Défi diagnostic - STA HealthCare Communications

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Défi diagnostic
le clinicien novembre 2010
Quest-ce que nodule du trayeur?
Le nodule du trayeur est une infection due à un parapoxvirus qui peut, à l’occasion,
évoluer en érythème multiforme. Cest une affection bénigne qui guérit sponta-
ment en quatre à cinq semaines, mais qui peut parfois s’infecter à nouveau.
Description clinique
Le patient, en général un cultivateur, se psente avec des nodules hémor-
ragiques sur les mains ou le visage (voir Photos 1 et 2). Ces lésions sont fquem-
ment assoces à de l’œdème, de l’érythème, des anopathies régionales et une
La médecine exotique de lEstrie :
vaccine, variole et vaccination
François Melançon, M.D.
Illustration de la première édition de la
publication du Dr Edward Jenner « An
Inquiry into the Causes and Effects of
Variolæ Vaccinæ
». Elle représente les
pustules de vaccine sur les mains de la
fermière Sarah Nelmes. Le pus de ces plaies
a été injecté dans le bras du jeune James
Phipps, en 1796.
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Le cas de Samuel
Des symptômes équivoques...
Médecin militaire récemment reconverti à la vie civile, vous assurez une garde de
remplacement à la salle d’urgence d’Asbestos,en Estrie. Un patient vous laisse
perplexe; il s’agit d’un homme dans la jeune trentaine, qui psente de curieuses
sions à la main et une éruption à l’avant-bras. Il en est à sa quatrième visite à la
clinique et il a jusqu’à maintenant eu droit à quatre prescriptions difrentes : des
antibiotiques p.o. à deux reprises, un antifongique sysmique,une crème à base de
cortisone, une cme antibiotique et une cme antifongique. Une culture des lésions
et une tentative de débridement ont été effectuées,et ce, sans sucs.
Vous recommencez donc le questionnaire : le patient a noté l’apparition de nodules
sur les doigts de la main droite et,dans les deux jours qui ont suivi, une éruption
maculo-papulaire s’est étendue à la main et à l’avant-bras.Une semaine plus tard,le
bras droit, le pied et la cheville gauche ont également été touchés. Latteinte locale
était un peu douloureuse et moment prurigineuse. Il y avait psence de
ganglions axillaires douloureux,mais l’état géral du patient demeurait excellent. Il a
initialement souffert d’une lére fièvre et les lésions ressemblaient d’abord fortement
à des nodules sous-cutas. Plus tard,le centre des nodules s’est atrophié et est
devenu hémorragique,puis la fièvre est disparue après quelques jours. Le patient se
sent maintenant en pleine forme, mais son bras l’inqute.
Un métier des plus révélateurs
Une ie vous traverse l’esprit : vous demandez au patient quel est son métier. Il vous
pond qu’il est éleveur de moutons de la région de Wotton.Vous tenez votre
diagnostic!Vous vous souvenez des lésions de jeunes soldats vaccinés pour la variole
durant votre séjour à Cornwallis en Nouvellecosse, il y a 20 ans (il y a longtemps
qu’on ne vaccine plus les soldats contre la variole, il existe cependant d'excellentes
photos à consulter). Elles sont identiques!Vous appelez l’infectiologue au centre
universitaire, vous lui décrivez le cas et vous lui faites part de votre suspicion
diagnostique. Il vous explique qu’un des seuls endroits où l’on retrouve de la vaccine
est la région de Wotton.Vous lui envoyez votre patient.
Le réservoir du
virus cowpox se
trouve chez les
rongeurs
sauvages,qui
peuvent le
transmettre
aux chats,qui
peuvent ensuite
le transmettre
aux vaches et
aux humains.
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le clinicien novembre 2010
atteinte de lére à modérée de l’état
ral. La condition est très rare-
ment grave et peut causer le dés
seulement chez des patients immuno-
supprimés ou atteints d’eczéma
rali.
Cette zoonose traverse la barrière
des esces et affecte les bovins, les
ovins, les rongeurs, les chats et les
humains. Elle est causée par le virus
cowpox, un proche cousin du virus de
la vaccine, de la variole des singes
(monkeypox) et de la variole humaine
(smallpox).
Dr Edward Jenner : de la variole
à la vaccine
C’est Edward Jenner, un médecin de
campagne anglais né en 1749, qui a
établi la relation entre l’infection du
cowpox et la protection contre la va-
riole, une infection extrêmement viru-
lente provenant du Moyen-Orient.
Jusque-là, on procédait à la « varioli-
sation » en faisant inhaler des
morceaux de coton imbis du pus de
bubons varioliques (technique chi-
noise datant du XIesiècle) ou en
injectant sous la peau le pus de ces
mes bubons (technique arabe).
Or, un jour, Jenner apprend l’exis-
tence d’une croyance populaire
voulant qu’une personne qui con-
tracte la variole des vaches soit
ensuite protégée de celle des humains.
