mg/kg/ j Figure 2. Traitement des candisoses invasives : après isolement d’une levure et avant identification de l’espèce. 128 J Pharm Clin, vol. 24, n° 3, septembre 2005 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. Bon usage des antifongiques Aspergilloses Dans le cas du traitement des aspergilloses invasives, la Société française d’hématologie clinique a proposé un arbre décisionnel. Il consiste en un traitement de première intention soit par voriconazole IV à raison de 6 mg/kg/12 h à J1 puis 4 mg/kg/12 h ou per os (si > 40 kg : 400 mg/12 h à J1 puis 200 mg/12 h et si < 40 kg : 200 mg/12 h à J1 puis 100 mg/12 h) soit par polyène IV sous formes lipidiques ou non. Après 7 à 14 jours de traitement, un bilan est effectué. En cas d’amélioration sous voriconazole, il convient de le poursuivre par voie orale. La durée du traitement est alors à discuter en fonction de la situation de sortie d’aplasie et des séquences thérapeutiques à venir. En cas d’amélioration sous polyènes, il est recommandé de poursuivre le traitement pendant 21 jours puis d’effectuer un relais per os par voriconazole en cas d’allogreffe ou de polymédication importante ou d’itraconazole dans les autres situations. En raison de la gravité extrême de l’aspergillose invasive et de la faible efficacité des traitements actuels, il est évident que le risque aspergillaire doit être évalué et géré en amont de cette complication. L’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé et la Société française d’hygiène hospitalière ont organisé une conférence de consensus sur la prévention du risque aspergillaire chez les patients immunodéprimés. Les modalités de surveillance retenues concernent le contrôle de l’environnement dans une démarche globale d’assurance qualité dont les protocoles restent à établir, et la surveillance épidémiologique au niveau de chaque hôpital par la déclaration et l’analyse des cas certains et probables au sein du CLIN. La mise en place d’une surveillance épidémiologique centralisée est souhaitable de façon à déceler d’éventuelles modifications du profil de la maladie. Le consensus a par ailleurs défini qu’en hématologie, tout type d’affection comportant une neutropénie sévère et/ou prolongée et exposant à un déficit immunitaire induit un risque potentiel mortel d’aspergillose invasive. Est qualifiée de situation à très haut risque tout type d’affection traitée par allogreffe de cellules souches. Les autres ris- Candida Triflucan® -S ques d’importance inégale sont les leucémies aiguës myéloblastiques en traitement de première ligne ou en rechute, les aplasies médullaires sévères, rechutes d’hémopathies et lymphomes traités par chimiothérapie et corticothérapie à posologie forte, les déficits immunitaires combinés sévères. Il convient de se rappeler d’un risque potentiel au cours du traitement d’induction et de consolidation des leucémies aiguës, des myélomes et après autogreffe de cellules souches. En transplantations d’organes, le risque concerne principalement les retransplantations précoces, les patients traités par corticoïdes à forte posologie pendant de longues périodes, les suites posttransplantations compliquées. En raison de l’émergence de résistances, l’utilisation en monothérapie de la flucytosine est actuellement limitée à certains cas de chromoblastomycoses. Dans les autres cas, elle est toujours associée à l’amphotéricine B pour le traitement des mycoses systémiques. Terrain Le choix des thérapeutiques est lié et adapté au terrain des patients (caractéristiques physiologiques, variabilité pharmacocinétique intra-individuelle, pathologie sousjacente). Quelques situations cliniques sont ainsi présentées. Patient mucoviscidosique Chez les patients atteints de mucoviscidose, les aspergilloses invasives sont fréquentes et le plus fréquemment bronchoalvéolaires. Elles nécessitent des traitements au long cours car les aspergillus sont difficilement accessibles au traitement du fait de la présence de grandes quantités de sputum très visqueux. Ainsi, le recours aux formes orales est indispensable pour ces traitements chroniques de plus de 6 mois. À ce titre, l’itraconazole et le voriconazole sont les traitements de choix. Chez ces patients, la grande variabilité inter-individuelle de l’absorption de l’itraconazole, au niveau gastrique notamment, nécessite un suivi thérapeutique. Le voriconazole présente une moindre variabilité d’absorption. Candida Triflucan® -R ou -SDD Créatininémie < 1,5 fois la normale Neutropénique ou non Non-neutropénique Fungizone® IV 1 mg/kg/j Créatininémie ≥ 1,5 fois la normale Neutropénique recevant ≥ 2 traitements néphrotoxiques Non Triflucan® IV 6 mg/kg/j Relais per os dès que possible Neutropénique ou non Oui Cancidas® IV 50 mg/j OU Ambisome® IV, 3 mg/kg/ j OU, si C. krusei Vfend® 6-12 mg/kg/j Relais par Vfend® oral si infection contrôlée Figure 3. Traitement des candisoses invasives : après identification de l’espèce de Candida sp. J Pharm Clin, vol. 24, n° 3, septembre 2005 129 A. Hulin, et al. Patient neutropénique La neutropénie ne semble pas être un facteur susceptible de modifier le choix thérapeutique. Le traitement antifongique empirique s’applique aux patients neutropéniques (polynucléaires neutrophiles < 500/mm3) qui restent fébriles après 3 à 5 jours d’antibiothérapie probabiliste à large spectre ou qui deviennent fébriles sous antibiothérapie. Dans les 2 cas la fièvre est isolée sans aucun signe clinique, radiologique ou biologique. Le traitement recommandé est alors l’AmBD jusqu’à la sortie d’aplasie. En cas d’insuffisance rénale avérée ou hautement prévisible ou survenant sous Fungizone®, le traitement recommandé est soit l’amphotéricine B liposomale soit la caspofungine. Le voriconazole n’est pas recommandé en traitement empirique. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. Patient immunodéprimé Les patients immunodéprimés comprennent notamment les patients infectés par le VIH et les transplantés. Dans les deux cas, les patients sont susceptibles de recevoir des traitements inhibant les cytochromes P450 3A4 et 3A5 intestinaux et hépatiques (inhibiteurs de protéases, inhibiteurs de la calcineurine et inhibiteurs de la protéine mTOR). Les associations de ces traitements avec les azolés sont donc à éviter dans la mesure du possible ou doivent faire l’objet d’un suivi thérapeutique. Patient insuffisant hépatique L’insuffisance hépatique est susceptible d’altérer la pharmacocinétique des azolés et de la caspofungine. Ceci est à prendre en considération selon le degré d’insuffisance hépatique et selon le rapport bénéfice/risque de l’infection fongique invasive. Ces traitements sont donc instaurés si le bénéfice attendu est supérieur aux risques encourus. Dans ce cas, une surveillance de la fonction hépatique est recommandée et un suivi thérapeutique des azolés préconisé. On ne dispose pas d’expérience concernant l’utilisation de la caspofungine chez l’insuffisant hépatique sévère. Patient insuffisant rénal En cas d’insuffisance rénale, on évitera l’utilisation d’AmBD pour favoriser les formes liposomales moins néphrotoxiques. Le suivi thérapeutique de la flucytosine permettra son adaptation posologique chez l’insuffisant rénal. Grossesse et allaitement Des effets tératogènes sont fréquemment observés chez l’animal (flucytosine, itraconazole, voriconazole, cas- pofungine). La caspofungine est embryotoxique chez le rat et le lapin. Cependant, leur extrapolation chez la femme reste méconnue. C’est pourquoi la grossesse est souvent une contre-indication à ces antifongiques. Mais, le rapport entre le bénéfice pour la mère et les risques pour le fœtus doit être étudié. L’allaitement est contre-indiqué avec l’ensemble des antifongiques systémiques par manque de données surtout pour les azolés, molécules très lipophiles. Le passage dans le lait maternel a été démontré pour le fluconazole. Pédiatrie Les données relatives à l’utilisation du fluconazole chez l’enfant sont trop limitées pour recommander son emploi. Le voriconazole n’a pas fait l’objet d’étude chez l’enfant d’âge inférieur à 2 ans. Faute d’autorisation de mise sur le marché actuelle, des essais cliniques de phase II sont en cours pour l’utilisation de la caspofungine chez l’enfant en cas de contre-indication à l’Ambisome®. Dans ce cas aussi est évalué le rapport entre le bénéfice et les risques encourus pour le patient. Gériatrie Aucune adaptation posologique de fluconazole et de voriconazole n’est envisagée chez le sujet âgé. Optimisation thérapeutique Posologies et plan de prise Les posologies et plans de prise sont décrits dans le tableau 3. L’AmB n’étant pratiquement pas absorbée par voie orale, seules les formes injectables ont une action systémique [31]. Les posologies classiquement utilisées varient de 0,5 à 1 mg/kg/j à 2 mg/kg/2 j pour une dose maximale cumulable de 2 g/cure. Les formulations lipidiques, mieux tolérées, sont d’utilisation plus facile. Elles ont une meilleure biodisponibilité que l’AmBD [9, 26]. Ainsi, l’AmBL reste en circulation plus longtemps que l’AmBD, tandis que l’ABLC a un captage tissulaire plus rapide [5, 9, 32]. Pour l’AmBL, la posologie usuelle est de 3 mg/kg/j perfusée par voie IV stricte de 30 à 60 minutes. Des posologies plus importantes (jusqu’à 10 mg/kg/j) ont parfois été utilisées avec succès [33, 34]. Pour l’ABLC, les posologies recommandées sont de 5 mg/kg/j. L’absorption du fluconazole n’est pas modifiée par l’alimentation. La dose d’attaque de 400 à 800 mg par jour Tableau 3. Mode d’administration des antifongiques. AmBD ABLC AmBL Fluconazole Itraconazole Voriconazole Flucytosine Caspofungine Dose de charge Non Non Non 800 mg à j1 200 mg x 2 /jour pendant 2 j 6 mg/j x 2 à j1 Non 70 mg à j1 Dose d’entretien 0,5 à 1 mg/kg/j 5 mg/kg/j 3-5 mg/kg/j 400-800 mg/j 200 mg/j 4 mg/kg x 2 / jour 100-200 mg/kg/j 50 mg/j Durée de perfusion 2à6h 2h 2h 1h 1h 1–2 h 45 min 1h Relais per os Non 2h Non Oui Oui Oui Non Non AmBD : Amphotéricine B désoxycholate (Fungizone®) ; ABLC : Abelcet® ; AmBL : Ambisome®. 130 J Pharm Clin, vol. 24, n° 3, septembre 2005 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. Bon usage des antifongiques pendant 24 à 72 heures doit être relayée par une posologie d’entretien de 200 à 400 mg/j. Les posologies usuelles d’itraconazole varient de 200 à 800 mg/j. La prise concomitante de nourriture, de médicaments antiacides (hydroxyde d’aluminium ou de magnésium) peut retarder son absorption [35]. Deux formulations d’itraconazole sont actuellement sur le marché français, une solution buvable titrée à 40 mg/mL utilisant l’hydroxy-propyl-bêta-cyclodextrine et des capsules. La galénique différente de ces deux formes induit une absorption différente, indépendante des repas pour la solution buvable contrairement aux capsules. Le schéma d’administration optimal des capsules est 200 mg deux fois par jour au moment des repas [36]. L’absorption de l’itraconazole est complexe car elle est dépendante au niveau gastrique non seulement du pH mais aussi de la présence ou non d’un bol alimentaire. Ainsi, l’utilisation d’antiacides diminue significativement la biodisponibilité de l’itraconazole, alors que l’ingestion concomitante d’une boisson acide annule transitoirement cet effet [37]. Ce type de boisson présente un réel intérêt chez des patients hypochlorhydriques (patients infectés par le VIH ou mucoviscidosiques) ou sous traitement antiacide [37]. La forme injectable permet logiquement d’obtenir des concentrations efficaces plus rapidement [38]. Il est conseillé d’éviter l’administration de voriconazole pendant le repas [39]. Les comprimés doivent être pris au moins 1 heure avant ou 1 heure après un repas. L’état d’équilibre étant obtenu en 6 à 7 jours de traitement, une dose d’attaque sur 24 heures est nécessaire quelle que soit la forme galénique utilisée afin d’obtenir rapidement des concentrations efficaces [40]. Ainsi, chez des patients de poids supérieur à 40 kg, la dose de charge est de 400 mg × 2 puis 200 mg toutes les 12 heures, tandis que les doses sont moitié moindres chez des patients de poids inférieur à 40 kg. L’administration quotidienne de 50 mg de caspofungine