même âge, aux antécédents similaires, décrivant la même histoire de douleurs thoraciques
avec l’usage des mêmes mots, l’une ayant une présentation de femme d’affaires, l’autre une
présentation cabotine. Une affection cardiaque sera plus souvent retenue chez la femme
d’affaires, tandis qu’une cause fonctionnelle sera envisagée plus fréquemment chez la
femme à la présentation théâtrale. Des investigations cardiologiques seront réalisées dans
93% des cas chez la première femme, et moins d’une fois sur deux chez la deuxième.
La pression du temps, le stress, la fatigue, sont aussi des modulateurs de la décision.
En dehors de ces modulateurs, qui influencent les décisions du médecin la plupart du temps
de façon inconsciente, il y a des paramètres non-biomédicaux que le médecin prendra
consciemment en compte dans ses décisions. Cela renvoie au concept d’espace de liberté
décisionnelle (voir fiche n°33 : Espace de liberté décisionnelle). La pleine utilisation de cet
espace de liberté concernera les nombreuses situations où il n’existe pas de
recommandations claires, mais également d’autres situations. Ainsi prendre en compte que
le patient n’est pas prêt à prendre tel traitement pourtant recommandé pour la maladie
chronique qu’il présente, et donc choisir de différer le début de ce traitement, correspond à
une façon d’utiliser cet espace de liberté, où les caractéristiques ?patient? sont choisies
comme éléments déterminants pour la décision prise (voir fiche n°35 : Passage à l’acte ou
décision différée).
Discussion
La décision médicale est donc un processus complexe avec intervention de facteurs objectifs
et subjectifs, conscients et inconscients.
Vouloir ne prendre ses décisions que sur des critères rationnels biomédicaux n’est ni
possible ni souhaitable : cela conduirait à exercer une médecine sans prise en compte du
patient, et sans partage du processus de décision avec lui (voir fiche n°34 : Décision
médicale partagée). A l’inverse, il semble honnête de ne pas se réfugier derrière l’argument
de la prise en charge centrée sur le patient pour justifier des choix qui, en réalité, seraient
influencés avant tout par une insuffisance de connaissances scientifiques, des heuristiques
ou biais de raisonnement, ou d’autres contraintes telles que la fatigue, le stress. La définition
première de l’EBM résume bien ce vers quoi doit tendre tout médecin : une décision qui
intégrerait à la fois les données scientifiques les mieux validées, les valeurs et préférences
du patient, et l'expérience du praticien.
Pour faciliter la tâche du médecin, de nombreux outils d’aide à la décision ont été pensés par
des structures de médecine générale [102]. Ces outils peuvent être tournés vers la
recherche (Observatoire de la Médecine Générale…), être des outils documentaires
(BIBLIOMED, Base de données du centre de documentation de l’UNAFORMEC…), des