Démocrite 1
Démocrite
Pour les articles homonymes, voir Démocrite (homonymie).
Démocrite dAbdère
Philosophe grec
Antiquité
Démocrite riant, huile sur toile d'Hendrick ter Brugghen, 1628
Données clés
Naissance 460 av. J.-C.
Décès 370 av. J.-C.
École/tradition Présocratiques
Principaux intérêts Métaphysique, mathématiques, astronomie
Idées remarquables Atomisme
Influencé par Mélissos, Leucippe
A influencé Épicure, Pyrrhon, Lucrèce, Aristote, Montaigne, Severino, Santayana, Nietzsche, Michel Onfray
Démocrite dAbdère (en grec Δημόκριτος / Dêmókritos, «Žchoisi par le peupleŽ»), né vers 460 av. J.-C. à Abdère et
mort en 370 av. J.-C., était un philosophe grec considéré comme un philosophe matérialiste en raison de sa
conviction en un Univers constitué d'atomes et de vide.
Il a été un disciple de Leucippe, le fondateur de l'atomisme ; Diogène Laërce attribua injustement l'ouvrage de
Démocrite à propos de l'atomisme à Epicure. Ses contributions exactes sont difficiles à démêler de celles de son
mentor Leucippe, car ils sont souvent mentionnés ensemble dans les textes des doxographes. Leurs spéculations sur
les atomes se rapprochent de la compréhension du XIXeŽsiècle de la structure atomique qui a conduit certains à
considérer Démocrite comme le plus scientifique des philosophes grecs, mais leurs idées reposaient sur des bases
très différentes. Largement ignoré dans l'Athènes antique, Démocrite était pourtant bien connu de son compatriote
Aristote. Platon, lui, aurait tellement détesté Démocrite qu'il a souhaité que tous ses livres fussent brûlés.
Aujourd'hui, beaucoup considèrent Démocrite comme le « père de la science moderne »[1].
Démocrite 2
Il est souvent classé parmi les Présocratiques[2] du point de vue philosophique, bien qu'il ne soit qu'un peu plus jeune
que Socrate, et qu'il soit mort quelque trente années après lui.
Biographie
Démocrite méditant sur le siège de l'âme par
Léon-Alexandre Delhomme dans le jardin du
musée des beaux-arts de Lyon. Inscription sur la
plaque : « Hippocrate arriva dans le temps que
celui qu'on disait n'avoir raison ni sens cherchait
dans l'homme et dans la bête quel siège a la
raison, soit le cœur, soit la tête. La Fontaine »[3]
Démocrite, troisième fils dHégésistrate, dAthénacrite ou de
Damasippe, est né à Abdère, dans la 80e olympiade (460457) ou,
selon dautres, dans la 77e (en 470 - 469). Actif vers 433 av. J.-C., il
serait mort à lâge de 103 ans (entre 366 et 356).
Il fut éduqué par des mages perses qui lui apprirent la théologie et
lastronomie, après que Xerxès Ier, roi des Perses, eut atteint Abdère en
480 av. J.-C[4] puis fut le disciple de Leucippe, actif vers 440 av. J.-C
Un grand voyageur
Après avoir hérité dune forte somme dargent de son père, il voyagea
beaucoup.
Démocrite apprit la géométrie auprès des prêtres dÉgypte, et
lastrologie en Perse[5]. Il aurait également voyagé en Inde, où il aurait
rencontré les gymnosophistes, en Éthiopie et en Babylonie. Il serait
même allé à Athènes, rencontrant Socrate sans s'en faire connaître, par
indifférence pour la gloire. Selon Diogène Laërce, le personnage
inconnu des Rivaux (dialogue apocryphe de Platon) qui discute de
philosophie avec Socrate pouvait être Démocrite. Ce passage à
Athènes était néanmoins considéré déjà comme douteux dans
lAntiquité.