après une dose d’attaque initiale de 70 mg maintient les concentrations résiduelles moyennes supérieures à 1,0 mg/mL, la concentration cible choisie sur la base des études précliniques [13]. Optimisation posologique Insuffisance hépatique Quelle que soit sa forme galénique, l’AmB n’est pas métabolisée par le foie. Aucune précaution particulière n’est nécessaire pour traiter les patients insuffisants hépatiques. Peu métabolisé, le fluconazole est éliminé sous forme active principalement dans les urines et sa posologie ne doit pas être modifiée chez les patients insuffisants hépatiques [41]. En revanche, les autres antifongiques azolés sont fortement métabolisés au niveau hépatique. Le principal métabolite actif de l’itraconazole, l’hydroxyitraconazole, possède une demi-vie apparente d’élimination plasmatique de l’ordre de 14 heures (versus 24 ± 9 heures pour sa substance mère). Cette demi-vie est allongée en cas de cirrhose [42]. Un suivi thérapeutique est recommandé en cas d’insuffisance hépatique en considérant la somme de l’itraconazole et de son métabolite actif. Le voriconazole possède un puissant métabolisme hépatique notamment par des réactions d’oxydation. C’est un substrat des CYP450 2C9, 2C19 et 3A4 ; il peut donc présenter des polymorphismes génétiques via le CYP450 J Pharm Clin, vol. 24, n° 3, septembre 2005 2C19 (15 à 20 % des Asiatiques). Aucune adaptation posologique n’est nécessaire pour les patients présentant une lésion hépatique aiguë mais une surveillance continue des tests de la fonction hépatique est recommandée. Chez les patients atteints de cirrhose légère à modérée (ChildPugh A et B) il est recommandé de diminuer de moitié les doses d’entretien. Enfin, par manque d’étude chez les patients atteints d’une cirrhose hépatique chronique sévère, il convient de ne l’utiliser que si les bénéfices attendus sont supérieurs aux risques encourus. Les voies cataboliques de la caspofungine sont encore mal connues. L’élimination biliaire et rénale de la caspofungine sous forme inchangée est négligeable. En cas d’insuffisance hépatique modérée, des ajustements posologiques sont proposés (dose d’attaque initiale de 70 mg, puis dose de 35 mg en entretien). On ne dispose d’aucune expérience clinique dans l’insuffisance hépatique grave. Insuffisance rénale La flucytosine est principalement éliminée par le rein [43]. Sa demi-vie apparente d’élimination est de 3 à 4 heures chez des patients ayant une fonction rénale normale, mais peut être allongée jusqu’à 85 heures chez des patients insuffisants rénaux sévères [43]. En cas d’insuffisance rénale, une augmentation de la Cmax a été observée jusqu’à 120 mg/L en dépit d’une diminution de la posologie [44]. La posologie de flucytosine doit être adaptée en fonction de la clairance à la créatinine : dose de 25 à 50 mg/kg toutes les 6 heures pour une clairance supérieure ou égale à 40 mL/min, toutes les 12 heures pour une clairance comprise entre 20 et 40 mL/min, toutes les 24 heures pour une clairance comprise entre 10 et 20 mL/min. Dans le cas d’une clairance inférieure à 10 mL/min, la dose est réadministrée en fonction du dosage plasmatique. La flucytosine est dialysable, sa dose doit être renouvelée après chaque séance de dialyse. La néphrotoxicité est le problème majeur de l’utilisation de l’AmB, l’insuffisance rénale est fréquente chez 30 à 40 % des patients [45, 46], avec réduction précoce et constante de la filtration glomérulaire, réversible à l’arrêt du traitement. L’activité néphrotoxique est dose-dépendante et pourrait être due à une vasoconstriction rénale consécutive à une réduction de l’activité de la NO synthase endothéliale sous l’effet de l’accumulation rénale de l’AmB [47]. Elle peut imposer une suspension temporaire de quelques jours pour obtenir une amélioration et une reprise du traitement aux doses antérieures. La prise de diurétiques ou une insuffisance rénale préexistante augmentent le risque de néphrotoxicité tandis que l’apport sodé le réduit [46]. Le fluconazole est éliminé principalement par voie urinaire sous forme inchangée et présente une pharmacocinétique linéaire [41]. Chez l’insuffisant rénal, une dose initiale de 100 à 400 mg de fluconazole est instaurée puis la posologie est adaptée selon la clairance de la créatinine. Pour une clairance de la créatinine supérieure à 50 mL/min, la dose administrée est la dose usuelle tandis que pour une clairance comprise entre 10 et 50 mL/min, la dose administrée sera de moitié ou l’intervalle de réadministration sera augmenté à 48 heures. En cas de patients dialysés, le fluconazole sera administré après chaque séance de dialyse. 131 A. Hulin, et al. L’itraconazole n’est pas extrait par hémodialyse mais des variations importantes de biodisponibilité ayant été observées chez de tels patients, un suivi thérapeutique est recommandé. La pharmacocinétique du voriconazole n’est pas modifiée en cas d’insuffisance rénale, par conséquent aucune adaptation posologique n’est préconisée y compris pendant des séances de dialyse. Cependant, il convient de noter l’accumulation du véhicule intraveineux, le SBECD (sulfobutyle éther bêta-cyclodextrine de sodium), chez des sujets ayant une clairance à la créatinine inférieure à 50 mL/min. Dans ce cas, il convient de privilégier la forme orale ou si le bénéfice attendu est primordial, de surveiller la fonction rénale. Aucune modification de dose de caspofungine n’est préconisée lors d’insuffisance rénale et ce, quel que soit son degré. Autre Les concentrations d’itraconazole sont plus faibles à l’état d’équilibre chez les patients neutropéniques et ceux infectés par le virus VIH, ce qui justifie l’utilisation de posologies élevées. Le suivi thérapeutique est fortement recommandé surtout si des facteurs modifiant l’absorption tels que prise à jeun, réaction du greffon contre l’hôte, diarrhée, mucite, existent. Chez les patients présentant une hypo- ou une achlorhydrie, la prise concomitante d’itraconazole et de cola est recommandée. l’AmBD pourraient être réduits de manière significative en prolongeant la perfusion sur 