Le punk, éloge de l’action
Le livre de Fabien Hein détaille les logiques artistiques,
mais aussi politiques et économiques de cet impératif caté-
gorique du punk rock. Il étudie les ressorts d’une dyna-
mique foncièrement antisystème, mais aussi les contradic-
tions et les circonstances de son échec. Il le fait à travers
les parcours de nombreux acteurs majeurs du punk rock :
des artistes (Ramones, Sex Pistols, Bad Brains, Profane exis-
tence, Riot Grrrls …), des fanzines (Sideburns, Sniffin’
Glue, Stains…) et des labels (New Hormones, Rough
Trade, Crass Records, Dischord Records…).
L’auteur montre ainsi que l’anticapitalisme punk, souvent
présenté comme un rejet stérile, s’exprime pourtant aussi
dans la mise en place d’un système de solidarité écono-
mique érigé en marché, et perçu par nombre de punks
comme une alternative au marché capitaliste. Et de ques-
tionner la place de ce contre-marché : se dissout-il dans le
capitalisme ou est-il à même d’imposer de nouveau
régimes d’action et de création ? Est-il synonyme de
contre-culture ou ne constitue-t-il qu’une étape nécessaire
avant la signature de « gros contrats » et le ralliement aux
majors ?
Face à la pluralité des parcours, des démarches et des
postures éthiques et musicales qui la compose, la scène
punk rock développe très vite ses propres discours et ses
propres pratiques : elle offre une place de choix et une tri-
bune à des catégories sociales dominées (prolétaires,
femmes, homosexuels, immigrés…). Elle développe aussi
ses propres instances de consécration (dont l’autoritaire et
tout puissant magazine MaximumRockNRoll constitue le
plus bel exemple), dessinant un nouveau champ de possi-
bles en même temps qu’elle impose une définition légitime
de l’artiste punk, indépendant, autoproduit et affranchi des
modes et du business.
Le genre succombera pourtant aux sirènes de l’industrie
musicale. Des premiers artistes « signés », dès 1977 (les
Sex Pistols chez Virgin) jusqu’aux grandes tournées du mer-
chandising punk des années 2000 (Vans, Converse…), en
passant par le développement d’une iconologie punk pri-
sée par la publicité (dont Iggy Pop et les Galeries Lafayette
ne sont que le dernier avatar), tout se passe comme si la
scène punk tout entière avait été retournée comme un gant
par la main invisible du marché.
De « Fuck the system ! », on est passé insensiblement à
« Punk is the new cool ! ».
« [Le punk] démystifie le processus de produc-
tion culturelle en soulignant que désormais,
chacun est en capacité de passer à l’acte. Ce
qui constitue, à ce titre, une véritable incitation
à l’action. De même qu’une opposition fron-
tale à la passivité et à toute conception spec-
tatrice de la culture. L’effet produit est d’autant
plus remarquable qu’il ne touche pas unique-
ment la création artistique mais qu’il s’étend à
l’ensemble de la chaîne de production cultu-
relle : les maisons de disques, les structures de
distribution, le marketing, la presse et les dis-
quaires notamment.»
Fabien Hein
« Ce qui m’a plu dans le punk, ce que j’en ai
compris, c’était vraiment ça : fais ton groupe,
fais ton label, sois indépendant, arrête de
consommer comme un idiot en ouvrant le bec
et en gobant tout.»
Loran, guitariste du groupe français
Bérurier Noir
« Le punk rock apparait en effet comme un
pendant anglo-saxon, artistiquement parlant,
de l’esprit de révolte qui traverse le monde
occidental au même moment. Il en rejoue la
plupart des dimensions, y compris – sur un
mode euphémisé – celle de la violence. [C’est
dans un] contexte de contestation généralisée
que l’éruption punk rock prend forme. Un
contexte où s’expriment les frustrations d’une
frange de la jeunesse, le désir d’action et l’in-
clination à la violence de classes longtemps
dominées. Où la rage et le désespoir se
mêlent à une grande défiance vis-à-vis des ins-
titutions. Et de ce mélange explosif d’intense
humeur libertaire, de désir profond de chan-
gement et de déchainement
créatif inégalé naissent des formes inédites
d’autodétermination et d’action artistique.»
Fabien Hein
« Avant le punk, les gens avaient peur de ten-
ter quoi que ce soit – ils étaient tellement
opprimés et étouffés. Tout ce qu’il fallait, c’est
des gens qui disent : “Merde, essayez”. C’est
aussi simple que ça.»
Paul Cook, batteur des Sex Pistols
« Si vous pensez pouvoir faire mieux, lancez
votre propre activité.»
Joe Strummer