Y-a-t-il une explication rationnelle à l`accueil des demandeurs des

publicité
Y-a-t-il une explication rationnelle à l’accueil des demandeurs des
libertés et le refus des demandeurs des biens de nécessité ?
Par
Essaid Tarbalouti
GREER, ANSE, FSJESM
Université Cadi Ayyad, Marrakech
Résumé :
Contrairement à la littérature théorique de Maslow sur la hiérarchie des besoins, les faits sur
les politiques d’accueil des pays développés des demandeurs de biens de nécessité et des
demandeurs des libertés publiques montrent que l’accueil des demandeurs de libertés
publiques est relativement plus élevé que celui des demandeurs de biens de nécessité. Dans
cet article, on dérive les conditions sous lesquelles l’excédent de l’offre du travail des
travailleurs nationaux non qualifiés peut pousser ceux-ci à restreindre l’accueil des
demandeurs de biens de nécessité composés souvent de demandeurs non qualifiés permettant
ainsi d’expliquer ce paradoxe.
Are there a rational explanation for the welcom of applicants of
freedoms and the refusal of applicants of goods of necessities?
Summary :
Unlike the theoretical literature on Maslow's hierarchy of needs, the facts on the policies of
developed countries welcomes applicants of essential goods and public freedoms applicants
shows that welcomes public freedoms of applicants is relatively higher that applicants for
goods of necessities. In this article, the terms are derived under which the excess supply of
labor for unskilled native workers can push them to restrict the welcome of applicants for
goods of necessities often composed of unqualified applicants and explain this paradox.
Mots clés : travailleur non qualifié, travailleur qualifié, marché du travail, demandeur de biens
de nécessité, demandeur de libertés publiques
.
I / Introduction
L’article 17 de la Convention de Genève de 1951 stipule que « les États contractants
accorderont à tout réfugié 1 résidant habituellement sur leur territoire, le traitement le plus
favorable accordé dans les mêmes circonstances, aux ressortissants d’un pays étranger ».
Dans le même temps, depuis les années 80, plusieurs économies développées se sont opposées
à l’accueil des demandeurs économiques. La France, par la voie de son 1er Ministre de
l’époque Michel Rocard, considérait que la France ne peut pas accueillir toute la misère du
monde. Dans ce cadre, plusieurs politiques ont été mises en place par les gouvernements
successifs pour restreindre cette demande économique.
Ces demandeurs d’asile, ou plutôt ces demandeurs de libertés publiques, qui se voient
leur accorder la liberté d’entrer et de travailler sur le marché d’un pays nous interpelle à
réfléchir sur une explication rationnelle sur l’acceptation de telle demande et sur le refus
d’entrée sur le même marché des demandeurs économiques nécessiteux.
Pour expliquer les motivations d’acceptation ou de refus des demandes économiques
et des demandes des libertés individuelles, la littérature économique distingue deux
approches : une approche macro-économique et une approche micro-économique
managériale.
L’approche macro-économique, qui s’inscrit dans la théorie des choix publics,
considère qu’une amélioration des conditions économiques conduit à une amélioration des
biens politiques en raison des effets positifs que joue la richesse sur la demande des biens
économiques et des biens politiques. En effet, cette approche stipule que la priorité des
besoins revient d’abord à la satisfaction des biens économiques et ensuite à la réalisation des
libertés individuelles (Voir Barro (1999) et Sen (2000)). Toutefois, ce genre de causalité peut
être revue dans les pays en développement où une amélioration des conditions politiques peut
mener à une amélioration des conditions économiques (Adam Smith (1860)).
Quant à l’approche micro-économique managériale sur les motivations de la
satisfaction de la demande, Maslow (1970) dans son ouvrage «Motivation and Personality»,
considère que l’individu, quelque soit sa nature, commence à satisfaire ces besoins selon un
ordre préétabli. Cet ordre établit qu’un individu a besoin de satisfaire le besoin inférieur avant
le besoin supérieur. Cet argument est avancé dans le cadre d’une pyramide où les besoins de
l’individu sont composés d’abord, par des besoins physiologiques qui sont liés à sa survie. Il
constitue des besoins concrets (faim, soif, sexualité,...). Ensuite, vient le besoin de sécurité qui
constitue la deuxième étape et qui constitue la recherche par l’individu des moyens de
protection contre les différents dangers qui le menacent. Dans la troisième et la quatrième
étape, l’individu développe la demande pour l’appartenance et la valorisation par le groupe
auquel il appartient. Quant à la dernière étape, il consiste pour l’individu à chercher des biens
immatériels afin de satisfaire le besoin de s’accomplir. Cet ordre peut être représenté par le
schéma suivant :
1
Nous appelons ici «réfugié» celui qui échappe à la pression politique. Se retrouvant sur le territoire d’un pays