24 heures sans compromettre l’efficacité [50-53]. L’efficacité antifongique liée à ce mode d’administration n’apparaît pas modifiée chez le patient neutropénique en hématologie [51] ou le transplanté pulmonaire [53]. Concernant le fluconazole, il peut être administré en perfusion intraveineuse à la vitesse maximale de 10 mL/min avec du glucosé à 20 %, une solution de Ringer, de Hartmann, du chlorure de potassium ou encore du bicarbonate de sodium. Les apports en sodium de l’itraconazole devront être pris en compte chez les patients nécessitant une restriction sodique ou hydrique. La suspension buvable doit être utilisée dans les 14 jours qui suivent sa reconstitution et présente un goût peu agréable. Les différentes formes doivent être conservées à une température qui n’excède pas 30 °C. La forme IV de voriconazole ne doit pas être injectée en bolus mais reconstituée et diluée avant perfusion. La vitesse maximale d’injection est de 3 mg/kg/h pendant 1 à 2 heures. Il ne faut pas mélanger la solution de voriconazole avec tout autre médicament ou nutrition parentérale. La solution reconstituée doit être conservée entre 2 et 8 °C pendant 24 heures au maximum. La reconstitution se fait à l’aide de 19 mL d’eau pour préparations injectables fournissant une solution de voriconazole à 10 mg/mL. La solution concentrée reconstituée doit être diluée par du NaCl 0,9 ou 0,45 %, une solution mixte de sodium et de lactate, du glucosé 5 % additionné ou non de chlorure de sodium 0,45 %, de chlorure de potassium 20 mEq ou de sérum physiologique. Pour la caspofungine, la solution concentrée doit être reconstituée avec de l’eau pour préparations injectables et être utilisée immédiatement. Le concentré pour perfusion peut être conservé jusqu’à 24 heures lorsque le flacon est conservé à une température ne dépassant pas 25 °C. La solution pour perfusion doit être diluée dans du chlorure de sodium à 0,9 % ou une solution de Ringer lactate. Le voriconazole peut être utilisé dans les 24 heures lorsqu’il est conservé à une température inférieure à 25 °C ou dans les 48 heures entre 2 et 8 °C. Modalités d'administration Modalités d'arrêt Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. Enfant Chez l’enfant de 2 à 12 ans, quelle que soit la voie d’administration, le voriconazole est administré à raison de 6 mg/kg toutes les 12 heures en dose de charge puis de 4 mg/kg toutes les 12 heures en dose d’entretien. Dès que l’enfant peut avaler les comprimés, il est préférable d’administrer des comprimés entiers. Pour la caspofungine, une dose quotidienne de 50 mg/m2 fournit une exposition comparable à celle de l’adulte traité à raison de 50 mg par jour. Les autres antifongiques n’ont pas fait l’objet de description précise de leur posologie chez l’enfant. Les apports sodés lors de l’administration de la flucytosine (2 g/flacon) devront être pris en compte chez les patients à risque. Les comprimés de flucytosine doivent être conservés à une température inférieure à 25 °C et à l’abri de l’humidité. Pour les solutions de perfusions, les conditions de conservation de la flucytosine sont comprises entre 18 et 25 °C. En dessous de 18 °C, une précipitation peut apparaître qui peut être dissoute en réchauffant à moins de 80 °C pendant 30 minutes. Au-dessus de 25 °C, une formation de fluorouracile (5-FU) peut apparaître. L’AmBD est administrée en perfusion lente de 2 à 6 heures après reconstitution et dilution uniquement dans du glucosé. Une fièvre et des frissons sont décrits pendant la perfusion, dans plus de 50 % des cas, justifiant une prémédication systématique. L’AmBD est donc associée à l’aspirine, l’hydrocortisone et la polaramine pour améliorer sa tolérance à l’injection [48, 49]. Le méfopam serait également efficace pour contrôler les frissons. Il est généralement utilisé une dose-test de 1 mg d’AmBD, administrée en 20 minutes sous surveillance avant de commencer la première perfusion pour diminuer le risque d’anaphylaxie. Les signes d’intolérance et la néphrotoxicité de 132 Au vu des durées longues de traitement et de la pharmacocinétique des médicaments, les traitements peuvent être arrêtés immédiatement. Relais entre la voie intraveineuse et la voie orale Les traitements des pathologies fongiques invasives étant longs, il est recommandé de privilégier les formes orales dès que le traitement est débuté, quand des signes d’amélioration clinique objectifs sont observés. Les formes orales et intraveineuses de fluconazole et de voriconazole étant bioéquivalentes (respectivement 98 et 96 %), le passage de la voie IV à la voie orale se fait sans chevauchement au cours de la prise suivante. Prévention des risques majeurs de l'iatrogenèse Contre-indications Tous les antifongiques systémiques sont contre-indiqués en cas d’hypersensibilité au principe actif ou à l’un des excipients. J Pharm Clin, vol. 24, n° 3, septembre 2005 Bon usage des antifongiques Tableau 4. Interactions médicamenteuses des antifongiques. Amphotéricine B (voie IV) Flucytosine Antifongiques azolés Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. Fluconazole Itraconazole Voriconazole Médicaments Sultopride Autres hypokaliémiants, digitaliques, médicaments entraînant des torsades de pointes Niveaux AD PE Zidovudine Aminosides, ciclosporine, tacrolimus Zidovudine Cisapride, pimozide PE PenC PE CI Alfentanil, anticoagulants oraux, immunosuppresseurs, névirapine, phénytoïne, rifabutine, sulfamides hypoglycémiants, théophylline, triazolam Rifampicine PE Losartan Bépridil, mizolastine, vardenafil PenC Cl Atorvastatine, simvastatine Cl Buspirone, lercanidipine, midazolam, tacrolimus, toltérodine, vinca-alcaloïdes cytotoxiques AD Ebastine, luméfantrine, quinidine AD Anticoagulants oraux, anticonvulsivants inducteurs enzymatiques, buprénorphine, ciclosporine, digoxine, dihydropyridines, triazolam Rifampicine PE Antisécrétoires antihistaminiques H2, inhibiteurs de la pompe à protons Budésonide, fluticasone, hydroquinidine, inhibiteur de la phosphodiestérase de type 5 (sauf vardenafil) Dihydroergotamine, ergotamine, quinidine