Quand la douleur se fait rebelle - Connaissance et Vie

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Le 22 janvier 2015
Quand la douleur se fait rebelle
Anne BERQUIN
Docteur en médecine, Coordinatrice du Centre Multidisciplinaire de la douleur
chronique des Cliniques universitaires Saint-Luc (UCL) à Bruxelles
La douleur chronique est une douleur physique qui dure depuis plus de 3 à 6 mois, malgré les
traitements ; une douleur aiguë est une douleur récente (≠ intense).
Définition scientifique de la douleur : une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable,
associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle (c.à.d. sans lésion ou sur une lésion
guérie), ou décrite en des termes évoquant une telle lésion.
La douleur chronique touche 1 personne sur 4 ; elle est lourde de conséquences (perte
d’autonomie, perte d’emploi, dépression, …). La douleur chronique a longtemps été le parent
pauvre de la médecine ; cependant, les choses commencent à bouger.
On distingue deux voies de la douleur
Le modèle du téléphone : un message est généré et il est transmis au cerveau.
Différents systèmes modulateurs peuvent influencer la perception de la douleur :
o En présence de deux douleurs, la douleur la plus intense peut masquer la douleur
la plus faible.
o Le stress intense peut empêcher de percevoir la douleur.
o L’anxiété, la dépression augmentent la sensibilité à la douleur.
o Le caractère plus ou moins dangereux de la douleur influence la manière dont elle
est perçue.
o La douleur provoquée par une lésion peut être soit atténuée par des influences
inhibitrices (Théorie du Gate Control : modulation de l’intensité de la douleur par
exemple en frottant l’endroit douloureux), soit accentuée par des influences
excitatrices.
Mais, ce modèle n’est pas complet.
Le modèle de la balance (douleur / ce qui fait du bien) semble plus adéquat : la douleur
résulte de l’intégration de différents éléments ; cest le modèle bio-psycho-social. La
douleur chronique a un impact sur :
o Le sommeil : la douleur provoque des troubles du sommeil et inversement les
troubles du sommeil aggravent la douleur.
o L’humeur (anxiété, dépression), mais, dans la majorité des cas, la douleur est là
avant la dépression.
o Les mouvements : la douleur provoque une réduction de l’activité physique, une
perte de l’entrainement à l’effort et cela amplifie la douleur à la mobilisation ; on est
dans un cercle vicieux.
o La peur de la douleur : on évite certains mouvements de peur d’augmenter la
douleur.
o Les phénomènes attentionnels (troubles de la concentration, de la mémoire,
pensées envahies par la douleur).
o Le contexte socioprofessionnel (difficultés familiales, perte d’emploi, manque de
reconnaissance par les assurances/la mutuelle).
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o Les traitements : manque de reconnaissance par le personnel soignant,
traitements inadéquats, compliqués ou avec des effets secondaires.
o Le système nerveux : il s’adapte aux nouvelles conditions (neuroplasticité). Si la
douleur persiste, le neurone inhibiteur (Gate control) disparait et le système
nerveux peut alors devenir hyper réactif. La carte du corps au niveau du cerveau
peut également être perturbée.
Certains facteurs favorisent la chronicisation de la douleur
Facteurs génétiques (ex. sensibilité à la douleur, réponse aux médicaments).
Sexe féminin (ex. pathologies douloureuses plus fréquentes, hormones sexuelles).
Parcours de vie (ex. pathologies antérieures, évènements difficiles, stress chronique).
Facteurs psychologues : modes de fonctionnement associés à des symptômes élevés
(ex. hyperactivité et perfectionnisme).
Facteurs culturels et familiaux (ex. attitudes familiales, rôle de l’entourage).
Contexte professionnel et médicolégal (ex. travail monotone, non reconnu).
« Yellow flags » de lombalgie aiguë (ex. douleur = danger, passivité, dépression,
conseils inadéquats, manque de soutien).
Quelles sont les solutions ?
La douleur chronique est une maladie en soi, qui a un impact important sur le fonctionnement
de la personne. Elle nécessite une approche réadaptative. L’accompagnement réadaptatif est
un processus aux objectifs modestes, de longue haleine, multimodal qui vise à une remise en
mouvement et à une amélioration de la qualité de vie :
Il est essentiel de comprendre les attentes du patient ; cela influence significativement
l’adhérence au traitement et les résultats du traitement. Les attentes du patient sont
souvent très importantes.
Il faut ensuite fixer des objectifs SMART : Spécifiques, Mesurables, Accessibles,
Relevants, Temporellement définis. Des objectifs réalistes et fonctionnels : améliorer le
fonctionnement au quotidien, favoriser l’autogestion, optimaliser la médication, réduire
la douleur, « vivre avec » la douleur.
Il faut apprendre au patient à bouger plus (mouvements dosés, progressifs et à long
terme), mieux (qualité du mouvement) et en conscience (gestion des tensions
musculaires & respiration).
Mieux vaut éviter le recours systématique aux médicaments en développant une
« boite à outils » (ex. coussin de noyaux de cerise, bain chaud), utiliser des moyens de
diversions de l’attention, travailler sur la perception de la douleur (ex. sophrologie).
Le psychologue peut avoir une approche comportementale (apprendre à vivre avec),
cognitive (croyances), motivationnelle (changer de comportement). Il aide également à
accepter et à réorienter ses objectifs vers les valeurs fondamentales.
Les médicaments et les techniques algologiques invasives (ex. infiltrations) doivent
être intégrés dans un projet global. Les médicaments sont souvent peu efficaces,
entrainent des effets secondaires à court terme et comportent certains risques à
moyen et long terme (ex. dépendance, hyperalgésie induites par les morphiniques). Il
ne faut pas avoir recours aux techniques algologiques trop tôt ; elles ont leurs limites.
Les aides techniques ont leur place uniquement si elles permettent d’améliorer le
fonctionnement. Les massages ont un effet limité dans le temps.
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Questions ponses
La thérapie à ondulation n’a jamais été testée scientifiquement de façon rigoureuse.
Donc, aucune preuve de son efficacité sur la douleur chronique.
La douleur chronique peut toucher n’importante quelle partie du corps (douleurs
fantômes).
La douleur chronique comporte des éléments psychologiques et somatiques.
La marijuana peut être efficace pour certaines douleurs mais elle contient également
des molécules qui peuvent par exemple induire la schizophrénie
Dans la fibromyalgie, la sensibilisation centrale s’est étendue à l’ensemble du corps.
D’où, augmentation de la sensibilité à la douleur, de la réponse électrique du cerveau à
un signal douloureux ; augmentation des modulateurs excitateurs et diminution des
modulateurs inhibiteurs de la douleur. Les facteurs psychologiques jouent un rôle. On
trouve de nombreux hyperactifs parmi les fibromyalgiques.
Les tisanes sont recommandées pour un meilleur sommeil. Importance des rites avant
d’aller dormir pour préparer le corps et l’esprit.
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