Sociologie et déficiences

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Sociologie et histoire des déficiences
Master 1 APAS
C. Delmas
([email protected])
FSSEP – Université Lille 2
Introduction générale :
-
Deux enseignements (sociologie et histoire) complémentaires (examen :un sujet
transversal d’une heure)
- Cours d’histoire : présenter la constitution progressive d’un « champ » du handicap en
France
- Cours de sociologie :
o Programme :
ƒ Présentation générale : sociologie et déficiences :
• La démarche sociologique (caractéristiques, apports…)
• Sociologie et déficiences ? Le développement de la recherche
sociologique sur les déficiences avec l’émergence de la notion
de handicap, la constitution d’un champ du handicap, les enjeux
du traitement social du handicap
• L’émergence des disability studies
ƒ Quelques sources et données d’enquêtes
• Où trouver des informations ? Les banques de données
disponibles et grandes enquêtes réalisées ; leurs principaux
résultats ; principales données quantitatives et qualitatives sur le
handicap et les déficiences en France
ƒ Les différentes thématiques et grandes approches sociologiques sur les
déficiences et les situations de handicap
• Présentation de quelques travaux classiques (Goffman, Murphy
etc. ; handicap comme stigmate…) et contemporains sur le
handicap et les déficiences ; Les différentes approches
ƒ Les APAS ; APS et déficiences
• Rôles et apports des APAS ; arguments mobilisables pour les
promouvoir et défendre le rôle spécifique des professionnels
APA ; différenciations en fonction des populations concernées
et des déficiences.
o Les objectifs principaux :
ƒ présenter les sources disponibles sur le handicap et les déficiences ;
ƒ permettre :
de maîtriser les différentes approches possibles, en sciences humaines et sociales (SHS), des
déficiences et situations de handicap
•
•
avoir une vue d’ensemble des principaux travaux en la matière
et de leurs apports…
de trouver les sources et outils nécessaires dans le cadre de
votre travail de recherche (mémoire) ou utiles dans le cadre de
vos futures activités professionnelles
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Séance 1 : Sociologie et déficiences
I.
L’approche sociologique…
La sociologie est une science humaine et sociale, ou une science de l’homme et de la
société, terme réunissant un ensemble de disciplines scientifiques ayant en commun
l’étude de la société et des comportements humains. Ces disciplines ont en commun
l’étude de l’homme et de la vie en société mais se distinguent par des angles d’approche et
des objets spécifiques. La sociologie étudie des faits sociaux ; s’intéresse à l’homme en
société (cf. cours de sociologie de L1 et bibliographie générale).
Différentes approches en SHS possibles, spécificités de l’approche sociologique, par
rapport à :
- l’approche philosophique et éthique : a une visée normative, par opposition à la
sociologie.
- l’histoire : est centrée sur le passé. Importance de l’histoire pour appréhender
l’évolution des représentations du handicap, l’émergence de politiques et de
recherches sur le handicap et mieux comprendre les situations actuelles de handicap,
représentations du handicap etc.
- le droit : ensemble des règles applicables (cf. cours de licence)
- la psychologie : explore la conscience.
- l’économie : analyse les mécanismes de l’échange de biens
- l’ethnologie : s’intéresse plutôt à des sociétés « éloignées » ; sa démarche est plus
qualitative.
Des approches distinctes et complémentaires.
II.
Des situations de handicap…
Les termes d’handicap et de personnes handicapées sont d’apparition relativement récente ; ils
ont progressivement remplacé « infirme », « invalide », « paralysé », « mutilé », « débile »,
dans les langages quotidien (depuis les années 1940, date de la première apparition de ces
termes dans les dictionnaires), médical, social et juridique (depuis la loi de 1957, en France,
sur les travailleurs handicapés).
Si, dans la France du début du XXe siècle, les préfixes privatifs dominent (invalides,
impotents, incapables), la montée en puissance du phénomène associatif pendant l’entre-deux
guerres, l’affermissement de l’Etat providence faisant de ces personnes des catégories cibles
de politiques publiques, les Trente Glorieuses, les solidarités ouvrières contribuent à une
nouvelle perception de ces personnes que traduit l’émergence de ce vocabulaire nouveau.