Rifampicine, carbamazépine, phénobarbital, primidone, Sirolimus Phénytoïne, fosphénytoïne PenC CI AD Efavirenz, névirapine Anticoagulants oraux, immunosuppresseurs, AD PE Rifabutine PE PE PE PenC Cl Cl Mécanismes Remarques et conseils Torsades de pointe du fait de l’hypokaliémie Bépridil, érythromycine IV, halofantrine, pentamidine, vincamine, amiodarone, brétylium, disopyramide, quinidiniques, sotalol, diurétiques hypokaliémiants, laxatifs stimulants, glucocorticoïdes, tétracosactide, (prévention de l’hypokaliémie, surveillance de l’espace QT). Torsades de pointes (l’hypokaliémie est un facteur favorisant de même que la bradycardie et un espace QT long préexistant) Risque majoré de toxicité hématologique Risque majoré de néphrotoxicité Risque majoré de toxicité hématologique Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsades de pointes Interaction au niveau des cytochromes P450 : augmentation des concentrations par diminution du métabolisme hépatique Induction enzymatique par la rifampicine. Diminution des concentrations des deux antiinfectieux Diminution de son métabolisme et de son métabolite actif Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire notamment de torsades de pointes Risque majoré d’effets indésirables (dose-dépendant) à type de rhabdomyolyse par diminution du métabolisme de l’hypercholestérolémiant Augmentation des concentrations plasmatiques de l’anxiolytique par diminution de son métabolisme hépatique avec majoration importante de la sédation, diminution du métabolisme de la dihydropyridine (œdèmes), du sédatif, du tacrolimus avec majoration de sa toxicité, risque de surdosage de la toltérodine, majoration de la neurotoxicité des antimitotiques Risque majoré de troubles du rythme ventriculaire, notamment de torsades de pointes Interaction au niveau des cytochromes P450 : augmentation des concentrations par diminution du métabolisme hépatique Induction enzymatique par la rifampicine. Diminution des concentrations des deux antiinfectieux Diminution de l’absorption de l’antifongique par modification du pH intragastrique Augmentation des concentrations plasmatiques par diminution de son métabolisme hépatique Substrat des cytochromes P4503A4. Risque majoré d’ergotisme (nécrose des extrémités) et d’allongement de l’intervalle QT Diminution de concentrations plasmatiques de voriconazole Augmentation de concentrations sanguines du sirolimus Augmentation des concentrations sanguines de la phénytoïne par diminution de son métabolisme hépatique et diminution des concentrations plasmatiques du voriconazole Augmentation du métabolisme de l’antifongique par l’efavirenz et la névirapine Interaction au niveau des cytochromes P450 : augmentation des concentrations par diminution du métabolisme hépatique Diminution de concentrations plasmatiques de voriconazole CI : contre-indication absolue ; AD : association déconseillée ; PE : précautions d’emploi ; PenC : prendre en compte Pour éviter toute hypersensibilité croisée, l’utilisation d’un azolé est contre-indiquée en cas d’hypersensibilité préalable à un autre. La grossesse et l’allaitement sont des contre-indications relatives pour tous les antifongiques systémiques. Le rapport bénéfice/risque doit être évalué. L’insuffisance rénale sévère est une contre-indication absolue pour l’AmBD. La présence de lactose dans les gélules de fluconazole et de voriconazole contre-indique leur utilisation en cas de galactosémie congénitale, de synJ Pharm Clin, vol. 24, n° 3, septembre 2005 drome de malabsorption du glucose, du galactose ou de déficit en lactases. Parallèlement, la présence de saccharose dans la suspension buvable de fluconazole et les gélules d’itraconazole contre-indique leur utilisation en cas d’intolérance au fructose, de syndrome de malabsorption du glucose et du galactose ou de déficit en sucraseisomaltase. L’association au pimozide du fait d’un risque majoré de troubles du rythme ventriculaire est une contre-indication 133 A. Hulin, et al. absolue au fluconazole (tableau 4). Si cette association ne peut être évitée, il est indispensable de contrôler régulièrement l’espace QT via une surveillance par ECG. Associations médicamenteuses à proscrire Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. L’association de médicaments diminuant la filtration glomérulaire, comme l’AmB, accroît la demi-vie d’élimination de la flucytosine. D’autre part, la toxicité hématologique de la flucytosine peut être augmentée avec les médicaments ayant une toxicité médullaire tels que la zidovudine. Dans les cas d’associations nécessaires, la surveillance de l’hémogramme sera plus fréquente pendant toute la durée du traitement. Enfin, la flucytosine peut interférer dans le dosage enzymatique de la créatinine provoquant une élévation artificielle de ce paramètre. Une technique colorimétrique est alors vivement recommandée. De nombreux médicaments sont déconseillés ou utilisés avec prudence avec l’AmB, compte tenu de ses effets indésirables et des risques d’interactions médicamenteuses. Le risque de troubles du rythme conduit à déconseiller l’association aux médicaments occasionnant des torsades de pointes comme la vincamine, le bépridil, l’érythromycine IV, la pentamidine, et le sultopride. Il est également nécessaire d’utiliser avec prudence les anti-arythmiques. L’association de l’AmB aux digitaliques et médicaments hypokaliémiants (diurétiques hypokaliémiants, laxatifs stimulants, gluco- et minéralocorticoïdes) nécessite une surveillance de la kaliémie. La prescription de zidovudine majore le risque de toxicité médullaire. Les aminosides sont contre-indiqués suite à la majoration des risques de néphrotoxicité. Enfin un accroissement de la néphrotoxicité de la ciclosporine et du tacrolimus est également rapporté [46]. L’AmB présente une forte fixation à la sérumalbumine (95 %) qui peut être à l’origine d’interactions médicamenteuses pharmacocinétiques avec tout médicament fortement lié à la sérumalbumine. L’administration concomitante d’antiacide ou de cimétidine n’influe pas sur la biodisponibilité du fluconazole [54]. Inhibiteur faible du CYP450 hépatique, le fluconazole est à l’origine de l’inhibition du métabolisme de la ciclosporine [55], potentialisant ainsi sa néphro- et sa neurotoxicité. Le fluconazole inhibe également le métabolisme du midazolam et peut donc induire une durée et une profondeur accrue de la sédation [55]. Le métabolisme d’autres médicaments tels que la phénytoïne, les AVK coumariniques, les sulfonylurées hypoglycémiants est également inhibé [55]. Cependant, aucune adaptation de la posologie des antiprotéases n’est préconisée [56]. Enfin, la prise concomitante de rifampicine (inducteur enzymatique) diminue les concentrations plasmatiques de fluconazole. L’itraconazole est un inhibiteur des cytochromes P450 3A4 intestinaux et hépatiques. De nombreuses interactions médicamenteuses sont observées, notamment avec les inducteurs enzymatiques tels que la rifampicine, la carbamazépine, le phénobarbital et la phénytoïne, qui accélèrent son métabolisme [57]. Parallèlement, l’itraconazole, peut induire des effets sur la pharmacocinétique de nombreux autres médicaments tels que la digoxine, la ciclosporine, le tacrolimus, le busulfan, le midazolam, le triazolam, la buspirone, la lovastatine et la félodipine pour lesquels des études ont été menées chez le volontaire sain ou le patient [57]. Il convient d’être vigilant à l’arrêt 134 du traitement par antifongique aux risques majeurs de sous-dosages des médicaments associés. Diverses interactions médicamenteuses peuvent être observées entre le voriconazole et des médicaments inducteurs ou inhibiteurs de ces enzymes. C’est notamment le cas avec la warfarine, métabolisée par le cytochrome 2C9 dont la coadministration avec le voriconazole potentialise l’élévation de l’INR qui doit être régulièrement suivi afin d’adapter les posologies de warfarine [58]. Aucun effet cinétique n’a été rapporté lors de l’association du voriconazole à l’érythromycine ou à l’azithromycine, [59], avec les antiH2 ni avec l’indinavir chez des volontaires sains [60]. Dans le cas de l’association avec la phénytoïne, il a été montré une diminution des Cmax et des aires sous courbe du voriconazole de 50 et 70 % respectivement [61]. Il convient d’augmenter les doses de voriconazole de 200 à 400 mg deux fois par jour. Parallèlement, cette dose induit une élévation des paramètres cinétiques de la phénytoïne nécessitant le suivi thérapeutique individuel pour pallier cet effet [61]. Associé au tacrolimus ou à la ciclosporine, le voriconazole inhibe leur métabolisme et impose un renforcement de leur suivi thérapeutique [62, 63]. Enfin, il a été montré que le voriconazole n’affectait pas la pharmacocinétique de la digoxine contrairement à l’itraconazole [64]. Des études précliniques ont indiqué que la caspofungine n’est ni substrat, ni inhibiteur de la P-glycoprotéine ou des cytochromes P450 hépatiques. La probabilité d’interactions médicamenteuses pharmacocinétiques est donc faible [65]. Des interactions ont toutefois été décrites : baisses d’ASC de l’ordre de 20 % lors de la prise simultanée d’éfavirenz, névirapine, dexaméthasone, diphénylhydantoïne, ou de carbamazépine. Il pourrait s’agir d’induction enzymatique, de compétition lors de mécanismes de transport, ou de voies mineures oxydatives. Aussi, lors de co-prescription avec l’un de ces médicaments, les posologies de caspofungine doivent être maintenues à 70 mg durant tout le traitement. Pour la rifampicine, après 24 heures de co-administration, une augmentation de 60 % de l’ASC de la caspofungine est observée. En revanche, les concentrations minimales de caspofungine diminuent lors de co-administrations répétées. Bien que les concentrations sanguines de ciclosporine ne soient pas modifiées par la prise simultanée de caspofungine, les concentrations plasmatiques de caspofungine sont accrues (augmentation de l’ASC d’environ 30 %). En revanche, la prise simultanée de caspofungine et de tacrolimus réduit de 20 % les concentrations sanguines de tacrolimus, justifiant son suivi thérapeutique. Surveillance du patient et prévention des effets indésirables Outre les effets indésirables mineurs (nausées, vomissements et diarrhées), la 5-FC présente des toxicités hépatique et médullaire. Le mécanisme de l’hépatotoxicité dosedépendante de la 5-FC reste mal connu. La toxicité médullaire de la 5-FC est la plus sévère. Ont été rapportées des leucopénies mettant en jeu le pronostic vital, des thrombocytopénies et/ou des pancytopénies [66]. Les facteurs de risque pour le développement d’une toxicité médullaire sont l’existence d’une pathologie hématologique, des antécédents de radiothérapie ou la prise concomitante d’un traitement à toxicité médullaire [67], les J Pharm Clin, vol. 24, n° 3, septembre 2005 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. Bon usage des antifongiques patients infectés par le VIH [68]. L’hémogramme doit être régulièrement surveillé (au moins une fois par mois) afin de déceler rapidement une toxicité hématologique. Sous traitement intraveineux de flucytosine, les volumes liquidiens et les apports électrolytiques doivent être pris en compte. Il convient de prévoir des apports journaliers en sodium plus faibles et un suivi de la natrémie régulier. Des irritations veineuses pouvant conduire à des thrombophlébites ont été décrites après administration d’amphotéricine B [69-71]. Au plan neurologique, des céphalées, nausées, convulsions, vertiges sont fréquents. Des effets indésirables hématologiques (anémie, agranulocytose, thrombopénie, troubles de coagulation...), cardiaques (troubles du rythme, hypo- ou hypertension...) ou respiratoires (dyspnée, bronchospasme, œdème pulmonaire) sont régulièrement rapportés [69]. Peu d’études ont directement comparé la tolérance entre les deux formulations lipidiques actuellement disponibles en France mais il est admis que l’AmBL présente une meilleure tolérance générale et rénale que l’ABLC [5]. Les effets indésirables les plus fréquents sous fluconazole sont gastro-intestinaux à type de nausées, flatulence, douleurs abdominales, diarrhées et cutanés