A] Des attributs de puissance sans équivalent dans

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Chapitre 1 :
La puissance des Etats-Unis d’Amérique :
Forces, mutations, limites
Introduction
A] Des attributs de puissance sans
équivalent dans le monde
1. La suprématie économique
2. La maîtrise et la ressource de
l’immensité
3. Un réseau de métropoles sans égal
4. Un pouvoir d’attraction migratoire
sans rival
5. Un horizon nécessairement mondial
où se conjuguent géo économie et
géopolitique.
B] Des mutations pour maintenir et
renforcer la suprématie mondiale
1. Le spectre du déclin
2. Les mutations dans les domaines
productif et spatial
3. Une grande capacité d’innovation :
un nouveau modèle du capitalisme,
vers une « nouvelle économie »
C] Les limites à l’exercice du statut
d’hyperpuissance
1. Les limites internes
2. Les limites externes
Puissance, hyper puissance, hard power, soft
power
PIB, inflation, emploi, chômage, concurrentpartenaire, secteur, hard power, soft power,
industrie de pointe, industrie touristique,
marché intérieur, PIB/ppa, libre-échange,
ALENA, immensité, resources, contraintes,
réseaux de telecommunication, hub,
métropole, mégapole, géoéconomie,
géopolitique, réseau de multinationals,
balance commerciale, puissance financière,
organismes internationaux, accords
bilatéraux, food power, messianisme,
attraction migratoire, brain drain, hard
power, soft power.
Hégémonie, appareil de production, dollar as
good as gold, fordisme, just in time,
manufacturing belt, rust belt, capacité
d’innovation, agro-business, structures
d’exploitation, farmer, corporate farms,
architecture spatiale, écharpes, dynamiques
démographiques, héliotropisme, croissant
périphérique, « climat d’affaires », espacearchipel, diagonale intérieure, nord-est,
hyper-centre, edge-city, innovation,
« nouvelle économie », nasdaq, économie
d’actionnaires, NTIC
Inégalités, working poors, hamburgers jobs,
macdonaldisation, dimension ethnique,
protection sociale, american dream, melting
pot, salad bowl, farmer, corporate farms,
déficit commercial, spéculation, dépendance,
« guerre de l’eau », système-monde, OMC,
« nouvel ordre mondial », « gendarme du
monde », « globocop »
A] Des attributs de puissance sans équivalent dans le monde
1. La suprématie économique
 Le pays le plus riche du monde
 1e puissance économie et technologique du monde.
RNB (Revenu National Brut) = 9 601 milliards de $ en 2000 (soit 30, 8% du RNB mondial)
PIB/ppa = 34 000 $/hab/an
 2e marché intérieur du monde derrière l’U.E. à 15.
 3e pays le + peuplé (291,5 millions d’habitants en 2003)
 Un arsenal sans équivalent d’entreprises leaders
Les USA comptent 39% des entreprises et sociétés les + importantes dans 51 secteurs de l’économie. Dans des
secteurs comme la finance, les biotechnologies, l’agroalimentaire, les fonds d’investissement, ils occupent aux moins
13 des 20 premières places.
 Approche sectorielle de la puissance économique
 Cette puissance est industrielle.
 Ils utilisent à eux-seuls 25% des hautes technologies employées dans le monde.
 Les USA comptent 34 des 50 marques les + valorisés dans le monde.
 Les services occupent la place principale dans une économie largement tertiarisée. Ils assurent 72% du PIB et 72%
de la population active. Ainsi, l’industrie touristique, la 1e du monde, emploie 8 millions de salariés (2e «
employeurs » du pays)
2. La maîtrise et les ressources de l’immensité
 Un « pays-continent » maîtrisé par des réseaux à la mesure du défi de l’immensité
 9, 364 millions de km
 4e territoire mondial
 L’accessibilité de chacun des points du territoire est un principe de base de l’économie capitaliste libérale. La
construction du 1e chemin de fer transcontinental (1869) a marqué le 1e pas vers la maîtrise globale du territoire et de
son immensité.
 82 000 km d’autoroutes
 Arsenal de réseaux unique au monde : façades maritimes, canaux, transport par tube, aéroports...
