2 UNIVERSITE PARIS VAL-DE-MARNE FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL ******************** ANNEE 2006 N° THESE POUR LE DIPLOME D’ETAT DE DOCTEUR EN MEDECINE Discipline : Médecine Générale -----------Présentée et soutenue publiquement le à CRETEIL (PARIS XII) -----------Par Claire CHARTIER Née le 11/08/1975 à Figeac ------------ TITRE : Infection à Mycoplasma pneumoniae et syndrome de StevensJohnson DIRECTEUR DE THESE : LE CONSERVATEUR DE LA BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE Docteur Olivier PATEY (signature) (cachet) 3 REMERCIEMENTS : Au Docteur Patey Olivier. Au Docteur Martin Michel. A ma famille qui m’a supportée pendant toute la préparation. A mon papa qui a vérifié la syntaxe. A Michel qui m’a aidé dans la mise en forme 4 PLAN : I. INTRODUCTION : 7 II. INFECTIONS RESPIRATOIRES AIGUES A MYCOPLASMA 9 PNEUMONIAE : II.A. Historique : 9 II.B. Caractères bactériologiques : 9 II.C. Epidémiologie : 11 II.D. Physiopathologie : 13 II.E. Symptomatologie clinique : 16 II.F. Aspects radiologiques : 18 II.G. Diagnostic biologique : 19 II.G.1. Eléments généraux : 19 II.G.2. le diagnostic bactériologique : 20 II.G.2.a. Recherche directe à partir des sécrétions : la culture, la détection antigénique. : 20 II.G.2.b. Recherche indirecte dans le sang : les anticorps, la sérologie : 22 II.G.2.c.L’interprétation des résultats : 23 II.H. Traitement : 24 II.H.1. L’antibiothérapie : 24 II.H.2. Les corticostéroïdes et les anticoagulants : 24 II.I. Complications et séquelles : 25 II.I.1. Complications et séquelles respiratoires : 26 II.I.2. Complications et séquelles extra-respiratoires : 26 II.I.2.a. Complications cutanéomuqueuses : 26 II.I.2.b. Complications neurologiques : 27 II.I.2.c.Complications rhumatologiques : 27 II.I.2.d.Complications cardiaques et vasculaires : 28 II.I.2.e. Complications hématologiques : 28 II.I.2.f. Complications rénales : 28 5 II.I.2.g. Autres Complications : hépatiques, pancréatiques, gastro-intestinales et oto-rhino-laryngologiques : 29 III. LE SYNDROME DE STEVENS-JOHNSON : 30 III.A. Historique et classification : 30 III.B. Epidémiologie : 33 III.C. Etiologie : 33 III.D. Physiopathologie : 35 III.E. Présentation clinique : 38 III.F. Examens paracliniques : 40 III.F.1.Bilan biologique : 40 III.F.2.Histologie : 40 III.G. Diagnostics différentiels : 41 III.H. Evolution, complications et séquelles : 42 III.H.1. Les complications cutanées : 43 III.H.2. Les complications oculaires: 43 III.H.3. Les complications viscérales: 43 III.I. Traitement : 44 III.I.1.Traitement symptomatique et « supportive therapy » : 44 III.I.2.Traitement étiologique : 45 III.I.3.Traitement médicamenteux : 45 III.I.3.a.La corticothérapie : 45 III.I.3.b.Les immunomodulateurs et les immunoglobulines : 45 IV. REVUE DES CAS CLINIQUES : 48 IV.A. Description des cas cliniques : 48 IV.A.1. Cas N°1 Monsieur Y : 48 IV.A.2. Cas N°2 Madame M : 50 IV.A.3. Cas N°3 Monsieur T : 53 6 IV.A.4. Cas N°4 Monsieur C : 55 IV.B. Analyse globale des dossiers : 57 L’âge et le sexe : 57 Les antécédents : 57 La saison : 58 Les symptômes cutanéomuqueux : 58 Les symptômes respiratoires et les images radiologiques : 58 Bilan biologique : 59 Durée d’hospitalisation : 59 Le traitement : 59 L’évolution : 60 V.DISCUSSION : 61 V.A. Facteurs étiologiques probables du syndrome de Stevens-Johnson : 61 V.A.1. Etiologie médicamenteuse : 61 V.A.2. Etiologie infectieuse : 62 V.B. Syndrome de Stevens-Johnson en l’absence de lésion cutanée : 64 V.C. Evaluation rétrospective de la sévérité à l’admission à l’aide du SCORTEN : 66 VI. CONCLUSION : 67 ANNEXES : 68 Figure 1 : Classification des éruptions cutanéo-muqueuses selon Bastuji-Garin S et al. 68 Figure 2. Radiographie thoracique de face de Monsieur Y : discret syndrome interstitiel sans foyer individualisé. 69 Figure 3. Radiographie thoracique de face de Madame M : bronchopathie avec petite ébauche de foyer lobaire inférieur droit. 70 7 Figure 4. Radiographie thoracique de face et profil de Monsieur T : discret syndrome bronchique sans foyer. 