à type de rashs, réactions cutanées sévères à type de toxidermies bulleuses, réactions anaphylactiques. Une surveillance clinique sera envisagée chez les patients ayant préalablement présenté une réaction cutanée associée à la prise de fluconazole ou d’un autre azolé. Le patient devra être informé qu’en cas de survenue de lésions bulleuses, le traitement devra être arrêté et un médecin consulté le plus rapidement possible. Les effets hépatiques sont à type d’élévation des enzymes hépatiques. Les patients traités par fluconazole qui présentent des atteintes connues hépatiques et/ou rénales feront l’objet d’une surveillance de la fonction hépatique et rénale au moins une fois par mois. L’arrêt du fluconazole sera envisagé en cas d’aggravation des tests hépatiques. Enfin, quelques cas de leucopénies et de thrombopénies ont été rapportés. De rares cas de toxicité hépatique grave incluant des cas d’insuffisance hépatique aiguë d’évolution fatale ont été rapportés sous itraconazole chez des patients ayant une maladie hépatique préexistante, des pathologies concomitantes et/ou traités par d’autres médicaments hépatotoxiques. La fonction hépatique doit donc être surveillée au moins une fois par mois. Les patients doivent être informés de la nécessité de prévenir leur médecin en cas d’apparition de signes et de symptômes suggérant une atteinte hépatique en particulier anorexie, nausées, vomissements, asthénie, douleurs abdominales ou urines foncées. Chez les patients qui présentent une élévation des enzymes hépatiques ou une maladie hépatique active, le traitement ne sera instauré que si le bénéfice escompté l’emporte sur le risque d’atteinte hépatique. L’itraconazole a montré un effet inotrope négatif et quelques cas d’insuffisance cardiaque ont été décrits. Il ne doit donc être administré chez les patients présentant une insuffisance cardiaque congestive ou des antécédents d’insuffisance cardiaque congestive que si le bénéfice est nettement supérieur aux risques. Le suivi des signes et symptômes de l’insuffisance cardiaque congestive doit être effectué sous itraconazole. Enfin, en cas d’apparition d’une neuropathie qui pourrait être imputée à ce traitement, il convient d’interrompre le traitement et de le substituer par un autre antifongique. J Pharm Clin, vol. 24, n° 3, septembre 2005 Le voriconazole est bien toléré et ne présente que des effets indésirables modérés et transitoires à type de troubles de la vision, maux de tête ou encore vertiges. Ont été rapportés des troubles hépatiques, généralement réversibles à l’arrêt du traitement, principalement chez des patients présentant d’autres affections sous-jacentes graves. Le suivi de la fonction hépatique doit être effectué régulièrement et l’arrêt du traitement doit être envisagé en cas de symptômes et de signes d’hépatopathie. Des troubles d’insuffisance rénale aiguë ont été observés chez des patients sévères. La fonction rénale doit donc être surveillée. De rares cas de réactions cutanées exfoliatives ont été décrits nécessitant un arrêt du traitement. Des cas de photosensibilité ayant été observés, les patients doivent être informés d’éviter toute exposition au soleil. Enfin des troubles ophtalmologiques sont fréquemment rapportés à type de troubles de la vision, plus rarement blépharite, névrite optique, œdèmes papillaires, sclérite et de rares cas d’hémorragies rétiniennes, opacité cornéenne ou atrophie optique. Ces troubles visuels sont transitoires et réversibles et semblent s’atténuer en cas d’administrations répétées. À ce jour, aucun cas de néphrotoxicité ou d’hépatotoxicité n’a été imputé à la caspofungine [72]. Les événements indésirables les plus fréquemment rencontrés sont fièvre (5 à 40 % des cas), céphalées (10 % des cas), nausée, vomissement. Une augmentation des transaminases (> 5 N) a été observée dans environ 15 % des cas sans traduction clinique [25, 49, 73]. Des réactions locales au point d’injection ont été régulièrement rapportées (phlébite, érythème, démangeaisons, suppuration, et sensation de brûlure [25, 49, 73]. Ces effets indésirables conduisent à l’arrêt du traitement dans un nombre limité de cas. Comme tout polypeptide utilisé par voie intraveineuse, les échinocandines peuvent être histamino-libératrices. Des cas isolés de rash, œdème du visage, prurit, sensation de chaleur ou bronchospasme, voire même d’anaphylaxie ont été signalés lors de l’administration de caspofungine [13]. Automédication Les antifongiques étant des médicaments en prescription restreinte, leur automédication est rare. Toutefois, les dérivés azolés sont sujets à de nombreuses interactions médicamenteuses. Il est donc essentiel que les patients traités par antifongiques évitent de s’automédiquer avec d’autres médicaments sans un avis médical ou pharmaceutique spécialisé. Les interactions médicamenteuses avec le jus de pamplemousse par exemple ou le millepertuis (sédatif fréquemment utilisé en automédication) doivent être systématiquement rappelées aux patients traités par itraconazole ou voriconazole. Suivi du patient Observance La question de l’observance aux traitements antifongiques n’est pas à aborder lors des traitements intraveineux administrés par le personnel infirmier chez un patient dont le pronostic vital est en jeu. Après plusieurs jours de traitement et quand le statut clinique du sujet le permet, un transfert aux traitements par voie orale est envisagé. Les traitements par antifongiques sont longs et durent souvent 135 A. Hulin, et al. plusieurs mois. Le recours à la voie orale permet donc une sortie d’hospitalisation et un retour au domicile. C’est au cours de cette période que l’on peut observer des risques de mauvaise observance du patient au traitement. L’observance peut être appréhendée au moyen d’un suivi clinique, biologique ou un dosage plasmatique de certains des antifongiques (flucytosine, fluconazole, itraconazole, voriconazole, caspofungine) pour vérifier la présence de l’antifongique aux concentrations définies. Efficacité et critères objectifs Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. L’efficacité