AT T E N T I O N T R AV A I L D ’A R A B E Exposition citoyenne et pédagogique S u r u n e i d é e o r i g i n a l e d ’A l i G u e s s o u m De l’Empire colonial à la Marche des Beurs, des tirailleurs aux travailleurs, du résident au Musulman, l’exposition « Attention Travail d’Arabe » propose, avec justesse et humour, une vision décalée des différents stéréotypes les plus répandus en France, une terre pas toujours si accueillante. LE PROJET Avec l’ambition affichée de transmettre à tous, et plus particulièrement aux jeunes générations, les valeurs et les richesses du « vivre ensemble », l’exposition « Attention travail d’Arabe » affronte les idées reçues et déconstruit les préjugés. Face aux récentes attaques du modèle républicain, l’association Remembeur souhaite alerter sur les dangers des dérives passées comme présentes, celles de l’intolérance, du rejet et des discriminations. Par le prisme de l’histoire et de la mémoire, l’exposition entend questionner, nourrir le dialogue, provoquer… mais toujours avec dérision et humour. Dans un pays en pleine crise sociale et sociétale, la société française se crispe et se replie sur ellemême. Discriminations, inégalités sociales, précarité et manque de solidarité, le terrain est propice au développement des extrémismes et du nationalisme, sans compter le traitement médiatique anxiogène de ces sujets. Arabe, noir, musulman, rom, italien, etc. chaque génération a son « Étranger » à désigner à la vindicte populaire et l’altérité est parfois vécue comme une menace intérieure… Cependant, la France s’est toujours enrichie de ces étrangers, aujourd’hui devenus Français. L’exposition s’attache à rappeler que l’on peut venir d’ailleurs et adhérer pleinement aux valeurs citoyennes françaises. En explorant les relations de la France avec ses populations colonisées puis ses immigrés et étrangers, « Attention Travail d’Arabe » revient sur plus d’un siècle de stéréotypes. Grâce à ces œuvres graphiques, l’association propose un récit vivant et signifiant permettant à tous de mieux connaître et comprendre la construction des préjugés dans les imaginaires. L’exposition offre également des repères culturels et mémoriels communs, tout en favorisant, par la connaissance du passé, l’établissement de liens entre les générations. 2 LES CONTENUS ET ŒUVRES Vingt-six œuvres graphiques, complétées par des textes didactiques, composent l’exposition « Attention Travail d’Arabe ». Entre histoire et mémoire, les différentes affiches retracent un parcours chronothématique depuis la Première Guerre mondiale (« Maure pour la France ») jusqu’à nos jours (« La bananisation du racisme, glissement extrême »). Avec l’humour, comme vecteur de réflexion et de dérision, l’exposition éclaire les relations entre la France et ses Français venus d’ailleurs ainsi que les préjugés d’hier et d’aujourd’hui. LES OBJECTIFS -Lutter contre les discriminations et la remise en cause des principes d’égalité, -Défendre, préserver et transmettre aux jeunes générations, notamment issues des quartiers populaires, les valeurs républicaines au travers de l’Histoire -Créer un sentiment d’appartenance et d’ancrage sur le territoire national par la diffusion d’un patrimoine mémoriel -Nourrir le dialogue sur le vivre ensemble -Changer le regard porté et les représentations sur les immigrés et les populations venues d’ailleurs -Inscrire l’histoire des colonies et de leurs « indigènes » comme faisant partie intégrante de l’Histoire de France 3 L E S L I E U X E T P A R T E N A R I AT S P R E S S E N T I S L’exposition a déjà été exposée en plusieurs endroits. Souvent associée à des festivals culturels, elle existe désormais de manière autonome et des centaines de personnes l’ont déjà découverte. Des visites suivies de rencontres avec le commissaire d’exposition, Ali Guessoum, ont été organisées avec le public scolaire, notamment des collégiens, à Paris, Montpellier et Marseille. « Attention Travail d’Arabe » a vocation à rayonner sur l’ensemble du territoire national et à être diffusé largement auprès du public scolaire. La dimension ludo-éducative de l’exposition favorise la transmission et nourrit le dialogue avec les plus jeunes, comme nous avons pu le constater lors des précédentes rencontres. 