et en demandant l’asile politique, l’Etat signataire de la convention de Genève l’accepte et devient un acteur
économique et politique dans le pays.
Besoins de
s'accomplir
Besoin d'estime
Besoins d'appartenance
Besoins de sécurité
Besoins physiologiques
Malgré
algré l’intérêt qu’on prête à cette théorie, ces prédictions ne permettent pas
d’expliquer
xpliquer comment un individu,
individu avant de chercher les besoins physiologiques, recherche le
besoins de sécurité, ou encore comment peut-on
peut on universaliser ce principe en présence des
divergences des préférences.
Malgré les critiques adressées à cette théorie, cet
c article part du maintien du principe
que cet ordre de besoins est universel et que l’homme politique du pays développé,
développé au lieu de
prendre en priorité les demandeurs économiques des pays pauvres afin de satisfaire leurs
besoins physiologiques (la famine),
famine) prend en compte les demandeurs des libertés individuelles
et publiques qui relèvent des biens supérieurs, non urgente et donc contradictoire avec son
principe humanitaire. Le schéma suivant illustre cette contradiction entre les priorités
naturelles des besoins individuels et les priorités d’accueil des gouvernements politiques des
pays développés des demandeurs des différents besoins.
La pyramide des besoins humains
selon Maslow
Demande
de libertés publiques
Demande physiologique
La pyramide du besoin politique en matière d’accueil
des étrangers
Demande
physiologique
Demande de libertés
publiques et privées
Nous supposons que les deux demandeurs (économique et des libertés individuelles et
publiques)) sont également des demandeurs de travail dans le pays d’accueil. Nous partons
également de l’idée que le gouvernement cherche à maximiser son utilité en satisfaisant le
plus grand nombre de sa population.
populat . On considère que la satisfaction de la population du
gouvernement passe par le marché du travail et que celui-ci
celui ci est composé d’un marché de
travail qualifié et d’un marché non qualifié. Chaque demandeur économique ou des libertés
individuelles et publiques est considéré comme un demandeur d’emploi. Les demandeurs
économiques, considérés comme des demandeurs de besoins de base, sont supposés être des
travailleurs non qualifiés potentiels. Tandis que les demandeurs de libertés individuelles et
publiques, supposés des demandeurs de biens supérieurs, sont considérés comme disposant du
savoir et des diplômes et donc supposés être des travailleurs qualifiés potentiels. Par
conséquent, l’attribution de l’emploi est fonction du marché de travail dans lequel il se trouve.
Nous proposons donc le chômage dans le marché du travail des travailleurs non qualifiés
comme une explication alternative au paradoxe du choix du gouvernement portant sur
l’accueil privilégié des demandeurs des libertés individuelles et publiques que sur les
demandeurs économiques. L’idée est que le chômage dans le marché des travailleurs non
qualifiés peut altérer le choix du gouvernement en faveur des demandeurs des biens
supérieurs.
Cet argument est développé dans l’économie en présence de deux offres de travail :
une offre nationale composée de travailleurs non qualifiés et de travailleurs qualifiés
nationaux et une offre internationale composée de demandeurs économiques, non qualifiées et
de demandeurs de libertés individuelles et publiques, qualifiés. Dans ce modèle, nous
distinguons l’impact de l’excès de l’offre de travail des travailleurs non qualifiés sur les
salaires dans une économie fermée. Nous verrons par la suite comment dans une économie
ouverte les demandeurs économiques peuvent accentuer la pression sur les salaires poussant
le gouvernement à restreindre l’accès au marché aux demandeurs économiques non qualifiés
étrangers.
La suite de cet article est organisée comme suit : la section II présente des faits stylisés, la
section III décrit le modèle et la section IV analyse la décision politique d’accueil en présence
des demandeurs économiques et des demandeurs de libertés individuelles et publiques. Enfin,
la section V conclut.
II / La réalité des motivations des refugiés et des demandeurs économiques et la
perception des gouvernements
Plusieurs faits consolident notre approche. D’une part, le pourcentage de l’accueil des
demandeurs des libertés individuelles et politiques par les pays développés est plus important
que celui de l’accueil des demandeurs économiques. D’autre part, plusieurs faits historiques
assimilent les demandeurs des libertés individuelles et publiques à des demandeurs
économiques qui affectent le marché du travail selon l’offre et la demande et donc les
travailleurs nationaux, ce qui peut être préjudiciable pour le gouvernement d’un pays lorsqu’il
fait le choix d’accueillir les demandeurs économiques en présence d’un marché de travail
dont l’offre et supérieure à la demande.
Le tableau 1 présente la part des demandeurs économiques et des libertés individuelles
et publiques accueillies en France confirme nos propos.