et les critères objectifs des traitements antifongiques peuvent être de plusieurs niveaux : cliniques, radiologiques, microbiologiques, biologiques et pharmacologiques. Il est rappelé que le diagnostic des infections fongiques n’est pas aisé et donc a fortiori le suivi des traitements par les mêmes critères est complexe et délicat. D’un point de vue clinique, les candidoses invasives peuvent présenter des atteintes de la rate, du foie, du rein, de l’œil ou de l’os. Les aspergilloses invasives induisent des symptômes peu spécifiques tels que la fièvre, une douleur thoracique, une toux, une hémoptysie, des signes neurologiques (stupeur, hémiparésie) ou encore des atteintes cutanées (plaques cutanées, papules). L’un des suivis de ces traitements consiste en la disparition de ces signes peu spécifiques si ces signes étaient bien observés au moment du diagnostic. Ces atteintes viscérales peuvent être suivies au moyen de tests biologiques spécifiques de la vitalité de telle ou telle fonction d’organes (enzymes hépatiques, marqueurs biologiques de la fonction rénale...). D’autre part, le suivi microbiologique est possible tout en sachant que l’obtention de cultures positives des fungi n’est pas systématique (seulement 50 % des aspergilloses). Ce critère est donc peu fiable. Le suivi radiologique via la réalisation fréquente de scanners peut permettre d’évaluer le devenir de la lésion. Ceci est valable dans les cas où l’outil imagerie (TDM thoracique) est déjà spécifique et observé au moment du diagnostic. Enfin, le suivi thérapeutique pharmacologique permet de s’assurer, à l’instant t, de la prise correcte des traitements. Suivi thérapeutique Le suivi thérapeutique pharmacologique concerne plus particulièrement la flucytosine et les dérivés azolés. De nombreuses études ont montré le développement d’une toxicité médullaire et/ou hépatique pour des concentrations maximales de 5-FC supérieures à 100 mg/L [44, 66, 74, 75]. Une seule étude a rapporté l’existence d’une corrélation entre la concentration plasmatique à T2h et l’efficacité de la 5-FC, avec une émergence de la résistance pour des concentrations résiduelles inférieures à 25 mg/L [76]. En pratique quotidienne, il est fortement recommandé d’accroître, chez les insuffisants rénaux, le rythme des dosages et ce, d’autant plus qu’ils reçoivent d’autres médicaments néphrotoxiques (aminosides, ciclosporine, 136 vancomycine, amphotéricine B). Il est préconisé un suivi thérapeutique de la 5-FC en cas d’antécédents de toxicité hématologique ou gastro-intestinale [35], chez les patients infectés par le VIH en raison de leur prédisposition à développer une toxicité médullaire. Certaines études ont préconisé une concentration résiduelle d’itraconazole supérieure à 250 lg/L [57] ou la somme des concentrations résiduelles itraconazolehydroxyitraconazole supérieure à 750 voire 1 000 lg/L [57, 77]. À visée curative, des concentrations résiduelles d’itraconazole supérieures à 600 lg/L à l’état d’équilibre semblent efficaces [78]. En revanche, à T2h, une concentration d’itraconazole inférieure à 1 000 lg/L semble prédictive d’un échec thérapeutique [79]. Le suivi thérapeutique du voriconazole peut donc être demandé en raison de sa variabilité intra-individuelle, chez les patients asiatiques (polymorphisme génétique du CYP2C19), en cas d’échec thérapeutique, du risque de mauvaise observance et/ou pour permettre une adaptation de sa posologie en cas d’insuffisance hépatocellulaire, ou chez l’enfant et le brûlé. Les concentrations plasmatiques maximales et résiduelles du voriconazole sont estimées à 4 ± 2 mg/L et 1,5 ± 0,7 mg/L respectivement [40]. Chez le volontaire sain, il a été montré une excellente corrélation entre les concentrations salivaires et plasmatiques du voriconazole [40]. Conclusion Les infections fongiques systémiques sont des pathologies graves. L’enrichissement de l’arsenal thérapeutique avec deux nouvelles molécules majeures (le voriconazole et la caspofungine) offre des perspectives extrêmement prometteuses grâce à leur haute efficacité et leur profil de tolérance meilleur que pour les molécules plus anciennes. Le développement clinique de ces molécules évolue rapidement, comme en témoigne l’extension d’AMM obtenue récemment par la caspofungine dans le traitement empirique des candidoses systémiques. Par ailleurs, il faut également noter que d’autres nouvelles molécules devraient être prochainement disponibles (posaconazole, ravuconazole, micafungine, anidulafungine) [80]. Enfin, le mécanisme d’action original des échinocandines suggère une synergie d’action lors d’associations aux polyènes ou azolés [12]. Ces dernières hypothèses de travail nécessitent toutefois d’être cliniquement validées. Le pharmacien hospitalier a donc un rôle majeur à jouer dans le suivi des traitements antifongiques systémiques tant sur le plan de la préparation des formes injectables, qu’au niveau des recommandations de bonnes pratiques, et de l’optimisation des traitements selon les posologies, les plans de prises et les interactions médicamenteuses. Enfin, l’interprétation du suivi thérapeutique pharmacologique entre dans l’optimisation de ces traitements coûteux et lourds. ■ J Pharm Clin, vol. 24, n° 3, septembre 2005 Bon usage des antifongiques Références 1. Polak A, Scholer H. Mode of action of 5-fluorocytosine and mechanisms of resistance. Chemotherapy 1975 ; 21 : 113-30. 2. Eggimann P, Garbino J, Pittet D. Management of candida species infections in critically ill patients. Lancet Infect Dis 2003 ; 3 : 772-85. 3. Eggimann P, Garbino J, Pittet D. Epidemiology of candida species infections in critically ill non-immunosuppressed patients. Lancet Infect Dis 2003 ; 3 : 685-702. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. 4. Jarvis W. Epidemiology of nosocomial fungal infections, with emphasis on candida species. Clin Infect Dis 1995 ; 20 : 1526-30. 22. Pappas P, Rex J, Sobel J, Filler S, Dismukes W, Walsh T, et al. Guidelines for treatment of candidiasis. 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