 Fin 1999, 110 millions d’Etatsuniens utilisant internet, soit plus de 36% des internautes mondiaux.
 Un potentiel de ressources de taille mondiale
 un sous-sol riche : 25% des réserves mondiales de charbon
 2e producteur de pétrole
 minerais métalliques : minerai de fer, minerai non ferreux. Exploitation des gisements de potasse, des phosphates,
de sel, de soufre...
 Le potentiel hydrographique est à la mesure de son immensité
 Les meilleurs sols sont dans la plaine centrale (Mississippi).
3. Les Etats-Unis d’Amérique disposent d’un réseau de métropoles unique au monde
Les métropoles sont des agglomérations d’au moins 2 millions d’habitants capables de se connecter et d’intervenir à
l’échelle mondiale sans nécessairement passer par la capitale économique, ici, New-York.
 New-York (mégalopole)
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Los Angeles (mégalopole)
Chicago (mégalopole)
Washington-Baltimore
San Francisco
Philadelphie
Boston
Detroit
Dallas
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Houston
Atlanta
Miami
Seattle
Phoenix
Minneapolis-St Paul
Cleveland
San Diego
Denver
Tampa
Pittsburgh
Portland
4. Un pouvoir d’attraction migratoire sans rival
Les Etats-Unis sont historiquement une nation d’immigrants.
 Le 1e grand foyer récepteur du monde
 Depuis 1990, les USA accueillent, mais de manière sélective. Une partie de ces immigrants est composée
d’intellectuels et de travailleurs hautement qualifiés (brain drain)
 9% de la population est étrangère
 50% viennent de l’Amérique latine, et 25,6% de l’Asie
 6 Etats regroupent près des ¾ des étrangers parmi laquelle la Californie est en tête avec 31,3% des étrangers.
5. Un horizon nécessairement mondial où se conjuguent géo économie et géopolitique
 Les 1e commerçants du monde et un réseau de multinationales sans équivalent
 Les USA représentent 14,6% du commerce mondial (10,9% des exportations et 14,6% des importations)
 + de 35% des grandes firmes mondiales sont états-uniennes. L’espace de production des USA est mondial. 25% de
la production est assurée hors du territoire national. 8 millions d’étrangers sont employés par les firmes des USA hors
de leurs frontières. Elles sont aussi les principaux agents des IDE.
 La puissance financière et l’arme du contrôle des organismes internationaux et des accords
bilatéraux
 le dollar : 50% des échanges mondiaux sont facturés dans cette monnaie
80% des transactions sur les marchés des changes se font en dollar.
 Capacité d’intervention dans les organismes internationaux : FMI, Banque mondiale, OMC...
 ils multiplient les accords commerciaux : + de 200 signés pendant le 1e mandat de Bill Clinton
 Un enjeu décisif pour le pouvoir fédéral
Le pouvoir fédéral apparaît comme un promoteur actif de la puissance économique américaine à l’échelle mondiale.
L’Etat fédéral intervient de manière classique : par le financement d’une partie de la recherche-développement
publique qui représente 2,5% du PIB et il assume 45% des dépenses. Le domaine spatial (NASA), la politique
monétaire font partie de ces attributions. Il multiplie les aides à l’agriculture pour maintenir le « food power »
mondial.
 Des armes originales pour la suprématie géopolitique : la force sans équivalent du soft power
 De l’adhésion au système au modèle culturel déployé à l’échelle mondiale
Leur force et leur expérience de travail sont des atouts considérables. Le modèle culturel, l’American way of life a
conquis le monde. Il dispose de produits emblématiques (Coca-cola, McDonlards...) qui sont autant d’objets de
propagande au service de la puissance des USA.
 Le dernier système messianique
Après la chute du communisme, le modèle libéral capitaliste ne semble plus avoir de concurrent idéologique capable
de rivaliser en face à face.
Bilan : Les Etats-Unis disposent donc d’attributs de puissance (hard power, soft power) sans
rivalité dans le monde. C’est pour cela que l’on est en droit de les qualifier d’hyperpuissante. Mais
exercer une domination mondiale nécessite de faire en sorte qu’elle ne soit pas remise en cause,
c’est ce qui explique l’ampleur des mutations entreprises dans les deux dernières décennies du XXe
siècle pour continuer à exercer le leadership à l’échelle mondiale.
