Introduction - Association Marocaine de sexologie

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Historique de l’homosexualité au
Maroc
I.Kendili ; S.Berrada ; N.Kadiri .
Centre psychiatrique Universitaire Ibn Rochd
Introduction
L’homosexualité est sujet à controverse aujourd’hui .Plusieurs
évènements en témoignent ,souvent relatés dans une presse tiraillée,
entre droits de l’homme soit tolérance dite moderne et precepts
religieux ,dits traditionnels.
Le Maroc possède aujourd’hui un mouvement gay qui
revendique ses droits et bien que n’ayant guère pu être domiciliée au
Pays, l’association Kifkif est très active souvent à la une de la presse
marocaine la plus prisée.
Par ailleurs ,l’homosexualité marocaine a ses ambassadeurs
notamment Abdellah Taia dont « Le tarbouche rouge » a fait le tour
du monde…
Cependant ,l’homosexualité n’est guère une conception moderne
d’une sexualité importée de l’Occident comme nombreux veulent le
croire. Il nous incombe de nous projeter dans l’histoire…
Auparavant, rappelons un Maroc qui accueillit sans perturbation
aucune l’ écrivain Jean Genet, connu pour sa plume acerbe mais
aussi pour ses tendances homosexuelles masochistes(Tanger,70’s);le
célèbre styliste Jean-Paul Gaulthier, Jacques-Henri Soumère,
directeur général de l’opéra Mogador et du Massy, à Paris,
homosexuel notoire, ayant élu domicile à Marrakech avant d’être
arrêté et jugé à un an de prison, non pas pour homosexualité mais
pour pédophilie…
De Carthage à Byzance…
 En 146 avant notre ère, les Romains s’allièrent avec Bocchus, un
roi berbère qui régnait sur toute la région à l’ouest de la Moulouya
(fleuve du Maroc oriental, tributaire de la Méditerranée).. Le latin
s'implanta peu à peu au cours de cette période d'occupation ;le
Maroc subit alors l’influence socio-culturelle romaine
 À l'arrivée des Vandales en 429, le présence chrétienne (arrivée au
IV eme siècle)s'est maintenue, mais le général byzantin Bélisaire
reprit la région en 533 et y imposa les lois de l’Empire byzantin.
 Au point de vue linguistique, la région était aux prises avec les
langues berbères, le latin des populations romanisées et le grec
comme langue administrative…
L’épopée Arabo-musulmane:
De la conquête arabe aux troubles anarchiques…
La conquête musulmane commença au Maroc avec une première expédition
menée par Oqba ibn Nafi (681);mais la véritable conquête musulmane débuta une
vingtaine d’années plus tard, sous Musa ibn Nusayr.
L’implantation arabe fut cependant longue et difficile, car les Berbères
résistèrent autant à l'arabisation qu'à l'islamisation.
La fondation du Maroc se fait avec les Idrissides qui allièrent à leur cause
diverses tribus arabo-berbéro-afro-musulmanes faisant du Maroc le pays aux
diverses mœurs et habitus qu’il est aujourd’hui
Les Abassides sont aux portes de celui-ci alors ;soulignons qu’Idriss 1er fut
assassiné par le sultan Harun-al_rashid …
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Viennent alors les 3 dynasties berbères (XIe au XVIe siècle)
Les Almoravides (les pieux) dirigés par Youssouf ibn Tachfine,
Les Almohades ( les «unitaires»),
Puis les Mérinides en 1269
Le Maroc des influences…
Le Maroc ou Terre de Dieu en Amazigh est le pays des 7
cultures …
 Soulignons l’apport culturel gréco-romain ou une place
hégémonique est accordée à l’homosexualité .. la
sexualité avec une femme est vide de sens, sans âme et
uniquement domestique, tandis que l’amour noble et le
plaisir du sexe sont des affaires d’hommes…
 L’homosexualité est donc à cette époque la manifestation
d’une misogynie suprême
De la plume Abbasside..
Plus tard les frontières marocaines carresseront la
dynastie Abbasside dont le patrimoine poétique reflète la
place sociétale de l’homosexualité ainsi que la tolérance
de cette époque:
 Nous citerons Abu Nawas poète et amant du sultan
Harun-al-Raschid…
J » »«« J’ai laissé les filles pour les garçons ,et pour le
vin vieux j’ai laissé l’eau claire »
« JJJ'ai quitté les filles pour les garçons/et pour le

L’empreinte Ottomane..