4 I L S O N T D É J À D É C O U V E R T « AT T E N T I O N T R AV A I L D ’A R A B E » A Paris et en banlieue : -Festival Villes des musiques du monde (2010), Aubervilliers, le Blanc-Mesnil et Montreuil -French k-wa (2008) -Le Cabaret sauvage (2010) -La Bellevilloise (février 2011) -Centre culturel Fleury – Barbara Goutte d’Or (2013) -Mairie du 18ème arr. (2014) En province : -Festival Origines contrôlées (2008), Toulouse -Fiesta des Suds (2010), Marseille -Université Toulouse le Mirail (2010), Toulouse -Festival Arabesques (2011), Montpellier -Le Cinq (2012), Rabastens A l’étranger : -Festival L’Boulevard (2010) : villa des Arts de Casablanca, Maroc -Centre culturel français d’Alger (2010), Algérie ©Luc Jennepin 5 U N S U C C È S M É D I AT I Q U E De Télématin sur France 2 à Libération, de Jeune Afrique à France 24, de nombreux articles ou chroniques évoquent l’exposition et ses messages. « Et à travers son art, fait pour toucher le plus grand nombre. Ali Guessoum cherche à interpeller, questionner, convaincre. Et ça marche. Un vrai travail d’arabe. » France 24, mars 2014 « C’est édifiant et c’est drôle (…) L’artiste Ali Guessoum détourne les cliches racistes pour mieux les combattre » i4 News, avril 2014 « Un panneau de chantier au milieu du hall de la mairie du XVIIIe arrondissement de Paris annonce : “Attention, travail d’arabe“. Le message, ainsi posé sous les ors de la République locale et les grands escaliers en pierre, joue à la perfection le rôle que lui a assigné l’artiste et publicitaire Ali Guessoum : Interpeller. » Libération, 25 février 2014 D’autres projets ambitieux sont actuellement en cours de réalisation, avec pour objectif de promouvoir la cohésion sociale, le « vivre ensemble », de nourrir le dialogue interculturel et intergénérationnel. L’association Remembeur prévoit la mise en œuvre d’actions innovantes, participatives et citoyennes. France 24 Attention Travail d’Arabe 6 140 Culture médias SPÉCIAL Détournement d’images pUBLiCiTÉ 141 ARTS PLASTIQUES appellation d’origine contrôlée L’artiste et publicitaire Ali Guessoum, originaire de Petite Kabylie, invite la France oublieuse à se regarder dans le miroir de son humour. a li Guessoum aurait de bien bonnes raisons de se ranger dans la catégorie des revanchards. Il avait à peine 7 ou 8 ans quand, fraîchement débarqué d’Algérie par la grâce du regroupement familial, une institutrice lui asséna une sèche remarque sur son odeur corporelle, alors que c’était un petit camarade blond coiffé « à la Claude François » qui avait fait sous lui. S’excuser, elle n’y pensa même pas. Mais Ali Guessoum, 49 ans, originaire de Mahfouda en Petite Kabylie, semble plutôt du genre à saisir la vie avec bonhomie. Et humour. C’est d’ailleurs ce qui transparaît dans « Attention travail d’Arabe », récemment exposé à Paris et de nouveau visible à la Manufacture de Nantes, dès la mi-mai. Un ensemble de 26 visuels détournant les clichés liés à l’immigration et invitant à réfléchir sans sur les chemins de l’école buissonnière. Il ne retrouvera les pupitres qu’en 1972, « sous Pompidou », dans le 12e arrondissement de Paris. Lui qui aujourd’hui apprécie les jeux de mots (Mots dits arabes) évoque un « trou noir » quant à sa période d’apprentissage du français. « Bonjour Madame, je voudrais une baguette pas trop cuite, s’il vous plaît » est le seul résidu de parcœur dont il se souvienne. Après… Après, il fut un excellent élève et en dépit des épisodes précédemment narrés, il loue « l’investissement de ces enseignants progressistes qui font aimer la devise Liberté, Égalité, Fraternité avec le souci de permettre l’émancipation par la culture et le savoir, sans la violence ». La famille qui s’agrandit, le déménagement en banlieue rouge (Villejuif, Valde-Marne) n’altèrent pas ses résultats scolaires. Pourtant, le début des années 1980 marque une « nette dégradation du climat social ». « Suite à