« De tous mes contemporains jai parcouru la plus grande partie
de la terre, en étudiant les sujets les plus grands. Jai vu le plus
de climats et de pays. Jai entendu la plupart des hommes doctes,
et personne encore ne ma surpassé dans lart de combiner les
lignes et den démontrer les propriétés, pas mêmes les arpenteurs dÉgypte, avec qui jai passé cinq ans en terre
étrangère. »
ŽCité par Clément d'Alexandrie, Stromates [(en)Ž lire en ligne [6]], I, 15, 69.
De retour de ses voyages, ayant dilapidé sa fortune, une disgrâce imprévue l'attendait. Ses ennemis l'accusèrent
d'avoir dissipé tout son patrimoine en des voyages inutiles entrepris par une vaine curiosité. Le Philosophe parut
devant le Sénat d'Abdère, et pour toute défense, il se contenta de lire les premières pages d'un Traité nommé Grand
ordre du monde qu'il venait de finir. Les Juges frappèrent des mains, et lui donnèrent mille louanges ainsi qu'une
récompense de 500 talents. Il vécut ensuite dans la pauvreté, et fut entretenu par Damaste, son frère.
Dautre part, Pline l'Ancien lui prête (la même anecdote est attribuée à Thalès, en des termes légèrement différents)
davoir prouvé à ses concitoyens qui « dénigraient les études auxquelles il se livrait », quil était capable de senrichir,
bien que cela ne lintéressât point car selon lui, «Žcelui qui sait jouir du peu qu'il a est toujours assez richeŽ». Il aurait
procédé de la façon suivante : évaluant sur des considérations astrologiques une hausse du cours de lhuile, il a
acheté la plupart des stocks pour les revendre à la montée des cours. Les notables auraient alors constaté tant son
intelligence que son indifférence pour le gain (et/ou son honnêteté) lorsquil rendit la marchandise sans demander le
fruit de sa spéculation[7].
Démocrite 3
Démocrite et Protagoras
Démocrite et Protagoras, Salvator Rosa
(1615-1673)
Aulu-Gelle raconte que Démocrite, se promenant un jour aux environs
d'Abdère, rencontra un portefaix nommé Protagoras, qui portait une
charge de bois retenue par un seul lien et placée dans un équilibre tel
que sa pesanteur en était comme diminuée. Le philosophe demanda à
Protagoras qui lui avait appris à mettre ainsi son fardeau en équilibre.
Protagoras répondit qu'il avait trouvé lui-même ce moyen, et, pour le
prouver, il défit à l'instant son fagot et le rétablit ensuite en peu de
temps avec le même soin. Frappé de l'intelligence de cet homme,
Démocrite lui aurait alors proposé de l'admettre au nombre de ses
disciples. Protagoras aurait accepté et devint ensuite un philosophe
sophiste.
Cette anecdote s'accorde toutefois mal avec les dates actuellement
retenues pour Démocrite (-460, soit de 30 ans plus jeune que
Protagoras), et l'hypothèse d'une relation entre Démocrite et Protagoras
pourrait être elle-même une invention tardive[8].
Sciences
Théophraste a critiqué les théories dans ses ouvrages : Selon
Démocrite, « le soleil repoussant et chassant l'air le condense », ce que Théophraste juge absurde[9]. Il reproche
notamment à Démocrite de ne pas tout expliquer de la même manière, pas même tout ce qui rentre dans le même
genre.
Un savoir encyclopédique
Daprès Démétrios de Phalère[10] Démocrite, passionné de connaissances, senferma dans une cabane au fond de son
jardin pour étudier. Il connaissait la physique, léthique, les mathématiques, les arts, et possédait une vaste culture
générale. Il semble avoir été partisan des pythagoriciens, et il admirait Pythagore (un des ouvrages qu'on lui attribue
a pour titre Pythagore, ou de létat de la sagesse). Peut-être même fut-il en rapport avec Philolaos de Crotone. Le
savoir de Démocrite était donc immense. Cette polymathie le fit surnommer la science (sophia).