Il apprend qu’en France, un pasteur
nommé Rabout Pommier considère
que l’inoculation de la « picote » des
nisses est le meilleur traitement
préventif de la variole chez l’homme;
la picote et la variole étant, pour
Pommier, la même maladie. Une
enquête minutieuse permet à Jenner
de confirmer cette croyance popu-
laire. Par observation, il suppose que
le pus des lésions des victimes de la
vaccine les protègent. Il décide de
tester sa théorie sur un enfant nommé
James Phipps.
Le 14 mai 1796, il pve du pus
des lésions des mains d’une jeune
femme et l’administre à James
Phipps. Il répète cette injection
plusieurs jours en augmentant pro-
gressivement la quantité de pus injec-
e. L’enfant tombe malade, puis il
guérit ts vite. Trois mois plus tard,
Jenner lui inocule la variole, mais cela
n’a aucun effet. Jenner multiplie les
cas d’expérience et publie enfin ses
sultats en juin 1798 dans « An
inquiry into the causes and effects of
the variolæ vaccina ».
Cependant, la publication de
Jenner rencontre le scepticisme de
l’élite médicale et il est ridiculisé
publiquement lors de la première
présentation de ses découvertes. La
couverte est toutefois si extraordi-
naire que les conclusions de Jenner
s’imposent finalement. En fait, sa
couverte est si efficace que le gou-
vernement britannique interdira toute
autre forme de traitement pour la va-
riole.
Jenner appelle la matière qui
provoque la variole des vaches
« virus » et pose ainsi les premières
bases de ce que sera l’immunologie.
En l’honneur de Blossom, la vache
qui avait transmis la vaccine à Sarah
Nehmes, il nomme sa technique
vaccination, dérivé de « vacca » –
vache.
Lorigine probable de la vaccine
La relation entre le virus cowpox et le
virus de la vaccine est confus depuis
Photo 1. Plaies de vaccine sur les mains
d’un agriculteur, quasi identiques à celles
du patient.
Photo 2. sions sembables à celles du
patient, mais à un stade plus grave.
Source : hhttttpp::////wwwwww..ccddcc..ggoovv//nncciiddoodd//EEIIDD//vvooll99nnoo1111//0022--00881144--
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qu’Edward Jenner a utilisé un virus
isolé des vaches pour vacciner un
patient contre la variole humaine. On
croit en effet que Jenner aurait pu vac-
ciner des gens porteurs de la vac-
cine ou de la variole avec le virus cow-
pox et que ces virus, mis en contact,
auraient muté pour former un nouveau
virus, dont certains spécimens auraient
pu s’échapper dans la nature.
Il existe une immuni croisée entre
les différents virus de la famille
Orthopox, et il est possible que la vac-
cination massive contre la variole ait
don aux agriculteurs une protection
relative contre la vaccine au XXesiè-
cle. La fin de limmunisation contre la
variole pourrait cependant entrner
une recrudescence des cas de cowpox
chez les agriculteurs.
Le diagnostic
Avec la mone du bioterrorisme, il est
important de différencier une lésion de
vaccine d’une lésion due à l’anthrax. À
cet effet, dresser l’historique des con-
tacts entre le patient et des vaches, des
moutons, des rongeurs ou des chats qui
psentaient des plaies aide beaucoup à
établir le diagnostic.
Le diagnostic finitif se pose au
moyen de la microscopie électronique
et l’isolation du virus, par lutilisation
d’une réaction en chaîne par
polymérase, ainsi que par un essai
d’immunofluorescence pour mesurer
les immunoglobulines scifiques IgG
et IgM, puis l’avidité pour les anticorps
IgG. Initialement, les titres d’IgM sont
éles et l’avidité pour les IgG spéci-
fiques est basse. Après deux mois, le
titre des IgM chute et l’avidité pour les
IgG devient élee.
La transmission du
virus
Le virus se transmet à travers les bris
cutanés (plaies et abrasions). Les
lésions passent par les stades macu-
laire, papulaire, siculaire, pustulaire
et ulcéré, puis elles se transforment
finalement en escarres, après environ
deux semaines. Le réservoir du virus
cowpox se trouve chez les rongeurs
sauvages, qui peuvent le transmettre
aux chats, qui , eux, peuvent ensuite le
transmettre aux vaches et aux humains.
L’infection touche tous les continents,
mais elle semble gèrement plus pré-
valente en Europe et en Asie.
Retour sur le cas
de Samuel
Quelques jours après la visite de
Samuel, vous rappelez
l’infectiologue. Celui-ci vous
confirme que les lésions ont été
identifiées en microscopie
électronique comme des lésions
de vaccine. Le patient a
spontanément guéri en quelques
semaines.
C
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K, Neumann C. Cowpox virus in a 12-year-
old boy: rapid identification by an
orthopoxvirus-specific polymerase chain reac-
tion. Br J Dermatol 2001; 145:146-50.
Dr Melançon est
omnipraticien et
compte 25 années
d’exrience dont 18
en salle d’urgence. Il a
pratiq en cabinet
privé et en CLSC. Il
est récemment revenu
à ses premières amours, soit la
decine d’urgence, la traumatologie et
la psychiatrie.
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