G. Tenenbaum 3
La notion v´erifie bien le crit`ere intuitif li´e `a la divisibilit´e puisque l’on a
dens(aZ) = 1/a pour tout entier a>1, mais ce n’est pas une mesure
de probabilit´e puisqu’`a l’´evidence elle ne satisfait pas le crit`ere d’additivit´e
d´enombrable.
Un nombre normal, c’est un nombre qui appartient `a une suite de densit´e 1.
C’est un nombre qui poss`ede une hh probabilit´e ii 1 d’ˆetre tir´e hh au hasard ii
pour la notion de hasard associ´ee `a celle de densit´e. ´
Evidemment, aucun
nombre donn´e n’est normal. Encore une illustration de la fameuse loi des
petits nombres, selon laquelle ils sont en quantit´e trop faible pour satisfaire
toutes les contraintes qui p`esent sur eux.
L’id´ee de nombre normal, c’est donc un concept limite, identifiable `a l’en-
semble des propri´et´es non s´electives, c’est-`a-dire dont l’adjonction ne diminue
la densit´e d’aucun ensemble de densit´e positive. En fait, on dira, plus concr`e-
tement, qu’une propri´et´e Pest normale, ou encore v´erifi´ee presque partout
— nous noterons pp pour presque partout — si, pour tout ensemble d’entiers
Ade densit´e d, l’ensemble APdes entiers de Aqui v´erifient la propri´et´e P
est encore de densit´e d.
Ainsi, la propri´et´e hh nn’est pas un carr´e ii est normale, la propri´et´e hh nn’est
pas un nombre premier ii est normale, la propri´et´e hh nposs`ede moins de log n
diviseurs ii est normale, la propri´et´e hh 2npeut s’´ecrire comme somme de deux
nombres premiers ii est normale. (Cette assertion est li´ee au c´el`ebre probl`eme
de Goldbach ; on conjecture, avec Goldbach, que la propri´et´e susmentionn´ee
est non seulement normale, mais en fait v´erifi´ee pour tout n > 1 ; on ignore
si la conjecture de Goldbach est vraie, mais on sait qu’elle est effectivement
satisfaite normalement : pour presque tout n, le nombre 2nest somme de deux
nombres premiers.) En revanche, les propri´et´es hh nest pair ii,hh nest impair ii,
hh nest somme de deux carr´es ii ne sont pas normales. Erd˝os a conjectur´e
pendant plus de quarante ans qu’un nombre normal poss`ede n´ecessairement,
comme le nombre 15, deux diviseurs det d0dont le rapport est compris entre
1 et 2 — ici par exemple 5 et 3 conviennent. Autrement dit, les nombres,
comme 21, qui n’ont pas cette propri´et´e(3) seraient hh anormauxii, parce que
trop rares.
Conflit structural
Parmi les questions relatives `a l’´etude du concept de nombre normal, celles
qui ont trait aux rapports statistiques entre la structure d’ordre et la struc-
ture multiplicative de l’ensemble Ndes entiers naturels sont parmi les plus
complexes.
3Le plus petit rapport de deux diviseurs cons´ecutifs de 21 vaut 7/3>2.