B] Des mutations pour maintenir et renforcer la suprématie mondiale
1. Le spectre du déclin
Les années 1970-80 ont été des années très dures pour les USA. Leur position hégémonique de l’après-guerre était
profondément ébranlée. Cependant, comme ils avaient gagné la guerre, ils en avaient été « l’usine et l’arsenal ». Leur
appareil de production tournait à plein régime d’où son augmentation.
 50% de la production industrielle mondiale
 75% du stock d’or « dollar as good as gold ».
2. Les mutations dans les domaines productif et spatial
 Du fordisme au juste à temps
 Une remise en cause du fordisme aux dimensions souvent dramatiques.
Mis en place en 1920 à partir du domaine de l’automobile. Les exigences de progrès dans la productivité ont
radicalisé son implantation pendant la guerre.  Gains importants de productivité, la production de produits
standardisés, travail à la chaîne...
Ce système a fonctionné jusqu’à ce que l’affaiblissement des gains de productivité, la lourdeur de fonctionnement, les
salaires jugés trop élevés, la concurrence japonaise ... ne poussent les industriels à le remettre en question.
 Le développement du juste à temps et des industries de pointe
Des systèmes de production ont été réorganisés sur le modèle japonais. Parallèlement, de nouvelles modalités limitant
les droits des salariés étaient établies. La manufacturing belt est ainsi devenue la Rust belt.
 Une nouvelle agriculture
Le déséquilibre entre les 2% de la population active de l’agriculture et les 15% de celle de l’agro-alimentaire illustre
cette évolution qui s’accompagnait d’importants progrès et investissements dans le domaine technologique
(mécanisation, automatisation), celui des intrants (engrais, pesticides...), celui des méthodes de culture et d’élevage
(irrigation, feed-lots). Corollairement, la concentration des exploitations (one man, one farm) progressait. Un nouvel
acteur prenait de + en + de place et accélérait l’orientation capitalistique de l’agriculture : les corporates farms. Ce
qui ébranlait la place centrale traditionnellement occupée par le farmer de Middle West.

Les bouleversements spatiaux : une nouvelle architecture du territoire
 Les 3 écharpes
Marquées par la montée en puissance d’un « croissant périphérique » de Seattle (nord-ouest) à Richmond (moitié côté
est). Ce croissant périphérique est venu battre en brèche l’écrasante domination du Nord-Est, « la locomotive
historique » des USA. Le Nord-Est concentre avec le croissant périphérique, l’essentiel des « régions motrices ».
 L’émergence du croissant périphérique est un fait majeur de la période
- le grand bénéficiaire des restructurations industrielles du Nord-Est.
- La dimension de ce croissant périphérique est immense. Il s’articule d’abord autour de région motrice comme
la Californie, le Texas, la Floride puis à l’intérieur de ces régions et du croissant périphérique autour de
mégapoles.
 Entre les deux principales écharpes, la diagonale intérieure se distingue par des densités souvent faibles,
notamment à l’ouest, du fait des conditions physiques. C’est la « vraie périphérie » des USA. L’activité est
majoritairement agricole, quelques métropoles (Saint-Louis, Denver, Salt Lake City) dominent un réseau peu
hiérarchisé. Le solde migratoire est négatif et les dynamiques naturelles faibles.
 La mutation du Nord-Est
Menacée par les restructurations et destructions industrielles draconiennes, par l’émergence du croissant périphérique,
par la marque de la responsabilité du déclin des USA face à la concurrence internationale.
Le nord-est s’est spécialisé dans la fonction d’ « hyper-centre » de l’espace états-unien. Il regroupe la majorité des
sièges sociaux des 500 premières firmes états-uniennes, 16 des 25 premières universités, New-York apparaît comme
le « centre du centre » avec 49 siège et son SBD, Manhattan...
 Des agglomérations aux edge-cities
Les agglomérations ont aussi été le théâtre de nouvelles mutations.
Extension périurbaine autour des principaux échangeurs et centre commerciaux = edge-cities.
 Un nouvel espace agricole : la remise en question des belts
L’évolution de la cotton belt s’est déplacée vers l’ouest, la production s’effectue dans le cadre de grandes
exploitations capitalistes, avec le recours à l’irrigation.