71 Figure 5. Radiographie thoracique de face de Monsieur C : image alvéolo-interstitielle des deux bases. 72 Figure 6. Monsieur Y : chéilite. 73 Figure 7a. Monsieur T : chéilite. 74 Figure 7b. Monsieur T : chéilite et stomatite. 75 Figure 8. Monsieur T : ulcération péri-urétrale du gland. 76 Figure 9. Monsieur T : conjonctivite bilatérale. 77 Tableau 1. Répartition en fonction de l’âge, du sexe, des antécédents, de la chronologie des symptômes, la durée d’hospitalisation, de la date de diagnostic, de la nature des premiers symptômes, et de l’antibiothérapie initiale. 78 Tableau 2. Répartition en fonction de l’âge, du sexe, des atteintes muqueuses et cutanées, de l’atteinte ophtalmologique, de l’auscultation pulmonaire, des signes cliniques pulmonaires, de la nécessité d’une oxygénothérapie et de la radiographie du thorax. 79 Tableau 3. Répartition en fonction de l’âge, du sexe, de la perte de poids, de la nécessité d’une sonde nasogastrique, du bilan hépatique, de la recherche de Mycoplasma pneumoniae, de l’évolution initiale et des séquelles. 80 Tableau 4. Evaluation de la sévérité à l’admission à l’aide du SCORTEN (7). 81 BIBLIOGRAPHIE : 82 8 I. INTRODUCTION : Les infections respiratoires aiguës sont des infections fréquentes qui auraient motivé en 1992 en moyenne 12.5 millions de consultations d’après le CREDES dont 92% pour des bronchites aiguës et 8% pour des pneumopathies. Les infections respiratoires aiguës étaient responsables en 1990 d’une mortalité de 29.1 pour 100 000 hommes et 25.4 pour 100 000 femmes, en majorité secondairement à une pneumonie (40). Mycoplasma pneumoniae est le deuxième agent responsable de pneumonies après Streptococcus pneumoniae (2). L’étiologie des pneumonies est établie dans moins de la moitié des cas et n’est obtenue qu’à posteriori. Le choix de la prescription d’une antibiothérapie probabiliste doit donc souvent être réfléchi en tenant compte de tous les éléments cliniques et paracliniques qui permettent une orientation étiologique, d’autant plus que les infections respiratoires basses représentent un peu plus du quart de la consommation d’antibiotiques (40). Le diagnostic de pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae est rendu difficile d’emblée du fait de sa diversité d’expression clinique s’étalant de l’absence de symptômes pulmonaires à des manifestations très bruyantes. Seules les manifestations extra-pulmonaires peuvent parfois conduire au diagnostic et notamment parmi elles, les manifestations cutanéomuqueuses. En effet, des symptômes cutanéomuqueux sont retrouvés dans 25% des cas au cours de l’infection pulmonaire à Mycoplasma pneumoniae. Ils forment un tableau de StevensJohnson dans 1.2% à 7% des cas selon les auteurs (70, 48) et peuvent donc être un élément important permettant d’évoquer le diagnostic. En effet, l’association entre la pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae et le syndrome de Stevens-Johnson est un fait bien établi (70). Le syndrome de Stevens-Johnson est une affection cutanéomuqueuse potentiellement grave nécessitant une hospitalisation prolongée du fait de la morbi-mortalité et du risque de séquelles. Même si les mécanismes physiopathologiques restent flous, il semble que des phénomènes immunopathologiques soient en cause lors de l’invasion pulmonaire de Mycoplasma pneumoniae, et que ces phénomènes soient également retrouvés dans les lésions cutanéomuqueuses du syndrome de Stevens-Johnson quelle qu’en soit la cause. La recherche d’une infection pulmonaire à Mycoplasma pneumoniae devant des lésions cutanéomuqueuses évocatrices d’un syndrome de Stevens-Johnson doit donc être systématique, même si la cause la plus fréquente est médicamenteuse. 