Ses dons dobservation, qui vont grossir l'image légendaire d'un Démocrite capable de déductions subtiles, fondées
sur des observations qui échappent aux autres mortels et relevant plus ou moins de la magie, étonnaient ses
contemporains, et plusieurs anecdotes sont rapportées à ce propos :
« On dit quune jeune fille accompagnait Hippocrate, et que le premier jour Démocrite lui dit « bonjour, vierge
», et le lendemain « bonjour, femme ». Et en effet, la jeune fille avait perdu sa virginité pendant la nuit. »
ŽDiogène Laërce, Vies, IX, 42.
Démocrite 4
Luca Giordano, Démocrite.
Une vie de reclus
Sa popularité ne rendit pas Démocrite plus sociable. Il s'appliqua au
contraire davantage à l'étude ; et afin de n'être point détourné par les
visites importunes et les conversations de parade, si ordinaires entre les
savants, il rechercha la solitude et les ténèbres. «ŽRarement, dit
Cicéron, quittait-il son cabinet : il vivait parmi les hommes, comme s'il
n'y avait point d'hommes au monde.Ž» Une nouvelle retraite l'attira
encore, et il crut qu'il y serait mieux caché. C'étaient des sépulcres
sombres, et éloignés de la ville. Lucien de Samosate[11] dit que
Démocrite était fortement persuadé que l'âme mourait avec le corps, et
que tout ce qu'on raconte des spectres, des fantômes et du retour des
esprits, était par conséquent une chimère. Dans ces tombeaux,
Démocrite passait des semaines entières pour étudier plus
tranquillement : là il ne se livrait qu'à de profondes méditations. Des
jeunes gens essayèrent de lui faire peur ; ils se déguisèrent en spectres,
ils prirent les masques les plus affreux, et vinrent le trouver dans sa
retraite avec ce qu'ils crurent le plus capable de lui inspirer de l'effroi. Mais Démocrite ne daigna pas les regarder, et
se contenta de leur dire tout en écrivant : «ŽCessez donc de faire les fousŽ».
Le rire de Démocrite
Son caractère rieur devint légendaire et on l'opposa au caractère irritable d'Héraclite :
« Toute rencontre avec les hommes fournissait à Démocrite matière à rire. »
ŽJuvénal, Satires, X, V, vers 47.
Ainsi, Rabelais, dans le 20e chapitre du Gargantua, décrit les deux personnages Eudémon et Ponocrates en train de
pleurer de rire suite au discours captieux du sophiste Janotus de Bragmardo : «ŽDe ce fait, ils se trouvraient
représenter Démocrite héraclitisant, et Héraclite démocritisant.Ž»
Hippocrate de Cos.
Dans l'iconographie, Démocrite est souvent représenté en train de rire
car sa propension à rire de tout et à vivre isolé du monde le fit
considérer comme un fou par ses compatriotes (le rire de Démocrite est
cité à plusieurs reprises dans lÉloge de la folie dÉrasme) à tel point
qu'on fit venir le médecin Hippocrate pour le traiter. Au lieu d'un
malade qui avait besoin de secours prévenants, il trouva un philosophe
judicieux et appliqué, assis tranquillement à l'ombre sur un vert gazon.
Le philosophe avait un livre sur ses genoux : plusieurs autres étaient
répandus à sa droite et à sa gauche et comme à son habitude, il rit
beaucoup en discutant avec le médecin.
« Quelle est la cause de cette joie ? Mes discours ont-ils quelque
chose qui vous choque ? »
Après quelques moments de silence, le philosophe commença un
discours merveilleux sur les bizarreries et les disparités du genre
humain. Il fit voir que rien n'est plus comique ni plus risible que toute
la vie ; qu'elle s'emploie à chercher des biens imaginaires, à former des
Démocrite 5
Héraclite par Johannes Moreelse, XVIIeŽsiècle.
projets qui demanderaient plusieurs vies ajoutées l'une à l'autre ; qu'elle
échappe au moment même où l'on ose le plus compter sur ses forces,
où l'on s'appuie davantage sur la durée, qu'elle n'est enfin qu'une
illusion perpétuelle qui séduit d'autant plus vite, qui séduit d'autant plus
aisément, qu'on porte avec soi-même le principe de la séduction.