Le mot trouve son origine dans le vocabulaire hippique et sportif.
A l’origine : un jeu : Hand in the Cap (la main dans le chapeau ou la casquette). Une personne offre une
chose qui lui appartient à une autre personne en échange d’un objet familier de cette dernière. Un arbitre
apprécie la différence de valeur entre les deux objets, fixe le montant, et la somme d’argent est déposée
dans un chapeau ou une casquette.
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Serait apparu pour la première fois en Grande-Bretagne au XVIIe siècle et son usage se serait développé
dans le monde hippique au XVIIIe siècle. Application à la compétition entre deux chevaux en 1754 puis
en 1786 à des courses de plus de deux chevaux. En 1827, est également utilisé dans ce cadre en France.
Le sens de cet anglicisme « handicap » est celui d’une course où on rétablit par un artifice les
inégalités naturelles. D’autres domaines de compétition sportive adoptent le terme pour
classer les joueurs selon leurs performances. Des dérivés apparaissent très tôt : handicaper
(1854), handicapeur (commissaire qui détermine les handicaps, 1872), handicapage (1906)
Le mot est ensuite étendu, à partir du début du XXe siècle, à la conséquence d’une limitation
des capacités humaines, physiques ou mentales. L’apparition de « handicap physique » est
datée de 1940 dans le dictionnaire Le Robert. Le langage juridique l’adopte ; il apparaît pour
la première fois dans un texte de loi en 1957. Il est largement utilisé ensuite, en particulier
dans la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975. Dans le même
temps, les textes législatifs et réglementaires utilisant des termes comme « infirme »,
« invalide » etc. disparaissent.
Les pouvoirs publics adoptent également le terme à travers des rapports officiels
(Rapport Bloch-Lainé, Etude du problème général de l’inadaptation des personnes
handicapés ; Rapport des commissions du VIe Plan Handicapés-inadaptés de 1971 ; Rapport
de C. Hernandez, Insertion des handicapés dans la fonction publique, 1983 ; Henry Lafay,
L’intégration scolaire des enfants et adolescents handicapés, 1987 ; J.-C. Sournia, H.-M.
Bellouhey, Rapport du groupe de travail sur l’harmonisation des modes d’évaluation et de
réparation du handicap, 1987).
Les organismes internationaux officialisent et reconnaissent le handicap : L’ONU décrète en
1981 l’année année internationale des personnes handicapées ; adopte en décembre 1982 un
programme mondial en faveur des personnes handicapées ; décrète 1983-1993 décennie des
personnes handicapées…
Les associations choisissent le handicap pour se dénommer : Handicap International ;
Association pour les adultes et jeunes handicapés (APAJH) ; Groupement pour l’Insertion des
Jeunes Handicapés (GIHP) ; Association de Gestion des Fonds d’Insertion des personnes
handicapées (AGEFIPH).
Le handicap devient un objet de recherche : le terme est repris dans le monde scientifique ;
sert à désigner des structures d’études et de recherche sur les handicaps et les inadaptation
(CTNERHI) qui publie la revue Handicap et Société (cf. biblio).
L’usage du mot se banalise et l’on va utiliser ce terme d’une manière de plus en plus large.
Un DEA est créé en 1985 à la Faculté de médecine de Dijon avec pour intitulé « Sciences et
techniques appliquées aux handicaps et à la réadaptation » ; une chaire « Insertion sociale des
personnes handicapées » est créée en 1987 au CNAM.
Des laboratoires de recherches s’y consacrant sont de plus en plus nombreux ;
cf. particulièrement au Québec qui a placé, tôt, le handicap et la réadaptation dans ses
priorités de santé et organisé (Fonds de recherche en santé au Québec) un réseau national de
recherche sur la réadaptation et le handicap.
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L’INSERM (Institut national scientifique d’études et de recherches médicales) réalise en 1985
un volumineux rapport : Réduire les handicaps et met en place en 1988 une intercommission
spécialisées dans l’examen des projets et données de recherches concernant le handicap.
Le terme est donc accepté par les instances linguistiques francophones, adopté par les juristes,
les associations, les milieux professionnels.
