
© AFD Document de travail n° 30 • La formation professionnelle en secteur informel - Afrique du Sud 5
L’Afrique du Sud n’est pas un pays en développement,
mais un pays émergent en pleine évolution. D’un côté, il
partage avec les pays développés le fait d’avoir des pans
entiers de son économie à hauteur des exigences techno-
logiques, organisationnelles et productives du marché
international le plus concurrentiel. D’un autre côté, il parta-
ge cependant avec les autres pays africains enquêtés
(Bénin, Cameroun, Sénégal…) le fait de connaître un mar-
ché du travail encore fortement marqué par l’économie
informelle et de devoir tout mettre en œuvre pour permettre
à une large frange de la population de développer des acti-
vités de subsistance et ainsi d’échapper à la pauvreté
ambiante.
L’introduction de l’Afrique du Sud dans l’échantillon des
pays à enquêter dans le cadre de l’étude sur la formation
en secteur informel tient à cette situation dualiste tant au
plan économique que social. Elle a également pour motif
que le pays a décidé, suite à la fin de l’apartheid, d’investir
de manière volontariste dans une véritable révolution des
compétences et des qualifications avec la conviction que
cette révolution serait en grande partie le gage de sa capa-
cité à se donner un futur possible. L’Afrique du Sud a, en
quelque sorte, précédé sinon accompagné, à l’échelle
d’une économie qui est de loin la plus importante du conti-
nent, nombre de pays africains dans leur volonté d’unir
développement économique et social, et investissement
dans la formation et la qualification de leurs ressources
humaines.
Depuis le milieu des années 1990 jusqu’au début des
années 2000, l’Afrique du Sud a créé tout un appareil légis-
latif et structurel qui commence à donner aujourd’hui la
mesure de ses capacités. Elle a mis en place un cadre et
une politique nationale de qualification et de certification
(1995), et a adopté une loi sur le développement des com-
pétences (1998) qui a dessiné le paysage institutionnel
actuel : l’Autorité ou la Commission nationale de dévelop-
pement des compétences, les fonds national et sectoriels
de formation, le prélèvement d’une taxe de formation ou de
développement des compétences, et la conception de stra-
tégies nationales de développement des compétences.
Dans ce cadre, l’Afrique du Sud a ainsi créé et mis en
œuvre les différents lieux et outils de concertation sociale
et, plus largement, de concertation des différentes commu-
nautés partie prenante de la société civile.
Enfin, à partir de 2003, le pays a défini une stratégie de
croissance et d’emploi incluant le secteur informel, appelé
aussi « seconde économie », comme un élément à part
entière des politiques à mener tant au niveau des investis-
sements productifs que du marché du travail et des dispo-
sitifs d’éducation et de formation.
Toutes ces décisions, institutions, mesures et orientations
stratégiques expliquent pourquoi l’enquête terrain sur la for-
mation informelle en Afrique du Sud permet d’aborder la
question de la dimension et de la dynamique de cette for-
mation selon un contexte très spécifique : celui d’un grand
pays qui a à affronter plus que les autres pays, l’héritage
d’une histoire qui lui est unique (celle de l’apartheid), la
coexistence de niveaux de développement très contrastés
et quasiment inconciliables, l’antinomie d’un marché du tra-
vail qui exige une expertise à la fois très pointue et des
compétences et qualifications de base très opérationnelles
et, enfin, une instrumentation financière qui a été créée
pour soutenir prioritairement l’économie formelle et qui se
trouve de plus en plus confrontée à la prise en compte
d’une économie informelle en plein développement.
L’étude essaie de rendre compte de la complexité des
situations sans pouvoir en décrire toutes les facettes. Il a
été fait le choix de focaliser l’attention sur les mesures de
formation et de développement des compétences mises en
œuvre vis-à-vis de la seconde économie, tout en les ren-
dant lisibles au regard du cadre global, politique, écono-
mique et financier dans lequel elles s’inscrivent. Le dia-
gnostic est certainement incomplet ou partiel. Il a néan-
moins l’avantage de rapporter la vision de la réalité expri-
mée par les interlocuteurs rencontrés, tout en objectivant
cette vision à partir des textes et documentations qui défi-
nissent les positions des partenaires publics et privés qui y
sont impliqués.
1. Introduction