3. Une grande capacité d’innovation : un nouveau modèle du capitalisme, vers une « nouvelle
économie »
 Le boom de l’informatique et des industries de l’information
 Les USA possèdent 50% du parc mondial des ordinateurs, ½ travailleur a recours à l’informatique.
 40% des investissements des entreprises américaines sont consacrés à l’informatique et aux
télécommunications contre 15% il y a 10 ans
 Start-up : petites entreprises qui débutent
 nasdaq : un indice boursier spécifique aux nouvelles technologies
 Une économie d’actionnaires
La domination de la finance est un des autres aspects de cette « nouvelle économie » qui peut être considérée comme
une économie d’actionnaires. Beaucoup d’étatsuniens participent aux retraites et fonds communs de placement.
 Une économie tertiaire
Un des derniers aspects de la « nouvelle économie », c’est sa tertiairisation : les services représentent 72% de la
population active et la même part du PIB.
Bilan : Les mutations mises en œuvre se caractérisent donc par leur ampleur. Elles ont permis aux
USA de couper court à la spirale du déclin et de retrouver un statut de modèle à l’échelle du monde.
Mais il est nécessaire de mettre en évidence les limites de ce nouveau modèle.
C] Les limites d’une hyper puissance en question
1. Les limites internes

Des inégalités aux fortes dimensions ethniques, et qui s’accroissent
 Les inégalités économiques
Le PIB par tête est l’un des + élevés du monde, mais cela ne doit pas cacher l’existence de fortes inégalités. Ainsi, en
2001, 32,9 millions de personnes vivaient en dessous du seuil de pauvreté contre 31,6 millions en 2000.
Cette pauvreté s’explique par le chômage mais aussi par le faible niveau de beaucoup de salaires qui font d’un
nombre grandissant de salariés des « working poors » ainsi que par la multiplication des emplois précaires (« petits
boulots »  Macdonaldisation)
Blancs touchés par la pauvreté  9,7%
Asiatiques
 10,3%
Hispaniques
 22%
Noirs
 23%
Native American
 25%
D’une manière générale, les zones où la pauvreté est forte comme le croissant sud sont celles où les minorités sont
nombreuses et où le développement économique généré par le « bon climat d’affaires » est particulièrement
inégalitaire.
 L’accès à la santé
Insuffisance de la protection sociale. La sécurité sociale n’existe pas. L’assurance souscrite à titre privée s’avère donc
nécessaire, à condition de pouvoir la payer. Seuls les démunis avec Madicaid, les personnes âgées et les handicapés
avec Madicare ont droit à une couverture sanitaire. En conséquence, + de 10% des états-uniens, ceux qui ont un
revenu trop élevé pour bénéficier de Medicaid mais trop faible pour pouvoir payer des assurances prévues,
sont exclus de la protection sociale.
 L’éducation
La grande majorité des chômeurs est sans formation initiale. 22% de la population est illetré (44% des Noirs et 56%
d’hispanophones).
L’habitat et les conditions spatiales
Les inégalités les + flagrantes sont en ville. Les villes sont marquées par la ségrégation socio-spatiale et ethnique.
-Les pauvres : ghettos urbains situés à proximité des centres ainsi que les quartiers taudifiés,
- Classe moyenne («middle class ») réside de préférence dans les immenses et souvent lointaines banlieues
périphériques.
- Le développement des gated communities que certains qualifient d’ « apartheid urbain » est une des manifestations
de la ségrégation spatiale. Ces gated communities sont constituées par des lotissements réservés aux classes aisées.
Ils sont entourés de grilles, gardées jour et nuit, et l’entrée y est sévèrement réglementée.
 Salad bowl contre Melting pot
La pauvreté a donc une forte dimension ethnique. Le rêve américain consistait au « melting pot » où toutes les
nationalités auraient fusionné pour former l’Américain. Cependant, le comportement communautariste, qui est plutôt
concret, préfère le « salad bowl ».
 L’affaiblissement de l’appareil national de production ?
 Délocalisation d’une part importante de la production industrielle dans les pays ou régions du monde jugées
intéressantes en termes de réalisation de profits à plus ou moins long terme.