Soliman le magnifique le plus glorieux des sultans Ottomans,
aurait eu une relation avec Ibrahim, un esclave grecque

Nous retrouvons une société misogyne ou le pouvoir se
reflète à travers une homosexualité symbole de pouvoir..
D’où la notion d’homosexuel passif qui scindera la vision
sociétale en 2 ..
Dans un livre écrit par George Host, consul du
Danemark auprès de l’empereur et intitulé :
" Un Sultan du Maroc ", on lit:
« ...au mois de septembre , Il dépêcha le caïd Idriss avec
une lettre au consul d’Espagne par laquelle il demandait
qu’une frégate espagnole lui apportât un jeune homme
espagnol âgé de 15 à 20 ans …. La même année,Celuici envoya le même Idriss voir les consuls du Danemark et
de Suède pour leur demander de faire part à leurs rois
respectifs du souci de l’empereur marocain quand à la
paix fragile existant entre les deux nations…
… Il leurs demandait en outre que chacune de leurs
Cours veuille lui envoyer un jeune homme de 15 à
20 ans, d’allure agréable, de bonne éducation,
possédant de bonnes qualités et parfait en son
genre, afin d’être continuellement auprès de sa
personne et effectuer les échanges de courrier entre
lui et leurs consuls respectifs. Ces jeunes gens
auraient l’autorisation de retourner chez eux quand
ils le souhaiteraient, et on ne devait lui envoyer ni
artistes, ni artisans… »
Le point socio-anthropologique…

La séparation de la société en deux groupes bien distincts a
aussi pour effet d’induire des comportements homosexuels, ce
qui est assez fréquent chez les arabo-musulmans.

A l’époque de l’empire ottoman, bien après le début de
l’islamisation, diverses tribus irano-turco-tartares célébraient
encore la fête de Basm, un rite homosexuel au cours duquel les
« Batscha » - jeunes garçons élevés et vêtus comme des filles étaient mis à la disposition des hommes de la tribu.

Dans de nombreux écrits un grand nombre de
califes étaient entourés de « mignons » qui leurs
servaient d’esclaves sexuels.
Malek Chebel parle d’ « homosensualité », pour désigner :
« une attitude des Orientaux en général et des Arabes en
particulier, qui consiste, en l'absence de partenaire de
l'autre sexe, à reporter sur leurs pairs l'excédent de
sensualité qu'ils n'arrivent pas à écouler autrement ».
D’une homosexualité féminine
organisée…très peu documentée

C’est ainsi qu’Al Hassan Ibn Mohammed Al Wazan Al Hassan
raconte ( « Leo Africanus » écrit en 1526) qu’il existait, à Fez ,
des groupes de femmes surnommées « sahhaqat » qui
formaient une sorte de secte lesbienne.

Elles jouaient un rôle de « guérisseur pour femme » et, en
guise de salaire, elles se faisaient accorder des faveurs
sexuelles. Elles invoquaient le fait que « les esprits » exigeaient
ces faveurs. Mais bien souvent, les femmes fréquentaient les
sahhaqat dans le seul but d’avoir des relations sexuelles avec
elles.
«
Elles feignaient d’être malades et parvenaient parfois à entretenir une sahhaqat
sous prétexte qu’elles étaient « possédées du démon » et que seule la
présence de la sahhaqat pouvait protéger du mal. »
Héritage sociétal et soufisme

En organisant la séparation rigoureuse entres les sexes, la
société arabo-musulmane a engendré d’énormes frustrations
sexuelles, suscitant des cultures " homosensuelles ", où les
hommes ont entre eux des gestes et des sentiments qui sont
proches de l’homosexualité et cultivent l’ambiguité.
Toute une partie de la tradition soufie s’est trouvée héritière du
rapport maître-disciple qu’entretenait, y compris dans ses
dimensions " pédérastiques ", la culture de la Grèce antique.