Utilisation fréquente également du suffixe « handi » : Handisport (Association française de
sports pour les personnes handicapées), Handynet (banque de données de la CEE sur le
handicap), Handitec (devenu autonomic) Handimat (salons de matériels pour les personnes
handicapées)
Volonté d’éviter les mots à caractère péjoratif et dévalorisant ;
Nouvelle conception d’un phénomène ancien
Porteur d’espoir : développement de la notion de réadaptation (sur cette notion, cf. infra et
cours d’histoire)
Vocabulaire homogénéisant dont l’émergence est corrélative à la mise en place de politiques
publiques du handicap et d’une plus large prise en charge par la collectivité et l’Etat (cf. cours
d’histoire )
Malgré son succès dans la communauté internationale, le terme de « handicap » a été de plus
en plus contesté par certains, dont les Américains qui le trouvent stigmatisant et qui l’ont
remplacé par disability qui, bien qu’initialement emprunté au français (« dishabile ») est
littéralement intraduisible dans notre langue sauf par un mot emprunté à la langue anglaise,
handicap. En français, on fait de plus en plus référence plutôt à la notion de « situation de
handicap », ce qui renvoie à une approche environnementale du handicap.
Au cours des années 1980 se développent de travaux perçus comme novateurs qui produisent
de nouvelles définitions et conceptualisations mettant l’accent sur les dimensions
environnementales.
Ainsi de la célèbre classification du Dr Phillip Wood selon laquelle si la déficience appartient
en propre à la personne, le handicap provient par la suite de l’inadéquation de
l’environnement. Cette approche entérine l’extériorité de la cause dont l’une des
conséquences est de déculpabiliser les personnes handicapées.
Cette nomenclature selon laquelle l’atteinte crée la déficience et l’incapacité qui en résulte est
sources de handicaps, est adoptée planétairement. Elle est proposée sous le sigle de CIDIH
par le docteur Wood au nom de l’OMS.
Cette nomenclature est ensuite modifiée (CIDIH-2) mais le fond reste le même (cf. Handicap,
1999).
Les travaux du docteur Pierre Minaire préconisent ainsi l’utilisation du terme de handicap de
situation (Minaire et alii, 1987). Pour ces deux auteurs, l’accent ne doit pas être
essentiellement mis sur la réparation des corps, les mesures de compensation (financière,
matérielle…) du handicap, mais sur la généralisation de l’accessibilité aux transport, au
logement, à l’emploi, à la formation…
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Pendant les années 90, l’OMS révise sa précédente nomenclature et en propose une nouvelle
baptisée : CIF, Classification Internationale du Fonctionnement, du Handicap et de la santé.
Aux trois temps de la classification de Wood (Déficiences, Incapacités, Désavantages), elle
substitue les termes de fonctionnement, handicap et santé. Elle se décompose en deux
parties :
- la première dite fonctionnement et handicap regroupe d’une part les fonctions
organiques et les structures anatomiques, et de l’autre les activités et participations ;
- la deuxième partie comprend les facteurs contextuels répartis en facteurs
environnementaux et facteurs personnels. La CIF « fournit une approche
multidimensionnelle de la classification du fonctionnement du handicap en tant que
processus interactif et évolutif » (Assante, 2002).
La fin du vingtième siècle voit aussi émerger et se développer la notion de personnes en
situation de handicap ainsi définie : « Une situation de handicap est toujours et uniquement
le produit de deux facteurs, d’une part, une personne dite « handicapée », en raison de sa
déficience, qu’elle soit physique, sensorielle ou mentale, et d’autre part, des barrières
environnementales, culturelles, sociales, voire réglementaires créant un obstacle que la
personne ne peut franchir en raison de sa ou ses particularités » (V. Assante, Situations du
handicap et cadre de vie, Rapport du Conseil économique et social, éditions des JO, 2000).
Une situation de handicap suppose donc une personne handicapée et un obstacle.
Cette appellation est désormais communément admise et utilisée. A l’origine, elle avait été
proposée par des penseurs du secteur. Cette notion rend compte de l’idée que le secteur se fait
aujourd’hui de lui-même ainsi que de l’image qu’il souhaite mettre en avant.