Augmentation de 50,5% de 1990 à 2001 de la valeur ajoutée de leur industrie.
-
 L’explosion des déficits
le déficit du commerce extérieur (conséquence des délocalisations & de la multinationalisation de la
production états-unienne)
la balance des paiements qui mesure les soldes du commerce extérieur et de la balance des capitaux et des
services
 Les difficultés du nouveau modèle
Deux problèmes :
- l’éclatement d’une gigantesque bulle spéculative
- le scandale Enron, une société de courtage en énergie accusée d’avoir truqué ses comptes et trompé ses
actionnaires
2. Les limites externes
 Entre dépendance et concurrence : les limites géo économiques
 Dépendance énergétique : les USA importent 25% du pétrole brut qu’ils consomment
 Concurrence aggravée par le développement du libre-échange mis en œuvre dans le cadre du GATT, puis de
l’OMC.
 Les limites géopolitiques
- la défense du statut d’hyperpuissance
 « Gendarme mondial » ou « globocop »
 Développement de l’unilatéralisme : les USA semblent se désengager des OIG comme l’ONU, des alliances... (Ils
n’ont pas hésité à intervenir en Irak contre l’avis de l’ONU + ils refusent d’appliquer les conclusions de la conférence
de l’environnement de Kyoto (1997) visant à faire baisser l’émission des gaz à effet de serre)
-
le développement de la contestation mondiale
Bilan : Les limites sont donc importantes. La société états-unienne se doit d’apporter des réponses
aux nombreux défis internes, mais l’orientation très néolibérale des dirigeants étatsuniens n’incite
guère à l’optimisme dans ce domaine. Le constat est le même pour ce qui est des limites externes.
Conclusion : l’examen des différents attributs de la puissance permet donc de conférer un statut
incontestable d’hyperpuissance aux USA. Dans le cadre nouveau d’un monde tripolaire organisé en
système et structuré par de nombreux réseaux, l’horizon mondial est indissociable de l’affirmation de
la puissance. C’est la sensibilisation des USA à ce problème qui les a poussés à engager des
mutations, de façon à faire face à l’accroissement de la concurrence internationale, symbolisée
essentiellement par l’émergence du Japon. Ces mutations, dont beaucoup participent au
développement des divers processus de mondialisation, se caractérisent par une ampleur qui
témoigne de la capacité d’adaptabilité et d’innovation du capitalisme étatsuniens. Elles ont permis
aux USA de couper court à la spirale du déclin et de retrouver un statut de modèle à l’échelle du
monde. Mais la mise en œuvre du nouveau modèle ne se fait pas sans difficultés car les USA sont aux
prises avec des limites d’ordre interne & externe. Si ces limites, dont certaines apparaissent comme
des contraintes indissociables du statut d’hyperpuissance, ne constituent pas vraiment des obstacles à
l’exercice de la puissance, elles en apparaissent néanmoins comme des problèmes qui contribuent à
fragiliser une société américaine de plus en plus inégalitaire. Pout ce qui est des limites externes, la
possibilité de réactions des USA peut varier en fonction de leur contexte politique interne. Pour ce
qui concerne les limites internes actuelles, la société étatsunienne se doit d’apporter des réponses aux
problèmes, voire défis posés. Mais à l’exemple de l’accroissement des inégalités, l’étroite relation de
certaines de ces difficultés avec le développement et la mode des théories néolibérales met en doute
la volonté et la possibilité de les résoudre toutes.
Chapitre 2 :
La façade Atlantique de l’Amérique du Nord
A] Une façade mosaïque
1. Hétérogénéité et unité des conditions et
ressources naturelles
2. Des histoires entre points communs et
différences
3. Quelle organisation de l’espace ?
B] Une façade en voie d’intégration, mais
aux ouvertures inégales
1. Un facteur décisif : l’ALENA
2. Des espaces transfrontaliers traits d’union
entre pays, qui concrétisent l’intégration
3. Une capacité d’ouverture inégale
C] Intégration des Amériques, ou
intégration aux Etats-Unis ?
1. L’ALENA au service des Etats-Unis ?
2. Vers une américanisation culturelle ?
3. La ZLEA, vers une continentalisation
définitive ?