Tableau 1. – L’admission au séjour des ressortissants de pays tiers à l’Union européenne
2009
2010
2011
2012
2013
2014 (définitif)
- Salarié
14 244
13 738
13 559
11 201
12 881
13 692
- Saisonnier ou temporaire
3 050
1 653
1 619
1 506
1 346
1 545
Total des salariés accueillis
17294
15391
15178
12707
14227
15237
2 083 733
2 224 845
2 407 705
2 592 887
2 818 848
3 169 841
- Réfugié et apatride
10 764
10 073
9 715
10 000
9 936
11 483
- Asile territorial/protection
subsidiaire
1 797
1 759
1 618
2 024
1 956
2 364
Total des réfugiés accueillis
12523
11832
11333
12024
11892
13847
Total de demande pour statut de
réfugié
47 686
52 762
57 337
61 468
66 251
79 126
Total de demande économique
Tableau produit à partir des Sources de MI - DSED 15 janvier 2016 et OFPRA – CNDA
On constate que la part relative des admis des demandeurs des libertés individuelles et
publiques par rapport à la demande globale des demandeurs des libertés est plus élevée que
celle des demandeurs économiques. En effet, pour la part de demandeurs accueillie en tant
que refugié, elle représente 17,50% en 2014, tandis que la part accueillie en tant que
demandeuse économique dans la même année, elle représente 0,48%. Cette part accueillie des
demandeurs économique est corrélée avec la morosité du marché du travail en France qui
enregistre un taux de chômage avoisinant les 10%. Tandis que la part accueillie des
demandeurs des libertés individuelles malgré sa part importante, elle peut se justifier
également par le marché du travail et par l’impossibilité de l’administration de distinguer les
motivations politiques et économiques des demandeurs qui, selon le démographe Luc Legous
l’exploitation économique et la persécution politique sont toujours inextricablement mêlées.
Concernant l’assimilation des demandeurs des libertés aux demandeurs du travail
qualifié, il est aisé d’épuiser dans les faits historiques pour collecter des informations
concernant l’accueil de cette demande et son utilisation dans le marché de travail en fonction
de l’offre et de la demande et qui confirme sur le coup nos propos. En effet, en 1945, après
une vague de réfugiés et un marché de travail non qualifié déficitaire, les autorités françaises
ont mis en place, au même titre que les autres étrangers, l’obligation d’obtention
d’autorisation de séjour et de la carte de travail. Ce dispositif permet de protéger le marché du
travail national et de préserver certaines professions de la concurrence des réfugiés. En outre,
ce dispositif a permi de réorienter la demande du travail des réfugiés qui était pour la plupart
composée d’une demande qualifiée vers des offres de travail non qualifiées mais déficitaires
telles que l’agriculture ou les mines.
Un autre fait confirme notre analyse à propos de la relation qui existe entre réfugié marché de travail et décision du gouvernement est celui du Ministre du travail Daniel Mayer
dans une lettre adressée au Ministre de l’intérieur en 1949. En effet, la vague de réfugiés qui a
frappé la France durant cette période où le marché de travail était saturé a fait réagir le
Ministre du travail en annonçant que le marché de l’emploi de la France ne peut pas être
ouvert puisque l’économie n’est pas capable d’absorber le flux des réfugiés et que cette
ouverture ne peut qu’être néfaste aux finances publiques et aux conditions d’existence des
travailleurs nationaux2.
Il en résulte que le marché de travail pourrait affecter le choix politique en matière de
priorités de l’accueil des demandeurs et donc induire le gouvernement lorsque le marché du
travail est saturé à réduire les demandeurs économiques et politiques.
III / Hypothèse du modèle
Notre modèle décrit une économie développée fermée constituée par un secteur de
production doté d’une technologie donnée à une période donnée t et dans lequel opère deux
types de travailleurs nationaux qualifiés et non qualifiés ( LNqt et LNnqt ) différenciés par leurs
niveaux de formations, représentés par leurs productivités spécifiques ( BLN et BLN ) et donc,
q
nq
par leurs revenus mesurés par les paramètres c et d . Les salaires de base fixes des
travailleurs qualifiés et non qualifiés sont représentés respectivement par wLNq * et wLNnq *
( avec wLNq * > wLNnq * ). Toutefois, lorsque le nombre de travailleurs augmente ou baisse, les
primes c et d de revenu supplémentaire de qualification peuvent augmenter ou baisser
affectant ainsi les salaires3.
Sur ce marché de travail, on normalise les travailleurs à l’unité et on note
formellement :
LN q + LNnqt = 1
t
Selon que LNqt est supérieur ou inférieur à LNnqt , la majorité des travailleurs sera qualifiée ou
non qualifiée, ce qui est un facteur déterminant lorsqu’on analyse les choix politiques en
matière d’accueil des demandeurs de travail étrangers.
La production du secteur de l’économie est représentée par une fonction de production Cob
Douglas CES avec des rendements d’échelle constant. Elle est donnée par :
(
)
1α
α
Yt = b( BK kt )α + (1 − b) c( BLNnq LNnqt ) + d ( BLNq LNqt ) 
(1)