9 L’étude à posteriori porte sur les quatre cas de pneumopathies à Mycoplasma pneumoniae documentées, associées à un syndrome de Stevens-Johnson, qui sont survenus à l’hôpital de Villeneuve Saint Georges entre 1998 et 2005. Dans chacun des cas, les symptômes respiratoires sont peu évocateurs d’une pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae tandis que les symptômes cutanéomuqueux sont au premier plan du tableau clinique et des plaintes des patients. Le but de cette étude est d’analyser et de discuter des données cliniques et paracliniques qui ont été recueillies dans ces quatre cas. 10 II. INFECTIONS RESPIRATOIRES AIGUES A MYCOPLASMA PNEUMONIAE : II.A. Historique : C’est en 1898, chez un bovin atteint de pleuropneumonie, que Nocard et Roux (49) isolent en culture un mycoplasme pour la première fois (probablement Mycoplasma mycoïde). Appelés alors Pleuropneumonia-like organisms (PPLO), les mycoplasmes sont mis en cause dans différentes maladies animales, et leur pathogénicité humaine est évoquée. Dans les années 1930, Klieneberger suggère que ces micro-organismes, dépourvus de paroi cellulaire, ne sont que des L-form d’autres bactéries déjà connues (59). En 1929, Nowak propose le nom de Mycoplasma pour regrouper ces germes sans paroi (du grec mukês champignon et plasma forme, évoquant la croissance des champignons). La preuve de leur pathogénicité humaine est démontrée par Dienes et Edsall en 1937 (17), qui les isolent à partir de glandes de Bartholin infectées (probablement Mycoplasma hominis). En 1944, Eaton les cultive sur œuf embryonné à partir de crachats de patients atteints de pneumonie atypique primitive (probablement Mycoplasma pneumoniae), démontrant leurs rôles comme agent de la pneumonie à agglutinines froides (22). De petites tailles, il les assimile à des virus, car ils passent à travers les filtres habituels. En 1961, Chanock, Hayflick et Barile parviennent à les cultiver sur milieu acellulaire, prouvant ainsi leur caractère bactérien (12). C’est en 1963 qu’ils proposent Mycoplasma pneumoniae comme désignation taxinomique, en référence à son tropisme pour le tissu pulmonaire. II.B. Caractères bactériologiques : Les mycoplasmes sont des procaryotes, contenant à la fois ADN et ARN, appartenant à la famille des mollicutes (du latin mollis mou et cutis la peau), et sont, selon leurs genres, pathogènes pour l’homme, l’animal, les insectes et les plantes. La majorité des mycoplasmes pathogènes ou commensaux humains font partie de l’ordre des Mycoplasmatales, famille des Mycoplasmataceae, qui comprend le genre Mycoplasma et le genre Ureaplasma (Mycoplasma pneumoniae étant toujours pathogène chez l’homme, jamais commensal). L’étude de l’ARNr 16S des mycoplasmes (classés depuis longtemps parmi les Cocci Gram Négatif, car ne prenant pas le Gram), a bouleversé cette classification et a permis de reconstituer leur phylogénie, et de montrer leur appartenance à 11 la même souche que certains Cocci Gram Positif tels que les lactobacilles et les streptocoques (75). Le mycoplasme serait la forme la plus évoluée de cette souche, par le biais d’un processus dégénératif, ayant mené à une réduction progressive de la taille de son génome. Le mycoplasme est le plus petit organisme vivant capable de multiplication autonome, tant par sa taille (de 0.1 à 0.5 microns), que celle de son génome (de 580 à 2200 kbp), constitué d’un unique chromosome circulaire pauvre en GC (23 à 40 mol%). Son absence de paroi due à la perte, au fil de l’évolution, de la capacité de synthèse du peptidoglycane, explique son insensibilité totale aux béta-lactamines, et aux autres antibiotiques agissant sur la biosynthèse du peptidoglycane (glycopeptide, fosfomycine). Elle explique ainsi sa sensibilité aux variations de pression osmotique, notamment à la dessiccation, et rend ainsi nécessaire un contact étroit entre les sujets, pour que le mycoplasme se transmette. Ses capacités limitées de biosynthèse sont responsables de nombreuses autres caractéristiques biologiques : son tropisme à une cellule hôte particulière (spécifique et différente pour chaque genre de mycoplasme) et sa dépendance vis-à-vis d’elle pour subvenir à ses besoins en protéines et en stérols, tel un parasite. Son exigence vis-à-vis des milieux de culture fait de lui un microorganisme