Façade, littoral, Etat côtier, région
transfrontalière, mosaïque, zonation
climatique, colonisation, indépendance,
dominion, doctrine Monroe, continent,
peuplement, organisation de l’espace,
différenciation, espace économique, façade
maritime, PIB, IDH
Intégration, ouverture, ALENA, libreéchange, libéralisation, IDE, délocalisation
industrielles, flux migratoires, taux de
couverture, commerce extérieur, PIB, espace
transfrontalier trait d’union, espace interface,
maquiladora, frontera, dissymétrie, barrière,
spanglish, port, aéroport, réseaux
d’information
Hard power, soft power, rapport de forces,
intégration continentale, américanisation
culturelle, médias, modes de consommation,
american way of life, interpénétration,
cultures, ZLEA, continentalisation, accords
bilatéraux, législations commerciales,
MERCOSUR, société civile, opinion
publique, leadership
A] Une façade mosaïque
1. Hétérogénéité et unité des conditions et ressources naturelles
 la façade atlantique, c’est d’abord un littoral
On peut diviser le littoral en deux : jusqu’en Virginie : les côtes sont favorables à la navigation ; au sud, les conditions
sont moins bonnes (marécages...)
+ 2 fleuves mettent en contact les littoraux et l’intérieur : le Saint-Laurent + le Mississippi
 l’hétérogénéité est essentiellement liée aux différences bioclimatiques qui s’expliquent par la dimension
en latitude
Du Nord au Sud :
- climat subarctique
-
climat continental humide à étés frais
climat continental humide à étés chauds
climat subtropical humide à étés chauds
climat tropical humide (extrême pointe de la Floride)
L’importance des précipitations est un trait commun à la façade littorale (sauf pour la région des Grands Lacs)
 la répartition des ressources minérales et énergétiques  les hydrocarbures se concentrent dans le Golf du
Mexiques aux USA et au Mexique
2. Des histoires entre points communs et différences
 Des territoires colonisés
Le littoral a servi de porte d’entrées à la colonisation. Les 3 Etats ont été colonisés au dépourvu des Indiens.
Dès 1522, l’espagnol Cortès entreprend la conquête du Mexique.
Pour les Etats-Unis, la colonisation anglaise commence à la fin du XVIe siècle.
En 1713, la France cède le Canada à la Grande-Bretagne.
Ainsi, les USA + le Canada développeront une identité essentiellement anglo-saxonne et s’intégreront dans le
développement du capitalisme industriel à partir de la fin du XIXe siècle.
 Des indépendances plus ou moins précoces et des relations qui ont pu être conflictuelles
1783 indépendances des Etats-Unis
1813 indépendances du Mexique
1931 indépendances du Canada
Les relations conflictuelles concernent les Etats-Unis et le Mexique.
De 1846 à 1848  le Texas sera l’enjeu d’une guerre entre les USA et le Mexique
De 1861 à 1865  aux USA, la guerre de Sécession oppose le Nord protectionniste pour son industrie et
anticolonialiste et le Sud non protectionniste (il vend son coton contre des machines) et esclavagiste.  victoire du
Nord
 La doctrine Monroe : un destin déjà commun :
En 1823, le président des USA, James Monroe énonce ses conceptions diplomatiques : « l’Amérique aux
Américains ». Les USA ayant reconnu l’année précédente l’indépendance des nouvelles républiques latinoaméricaines,  la colonisation européenne n’existe plus !
Les USA considéreront toute intervention de l’Europe dans les affaires du continent américain comme une
menace pour leur sécurité et la paix.
A ce titre, ils s’instituent les gendarmes du continent américain. En contrepartie, les USA s’engagent à ne pas
intervenir dans les affaires diplomatiques européennes.
 Histoire + peuplement + économie : un découpage régional qui transcende les frontières nationales
3. Quelle organisation de l’espace ?
Opposition entre les Etats-Unis et le Canada d’un côté et le Mexique de l’autre.
USA + Canada  pays du Nord + Mégalopolis et agglomérations de + de 2 millions d’habitants (New-York...)
USA  détenant tous les attributs de la puissance économique : PIB, réseau urbain, activités...
Canada  peu peuplé mais fort PIB & IDH
Mexique  pays du Sud ; faible PIB mais fortement peuplé
B] Une façade en voie d’intégration, mais aux ouvertures inégales
1. Un facteur décisif : l’ALENA
 Un accord essentiellement commercial
L’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain ; en anglo-saxon : NAFTA) a été signé entre USA, Canada
et Mexique le 17 décembre 1992. Il est entré en application en 1994. Il succédait à une entente bilatérale l’Accord
de libre-échange Canada/USA existant depuis 1989. Par cet accord, les trois Etats s’engagent à respecter un ensemble
de règles économiques communes.
- Pourquoi ?
Les USA ont compris dans les années 1980 la nécessité de s’engager dans un processus d’intégration continentale tel
que celui de l’Europe occidentale. L’ALENA regroupe 2 pays du Nord (USA ; Canada) et un pays du Sud (Mexique),
facteur important en termes d’IDE, de délocalisations industrielles et de flux migratoires.
- Quelle traduction commerciale ?
Forte intégration commerciale.
- Une intégration cependant beaucoup moins aboutie que celle de l’U.E
Le processus de construction de l’U.E. a commencé avec près de 4 décennies avant celui de l’ALENA.
L’espace de l’ALENA n’est pas un espace unique : il n’y a pas de tarif douanier commun, mais les barrières
douanières doivent être abolies dans un délai maximum de 15 ans pour des secteurs comme le textile, l’agriculture et
les services financiers.
La libre-circulation des hommes n’est pas en œuvre : les Mexicains ne peuvent pas entrer aux USA.
Il n’y a pas de monnaie commune comme l’Euro.
2. Des espaces transfrontaliers traits d’union entre pays, qui concrétisent l’intégration
a. Au Nord, les Grands Lacs
Les Grands Lacs sont d’abord un espace dont l’unité naturelle repose sur les 5 lacs qui ont donné le nom à la région.
Mais les aménagements humains jouent aussi un grand rôle.
b. Au Sud, la frontières Etats-Unis/Mexique, la frontera
Maquiladoras : l'équivalent latino-américain des zones de traitement pour l'exportation. Ce terme désigne une usine
qui bénéficie d'une exonération des droits de douane pour pouvoir produire à un moindre coût des marchandises
assemblées, transformées, réparées ou élaborées à partir de composants importés ; la majeure partie de ces
marchandises est ensuite exportée.
C’est un espace fortement dissymétrique, et cette dissymétrie éclate pour ce qui concerne les flux migratoires. Pour
les Mexicains, la frontière est une véritable barrière. Les Etats-Unis ont mis en place des contrôles policiers
extrêmement sévères pour, selon eux, essayer de limiter l’immigration clandestine. Ce qui n’empêche pas les
Mexicains de tenter leur chance, au péril de leur vie.
3. Une capacité d’ouverture inégale
a. En termes portuaires et aéroportuaires
- Gérard Dorel affirme que « ce sont les villes [portuaires] qui assurent aujourd’hui l’articulation des Etats-Unis
avec le reste du monde. C’est là que le concept d’interface est probablement le plus opératoire pour exprimer
des lieux à la fois absorbants et irradiants ».
Les Etats-Unis est le pays qui contient le plus de ports des 3 et le Mexique, le moins.
- la façade états-unienne contient 11 aéroports de taille mondiale, le Canada 1 seul, le Mexique aucun.
b. En termes de réseaux d’information
Les Etats-Unis n’ont pas de rivaux : 60% des étatsuniens utilisent Internet, 51% des Canadiens et 3,3% des
Mexicains.
c. En termes d’interfaces urbaines
= ports, aéroports, World Trade Center, sièges sociaux et autres centres de décision...
Le Mexique apparaît en position de faiblesse contrairement au Canada et aux Etats-Unis.
Le Canada a 2 agglomérations : Toronto (4,6 millions d’habitants) + Montréal (3,5 millions d’habitants). De plus, les
Etats-Unis disposent du Mégalopolis. Celui-ci concentre 4 des grands géopolitiques mondiaux dont 3 se situent à
Washington : la Maison-Blanche (résidence du président), le Capitole (législatif), le Pentagone (défense) et à NewYork, le siège de l’ONU. Il accueille également de prestigieux centres de recherche et universités comme Harvard...
globalement, le Mégalopolis réunit toute la façade est des USA.
C] Intégration des Amériques, ou intégration aux Etats-Unis ?
1. L’ALENA au service des Etats-Unis ?
Le Canada remporte le plus important taux d’ouverture commerciale. Depuis 1989, les exportations du Canada vers
les Etats-Unis ont augmenté de 169%. La part de production de marchandises exportée aux USA est devenue plus
grande que celle consommée sur place. En outre, l’ALENA a poussé les grandes entreprises canadiennes à adopter
des stratégies réellement nord-américaines, avec la présence d’étatsuniens dans les conseils d’administration et en
implantant au moins autant d’usines aux Etats-Unis et au Mexique.
Le Mexique a connu le même genre d’évolution, même si l’ouverture est moins importante : de 1994 à 1999, les
échanges avec les USA et le Canada ont presque doublé.
L’ALENA est devenue le 2e partenaire commercial des USA.
2. Vers une américanisation culturelle ?
Pour le Canada = OUI  en mettant cependant à part la spécificité du Québec qui revendique et défend son
appartenance à la francophonie.
Pour le Mexique = la culture américaine a largement pénétré dans l’ensemble du pays, véhiculée par les médias, les
modes de consommation et les dollars des Mexicains installés aux Etats-Unis. Les cinéastes mexicains sont écrasés
par les films hollywoodiens. Des sports typiquement nord-américains se sont imposés au Mexique : le base-ball.
Donc OUI.
3. La ZLEA, vers une continentalisation définitive
Le 20 novembre 2003, 34 pays américains, à l’exception de Cuba, ont signé l’accord sur la ZLEA (Zone de LibreEchange des Amériques) qui doit entrer en vigueur en 2005 et qui semble concrétiser le projet original de Bill Clinton
formulé en 1994 : créer le plus grand marché commun du monde (800 millions de consommateurs).
Mais des difficultés subsistent à cause des diversités des législations commerciales, des oppositions croissantes de la
société civile, des rivalités entre le Brésil et les USA, ...
Conclusion : le littoral atlantique de l’Amérique du Nord apparaît donc comme une pièce maîtresse dans l’ouverture
interne et externe de l’Amérique du Nord ainsi que dans la continentalisation de l’Amérique. L’intégration est une
réalité incontestable mais diverse. L’ALENA en est aujourd’hui l’aspect et le moteur les plus saillants. Mais il ne faut
pas oublier l’existence des espaces particuliers que sont les espaces frontaliers qui apparaissent aujourd’hui comme
des prototype, qui ont joué un rôle indéniable de pionnier, et ce dès le début du XXe siècle pour les Grands Lacs
américano-canadiens. Mais cette intégration ne gomme pas les différences et les inégalités, d’une façade-mosaïque
dans lequel un espace transfrontalier comme la frontera est comme une sorte de miroir grossissant des contrastes et
des dissymétries qui caractérisent le littoral atlantique de l’Amérique du nord. Les Etats-Unis apparaissent ainsi
comme les grands bénéficiaires de l’intégration, même s’il faut insister sur les profits que les économies globales du
Mexique et du Canada ont tirés de l’ALENA. Mais cette intégration ne se fait pas sur un mode égalitaire : elle
apparaît dominée et au service des Etats-Unis que ce soit en termes de hard power ou de soft power, même s’il ne faut
pas oublier les interpénétrations dans le domaine culturel. On comprend alors pourquoi les Etats-Unis œuvrent à
étendre le libre-échange à l’échelle du continent. Mais la tentation hégémonique des Etats-Unis se heurte à une double
opposition : de la part de pays, à la tête desquels on trouve le Brésil, mais aussi de la part de la société civile qui
exprime son opposition à une démarche d’inspiration néolibérale. C’est ce qui pousse les Etats-Unis à garder
l’objectif, mais à privilégier les accords bilatéraux pour avancer dans la voie de la continentalisation. Bilatéralisme qui
s’inscrit d’ailleurs bien dans leur nouvelle façon d’envisager leurs rapports avec le reste d’un monde dont ils
entendent contrôler la marche.
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