l’élection de Mitterrand, l’entreprise de siphonnage du Parti communiste entraîne une désaffection des militants sur le terrain, se souvient-il. La ghettoïsation s’accroît au moment même où les drogues dures débarquent dans les cités, comme si quelqu’un avait ouvert le robinet. » Hésitant entre le journalisme et la publicité, Ali Guessoum opte pour cette dernière, le nombre d’heures de présence exigées au Celsa (l’école de journalisme réputée) ne lui permettant pas de travailler pour payer ses études. À Jussieu, « en face de l’IMA, qui était en train de se construire », il abandonne l’économie pure pour « essayer de comprendre l’individu sous toutes ses formes ». Puis, en cette période bénie de la publicité, une rencontre avec un photographe réoriente le cours de sa vie: il crée sa propre agence, Sansblanc, à 25 ans. Le titre est un pied de nez et le résultat d’une bonne cuite. Ils sont quatre en 1989, deux l’année suivante, et La provocation est douce, mais chaque fois riche de sens, s’appuyant sur La doubLe cuLture du franco-aLgérien. se prendre la tête : Maure pour la France, Camembeur Résident, Absolut Burka, La Pompe à fric… La provocation est douce, mais chaque fois riche de sens, s’appuyant sur la double culture de son promoteur. pied de nez. De ses sept premières années passées en Algérie après 1965, « l’année du coup d’État de Boumédiène », Ali Guessoum retient la nature, l’espace, le rituel des saisons, les odeurs d’olive et de terre, la pauvreté. « Voir qu’en ville on peut ouvrir un robinet pour avoir de l’eau, alors qu’on doit soi-même parcourir plusieurs kilomètres à dos d’âne pour aller en chercher permet de prendre conscience très tôt de sa condition », dit-il. Chauffeur de taxi clandestin, son père rejoint la France vers 1968. Ali reste, mais « le coup de règle de trop » l’envoie n o 2781-2782 • du 27 avril au 10 mai 2014 Visuels : ali GuessouM/associatioN reMeM’beur t « Attention, travail d’Arabe », une exposition composée de 26 visuels détournant les clichés liés à l’immigration. « le commercial se mue en concepteur ». Par affinité, l’agence travaille surtout avec le secteur culturel (affiches de théâtre et de festivals, pochettes de disques, éléments visuels pour les musées), les municipalités de gauche « qui permettent plus d’audace aux graphistes » ou les associations engagées du genre Attac. Attentif à l’évolution de la société, effrayé à l’idée que l’on puisse passer « du borgne à 4 % à sa fille en HD à 33 % » ou « donner des palmes académiques au racisme », jeune afrique Guessoum réfléchit sur « les non-dits à propos desquels la France devrait faire amende honorable ». liberté. À l’occasion d’une discussion avec l’association Tactikollectif et avec le groupe Zebda, à Toulouse, la nécessité d’aborder les questions liées à l’immigration en jouant sur l’humour s’impose. Guessoum présente ses premières images lors du festival Origines contrôlées dans la même ville. Succès immédiat auprès des jeune afrique populations concernées comme des enseignants et des éducateurs spécialisés. « Il y a dans ces images des éléments de langage très variés, qui sont autant de tiroirs permettant une grande diversité de réactions. Les élèves peuvent en discuter entre eux. Souvent, ils s’exclament : “Ah, mais on peut déconner avec ça?” » Depuis, l’exposition tourne, se développe, et Ali Guessoum concilie travail publicitaire et gestion de l’association Remem’beur, « deux modes opératoires, deux libertés » qu’il entend bien conserver. S’il aimerait aujourd’hui présenter son « travail d’Arabe » dans les cités et s’orienter vers des installations en volume, il est encore à la recherche de soutiens et de relais. « Je serais d’ailleurs ravi d’aller le proposer à Béziers, à Fréjus et surtout à Poitiers ! Ce serait sympa, non, le retour des Arabes à Poitiers ? » l Nicolas Michel n o 2781-2782 • du 27 avril au 10 mai 2014 Jeune Afrique - N°2781-2782 p.140-141 Libération - Article sur Attention Travail d’Arabe 7 C O N TA C T Ali Guessoum Tél: 01 40 18 10 01 Port: 06 72 78 92 04 [email protected] www.remembeur.com