fastidieux et délicat à cultiver. Mycoplasma pneumoniae est entouré par une membrane cytoplasmique à triples feuillets qui contient des stérols (à la différence des virus et des autres bactéries), il peut se déformer, ce qui explique son polymorphisme, sa capacité à glisser sur des surfaces mouillées et à traverser les filtres usuels. Il possède une organelle, extension de la membrane cytoplasmique, dont l’extrémité effilée hautement spécialisée appelée « TIP » laisse apparaître, au microscope électronique, une zone dense appelée « CORE », constituée d’un filament central. Cette extrémité jouerait un rôle dans sa division, sa mobilité et sa capacité d’adhésion cellulaire. En effet, elle présente une concentration d’adhésine P1, protéine majeure de l’adhésion, grâce à laquelle le mycoplasme adhère aux cellules épithéliales respiratoires, et une concentration de protéine P30 qui participe au processus d’adhésion (61, 66). On dénombre deux principaux types de souche de Mycoplasma pneumoniae (type 1 et 2), selon la structure du gène de leur adhésine P1. Le génome de Mycoplasma pneumoniae a été entièrement séquencé en 1996 par Himmelreich R et al (30), et son étude a permis de mieux connaître certaines de ses propriétés biochimiques et physiopathologiques. Non seulement Mycoplasma pneumoniae 12 possède une plasticité morphologique qui lui donne sa mobilité par glissement, sa division et son adhérence aux cellules hôtes, mais aussi une plasticité phénotypique qui lui permet de s’adapter au système immunitaire de l’hôte qu’il infecte (12). II.C. Epidémiologie : En France, la prévalence de Mycoplasma pneumoniae dans les affections respiratoires serait de 190 à 1 234 cas pour 100 000 habitants selon les périodes épidémiques (39). Répandu dans le monde entier, il serait, d’après l’AFSSAPS, le deuxième agent infectieux responsable de pneumonie chez l’adulte (2). Il sévit de manière endémique avec des pics épidémiques qui reviennent tous les 4 à 7 ans en moyenne, et correspondent à des changements antigéniques dans les souches de Mycoplasma pneumoniae, passant du type 1 au type 2 d’une épidémie à l’autre, les 2 types cohabitant en période endémique. Une prédominance automnale avec un pic hivernal touchant particulièrement les régions tempérées du globe a été suggéré, mais d’après Waites KB et Talkington DF (74) ni la zone géographique, ni la saison n’auraient d’impact épidémiologique significatif : les pics surviendraient à la fois au printemps, durant l’été -alors que les autres pathogènes respiratoires sont peu nombreux, et durant l’automne et l’hiver, surinfectant parfois un tissu pulmonaire fragilisé par d’autres microorganismes. Parmi les deux types de souches de Mycoplasma pneumoniae, Dorigo-Zetsma JW et al ont isolé huit sous-types par PCRRFLP (méthode de recherche par amplification génique du polymorphisme de longueur de fragment de restriction) (18). Leur implication directe dans les poussées épidémiques est controversée par Dumke R et al (21), qui leur prêtent plutôt un rôle de régulateur des types 1 et 2, par inhibition immunologique incomplète, expliquant leur cohabitation en période endémique. L’expérience animale de Dumke R et al montre qu’un cobaye préalablement infecté par le variant 2 de Mycoplasma pneumoniae, puis ré-infecté par un mélange équivalent de variant 2 et de sous-type 1 et 2, développe une immunisation incomplète au variant 2 : le sous-type 1 prédomine, mais le variant n’est pas éradiqué du tractus respiratoire du cobaye (21). Ceci expliquerait le phénomène de changement de type de souche d’une épidémie à l’autre, et l’isolement des 2 types en période endémique. Dumke R et al soulignent également l’homogénéité génétique des types de Mycoplasma pneumoniae et la présence dans son génome d’un réservoir de séquences ADN répétitives 13 qui pourrait participer au processus de recombinaison de nombreux types d’adhésines P1, seuls les types 1 et 2 interviendraient dans les poussées épidémiques (21). En effet, DorigoZetsma JW et al montrent