Ce vocable de personne en situation de handicap a depuis été officialisé. Ainsi, il avait été
utilisé dans le cadre d’une mission de réflexion constituée de trois groupes de travail, créée
par Ségolène Royal, ministre en charge d’une partie des personnes handicapées préparant en
2001-2002 la rénovation de la loi d’orientation de 1975.
L’officialisation de ce vocable s’est aussi traduite sur un second registre, qui dépasse celui
propre à ce secteur. Pour son deuxième mandat de président de la République (2002-2007),
Jacques Chirac décide de privilégier trois chantiers principaux : la lutte contre le cancer, la
sécurité routière et les personnes handicapées. Concernant ces dernières, il sollicite l’avis de
Julia Kristeva, intellectuelle non spécialiste du secteur. Le titre du rapport qu’elle lui remet
comporte le concept de situation de handicap (Kristeva, 2003), conférant de ce fait à ce
dernier un caractère officiel. Julia Kristeva et Charles Gardou préconisent par ailleurs, dans
des tribunes libres du Monde (4 septembre 2003, 28 janvier et 16 octobre 2004), l’usage du
vocable de personne en situation de handicap.
Les équipes de recherche proches de l’enseignement supérieur ou lui appartenant –Centre
technique national d’études et de recherches sur le handicap et les inadaptation, Collectif de
recherche « Situation de handicap, éducation, société » – participent à l’officialisation et à la
généralisation de cette nouvelle appellation. Le sous-titre de la revue Reliance du CRHES
comporte le terme de situation de handicap (« Revue des situations de handicap, de
l’éducation et des sociétés »).
Enfin, le Conseil Economique et social (Bonnet, 2004) et la Cour des Comptes (2003)
légitiment également ce concept, la première en publiant un rapport (précité) dans le titre
duquel il figure, la seconde en utilisant le terme dès le premier chapitre d’un rapport
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particulier consacré aux personnes handicapées (La Vie avec un handicap, rapport public
particulier, Paris, les éditions des Journaux officiels, 2003).
L’approche environnementaliste s’exprime plus nettement encore avec l’apparition du
concept de « processus de production de situation de handicap » dont les termes et l’esprit
s’inspirent de la tradition anglo-saxonne.
Cf. Fougeyrollas in M. Mercier (dir.), L’identité handicapées, Belgique, Presses universitaires
de Namur, 2004 :
« La situation de handicap n’est pas une caractéristique de la personne. Elle est le résultat de
l’intéraction entre ses caractéristiques différentes, personnelles et un environnement
spécifique. On ne peut jamais dire qu’il existe un statut de « personne handicapée » puisque
ce résultat est toujours situationnel, relatif et varie autant avec l’évolution des caractéristiques
individuelles qu’avec l’environnement et ses dimensions physiques et sociales ».
Les personnes seraient handicapées par l’intermédiaire d’agencements collectivement
construits dessinant les éléments constitutifs du handicap (les facteurs de risque par exemple).
L’Union européenne semble préconiser cette approche environnementaliste. Par exemple, un
séminaire réunissant plusieurs pays membres est organisé en 2004, le thème étant : « la
créativité, réponse à un monde handicapant ».
Intérêt de ces notions :
- Aider les personnes handicapées à s’alléger d’un poids trop lourd et s’intégrer dans la
société
- prendre en compte les facteurs environnementaux
- contre une vision essentialiste voire stigmatisante du handicap
Garder la notion de déficience ?
- Une personne est handicapée par la déficience qui l’atteint. La déficience est une
caractéristique la distinguant, dont elle et les autres ont conscience ; signe distinctif, qualité de
la personne
- Permet de ne pas ranger la personne concernée dans un même ensemble trop indistinct ; les
réalités des déficiences sont en effet multiples : type et gravité des atteintes, hiérarchies au
sein des groupes sociaux.
- Les déficiences situent les personnes handicapées, conditionnent leur prise en charges, les
aides dont elles peuvent bénéficier etc.
- Catégorie de handicap est aujourd’hui une catégorie très globalisante, incluant des personnes
dont les manques sont plus sociaux que directement liés à une déficience relativement
identifiable. Tous les handicapés sociaux ne sont pas des déficients. A. Blanc : « si tous les
déficients sont des handicapés, tous les handicapés ne sont pas des déficients » (2006, p. 25)
III.
…et le développement d’une sociologie du handicap et des déficiences
Depuis le début du XXe siècle, la sociologie a peu investi la déficience.
Certes, de nombreux sociologues de renom, tels Bastide ou Erving Goffman, ont abordé,
après la seconde Guerre Mondiale surtout, certains aspect la concernant.
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Elle a ensuite été étudiée, mais dans le cadre de travaux ne portant pas spécifiquement sur la
déficience ou le handicap ; par exemple dans le cadre de recherches sur :
- le corps (cf. travaux anthropologiques sur le corps de David Le Breton)
- l’eugénisme (Pichot, Dominique Memmi)
- l’hôpital (Steudler, Amourous, Peneff)
- la santé (Sfez, Druhle)
- la maladie (Claudine Herzlich)
- L’enfance (Chauvière, Tachon)…
Certaines déficiences ou handicaps ont fait l’objet de travaux plus nourris et plus anciens en
SHS. Ainsi de la folie avec les études historiennes et philosophiques de Michel Foucault, les
travaux de Majastre plus institutionnels ou les travaux plus sociologique (études des
perceptions, représentations sociales de Jodelet).
Bernard Mottez a étudié la surdité en général et la langue des signes en particulier ;
Henri-Jacques Stiker a étudié l’infirmité dans une perspective d’historien (cf. infra, cours
d’histoire)
Il faut citer également, pour qui s’intéresse aux handicaps et déficiences en SHS, l’existence
de nombreuses autobiographies qui sont autant de témoignages de personnes handicapées.
Certains de ces auteurs ont d’ailleurs pu accéder à une forte reconnaissance médiatique ; on
peut citer l’exemple de Patrick Segal, dans les années 70, ancien délégué interministériel aux
personnes handicapées (cf. son ouvrage : L’homme qui marchait dans sa tête, Paris,
Flammarion, 1977).
Aujourd’hui : les déficiences font l’objet de davantage de travaux et recherches en SHS :
- travaux de psychologues et psychologues sociaux qui ont depuis longtemps le plus de
contacts avec la déficience par l’intermédiaire de la consultation à domicile, de l’intervention
familiale ou en institution et qui croisent les cas sociaux et les différentnes difficultés
(psychiques et d’adaptation)
- Les médecins psychiatres
- Les historiens dont les historiens des mentalités (M. Foucault…) cf. infra, cours d’histoire
- Des chercheurs spécialisés dans le domaine de l’économie de la santé et qui rencontrent la
déficience quant ils doivent par exemple réaliser des travaux sur le vieillissement et sa prise
en charge (problème de plus en plus crucial)
- Des sociologues et économistes du travail travaillant sur les phénomènes d’usure et de
maladie professionnelles et donc de reclassement.
- Les sociologues et analystes du travail social et des politiques sociales pour qui les
personnes handicapées sont l’une des populations cibles de ces politiques sociales.
- Les spécialistes en science de l’éducation et les juristes…
Les sociologues ayant travaillé sur les déficiences et le handicap en France sont de plus en
plus nombreux depuis une vingtaine d’année :
- Jean-Marc Bardeaux : les infirmes moteurs cérébraux
- Markos Zafiropoulos, Nicole Diederich et Marcel Calvez : la déficience intellectuelle
- Serge Ebersold : la construction du handicap
- Marcel Jaeger : les dispositifs institutionnels
- Alain Giami : les représentations du handicap ; la sexualité des personnes handicapées
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- Jean-François Ravaud : sur de nombreux aspects sociaux, historiques, professionnels du
handicap
Nous présenterons plus loin plus précisément ces travaux (du moins certains d’entre eux) ainsi
que ceux de jeunes chercheurs ayant abordé des questions aussi diverses que :
- sur l’annonce du handicap : Marc Brzustowski
- le lien entre handicap et parentalité : Chantal Lavigne
- les aveugles : Claude Boucher
- les sourds : Yves Delaporte, Michel Poizat
- les dialysés rénaux : Florence Douguet
- les myopathies : Myriam Winance
- la rééducation des paraplégiques et tétraplégiques : Eve Gardien
- l’anthropologie de l’infirmité et de la déficience intellectuelle : Olivier Grim et JeanFrançois Gomez
Il faudrait ajouter les nombreuses enquêtes et productions de données chiffrées consacrées à la
déficience, émanant de plusieurs grands organismes, que nous présenterons un peu plus loin,
et sur lesquelles peuvent désormais s’appuyer les chercheurs en sciences humaines et sociales.
