gens qui nous entourent. Et que cela mène l'humanité à la catastrophe.
Malgré les avertissements de ses proches (« prends garde à toi ! ») et l'impression
qu'il a de tout contrôler quand il dit à sa petite amie « Cet oiseau de malheur je l'mets en
cage, je l'fais chanter moi », Stromae n'échappe pas au destin commun et se retrouve
dépossédé de sa liberté de penser et d'agir. Il devient comme les autres un automate qui suit
le troupeau au destin funeste.
Ce clip est très pessimiste car il semble suggérer que c'est un cycle infernal auquel
personne ne peut échapper. Certaines images sont effrayantes et ne sont pas sans rappeler
les prédictions apocalyptiques de la Bible sauf qu'ici le Léviathan est un avatar monstrueux
du logo en apparence si inoffensif de Twitter.
L'idée géniale de ce clip est d'avoir représenté notre dépendance aux réseaux
sociaux avec l'allégorie ironique de l'oiseau qui grossit toujours plus et envahit les aspects
les plus privés de notre existence au point de prendre le contrôle de nos vies.
Les images grises et pluvieuses sont là pour nous montrer l'envers de la publicité tout
comme la métamorphose de l'oiseau bleu en monstre glouton. Cela doit nous conduire à
réfléchir sur nos désirs et nos comportements dans nos sociétés capitalistes. La montagne
d'immondices dans laquelle tombe Stromae après avoir été digéré par le monstre Twitter
peut évoquer le gaspillage et la pollution qu'engendrent nos comportements consuméristes
ou alors de manière métaphorique le manque d'amour et de générosité dans nos sociétés
où l'individualisme est favorisé par les progrès techniques au détriment de la solidarité.
IV – Comparaison avec d'autres œuvres.
On peut comparer cette chanson et ce clip au roman Tout doit disparaître (publié en
2007) de Mikaël Ollivier car lui aussi dénonce dans son roman la société de consommation,
notre besoin compulsif d'acheter sous pretexte que l'on manque toujours de quelque chose.
Mais à la différence de ce clip, il propose une issue moins pessimiste puisque le héros
du roman, Hugo, finit par tomber amoureux d'une jeune militante anti-pub qui l'initie à la
désobéissance civile en menant des actions contre les publicités.
Le ton du roman est également moins ironique même s'il y a aussi un peu d'humour
(par exemple avec le cadeau des chaussures Blackspot). L'ironie de la chanson se
manifeste aussi par la reprise parodique du fameux air de l'opéra de Bizet « L'amour est
enfant de bohème... » sur une musique électronique surprenante et décalée, une façon
amusante de nous faire comprendre que les relations amoureuses ne sont plus les mêmes
depuis l'apparition de la société de consommation (les sentiments passants après le confort
matériel), ce que Boris Vian avait déjà dénoncé sur le même ton ironique avec sa
Complainte du progrès en 1955. Quant à la boîte à rythme, elle évoque les roulements de
tambour de la musique militaire, ce qui peut aussi être une manière ironique de suggérer
que nous marchons au pas comme des petits soldats tous semblables, dans la même
direction...
Autres ouvertures possibles :
•La Complainte du progrès (1955) de Boris Vian (1920-1959)
•Supermarket Lady (1969) de Duane Hanson
•Summertime (2011) de Mattew Gordon / Colorama de Kodak (le rêve américain)
•Mad men série américaine de Mathew Weiner de 92 épisodes, commencée en 2007. Cette
série décrit le monde de la publicité dans les années 60 aux USA.
•J'accuse (2010), chanson de Damien Saez
•Foule sentimentale (1993) d'Alain Souchon
•L'homme pressé (1998) de Noir désir
•99F (2000) roman de Frédéric Beigbeder qui dénonce les dérapages cyniques du monde de
la publicité. Ce roman a été adapté au cinéma avec Jean Dujardin dans le rôle principal (un
film de Jan Kounen sorti en 2007).
•Her (2013) film de SF de Spike Jonze