Chapitre 1 : La puissance des Etats-Unis d’Amérique : Forces, mutations, limites Introduction A] Des attributs de puissance sans équivalent dans le monde 1. La suprématie économique 2. La maîtrise et la ressource de l’immensité 3. Un réseau de métropoles sans égal 4. Un pouvoir d’attraction migratoire sans rival 5. Un horizon nécessairement mondial où se conjuguent géo économie et géopolitique. B] Des mutations pour maintenir et renforcer la suprématie mondiale 1. Le spectre du déclin 2. Les mutations dans les domaines productif et spatial 3. Une grande capacité d’innovation : un nouveau modèle du capitalisme, vers une « nouvelle économie » C] Les limites à l’exercice du statut d’hyperpuissance 1. Les limites internes 2. Les limites externes Puissance, hyper puissance, hard power, soft power PIB, inflation, emploi, chômage, concurrentpartenaire, secteur, hard power, soft power, industrie de pointe, industrie touristique, marché intérieur, PIB/ppa, libre-échange, ALENA, immensité, resources, contraintes, réseaux de telecommunication, hub, métropole, mégapole, géoéconomie, géopolitique, réseau de multinationals, balance commerciale, puissance financière, organismes internationaux, accords bilatéraux, food power, messianisme, attraction migratoire, brain drain, hard power, soft power. Hégémonie, appareil de production, dollar as good as gold, fordisme, just in time, manufacturing belt, rust belt, capacité d’innovation, agro-business, structures d’exploitation, farmer, corporate farms, architecture spatiale, écharpes, dynamiques démographiques, héliotropisme, croissant périphérique, « climat d’affaires », espacearchipel, diagonale intérieure, nord-est, hyper-centre, edge-city, innovation, « nouvelle économie », nasdaq, économie d’actionnaires, NTIC Inégalités, working poors, hamburgers jobs, macdonaldisation, dimension ethnique, protection sociale, american dream, melting pot, salad bowl, farmer, corporate farms, déficit commercial, spéculation, dépendance, « guerre de l’eau », système-monde, OMC, « nouvel ordre mondial », « gendarme du monde », « globocop » A] Des attributs de puissance sans équivalent dans le monde 1. La suprématie économique Le pays le plus riche du monde 1e puissance économie et technologique du monde. RNB (Revenu National Brut) = 9 601 milliards de $ en 2000 (soit 30, 8% du RNB mondial) PIB/ppa = 34 000 $/hab/an 2e marché intérieur du monde derrière l’U.E. à 15. 3e pays le + peuplé (291,5 millions d’habitants en 2003) Un arsenal sans équivalent d’entreprises leaders Les USA comptent 39% des entreprises et sociétés les + importantes dans 51 secteurs de l’économie. Dans des secteurs comme la finance, les biotechnologies, l’agroalimentaire, les fonds d’investissement, ils occupent aux moins 13 des 20 premières places. Approche sectorielle de la puissance économique Cette puissance est industrielle. Ils utilisent à eux-seuls 25% des hautes technologies employées dans le monde. Les USA comptent 34 des 50 marques les + valorisés dans le monde. Les services occupent la place principale dans une économie largement tertiarisée. Ils assurent 72% du PIB et 72% de la population active. Ainsi, l’industrie touristique, la 1e du monde, emploie 8 millions de salariés (2e « employeurs » du pays) 2. La maîtrise et les ressources de l’immensité Un « pays-continent » maîtrisé par des réseaux à la mesure du défi de l’immensité 9, 364 millions de km 4e territoire mondial L’accessibilité de chacun des points du territoire est un principe de base de l’économie capitaliste libérale. La construction du 1e chemin de fer transcontinental (1869) a marqué le 1e pas vers la maîtrise globale du territoire et de son immensité. 82 000 km d’autoroutes Arsenal de réseaux unique au monde : façades maritimes, canaux, transport par tube, aéroports... Fin 1999, 110 millions d’Etatsuniens utilisant internet, soit plus de 36% des internautes mondiaux. Un potentiel de ressources de taille mondiale un sous-sol riche : 25% des réserves mondiales de charbon 2e producteur de pétrole minerais métalliques : minerai de fer, minerai non ferreux. Exploitation des gisements de potasse, des phosphates, de sel, de soufre... Le potentiel hydrographique est à la mesure de son immensité Les meilleurs sols sont dans la plaine centrale (Mississippi). 