Des observatoires régionaux ayant pour vocation de collecter des informations fiables, par
exemple en matière d’insertion professionnelle, ont été mis en place ; de nombreux travaux
sont publiés à la Documentation française émanant de diverses instances officielles.
Enfin, la déficience occupe de plus en plus l’espace public, des manifestations et des
organismes divers ayant largement favorisé cette visibilité : Handicap international et
Téléthon ; publication de nouvelles revues grand public comme Etre, Déclic ; publication
d’un nombre croissant de travaux sur les déficiences par des éditeurs, spécialisés (CTNERHI)
ou généralistes (L’Harmattan, Erès, …).
Le nombre croissant de travaux portant sur les déficiences, leur officialisation et leur
reconnaissance dans l’espace public, voire leur utilisation pour les décisions publiques
témoignent de l’émergence et du développement d’études de SHS sur le handicap ou de ceux
que les anglo-saxons appellent les disabililty studies.
Les disability studies (expression anglo-saxonne qui n’a pas d’équivalent en français)
renvoient à l’existence d’un véritable champ scientifique Outre-Atlantique et à la constitution
d’un champ spécifique de recherches sur les handicaps. Ce nouveau champ de recherches est
initié dans les milieux intellectuels anglo-saxons par des chercheurs handicapés eux-mêmes,
qui proposent de nouvelles théorisations du handicap, dans un contexte marqué le
développement des minorités actives, et une nouvelle place des usagers dans le système de
santé (cf. cours d’histoire).
Ces théorisations apparaissent originales et influences les réflexions dans d’autres pays y
compris la France, où les chercheurs puisent aux mêmes sources bibliographiques
internationales, majoritairement anglo-saxonnes (cf. importance de cette bibliographie ;
nombreuses revues : Disability and Society, Disability Studies Quaterly, etc. ; nombreuses
collections sur le handicap ; forums de discussion ; nombreuses conférences et congrès
annuels ; Albrecht dir., Handbook of disability studies, sage, 2001).
Elles se constituent en discipline universitaire aux Etats-Unis et au Canada au cours des
années quatre-vingt (mouvement qui s’enclanche à partir des années soixante). Elles se
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développent aussi en Angleterre suivant une voie similaire avec une spécificité : importance
accordée à l’oppression sociales dont sont victimes les personnes handicapées du fait d’un
environnement discriminatoire ; à l’extrême, certains soutiennent que les handicaps y compris
les limitations fonctionnelles, sont entièrement construits socialement. L’approche britannique
est cependant davantage centrée sur les handicaps physiques.
En France, un champ du handicap s’est façonné depuis 1945 sur le mode de l’Etat-Providence
(cf infra, cours d’histoire). Le champ du handicap se construit comme autonome, par rapport
aux divisions disciplinaires habituelles parce qu’il les mobilise toutes selon les besoins et
aussi parce que dans de nombreuses université américaines, il existe des enseignements
spécifiques concernant le handicap, où se croisent savoirs des savants, des acteurs et
disciplines variées. Donc : interdisciplinarité.
Si la déficience devient un objet d’études de plus en plus nombreuses pour un nombre de plus
en plus important de chercheurs, c’est aussi parce que les sensibilités contemporaines sont
plus réceptives aux problèmes posés par le vieillissement des populations des pays
développés, à la dépendance, aux déficiences avérées ou prospectives issues de formes
d’accident touchant l’ensemble de la population comme : les accidents de la circulation,
domestiques, de la vie quotidienne, thérapeutiques, chirurgicaux, environnementaux,
écologiques…
Avec le souci de vivre selon l’objectif du risque zéro, il est logique que l’on se préoccupe
davantage des formes qui en sont la négation : la déficience et ses causes.
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