que l’adhésine P1 d’une même souche comporte des séquences caractéristiques des types 1 et 2, qui pourraient être responsables, par un mécanisme de recombinaison génique, des variations de l’adhésine P1 (19). En France, pendant les hivers 1992 à 1997, la prévalence de Mycoplasma pneumoniae était de 7.3 % en moyenne, variant de 2% à 10.1% selon les poussées épidémiques (39). D’autres études fournissent des chiffres très différents, selon les régions, les périodes, la ou les méthodes de détection utilisées, la population étudiée (hospitalière ou extrahospitalière, communautés universitaires ou familiales), et l’âge des patients. En effet, d’après Mayaud C, parmi les infections respiratoires basses aiguës de l’adulte, Mycoplasma pneumoniae serait responsable de 8 à 37% des pneumopathies communautaires traitées en ville, et 10 à 20 % de celles traitées à l’hôpital (46). Les données épidémiologiques recueillies sont disparates et probablement sous-estimées, car, comme le montrent Dorigo-Zetsma JW et al dans son étude, parmi les sujets contact de patients malades, présentant une PCR positive, seulement 25% jugeaient bon de consulter leur médecin (et donc auraient été susceptibles d’être identifiés sans cette étude), vraisemblablement en raison de la bénignité de l’infection (20). En effet, Mycoplasma pneumoniae est responsable -outre d’infections respiratoires basses aiguës de sévérité variable, mais nécessitant rarement une hospitalisation et encore moins un séjour en réanimation- de maux de gorge, de pharyngites et de trachéites, pour lesquels, aucun prélèvement n’est effectué en pratique courante. Dorigo-Zetsma JW et al (20) rapportent également la proportion relativement importante (15%) de sujets contact porteurs symptomatiques ou asymptomatiques du microorganisme, que le traitement des sujets malades soit efficace ou non : d’où l’importance probable de la détection et du traitement précoce de ces sujets malades, dans le but d’éviter la contamination. De plus, ils soulignent le nombre important d’enfants contact quasi-asymptomatiques, ce qui permet de supposer que les enfants fassent office de réservoir pour Mycoplasma pneumoniae et jouent un rôle dans sa transmission. En effet, rarement symptomatique chez l’enfant de moins de 5 ans, Mycoplasma pneumoniae est responsable d’infections respiratoires le plus souvent chez l’enfant de plus de 5 ans, chez l’adolescent et d’adulte jeune, et parfois de pneumopathies graves chez le 14 sujet âgé ou immunodéprimé. Il existe un certain nombre de « porteurs sains » (Mycoplasma pneumoniae ne fait pourtant pas partie de la flore commensale respiratoire), et après une infection, il n’est pas rare de constater la persistance de Mycoplasma pneumoniae dans le tractus respiratoire pendant une période variable (25). Ceci est peutêtre lié aux propriétés bactériostatiques des antibiotiques utilisés pour traiter ces infections (macrolide, tétracycline), et aussi à la très grande sensibilité des nouvelles techniques de détection telle que la PCR, capable –dans les conditions optimales- de détecter une seule copie de la cible choisie. Ces méthodes sont beaucoup plus sensibles que la culture classiquement utilisée -méthode difficile et délicate à mettre en œuvre dans le cas d’un micro-organisme aussi exigeant : elles permettent d’une part, de mieux connaître l’épidémiologie du mycoplasme, mais elles compliquent fortement sa compréhension, car elles peuvent parfois aller jusqu’à remettre en cause la valeur de certaines données obtenues (74). En effet, l’épidémiologie de Mycoplasma pneumoniae est encore mal connue malgré les progrès de détection, parce que la plupart des affections dont il est responsable sont bénignes, donc traitées en ambulatoire avec ou sans avis médical, ce qui rend la mesure chiffrée de son impact difficile à évaluer. II.D. Physiopathologie : Comme Mycoplasma pneumoniae a un tropisme sélectif pour le tractus respiratoire, il pénètre par les voies aériennes supérieures par l’intermédiaire de gouttelettes