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En 1915, il se marie avec Friederike von Winternitz, dont il
divorcera en 1938, puis, en 1919, quitte Vienne pour venir s'ins-
taller à Salzbourg. De cette époque datent ses écrits les plus
célèbres : Vingt-quatre heures de la vie d'une femme, Amok, La
Confusion des Sentiments, La Peur... En l'espace de dix ans, il
publie ainsi une dizaine de nouvelles et autant d'essais remar-
quables sur Dostoïevski, Tolstoï, Nietzsche, Freud, Stendhal...
Suivent alors une série de biographies, genre où il excella et qui
fit sa notoriété internationale.
Dès 1933, avec la montée d'Hitler, l'antisémitisme grandit en
Allemagne où les livres de Zweig sont brûlés dans des auto-
dafés. En 1934, Zweig, qui écrit une biographie de Marie Stuart,
s'installe en Angleterre, et ne revient plus à Vienne que pour de
brefs séjours. Il voyage encore en Amérique du Nord, au Brésil
et en France, mais le climat de l'époque est déjà troublé par
l'imminence de la guerre. En 1939, alors qu'il s'est retiré à Bath,
près de Londres, pensant y oublier l'irrésolution du monde, il y
apprend l'invasion de la Pologne. Remarié avec sa secrétaire
anglaise Lotte Elizabeth Altmann le 6 septembre 1939, et lui-
même naturalisé en mars 1940, il préférera s'exiler avec elle au
Brésil. En septembre 1941, il s'installe à Petropolis, près de Rio
de Janeiro, ville qu'il connaissait depuis son voyage d'août 1936.
C'est aussi à Petropolis, qui lui rappelait Semmeling1, station
de sport d'hiver au sud de Vienne, qu'il rédigera Le Joueur
d'échecs (Die Schachnovelle, mot à mot, « La nouvelle échi-
quéenne »), de plus en plus désespéré par l'évolution du monde.
Dès juin 1940, comme l'atteste ses Journaux, il avait dit sa las-
situde : « à quoi bon penser encore ? Cette guerre était menée au
nom d'un principe sur lequel repose notre existence ; si ce prin-
cipe s'écroule, il entraîne avec lui notre existence. Alors, à quoi
bon vivre, et où vivre2 ? » Et face aux difficultés de la vie d'exil,
il confiait : « J'ai sacrifié sans peine beaucoup de choses parce
que j'ai la chance d'ignorer la vanité, mais je ne supporte pas à
la longue cette méfiance, cette haine autour de moi. J'en suis
1. S. Zweig, Tägebücher, Frankfurt am Main, S. Fischer Verlag, GMBH, 1984, trad.
fr. Journaux 1912-1040, trad. fr. Paris, Belfond, 1986, Livre de Poche, 1995,
p. 382.
2. Ibid., p. 427-428.