« Je voudrais, continua Démocrite, que l'Univers entier se
dévoilât tout d'un coup à nos yeux. Qu'y verrions-nous, que des
hommes faibles, légers, inquiets, passionnés pour des bagatelles,
pour des grains de sable ; que des inclinations basses et ridicules,
qu'on masque du nom de vertu ; que de petits intérêts, des
démêlés de famille, des négociations pleines de tromperie, dont
on se félicite en secret et qu'on n'oserait produire au grand jour ; que des liaisons formées par hasard, des
ressemblances de goût qui passent pour une suite de réflexions ; que des choses que notre faiblesse, notre
extrême ignorance nous portent à regarder comme belles, héroïques, éclatantes, quoiqu'au fond elles ne soient
dignes que de mépris ! Et après cela, nous cesserions de rire des hommes, de nous moquer de leur prétendue
sagesse et de tout ce qu'ils vantent si fort. »
«ŽCe discours que j'ai abrégé exprès, remplit Hippocrate de surprise et d'admiration. II s'aperçut que, pour être
véritablement philosophe, il fallait se convaincre en détail qu'il n'y a presque dans le monde, que des fous et des
enfants. Des fous plus dignes de pitié que de colère ; des enfants qu'on doit plaindre et contre lesquels il n'est jamais
permis de s'aigrir, ni de se fâcherŽ»[12].
Après examen, Hippocrate déclara Démocrite « sage entre les sages, seul capable dassagir les hommes ».
On oppose souvent le rire de Démocrite aux pleurs d'Héraclite.
« Quant aux sages, Héraclite et Démocrite, ils combattaient la colère, l'un en pleurant, l'autre en riant. »
ŽStobée, Florilège, III, XX, 53.
Le rire de Démocrite était un rire triste et satirique, une forme de résistance. Il rit de la folie, du ridicule et plus
généralement de la bêtise des hommes. Le monde est comique pour Démocrite, tragique pour Héraclite. Démocrite
se contente du monde tel qu'il est et préfère rire des défauts de la société plutôt que d'en pleurer. Il considère que le
spectacle du monde est immuable et que la seule alternative à la mélancolie est l'hédonisme.
Fin de vie
Il devint aveugle, sans que lon connaisse la cause exacte de sa cécité qui a pris, elle aussi, un tour légendaire :
« [...] Démocrite sest volontairement privé de la lumière des yeux, parce quil estimait quen méditant sur les
causes naturelles, ses pensées et ses réflexions auraient plus de vigueur et de justesse sil les délivrait des
entraves apportées par les charmes séducteurs de la vue. »
ŽAulu-Gelle, Nuits attiques [détail des éditions] [ lire en ligne [13]], X, 17.
Tertullien précise qu'il se serait aveuglé pour échapper aux simulacres des séductions féminines. Mais ce point est
nié par Plutarque[14].
Il mourut vers lâge de 103 ans, et fut enterré aux frais de lÉtat. Il semble sêtre laissé mourir[15], en mangeant de
moins en moins, pour quitter la vieillesse qui affaiblissait sa mémoire, et mourut dépuisement. Voici une anecdote
romancée assez amusante :
« On raconte que Démocrite d'Abdère prit lui-même la décision de mettre fin à ses jours en raison de sa
vieillesse, et se priva de nourriture quotidienne ; c'était l'époque où avaient lieu les Thesmophories. Mais les
femmes de sa maison le prièrent de ne pas mourir pendant la fête, afin de pouvoir se consacrer entièrement à
sa célébration ; et après s'être laissé convaincre, il leur ordonna de lui apporter un pot rempli de miel ; il
1 / 14 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !