Document 1 : Le traitement culturel de la sexualité et l’homosexualité a considérablement varié en fonction
des sociétés, voici un exemple concernant la Mésopotamie antique.
- Question : Les relations entre les sexes étaient-elles plus libres ?
-Oui, les rapports entre sexes restaient très libres. Les Mésopotamiens n'avaient pas
l'idée du péché, l'idée que la chair peut être une source de péché. Ce n'est pas du tout
une idée mésopotamienne.
- Question : Est-ce que cela signifie que les rapports sexuels étaient totalement libres ?
-Non, pas totalement libres, mais tout de même d'une grande liberté, dès l'instant où cela
ne perturbait pas la société. je parle de l'amour qu'on dit normal comme de l'amour
homosexuel. L'homosexualité était parfaitement admise, dès l'instant, encore une fois,
où elle n'était pas une source de désordre. En un mot, elle n'était pas seulement
tolérée, elle était licite.
- Question : Comment cet amour «libre» s'exprimait-il dans le quotidien ?
-On pouvait le pratiquer notamment avec des créatures spécialisées, des prostituées et
des prostitués. La prostitution en général n'était pas du tout considérée comme une
pratique infamante. C'était même une institution vénérable et très respectée. N'oublions
pas que dans la tradition légendaire, c'est une prostituée qui initie Enkidou, l'homme
sauvage, l'homme du désert, à la vie urbaine et à la civilisation. C'est merveilleux, une
histoire comme ça ! L'amour est une chose urbaine, un acquis de la civilisation, et c'est
une prostituée qui sert d'initiatrice ! Pour en revenir à l'homosexualité, elle était donc
tout à fait libre et on pouvait aussi bien la pratiquer avec un partenaire de son milieu et
de son rang. Mais toujours à condition qu'il n'y ait pas de désordre, qu'il n'y ait pas
violence, par exemple. Celle-ci était très sévèrement réprimée. Chez les Assyriens,
quiconque avait violé quelqu'un de son milieu devait être émasculé. Jean Bottéro (1914-2007)
Voyage en Mésopotamie, interview Magazine Littéraire N°270
Document 2 : L’homosexualité, au lieu d’être pensé du point de vue de la sexualité, doit être pensée dans
un rapport de majorité/minorité et un processus de normation sociologique.
En Occident, le problème des minorités commence à se poser au début du 19ème siècle,
lorsque le bouleversement des frontières des Etats-nations de l'Europe place certains
groupes ethniques sous la férule de certains autres groupes, ethniques ou nationaux. La
définition la plus couramment utilisée pour décrire ce phénomène est sans doute celle
proposée en 1945 par le sociologue Louis Wirth : «Forme une minorité tout groupe de
personnes qui, du fait de certains traits physiques ou culturels spécifiques, se voit traité
différemment et moins bien que les autres membres de la société dans laquelle il vit, et
qui se considère par conséquent comme faisant l'objet d'une discrimination collective.»
Pour Wirth, l'existence d'une minorité implique donc ipso facto celle d'une majorité de
privilégiés qui bénéficie d'un statut supérieur. Ajoutons que le statut des minoritaires les
exclut d'une pleine participation à la vie publique. Ils sont traités et se considèrent comme
des «gens à part». Pour résumer, les membres d'une minorité sont «visiblement
différents», c'est-à-dire typés selon des traits repérables qui les distinguent des autres
membres de la même société ; objet d'un traitement à part ; et conscients de subir une
discrimination en tant que membres d'un groupe.
Les anthropologues Charles Wagley et Marvin Harris ont proposé plusieurs modifications
de la définition de Wirth. Selon eux, le statut minoritaire serait la conséquence des règles
tacites de reproduction sociale qui font qu'un individu se voit attribuer le statut de
minoritaire même s'il n'en présente pas les caractéristiques reconnaissables. Par
exemple, dans le système racial nord-américain, il suffit généralement qu'on sache que
quelqu'un a un ascendant afro-américain pour qu'il soit classé comme «Noir». Le statut
minoritaire est donc plus une fatalité qu'un acquis du vécu. Wagley et Harris ajoutent que
les minorités pratiquent souvent l'endogamie, puisqu'on leur interdit généralement de se
marier avec des représentants du groupe dominant. De tels interdits ont pour fonction de
maintenir les barrières entre minorité et majorité et donc de préserver les privilèges de
cette dernière. C'est donc moins la promiscuité sexuelle qui fait problème que la lignée et
Association ALDÉRAN © - Conférence 1600-121 : “La dignité de l’homosexualité” - 15/02/1996 - page 5