3. Les Etats-Unis d’Amérique disposent d’un réseau de métropoles unique au monde Les métropoles sont des agglomérations d’au moins 2 millions d’habitants capables de se connecter et d’intervenir à l’échelle mondiale sans nécessairement passer par la capitale économique, ici, New-York. New-York (mégalopole) Los Angeles (mégalopole) Chicago (mégalopole) Washington-Baltimore San Francisco Philadelphie Boston Detroit Dallas Houston Atlanta Miami Seattle Phoenix Minneapolis-St Paul Cleveland San Diego Denver Tampa Pittsburgh Portland 4. Un pouvoir d’attraction migratoire sans rival Les Etats-Unis sont historiquement une nation d’immigrants. Le 1e grand foyer récepteur du monde Depuis 1990, les USA accueillent, mais de manière sélective. Une partie de ces immigrants est composée d’intellectuels et de travailleurs hautement qualifiés (brain drain) 9% de la population est étrangère 50% viennent de l’Amérique latine, et 25,6% de l’Asie 6 Etats regroupent près des ¾ des étrangers parmi laquelle la Californie est en tête avec 31,3% des étrangers. 5. Un horizon nécessairement mondial où se conjuguent géo économie et géopolitique Les 1e commerçants du monde et un réseau de multinationales sans équivalent Les USA représentent 14,6% du commerce mondial (10,9% des exportations et 14,6% des importations) + de 35% des grandes firmes mondiales sont états-uniennes. L’espace de production des USA est mondial. 25% de la production est assurée hors du territoire national. 8 millions d’étrangers sont employés par les firmes des USA hors de leurs frontières. Elles sont aussi les principaux agents des IDE. La puissance financière et l’arme du contrôle des organismes internationaux et des accords bilatéraux le dollar : 50% des échanges mondiaux sont facturés dans cette monnaie 80% des transactions sur les marchés des changes se font en dollar. Capacité d’intervention dans les organismes internationaux : FMI, Banque mondiale, OMC... ils multiplient les accords commerciaux : + de 200 signés pendant le 1e mandat de Bill Clinton Un enjeu décisif pour le pouvoir fédéral Le pouvoir fédéral apparaît comme un promoteur actif de la puissance économique américaine à l’échelle mondiale. L’Etat fédéral intervient de manière classique : par le financement d’une partie de la recherche-développement publique qui représente 2,5% du PIB et il assume 45% des dépenses. Le domaine spatial (NASA), la politique monétaire font partie de ces attributions. Il multiplie les aides à l’agriculture pour maintenir le « food power » mondial. Des armes originales pour la suprématie géopolitique : la force sans équivalent du soft power De l’adhésion au système au modèle culturel déployé à l’échelle mondiale Leur force et leur expérience de travail sont des atouts considérables. Le modèle culturel, l’American way of life a conquis le monde. Il dispose de produits emblématiques (Coca-cola, McDonlards...) qui sont autant d’objets de propagande au service de la puissance des USA. Le dernier système messianique Après la chute du communisme, le modèle libéral capitaliste ne semble plus avoir de concurrent idéologique capable de rivaliser en face à face. Bilan : Les Etats-Unis disposent donc d’attributs de puissance (hard power, soft power) sans rivalité dans le monde. C’est pour cela que l’on est en droit de les qualifier d’hyperpuissante. Mais exercer une domination mondiale nécessite de faire en sorte qu’elle ne soit pas remise en cause, c’est ce qui explique l’ampleur des mutations entreprises dans les deux dernières décennies du XXe siècle pour continuer à exercer le leadership à l’échelle mondiale. B] Des mutations pour maintenir et renforcer la suprématie mondiale 1. Le spectre du déclin Les années 1970-80 ont été des années très dures pour les USA. Leur position hégémonique de l’après-guerre était profondément ébranlée. Cependant, comme ils avaient gagné la guerre, ils en avaient été « l’usine et l’arsenal ». Leur appareil de production tournait à plein régime d’où son augmentation. 50% de la production industrielle mondiale 75% du stock d’or « dollar as good as gold ». 2. Les mutations dans les domaines productif et spatial Du fordisme au juste à temps Une remise en cause du fordisme aux dimensions souvent dramatiques. Mis en place en 1920 à partir du domaine de l’automobile. Les exigences de progrès dans la productivité ont radicalisé son implantation pendant la guerre. Gains importants de productivité, la production de produits standardisés, travail à la chaîne... Ce système a fonctionné jusqu’à ce que l’affaiblissement des gains de productivité, la lourdeur de fonctionnement, les salaires jugés trop élevés, la concurrence japonaise ... ne poussent les industriels à le remettre en question. Le développement du juste à temps et des industries de pointe Des systèmes de production ont été réorganisés sur le modèle japonais. Parallèlement, de nouvelles modalités limitant les droits des salariés étaient établies. La manufacturing belt est ainsi devenue la Rust belt. Une nouvelle agriculture Le déséquilibre entre les 2% de la population active de l’agriculture et les 15% de celle de l’agro-alimentaire illustre cette évolution qui s’accompagnait d’importants progrès et investissements dans le domaine technologique (mécanisation, automatisation), celui des intrants (engrais, pesticides...), celui des méthodes de culture et d’élevage (irrigation, feed-lots). Corollairement, la concentration des exploitations (one man, one farm) progressait. Un nouvel acteur prenait de + en + de place et accélérait l’orientation capitalistique de l’agriculture : les corporates farms. Ce qui ébranlait la place centrale traditionnellement occupée par le farmer de Middle West. Les bouleversements spatiaux : une nouvelle architecture du territoire Les 3 écharpes Marquées par la montée en puissance d’un « croissant périphérique » de Seattle (nord-ouest) à Richmond (moitié côté est). Ce croissant périphérique est venu battre en brèche l’écrasante domination du Nord-Est, « la locomotive historique » des USA. Le Nord-Est concentre avec le croissant périphérique, l’essentiel des « régions motrices ». L’émergence du croissant périphérique est un fait majeur de la période - le grand bénéficiaire des restructurations industrielles du Nord-Est. - La dimension de ce croissant périphérique est immense. Il s’articule d’abord autour de région motrice comme la Californie, le Texas, la Floride puis à l’intérieur de ces régions et du croissant périphérique autour de mégapoles. Entre les deux principales écharpes, la diagonale intérieure se distingue par des densités souvent faibles, notamment à l’ouest, du fait des conditions physiques. C’est la « vraie périphérie » des USA. L’activité est majoritairement agricole, quelques métropoles (Saint-Louis, Denver, Salt Lake City) dominent un réseau peu hiérarchisé. Le solde migratoire est négatif et les dynamiques naturelles faibles. La mutation du Nord-Est Menacée par les restructurations et destructions industrielles draconiennes, par l’émergence du croissant périphérique, par la marque de la responsabilité du déclin des USA face à la concurrence internationale. Le nord-est s’est spécialisé dans la fonction d’ « hyper-centre » de l’espace états-unien. Il regroupe la majorité des sièges sociaux des 500 premières firmes états-uniennes, 16 des 25 premières universités, New-York apparaît comme le « centre du centre » avec 49 siège et son SBD, Manhattan... Des agglomérations aux edge-cities Les agglomérations ont aussi été le théâtre de nouvelles mutations. Extension périurbaine autour des principaux échangeurs et centre commerciaux = edge-cities. Un nouvel espace agricole : la remise en question des belts L’évolution de la cotton belt s’est déplacée vers l’ouest, la production s’effectue dans le cadre de grandes exploitations capitalistes, avec le recours à l’irrigation. 3. Une grande capacité d’innovation : un nouveau modèle du capitalisme, vers une « nouvelle économie » Le boom de l’informatique et des industries de l’information Les USA possèdent 50% du parc mondial des ordinateurs, ½ travailleur a recours à l’informatique. 40% des investissements des entreprises américaines sont consacrés à l’informatique et aux télécommunications contre 15% il y a 10 ans Start-up : petites entreprises qui débutent nasdaq : un indice boursier spécifique aux nouvelles technologies Une économie d’actionnaires La domination de la finance est un des autres aspects de cette « nouvelle économie » qui peut être considérée comme une économie d’actionnaires. Beaucoup d’étatsuniens participent aux retraites et fonds communs de placement. Une économie tertiaire Un des derniers aspects de la « nouvelle économie », c’est sa tertiairisation : les services représentent 72% de la population active et la même part du PIB. Bilan : Les mutations mises en œuvre se caractérisent donc par leur ampleur. Elles ont permis aux USA de couper court à la spirale du déclin et de retrouver un statut de modèle à l’échelle du monde. Mais il est nécessaire de mettre en évidence les limites de ce nouveau modèle. C] Les limites d’une hyper puissance en question 1. Les limites internes Des inégalités aux fortes dimensions ethniques, et qui s’accroissent Les inégalités économiques Le PIB par tête est l’un des + élevés du monde, mais cela ne doit pas cacher l’existence de fortes inégalités. Ainsi, en 2001, 32,9 millions de personnes vivaient en dessous du seuil de pauvreté contre 31,6 millions en 2000. Cette pauvreté s’explique par le chômage mais aussi par le faible niveau de beaucoup de salaires qui font d’un nombre grandissant de salariés des « working poors » ainsi que par la multiplication des emplois précaires (« petits boulots » Macdonaldisation) Blancs touchés par la pauvreté 9,7% Asiatiques 10,3% Hispaniques 22% Noirs 23% Native American 25% D’une manière générale, les zones où la pauvreté est forte comme le croissant sud sont celles où les minorités sont nombreuses et où le développement économique généré par le « bon climat d’affaires » est particulièrement inégalitaire. L’accès à la santé Insuffisance de la protection sociale. La sécurité sociale n’existe pas. L’assurance souscrite à titre privée s’avère donc nécessaire, à condition de pouvoir la payer. Seuls les démunis avec Madicaid, les personnes âgées et les handicapés avec Madicare ont droit à une couverture sanitaire. En conséquence, + de 10% des états-uniens, ceux qui ont un revenu trop élevé pour bénéficier de Medicaid mais trop faible pour pouvoir payer des assurances prévues, sont exclus de la protection sociale. L’éducation La grande majorité des chômeurs est sans formation initiale. 22% de la population est illetré (44% des Noirs et 56% d’hispanophones). L’habitat et les conditions spatiales Les inégalités les + flagrantes sont en ville. Les villes sont marquées par la ségrégation socio-spatiale et ethnique. -Les pauvres : ghettos urbains situés à proximité des centres ainsi que les quartiers taudifiés, - Classe moyenne («middle class ») réside de préférence dans les immenses et souvent lointaines banlieues périphériques. - Le développement des gated communities que certains qualifient d’ « apartheid urbain » est une des manifestations de la ségrégation spatiale. Ces gated communities sont constituées par des lotissements réservés aux classes aisées. Ils sont entourés de grilles, gardées jour et nuit, et l’entrée y est sévèrement réglementée. Salad bowl contre Melting pot La pauvreté a donc une forte dimension ethnique. Le rêve américain consistait au « melting pot » où toutes les nationalités auraient fusionné pour former l’Américain. Cependant, le comportement communautariste, qui est plutôt concret, préfère le « salad bowl ». L’affaiblissement de l’appareil national de production ? Délocalisation d’une part importante de la production industrielle dans les pays ou régions du monde jugées intéressantes en