L'existence de l'inconscient est-elle une hypothèse ou une certitude ? -
Nous ne saisissons pas toujours immédiatement le sens de nos
passions voire même de nos actions. Notre conscience n’aperçoit
pas non plus toujours chacune des modifications qu’en tant que
corps inscrit dans le monde nous subissons. L’expérience nous
indique que nous pouvons agir, penser sans l’avoir voulu. Ces
productions involontaires peuvent néanmoins être expliquées :
elles sont les conséquences d’un fléchissement de mon attention
ou de ma volonté. Ma conscience s’assoupit et se laisse gouverner
par le déterminisme naturel. Cependant, Freud ne se satisfera pas
de ces explications. Ce qui était renvoyé par la psychologie
classique au mécanisme aveugle et non signifiant du corps est
élevé par Freud au plan du spirituel et du finalisé : l’inconscient, lui,
donne un sens à ce qui n’en avait pas pour la conscience
classique (une cause n’est pas un sens!). Est-ce assez pour
admettre, avec la psychanalyse que tel acte manqué ou lapsus par
exemple, sont l’expression d’un vouloir inconscient et que le moi
n’est pas maître chez lui ?
Il est donc légitime de se demander si l’existence de l’inconscient
est une certitude ou une hypothèse ? En d’autres termes, la réalité,
le fait même de ce qui échappe par définition à la conscience est-il
prouvé, avéré, ou n’est-il qu’une supposition ? Peut-on considérer
comme bien réelle car prouvée ou seulement vraisemblable mais
utile, l’existence d’un vouloir échappant à la conscience ?
Cette question fait problème : en effet, si l’inconscient par définition
échappe à la conscience, s’il est nécessairement caché, masqué,
dérobé à la conscience thétique, positionnelle d’objet, il ne peut
être qu’une hypothèse commode pour la conscience, purement
théorique sans qu’on puisse affirmer que quelque chose de réel
correspond effectivement à cette idée. Affirmer l’inconscient ne
serait possible paradoxalement qu’en le niant comme réalité car si
la conscience constate effectivement son existence, il ne s’agit
plus d’une instance inconsciente. Mais raisonnement et
expérimentation ne pourraient-t-ils assurer le passage de
l’hypothèse à la certitude de l’existence de l’inconscient dont,
cependant, par définition, la conscience ne peut rien savoir ? Peut-
on prendre conscience de l’inconscient sans pour autant le nier ?
Freud à partir de faits qui selon lui témoignent en faveur de
l’existence de l’inconscient, raisonne et conclut à l’existence de
celui-ci. Quels sont ces faits ? Quel est son raisonnement et est-il
correct ? Les raisons proposées qui militent en faveur de
l’existence d’un inconscient psychique sont-elles solides ? De
manière générale, peut-on prouver une existence ? Prouver
suppose un raisonnement. Or, l’existence semble bien échapper
au raisonnement.Ne doit-on pas néanmoins conserver l’existence
de l’inconscient comme idée féconde et hypothèse éclairante ?
Mais que vaut cette hypothèse elle-même ? Est-elle bien
nécessaire, rationnelle et rigoureuse ? N’aurait-on pas raison et
intérêt à lui substituer le concept de mauvaise foi ?