Certains soufis (le turc du 13è siècle Yunus Emre) ont cultivé
un langage ambigu en comparant leur amour pour Dieu appelé
" l’Ami " à des amours très homophiles
Homosexualité et Religion…
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L’homosexualité est un des grands interdits de l’Islam …
Cependant soulignons l’existence d’ une croyance populaire
qui véhicule l'idée qu’en Islam, les homosexuels méritent la
mort, et certaines autorités religieuses abondent dans ce sens
depuis des années.
Cette idée s'appuie sur une seule tradition, attribuée à Ibn
Abbas: “Tuez l'actif et le passif parmi ceux qui commettent
l'acte du peuple de Loth, ainsi que la bête et celui qui copule
avec une bête”.
Mais ce hadith unique ne se trouve pas dans les collections les
plus importantes, celles de Boukhari et de Muslim.
Sodome et Gomorrhe
Tous les versets coraniques et les hadiths du prophète qui
évoquent des pratiques homosexuelles, le font en référence
avec l’histoire de Loth, neveu d’Abraham et habitant de
Sodome.
« Cette ville, comme celle de Gomorrhe, seraient alors emblème
de la perversité et Dieu aurait annoncé à Abraham qu’il allait y
envoyer deux messagers pour évaluer la situation.
Deux anges se rendent à Sodome, et Loth les accueille et leur
offre l’hospitalité. Mais voilà que les hommes de Sodome
arrivent, encerclent la maison et manifestent le désir de les
violer.
Loth essaye de négocier avec les pervers et va jusqu’à leur offrir
ses deux filles. Les habitants de Sodome disent à Loth qu’ils
préfèrent de loin les hommes.
Les anges font appel à la puissance de Dieu qui rend les
agresseurs aveugles et anéantit la ville. »

Les nouvelles interprétations du Coran:
Malek Chebel , parmi les protagonistes farouches partisans d'une
interprétation du Coran qui voudraient tenir compte de
l'évolution du monde ,tend vers une autre interprétation de
l’Histoire de Loth:
« .. l’Islam dénonce la sodomie, allusion au peuple de
Sodome, la condamne également dans la pratique
hétérosexuelle. Mais jamais l’Islam n’a parlé de ce qu’on
peut appeler l’homosensualité. .. »
« La séparation entre les sexes dans la société
musulmane favorise ces relations viriles, douces et
ambiguës. L’Islam n’a jamais parlé d’une relation entre
deux hommes ou deux femmes laquelle peut être basée
sur mille autres choses que sur la pénétration… »
«… L’Islam condamne la pénétration ;pour moi il ne
condamne pas l’homosexualité parce que deux
femmes peuvent avoir une relation homosexuelle
sans pouvoir pratiquer les " perversités " du peuple
de Loth, la pénétration, tout comme 2 hommes… »
« L'Islam n'utilise pas le mot homosexuel mais parle de
peuple impie, de Loth et de la dégénérescence.
L'homosexualité est plutôt présentée par défaut.
Dans le Coran, elle est considérée comme un mal
dont il faut se prémunir. »
« Cela tient en quelques lignes terribles. Ce
texte a manifestement pour objet la
conservation de l'ordre. Il s'agit de préserver
la forme familiale traditionnelle, de
reconduire l'ordre ancien et de condamner
toutes les autres activités transgressives, y
compris les formes de matrimonialité non
conventionnelles »
Ibn 'Abbâs a dit :
"On doit croire aux versets ambigus, mais il ne
faut pas régler sur eux sa conduite".
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Irait-on vers une interprétation nouvelle du
Coran..?
Les croyances populaires
La famille marocaine , méditerranéenne est assez
machiste. Elle préfère le garçon à la fille et le garçon
viril, solide, costaud à son frère chétif, fragile, fin ou
efféminé.
Malgré l’interdiction religieuse d’avoir des relations
sexuelles avant le mariage, la famille pardonne les
fracas d’un garçon coureur de jupons. Ca la rassure !
Si le garçon est homosexuel, passif donc, il est tout
de suite amené chez un charlatan, un sorcier, une
voyante ;il est malade ou possédé et il faut le
guérir…sinon le rejeter.
Un monde moderne?
Par ailleurs, dans une population moderne
Intellectuelle on ira consulter le
psychothérapeute pour se
« deshomosexualiser » ….Mr Harakat (Audelà des Tabous)
L’homosexualité n’est plus possession ou
sortilège mais maladie …
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Du lexique…
Les termes inhérents à l’appellation
« Homosexuel » restent ce jour
Ghoulam: éphèbe ou mignon
Hassass: Le sensible
Zamel: Le compagnon
Sans oublier la banalisation de l’homosexualité
dans nos blagues populaires…
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Pour conclure…
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Toute société se doit de réfléchir sur la
différence
Toute différence crée une diversité
Toute diversité est source de richesse
Que doit-on ce jour ,entre tabous et
prénotion, faire de cette tranche de notre
communauté?
Je vous remercie
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