termes de réalisation de profits à plus ou moins long terme. Augmentation de 50,5% de 1990 à 2001 de la valeur ajoutée de leur industrie. - L’explosion des déficits le déficit du commerce extérieur (conséquence des délocalisations & de la multinationalisation de la production états-unienne) la balance des paiements qui mesure les soldes du commerce extérieur et de la balance des capitaux et des services Les difficultés du nouveau modèle Deux problèmes : - l’éclatement d’une gigantesque bulle spéculative - le scandale Enron, une société de courtage en énergie accusée d’avoir truqué ses comptes et trompé ses actionnaires 2. Les limites externes Entre dépendance et concurrence : les limites géo économiques Dépendance énergétique : les USA importent 25% du pétrole brut qu’ils consomment Concurrence aggravée par le développement du libre-échange mis en œuvre dans le cadre du GATT, puis de l’OMC. Les limites géopolitiques - la défense du statut d’hyperpuissance « Gendarme mondial » ou « globocop » Développement de l’unilatéralisme : les USA semblent se désengager des OIG comme l’ONU, des alliances... (Ils n’ont pas hésité à intervenir en Irak contre l’avis de l’ONU + ils refusent d’appliquer les conclusions de la conférence de l’environnement de Kyoto (1997) visant à faire baisser l’émission des gaz à effet de serre) - le développement de la contestation mondiale Bilan : Les limites sont donc importantes. La société états-unienne se doit d’apporter des réponses aux nombreux défis internes, mais l’orientation très néolibérale des dirigeants étatsuniens n’incite guère à l’optimisme dans ce domaine. Le constat est le même pour ce qui est des limites externes. Conclusion : l’examen des différents attributs de la puissance permet donc de conférer un statut incontestable d’hyperpuissance aux USA. Dans le cadre nouveau d’un monde tripolaire organisé en système et structuré par de nombreux réseaux, l’horizon mondial est indissociable de l’affirmation de la puissance. C’est la sensibilisation des USA à ce problème qui les a poussés à engager des mutations, de façon à faire face à l’accroissement de la concurrence internationale, symbolisée essentiellement par l’émergence du Japon. Ces mutations, dont beaucoup participent au développement des divers processus de mondialisation, se caractérisent par une ampleur qui témoigne de la capacité d’adaptabilité et d’innovation du capitalisme étatsuniens. Elles ont permis aux USA de couper court à la spirale du déclin et de retrouver un statut de modèle à l’échelle du monde. Mais la mise en œuvre du nouveau modèle ne se fait pas sans difficultés car les USA sont aux prises avec des limites d’ordre interne & externe. Si ces limites, dont certaines apparaissent comme des contraintes indissociables du statut d’hyperpuissance, ne constituent pas vraiment des obstacles à l’exercice de la puissance, elles en apparaissent néanmoins comme des problèmes qui contribuent à fragiliser une société américaine de plus en plus inégalitaire. Pout ce qui est des limites externes, la possibilité de réactions des USA peut varier en fonction de leur contexte politique interne. Pour ce qui concerne les limites internes actuelles, la société étatsunienne se doit d’apporter des réponses aux problèmes, voire défis posés. Mais à l’exemple de l’accroissement des inégalités, l’étroite relation de certaines de ces difficultés avec le développement et la mode des théories néolibérales met en doute la volonté et la possibilité de les résoudre toutes. Chapitre 2 : La façade Atlantique de l’Amérique du Nord A] Une façade mosaïque 1. Hétérogénéité et unité des conditions et ressources naturelles 2. Des histoires entre points communs et différences 3. Quelle organisation de l’espace ? B] Une façade en voie d’intégration, mais aux ouvertures inégales 1. Un facteur décisif : l’ALENA 2. Des espaces transfrontaliers traits d’union entre pays, qui concrétisent l’intégration 3. Une capacité d’ouverture inégale C] Intégration des Amériques, ou intégration aux Etats-Unis ? 1. L’ALENA au service des Etats-Unis ? 2. Vers une américanisation culturelle ? 3. La ZLEA, vers une continentalisation définitive ? Façade, littoral, Etat côtier, région transfrontalière, mosaïque, zonation climatique, colonisation, indépendance, dominion, doctrine Monroe, continent, peuplement, organisation de l’espace, différenciation, espace économique, façade maritime, PIB, IDH Intégration, ouverture, ALENA, libreéchange, libéralisation, IDE, délocalisation industrielles, flux migratoires, taux de couverture, commerce extérieur, PIB, espace transfrontalier trait d’union, espace interface, maquiladora, frontera, dissymétrie, barrière, spanglish, port, aéroport, réseaux d’information Hard power, soft power, rapport de forces, intégration continentale, américanisation culturelle, médias, modes de consommation, american way of life, interpénétration, cultures, ZLEA, continentalisation, accords bilatéraux, législations commerciales, MERCOSUR, société civile, opinion publique, leadership A] Une façade mosaïque 1. Hétérogénéité et unité des conditions et ressources naturelles la façade atlantique, c’est d’abord un littoral On peut diviser le littoral en deux : jusqu’en Virginie : les côtes sont favorables à la navigation ; au sud, les conditions sont moins bonnes (marécages...) + 2 fleuves mettent en contact les littoraux et l’intérieur : le Saint-Laurent + le Mississippi l’hétérogénéité est essentiellement liée aux différences bioclimatiques qui s’expliquent par la dimension en latitude Du Nord au Sud : - climat subarctique - climat continental humide à étés frais climat continental humide à étés chauds climat subtropical humide à étés chauds climat tropical humide (extrême pointe de la Floride) L’importance des précipitations est un trait commun à la façade littorale (sauf pour la région des Grands Lacs) la répartition des ressources minérales et énergétiques les hydrocarbures se concentrent dans le Golf du Mexiques aux USA et au Mexique 2. Des histoires entre points communs et différences Des territoires colonisés Le littoral a servi de porte d’entrées à la colonisation. Les 3 Etats ont été colonisés au dépourvu des Indiens. Dès 1522, l’espagnol Cortès entreprend la conquête du Mexique. Pour les Etats-Unis, la colonisation anglaise commence à la fin du XVIe siècle. En 1713, la France cède le Canada à la Grande-Bretagne. Ainsi, les USA + le Canada développeront une identité essentiellement anglo-saxonne et s’intégreront dans le développement du capitalisme industriel à partir de la fin du XIXe siècle. Des indépendances plus ou moins précoces et des relations qui ont pu être conflictuelles 1783 indépendances des Etats-Unis 1813 indépendances du Mexique 1931 indépendances du Canada Les relations conflictuelles concernent les Etats-Unis et le Mexique. De 1846 à 1848 le Texas sera l’enjeu d’une guerre entre les USA et le Mexique De 1861 à 1865 aux USA, la guerre de Sécession oppose le Nord protectionniste pour son industrie et anticolonialiste et le Sud non protectionniste (il vend son coton contre des machines) et esclavagiste. victoire du Nord La doctrine Monroe : un destin déjà commun : En 1823, le président des USA, James Monroe énonce ses conceptions diplomatiques : « l’Amérique aux Américains ». Les USA ayant reconnu l’année précédente l’indépendance des nouvelles républiques latinoaméricaines, la colonisation européenne n’existe plus ! Les USA considéreront toute intervention de l’Europe dans les affaires du continent américain comme une menace pour leur sécurité et la paix. A ce titre, ils s’instituent les gendarmes du continent américain. En contrepartie, les USA s’engagent à ne pas intervenir dans les affaires diplomatiques européennes. Histoire + peuplement + économie : un découpage régional qui transcende les frontières nationales 3. Quelle organisation de l’espace ? Opposition entre les Etats-Unis et le Canada d’un côté et le Mexique de l’autre. USA + Canada pays du Nord + Mégalopolis et agglomérations de + de 2 millions d’habitants (New-York...) USA détenant tous les attributs de la puissance économique : PIB, réseau urbain, activités... Canada peu peuplé mais fort PIB & IDH Mexique pays du Sud ; faible PIB mais fortement peuplé B] Une façade en voie d’intégration, mais aux ouvertures inégales 1. Un facteur décisif : l’ALENA Un accord essentiellement commercial L’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain ; en anglo-saxon : NAFTA) a été signé entre USA, Canada et Mexique le 17 décembre 1992. Il est entré en application en 1994. Il succédait à une entente bilatérale l’Accord de libre-échange Canada/USA existant depuis 1989. Par cet accord, les trois Etats s’engagent à respecter un ensemble de règles économiques communes. - Pourquoi ? Les USA ont compris dans les années 1980 la nécessité de s’engager dans un processus d’intégration continentale tel que celui de l’Europe occidentale. L’ALENA regroupe 2 pays du Nord (USA ; Canada) et un pays du Sud (Mexique), facteur important en termes d’IDE, de délocalisations industrielles et de flux migratoires. - Quelle traduction commerciale ? Forte intégration commerciale. - Une intégration cependant beaucoup moins aboutie que celle de l’U.E Le processus de construction de l’U.E. a commencé avec près de 4 décennies avant celui de l’ALENA. L’espace de l’ALENA n’est pas un espace unique : il n’y a pas de tarif douanier commun, mais les barrières douanières doivent être abolies dans un délai maximum de 15 ans pour des secteurs comme le textile, l’agriculture et les services financiers. La libre-circulation des hommes n’est pas en œuvre : les Mexicains ne peuvent pas entrer aux USA. Il n’y a pas de monnaie commune comme l’Euro. 2. Des espaces transfrontaliers traits d’union entre pays, qui concrétisent l’intégration a. Au Nord, les Grands Lacs Les Grands Lacs sont d’abord un espace dont l’unité naturelle repose sur les 5 lacs qui ont donné le nom à la région. Mais les aménagements humains jouent aussi un grand rôle. b. Au Sud, la frontières Etats-Unis/Mexique, la frontera Maquiladoras : l'équivalent latino-américain des zones de traitement pour l'exportation. Ce terme désigne une usine qui bénéficie d'une exonération des droits de douane pour pouvoir produire à un moindre coût des marchandises assemblées, transformées, réparées ou élaborées à partir de composants importés ; la majeure partie de ces marchandises est ensuite exportée. C’est un espace fortement dissymétrique, et cette dissymétrie éclate pour ce qui concerne les flux migratoires. Pour les Mexicains, la frontière est une véritable barrière. Les Etats-Unis ont mis en place des contrôles policiers extrêmement sévères pour, selon eux, essayer de limiter l’immigration clandestine. Ce qui n’empêche pas les Mexicains de tenter leur chance, au péril de leur vie. 3. Une capacité d’ouverture inégale a. En termes portuaires et aéroportuaires - Gérard Dorel affirme que « ce sont les villes [portuaires] qui assurent aujourd’hui l’articulation des Etats-Unis avec le reste du monde. C’est là que le concept d’interface est probablement le plus opératoire pour exprimer des lieux à la fois absorbants et irradiants ». Les Etats-Unis est le pays qui contient le plus de ports des 3 et le Mexique, le moins. - la façade états-unienne contient 11 aéroports de taille mondiale, le Canada 1 seul, le Mexique aucun. b. En termes de réseaux d’information Les Etats-Unis n’ont pas de rivaux : 60% des étatsuniens utilisent Internet, 51% des Canadiens et 3,3% des Mexicains. c. En termes d’interfaces urbaines = ports, aéroports, World Trade Center, sièges sociaux et autres centres de décision... Le Mexique apparaît en position de faiblesse contrairement au Canada et aux Etats-Unis. Le Canada a 2 agglomérations : Toronto (4,6 millions d’habitants) + Montréal (3,5 millions d’habitants). De plus, les Etats-Unis disposent du Mégalopolis. Celui-ci concentre 4 des grands géopolitiques mondiaux dont 3 se situent à Washington : la Maison-Blanche (résidence du président), le Capitole (législatif), le Pentagone (défense) et à NewYork, le siège de l’ONU. Il accueille également de prestigieux centres de recherche et universités comme Harvard... globalement, le Mégalopolis réunit toute la façade est des USA. C] Intégration des Amériques, ou intégration aux Etats-Unis ? 1. L’ALENA au service des Etats-Unis ? Le Canada remporte le plus important taux d’ouverture commerciale. Depuis 1989, les exportations du Canada vers les Etats-Unis ont augmenté de 169%. La part de production de marchandises exportée aux USA est devenue plus grande que celle consommée sur place. En outre, l’ALENA a poussé les grandes entreprises canadiennes à adopter des stratégies réellement nord-américaines, avec la présence d’étatsuniens dans les conseils d’administration et en implantant au moins autant d’usines aux Etats-Unis et au Mexique. Le Mexique a connu le même genre d’évolution, même si l’ouverture est moins importante : de 1994 à 1999, les échanges avec les USA et le Canada ont presque doublé. L’ALENA est devenue le 2e partenaire commercial des USA. 2. Vers une américanisation culturelle ? Pour le Canada = OUI en mettant cependant à part la spécificité du Québec qui revendique et défend son appartenance à la francophonie. Pour le Mexique = la culture américaine a largement pénétré dans l’ensemble du pays, véhiculée par les médias, les modes de consommation et les dollars des Mexicains installés aux Etats-Unis. Les cinéastes mexicains sont écrasés par les films hollywoodiens. Des sports typiquement nord-américains se sont imposés au Mexique : le base-ball. Donc OUI. 3. La ZLEA, vers une continentalisation définitive Le 20 novembre 2003, 34 pays américains, à l’exception de Cuba, ont signé l’accord sur la ZLEA (Zone de LibreEchange des Amériques) qui doit entrer en vigueur en 2005 et qui semble concrétiser le projet original de Bill Clinton formulé en 1994 : créer le plus grand marché commun du monde (800 millions de consommateurs). Mais des difficultés subsistent à cause des diversités des législations commerciales, des oppositions croissantes de la société civile, des rivalités entre le Brésil et les USA, ... Conclusion : le littoral atlantique de l’Amérique du Nord apparaît donc comme une pièce maîtresse dans l’ouverture interne et externe de l’Amérique du Nord ainsi que dans la continentalisation de l’Amérique. L’intégration est une réalité incontestable mais diverse. L’ALENA en est aujourd’hui l’aspect et le moteur les plus saillants. Mais il ne faut pas oublier l’existence des espaces particuliers que sont les espaces frontaliers qui apparaissent aujourd’hui comme des prototype, qui ont joué un rôle indéniable de pionnier, et ce dès le début du XXe siècle pour les Grands Lacs américano-canadiens. Mais cette intégration ne gomme pas les différences et les inégalités, d’une façade-mosaïque dans lequel un espace transfrontalier comme la frontera est comme une sorte de miroir grossissant des contrastes et des dissymétries qui caractérisent le littoral atlantique de l’Amérique du nord. Les Etats-Unis apparaissent ainsi comme les grands bénéficiaires de l’intégration, même s’il faut insister sur les profits que les économies globales du Mexique et du Canada ont tirés de l’ALENA. Mais cette intégration ne se fait pas sur un mode égalitaire : elle apparaît dominée et au service des Etats-Unis que ce soit en termes de hard power ou de soft power, même s’il ne faut pas oublier les interpénétrations dans le domaine culturel. On comprend alors pourquoi les Etats-Unis œuvrent à étendre le libre-échange à l’échelle du continent. Mais la tentation hégémonique des Etats-Unis se heurte à une double opposition : de la part de pays, à la tête desquels on trouve le Brésil, mais aussi de la part de la société civile qui exprime son opposition à une démarche d’inspiration néolibérale. C’est ce qui pousse les Etats-Unis à garder l’objectif, mais à privilégier les accords bilatéraux pour avancer dans la voie de la continentalisation. Bilatéralisme qui s’inscrit d’ailleurs bien dans leur nouvelle façon d’envisager leurs rapports avec le reste d’un monde dont ils entendent contrôler la marche.