de Pflügge lors d’un effort de toux (un contact étroit est nécessaire avec le sujet contaminé). En effet, l’inoculation intra-trachéale est indispensable pour provoquer l’infection respiratoire chez le cobaye, alors que chez le chimpanzé, un simple aérosol infecté suffit pour induire une infection respiratoire très semblable à celle retrouvée chez l’homme (58). Ensuite, Mycoplasma pneumoniae adhère aux cellules épithéliales ciliées ou non ciliées et s’y attache grâce à son organelle et à son système complexe d’adhésines, et résiste ainsi aux mécanismes de clairance mucociliaire. C’est le premier stade indispensable pour que l’infection soit possible : l’absence d’un des éléments participant à l’adhésion conduit à l’échec (6, 36). Krause DC et al montrent que les cobayes infectés par des mycoplasmes déficients en une ou plusieurs molécules d’adhésion ne développent pas d’infection respiratoire (36). 15 Mycoplasma pneumoniae libère localement des substances telles que des peroxydes (peroxyde d’hydrogène 74) et des superoxydes qui, avec les substances oxydantes produites par la cellule-hôte elle-même sous l’effet du stress, provoquent une réaction inflammatoire locale responsable d’un infiltrat péri-alvéolaire. Ces substances altèrent les cellules ciliées et induisent une ciliostase (par destruction des canaux potassiques), puis une desquamation de l’épithélium, et provoquent par ce biais chez l’hôte une toux invalidante et parfois des hémoptysies. Pathogène extra ou para-cellulaire, Mycoplasma pneumoniae puise dans la membrane de la cellule-hôte les constituants nécessaires (stérols, protéines, et autres nutriments) à sa survie et à sa multiplication en les détournant à son profit. Il induit une véritable compétition pour les précurseurs qui désorganise l’intégrité des cellules-hôtes et altère leurs fonctions. Il crée par ce processus chez elles une déplétion létale et des dommages chromosomiques en puisant dans la haute teneur en arginine des histones : il participe ainsi à la destruction de l’épithélium respiratoire (61). De plus, la déplétion en arginine semble être un des mécanismes les plus simples par lequel le mycoplasme induit une immunosuppression : les multiples effets immunosuppresseurs observés in vitro chez les cellules du système immunitaire lors d’une déplétion de cet acide aminé essentiel sont réversibles à l’ajout de L-arginine dans le milieu de culture (58). En effet, il se crée un réseau complexe d’interactions entre le mycoplasme et le système immunitaire de l’hôte qui aboutit à une réaction immunitaire spécifique et non spécifique. La réaction immunitaire non spécifique comprend : une suppression ou une stimulation polyclonale des lymphocytes B et T, l’induction de cytokines, l’augmentation de la cytotoxicité des macrophages, des lymphocytes Natural Killers et des lymphocytes T, l’augmentation de l’expression des récepteurs, et l’activation de la cascade du complément (58). Effectivement, Mycoplasma pneumoniae interagit avec le système immunitaire, les lymphocytes, les monocytes et les macrophages de l’hôte : il les activerait en induisant la libération de substances pro-inflammatoires telles que les cytokines (TNFα, INFγ), les interleukines (IL5, IL6, IL8), le GM-CSF et les prostaglandines, et les inhiberait en induisant la production de cytokines anti-inflammatoires telles que l’IL4, IL10 et l’IL13 ou en empêchant l’excrétion d’interleukine pro-inflammatoire telle que l’IL1 (76). Ces interactions complexes et antagonistes pourraient moduler -voire supprimer- la réaction inflammatoire induite (61), amorcer l’apoptose de la cellule-hôte et modifier la réaction 16 antigénique. Chez le modèle murin, une infection respiratoire à Mycoplasma pneumoniae stimule la production d’une large collection de médiateurs de l’inflammation tels que TNFα, INFγ, IL6 et IL8 qui provoquent un syndrome obstructif pulmonaire (74). Yang J et al montrent que la réaction inflammatoire locale est initiée -après l’adhésion de Mycoplasma pneumoniae- par