revisiter par le Dieu du bonheur : « Il est bon de travailler au plein midi de la joie, écrira-t-il à
ce propos. Il l’est très peu de le faire à l’ombre d’une rigueur sans merci, ‘le couteau toujours
entre les dents’ », comme le fanatiques, les fauteurs de violence, les idéologues – et aussi en
cherchant à rendre leur intelligibilité aux mots de la foi, quitte à fonder, pour y parvenir, de
nouveaux concepts qui permettent l’arrivée de Dieu.
Une méthode
Adolphe Gesché avait le goût (prononcé) du paradoxe. Sa devise en offre une bonne idée :
« Per invisibilia ad visibilia » ! Un mot d’ordre éminemment théologique puisqu’il s’agit là
que l’invisible ouvre et rende intelligible ce que l’on voit, tout en en maintenant vif le
mystère…invisible. Dans ce contexte, l’homme ne peut qu’être une histoire sacrée.
Faire dialoguer – le visible et l’invisible, l’humain et Dieu, la foi et le temps – tel aura été le
chemin, la voie (la méthode) privilégiée de ce théologien d’exception.
Adolphe Gesché aura toujours eu le souci de rencontrer les questions du monde
d’aujourd’hui, non pas pour être à la mode, loin de là, ni pour paraître progressiste, mais parce
qu’il va de soi, à son avis, que s’il importe que la foi écoute le monde (pour reprendre le titre
d’un livre de Mgr Dondeyne, dans les années soixante), il s’agit tout autant de rendre la foi
assez crédible pour que le monde souhaite l’écouter…
Du coup, les questions sociales, les questions de société loin de lui être indifférentes, le
sollicitent et il saisit les circonstances comme autant d’appels, d’interpellations. Et cela,
toujours, dans un souci d’utilité, ce qui signifie qu’il mettra son point d’honneur à croiser les
questions de ses interlocuteurs avec tact, en les accueillant tels qu’ils sont, là où il en sont –
sous peine, sinon, pour la théologie, de ne devenir que « métal qui résonne ou cymbale
retentissante ». « Il y a en vous, dira-t-il un jour à un public de (futurs) théologiens, comme en
tout homme, une source particulière, unique et singulière, toute personnelle, non donnée aux
autres, et qui rend chacun de nous indispensable. »
Adolphe Gesché cultivait la conviction que la théologie gagne en vitalité quand elle s’écrit en
dialogue avec d’autres discours, qu’elle rencontre des interlocuteurs qui n’appartiennent pas à
son domaine spatio-temporel. Alors, bien sûr, entrer en dialogue, c’est accepter de se
décentrer, l’autre devant être entendu pour lui-même en son lieu propre. D’où l’importance
dans l’œuvre et la vie d’Adolphe Gesché des thèmes de la visitation : nous sommes des êtres
visités – et de l’hospitalité en lien avec la vigilance : serons-nous assez attentifs pour être
accueillants ?
Une surprise
À sa mort, Adolphe Gesché a laissé un gigantesque fichier qu’on a jugé utile de numériser
tant il est riche de potentialités diverses. Pour le moins, il donne une idée de l’intérêt inouï que
notre théologien portait à la vie, à la culture, à la pensée : il s’agit de citations (de philosophes,
de théologiens, de scientifiques, d’écrivains, de messieurs tout-le-monde) et de réflexions
surgies un peu partout à propos d’un peu n’importe quel sujet.
Un vrai trésor qui permet de comprendre ceci, qui est fondamental : que, pour Adolphe
Gesché, la théologie, tout en demeurant un discours sur Dieu est aussi un discours sur
l’homme, susceptible de lui apporter une nouvelle compréhension de lui-même. Pour Gesché,