b est un paramètre mesurant la part de revenu et α est un paramètre positif ( 0 < α ) qui
mesure l’élasticité de substitution entre les facteurs de travailleurs qualifiés et non qualifiés et
le facteur capital Kt . Il est supposé que BK , BLN et BLN décrivent respectivement les
q
nq
productivités spécifiques du facteur capital Kt , du facteur travail national qualifié LNqt et du
facteur travail national non qualifié LNqt . Il est supposé également que le facteur capital Kt
et le facteur travail sont complémentaires. Toutefois dans un souci de simplification, on
suppose que le facteur de capital et le prix de production sont donnés.
2
Circulaire confidentielle du 27 avril 1949, signée par le ministre de l’Intérieur, Jules Moch, F7 16070. Mayer,
ministre du Travail de l’époque considère que : «Une détente dans le marché de l’emploi ne pouvant être
envisagée à bref délai, la France n’est pas actuellement en mesure de recevoir sur son sol de nouveaux
étrangers n’appartenant pas aux rares activités professionnelles où la main-d’oeuvre reste déficitaire : les mines
et l’agriculture. Dans ces conditions, il paraît nécessaire de mettre fin au désordre actuel qui règne dans le
domaine de l’admission en France des réfugiés, qui est néfaste à nos finances publiques et affecte les conditions
d’existence de nos travailleurs »
3
On suppose que la loi maintient un niveau de salaire minimum fixe entre les travailleurs qualifiés et non
qualifié qui ne peut pas baisser au-delà de ce salaire. Par contre, il peut varier en dessus de ce seuil.
Il en résulte ainsi qu’en présence d’un marché compétitif, de rendements d’échelle
constants, le prix relatif des facteurs dans le secteur de production qui maximise le profit est
donné par la condition du premier ordre. Il est écrit ainsi :
wLNq
d  BLNq   LN nqt 
t


= 
(2)
 LN 
wLNnq
c  BLNnq 
q
t
t 
où wLN décrit le salaire des travailleurs qualifiés à la période t, tandis que wLN décrit le
qt
nqt
salaire des travailleurs non qualifiés à la période t.
wLN
qt
Le rapport de salaire,
, de la partie gauche de l’équation (1) décrit la prime de
wLN
nqt
qualification du travailleur qualifié par rapport au travailleur non qualifié. Quant à la partie
droite de l’équation représentée par le rapport des travailleurs qualifiés par rapport aux
travailleurs non qualifiés et le rapport de leurs facteurs de productivités, elle décrit la prime de
qualification du groupe de travailleurs qualifiés par rapport au groupe de travailleurs non
qualifiés. Elle est fonction de la qualification des travailleurs et du poids du groupe des
travailleurs.
Ainsi, avec des productivités spécifiques du facteur travail des travailleurs qualifiés et
non qualifiés qui sont fonction du facteur du travail qualifié et non qualifié, la prime de
qualification de travailleurs qualifiés sera fonction décroissante du facteur travail des
travailleurs non qualifiés.
Il s’ensuit que si le rapport du groupe des travailleurs non qualifiés par rapport au
groupe des travailleurs qualifiés est élevé ( LNqt < 1 / 2) , alors la prime de qualification du
groupe des travailleurs qualifiés sera élevé et inversement. En effet, comme le facteur de
capital et le prix de production sont donnés, les travailleurs non qualifiés préfèrent un niveau
de travailleurs non qualifiés faible afin de préserver la prime de qualification ; tandis que les
travailleurs qualifiés préfèrent un niveau élevé de travailleurs non qualifiés afin d’augmenter
leurs primes de qualification.
A l’équilibre, le secteur embauche autant de travailleurs qualifiés que de travailleurs
non qualifiés. En ce point, la prime de qualification est égale au différentiel de qualification.
.
Donc, avec un groupe de travailleurs non qualifiés supérieur au groupe des travailleurs
qualifiés, la pression politique du groupe des travailleurs non qualifiés sur le gouvernement
pour réduire la taille de ce groupe par le biais de l’augmentation de la taille du secteur se fait
sentir.
On a donc le résultat suivant :
Proposition 1: Avec une taille de secteur de l’économie donnée, lorsque LNqt < LN nqt , la prime
de qualification des travailleurs non qualifiés croît avec la taille des travailleurs qualifiés.
Lorsque LNqt > LN nqt , la prime de qualification des travailleurs non qualifiés décroît avec la
taille des travailleurs qualifiés.
La figure 1 ci-dessous illustre la relation entre les différents groupes de travailleurs et la prime
de qualification où sur l’axe horizontal, on représente le nombre de travailleurs non qualifiés
et sur l’axe vertical, le nombre de travailleurs qualifiés. Les travailleurs non qualifiés sont
supposés garder leurs positions initiales, c’est-à-dire qu’ils restent non qualifiés. La droite
coupant l’axe verticale, au point A0 , et horizontal, au point A1 , représente l’ensemble de
combinaisons de travailleurs qualifiés et non qualifiés travaillant dans le secteur de
l’économie. Au point A0 , tous les travailleurs sont supposés qualifiés et au point A1 , tous les
travailleurs sont non qualifiés. Les segments ( A0 , X) et ( A1 , X) représentent respectivement des
niveaux identiques en termes de travailleurs qualifiés et non qualifiés.
La bissectrice z0 , passant par l’origine et coupant la droite ( A0 , A1 ) en point x, représente un
niveau de qualification optimal entre les travailleurs qualifiés et non qualifiés. Elle représente
également un niveau de qualification constant en tout point de cette droite. La droite à gauche
de la bissectrice, z1 , indique une prime de qualification faible pour les travailleurs qualifiés
qui est provoquée par un rapport de travailleurs qualifiés par rapport aux travailleurs non
qualifiés élevé. La droite relativement plate à droite de la bissectrice, z2 , indique une prime
de qualification faible pour les travailleurs non qualifiés qui est générée par un rapport de
travailleurs non qualifiés par rapport aux travailleurs qualifiés plus élevé. Par conséquence, on
peut affirmer que la prime de qualification est plus élevée en présence de z2 , moins élevé en
présence de z0 , et plus faible avec z1 .
Ainsi, Il en résulte qu’avec un niveau de travailleurs qualifiés supérieur au niveau de
travailleurs non qualifiés, la prime de qualification des travailleurs qualifiés connaît une
baisse. Cette baisse continue à s’amplifier d’autant plus que le niveau de travailleurs qualifiés
continue à augmenter.
Figure 1 :
les primes de qualification dans une économie fermée
Travailleurs qualifiés
z1 =
w LN
w LN
q
=
nq

d  B LNq
c  B LN
nq

  LN
  nq t
 L
  N qt





d  B LNq
c  B LN
nq

  LN
  nq t
 L
  N qt
A0
z0 =
LNq0
X
w LN
w LN
z2 =
q
=
nq
w LN
w LN
q
=
nq

d  B LN q
c  B LN
nq





  LN
  n qt
 L
  N qt




LNq1
0
LNq0 LNq1
A1
Travailleurs non qualifiés
IV / Marché du travail, demandeurs économiques, demandeurs des libertés
publiques et décision politique d’accueil
Une extension du modèle est d’ouvrir le secteur de l’économie à deux autres types de
demandeurs de travail : des demandeurs économiques étrangers considérés comme des
travailleurs étrangers non qualifiés notés LEnqt et des demandeurs d’asile politique supposés
des demandeurs de travail étrangers qualifiés notés LEqt . Afin de garder le caractère théorique
du modèle, nous supposons que le niveau de formation d’un travailleur national et étranger est
identique et que l’employeur est indifférent entre le travailleur national et étranger.
Lorsque l’économie est ouverte :
- L’offre du travail global des travailleurs qualifiés augmente de LNnqt et LEnqt
-
L’offre du travail global des travailleurs non qualifiés augmente de LNqt et LEqt
Le salaire net des travailleurs qualifiés et non qualifiés sera affecté
Comme dans la section précédente, la fonction de production est donnée par l’équation
(3)

  c( BL LNnq ) α  c( BL LNnq )γ
Nnq
t
Nnq
t

Yt = b( BK kt )α + (1 − b)  
 +
  + d ( BLNq LNqt )   +(1 − c)( BL LEnq )γ
 
Enq
t


α γ




α β
 d ( BLNq LNqt ) β


+
 +(1 − d )( BL LEq ) β 
Eq
t






1α
où B et K représentent respectivement les productivités spécifiques du travail et du capital et
que b , c , (1 − c ) , d et (1 − d ) sont les paramètres des revenus des différents travailleurs.
α , γ et β sont des paramètres positifs (0 < γ < 1 , 0 < β < 1 , 0 < α ) qui mesurent l’élasticité
de substitution entre les facteurs de travailleurs qualifiés nationaux et étrangers et les
travailleurs non qualifiés nationaux et étrangers et le facteur capital Kt .Selon que LNnqt est
supérieur ou inférieur à LEnqt et LNqt est supérieur ou inférieur à LEqt , la prime de
qualification sera élevée ou faible.
Etudions, dans ce cadre, l’équilibre politique lorsque les travailleurs étrangers ont
accès au marché du travail de l’économie. Nous supposons que le gouvernement de
l’économie est guidé par la majorité de ses travailleurs nationaux. Selon que le nombre de
travailleurs qualifié ou non qualifiés soit majoritaire ou non, le secteur de travail sera ouvert
ou fermé aux travailleurs qualifiés étrangers ou non qualifiés. Ainsi, lorsque LNnqt > LNqt et que
le marché de travail des travailleurs non qualifiés nationaux et étrangers est compétitif, les
salaires des travailleurs nationaux non qualifiés ont tendance à baisser plus que lorsque le
marché est fermé. Dans, ce cas, et afin de préserver leurs revenus, les travailleurs nationaux
non qualifiés majoritaires ont tendance à exercer une pression politique sur le gouvernement
pour fermer le marché de travail aux travailleurs non qualifiés étrangers. Quant aux
travailleurs qualifiés nationaux minoritaires, comme ils sont incapables d’occuper tous les
emplois qualifiés et que leurs primes de qualification restent élevées, une offre du travail
qualifié étrangère n’affecte pas leurs revenus et ils sont indifférents à l’ouverture du marché à
un certain seuil.
Comme dans la section précédente, et avec la fonction de production (1), le niveau des
salaires ou, de manière équivalente, le niveau de travail des travailleurs qualifiés et non
qualifiés avec des rendements d’échelle constants en présence d’un marché fermé, la
maximisation du profit de l’entreprise est donnée par la condition du premier ordre. Elle
s’écrit comme suit :
wLN
wLN
q
nq

d  BLNq
=
c  BLN
 nq
  LN
  nqt
 L
  Nqt




avec LNnqt = LNqt
si LNnqt > LNqt , c'est-à-dire sur la bissectrice z2 , et si le marché du travail est ouvert, les
travailleurs nationaux non qualifiés subissent une perte de revenus qui est proportionnelle au
nombre d’entrants de travailleurs non qualifiés étrangers et du nombre de travailleurs non
qualifiés nationaux. Cette perte est mesurée par
wLNnq
t
wLEnq
t
c  BLNnq

=
1 − c  BLEnq





γ
 LEnq
t

 LN
 nqt
1−γ




(4)
alors que les travailleurs qualifiés, comme ils sont moins nombreux, LNqt < LNnqt , une
ouverture du marché du travail au travailleurs qualifiés étrangers n’affecte pas son revenu
d’équilibre si l’augmentation du nombre de travailleurs qualifiés étrangers ne dépassent pas
1/2. Autrement dit, il faut que
wLNq
t
wLEq
t
d  BLNq

=
1 − d  BLEq





β
 LEq
 t
 LN
 q1
1− β




(5)
Ainsi, si le rapport des travailleurs nationaux non qualifiés sur les travailleurs qualifiés
nationaux augmente, la prime de qualification des travailleurs qualifiés nationaux augmente,
tandis que celle des travailleurs nationaux non qualifiés baisse. Dans ce cadre, il s’ensuit que
lorsque le marché du travail est ouvert et que le rapport des travailleurs étrangers non qualifiés
sur les travailleurs nationaux non qualifiés augmente, le salaire des travailleurs nationaux non
qualifiés baisse.
Il en résulte que lorsque LN nqt > LNqt , les travailleurs nationaux non qualifiés vont
pousser le gouvernement à limiter l’entrée de travailleurs étrangers non qualifiés afin de
maintenir leur salaire ; tandis que le marché des travailleurs qualifiés va rester ouvert tant que
l’offre du travail ne dépasse pas la demande. Ce qui explique les restrictions élevées à l’entrée
sur le marché du travail des demandeurs étrangers, de biens de nécessité, non qualifiés et les
facilités accordées aux demandeurs des libertés politiques qualifiés.
On obtient alors le résultat suivant :
Proposition 2 : Lorsque LN nqt > LNqt et en présence d’une économie ouverte et une
taille de secteur d’une économie donnée, la prime de qualification des travailleurs non
qualifiés nationaux ne peut pas décroître au-delà la baisse opérée sur un marché fermé ; tandis
que la prime de qualification des travailleurs nationaux qualifiés peut décroître avec la taille
des travailleurs qualifiés étrangers jusqu’au salaire de l’équilibre d’une économie fermée.
Ainsi, lorsque LN nqt > LNqt , les travailleurs nationaux non qualifiés militent pour un
nombre de travailleurs étrangers non qualifiés nul LEnqt = 0 , tandis que les travailleurs
qualifiés sont favorables à un nombre de travailleurs qualifiés nationaux et étrangers positifs
égal au nombre d’emplois qualifiés et demandés par le secteur d’économie, autrement dit, il
faut que LNqt + LEqt ≥ 1/ 2 .
Il est évident que plus la taille des travailleurs nationaux non qualifiés est élevée,
relativement à la taille des travailleurs nationaux qualifiés, plus il est difficile d’accepter des
demandeurs des biens économiques non qualifiés. En effet, l’acceptation d’une offre de
travail étrangère non qualifié supplémentaire accentue la baisse des revenus des salariés non
qualifiés. Comme leurs revenus sont faibles, ils sont plus sensibles à une baisse
supplémentaire de leurs revenus. En revanche, pour les travailleurs qualifiés nationaux,
comme leur taille est faible et leurs revenus sont élevés au-delà du revenu d’équilibre, ils ont
tendance à demander plus de travailleurs étrangers qualifiés. Ceci apparaît sur la figure 2.
Alors que LNqt + LEqt ≥ 1/ 2 , les travailleurs nationaux non qualifiés voient leur prime de
qualification baissée s’ils acceptent des demandeurs étrangers. Tandis que les travailleurs
nationaux qualifiés retrouvent leur prime de qualification d’équilibre avec une entrée
étrangère des demandeurs de travail qualifiés.
Figue 2 :
La prime de qualification en présence d’une économie ouverte
Travailleurs qualifiés
A0
z0 =
LEq1
X
z1 =
wLNq
t
wLNnq
t
wLNq
0
wLN
d  BL
=  Nq
c  BLNnq
nq0
=
d  BLN q
c  BLN
 nq
  LN
  nq0
 L
  N q0




  LNnqt  wLNq
d  BLNq


− 1 =
  LNqt  wL
1
−
d  BLEq


Eq
1

z1 =
wLNq
t
wLNnq
t
=




β
d  BLNq

c  BLNnq

 LEq
 1
 LN
 q1
1− β




  LNnqt

 L
  Nqt



LNq0
z1 =
0
LNnq0
1−γ
γ


d BLN  LNn  wL
c  BL   LE 
=  q  qt − Nnq1 =  Nnq   nq2 
wLN c  BLN  LNq  wLEnq 1−c  BLEnq   LNnq 

  2
nq
1
 nq  t 
wLN
A1
q
Travailleurs non qualifiés
V / Conclusion
Si l’acceptation des demandeurs de libertés publiques dans les pays développés se fait
sans entrave, il semble que ce n’est pas pour des raisons humanitaires, sinon l’accueil, des
demandeurs économiques nécessiteux sera avantagée. En effet, les faits historiques ainsi que
les faits actuels sur les pays d’accueil et sur les demandeurs des libertés publiques et des biens
de nécessité montrent que là où la demande de main d’œuvre est faible, l’accueil de
demandeurs étrangers sera favorable. Dans cet article, nous montrons que l’offre du travail sur
le marché peut affecter la politique d’accueil des demandeurs de biens de nécessité ou des
demandeurs des libertés publiques étrangers. Dans une économie fermée où l’offre du travail
des travailleurs non qualifiés est supérieure à la demande, la pression sur les salaires se fait
sentir de telle sorte que le salaire moyen baisse. Cette pression est d’autant plus forte que le
marché est ouvert pour les travailleurs non qualifiés étrangers. Il s’ensuit que, lorsque l’offre
sur le marché de travail des travailleurs nationaux non qualifiés est supérieure à la demande,
ceux-ci peuvent avoir un intérêt d’empêcher les demandeurs économiques de bien de
nécessité, non qualifiés afin d’arrêter la baisse des salaires. Plus précisément, comme les
travailleurs non qualifiés sont majoritaires, ils peuvent influencer le gouvernement à mettre
des obstacles aux demandeurs économiques étrangers d’accéder au marché national.
Dans le cas des demandeurs de libertés publiques, souvent constitués de demandeurs
de travail qualifiés, il semble que l’insuffisance de l’offre nationale influence positivement
l’accès des demandeurs des libertés publiques étrangers au marché du travail. En effet,
lorsque le nombre des travailleurs nationaux qualifiés est plus faible, une pression au profit
d’un accroissement de la demande des travailleurs étrangers qualifiés augmente. Comme le
salaire est plus élevé que le salaire d’équilibre, les travailleurs nationaux qualifiés sont moins
sensibles à l’augmentation de l’offre sur ce marché. Ce qui explique d’une part, des
conditions publiques favorables à l’accueil des demandeurs des libertés publiques, souvent
qualifiés et d’autre part, conditions contraignantes qui entravent l’accès du marché du travail
aux travailleurs non qualifiés.
Références bibliographiques
Adam Smith, A. (1860), «The Theory of Moral Sentiments», traduit par Grouchy et
Condorcet, Paris Guillaumin et Cie,
Alston, L. J. and Ferrie, J. P., (1993), «Paternalism in agricultural labor contracts in the US
south: implications for the growth of the welfare state», American Economic Review, 83, pp.
852–76.
Angousture, A., (1997), «Les réfugiés espagnols en France de 1945 à 1981, Revue
d’histoire moderne et contemporaine», vol. 44, n° 3, pp. 457-483.
Lundahl, M., (1982), «The rationale of apartheid», American Economic Review, 72, pp.
1169–79.
Maslow A. H., (1970, «Motivation and Personality», Third Edition, by Addison-Wesley
Educational Publishers Inc.
Robert J. Barro (1999), «Determinants of Democracy», Journal of Political Economy, Vol.
107, No. S6 . pp.158-183
Sen, A., (2000), «Development as freedom», in Alfred A. Knope, New York
Spire, A., (2004), «Les réfugiés, une main-d’oeuvre à part ? Conditions de séjour et
d’emploi, France, 1945-1975», Revue européenne des migrations internationales, vol. 20 n°2, 13-38.
Tiberghien, F., (1988), «La protection des réfugiés en France», Économica.
Weil, P., (1995), «La France et ses étrangers. L’aventure d’une politique de l’immigration
de 1938 à nos jours», Paris, Gallimard, 403 p.
Téléchargement