la cellule épithéliale respiratoire elle-même qui libère des cytokines pro-inflammatoires dont l’IL8 qui a un pouvoir chimiotactique et activateur des polynucléaires neutrophiles, des monocytes et des lymphocytes T (76). La libération de médiateurs de l’inflammation par les lymphocytes, les monocytes et les macrocytes n’interviendrait que plus tard durant l’infection (76). L’induction de cytokines semble être un facteur majeur de virulence pour Mycoplasma pneumoniae. La réaction immunitaire spécifique de l’hôte consiste à produire des anticorps dirigés contre le microorganisme pour s’en défendre et à stimuler la réaction immunitaire à médiation cellulaire, l’opsonisation et la phagocytose. La principale cible des anticorps produits par l’hôte est l’adhésine P1 (74). A cause des subterfuges utilisés par le mycoplasme et des réactions immunitaires croisées, des auto-anticorps peuvent être produits, dont l’exemple le mieux connu sont les auto-agglutinines (agglutinines froides), responsables d’une anémie hémolytique. En effet, Mycoplasma pneumoniae serait capable d’exprimer au niveau de son adhésine P1 une séquence d’acides aminés homologue à celle des lymphocytes CD4 et une protéine classe II du système majeur d’histocompatibilité. Ce phénomène pourrait générer la production d’auto-anticorps et tromper les cellules tueuses (74). La régulation du système immunitaire par Mycoplasma pneumoniae et les nombreuses variations antigéniques de sa membrane lui permettraient parfois d’échapper aux défenses de son hôte. D’après Rottem S et al (61), Mycoplasma pneumoniae serait capable de modifier rapidement la composition antigénique de la surface de sa membrane et de mimer les antigènes de son hôte avant même l’activation de son système immunitaire. D’après Razin et al, Mycoplasma pneumoniae pourrait parfois pénétrer les cellules (non phagocytaires habituellement), et se mettre ainsi à l’abri du système immunitaire et des antibiotiques, ce qui expliquerait l’état de portage asymptomatique et la persistance de la bactérie en période de convalescence, ainsi que la difficulté de l’éradiquer des cultures cellulaires contaminées (58). 17 Ces interactions immunitaires complexes expliquent en partie les diverses lésions observées à distance, à partir desquelles Mycoplasma pneumoniae est peu fréquemment isolé. En effet, les symptômes extra-pulmonaires retrouvés sont très variés et leurs mécanismes physiopathologiques sont souvent mal connus. Ils seraient induits par des auto-anticorps produits par l’hôte secondairement à une dysrégulation du système immunitaire ou au mimétisme des antigènes produits par le mycoplasme (58). Mycoplasma pneumoniae a parfois été isolé au niveau des lésions extra-pulmonaires et il pourrait être responsable des lésions elles-mêmes, mais il n’a jamais été isolé dans le sang, et le chemin qu’il emprunte pour arriver aux tissus extra-pulmonaires n’est pas élucidé. Le plus fréquent des symptômes extra-pulmonaires est le syndrome de Stevens-Johnson, qui consiste en une éruption vésiculo-papulo-bulleuse péri-orificielle touchant la peau et les muqueuses proches, associée à une conjonctivite et à un énanthème gastro-intestinal et parfois urogénital. Les autres symptômes extra-pulmonaires sont moins fréquents : des complications neurologiques (syndrome de Guillain-Barré, neuropathie périphérique, méningo-encéphalite, méningite aseptique…), des complications cardiaques (arythmies, anomalies électrocardiographiques, insuffisance cardiaque…), des complications vasculaires (syndrome de Raynaud, accident vasculaire cérébral, occlusion de la carotide interne…), des complications rhumatologiques (poly-arthralgies…) des complications hématologiques ( anémie hémolytique, CIVD, syndrome d’activation macrophagique), des complications rénales, hépatiques et pancréatiques. Leur évolution est régressive ou laisse place à des séquelles II.E. Symptomatologie clinique : L’infection par Mycoplasma pneumoniae est responsable le plus souvent d’infections respiratoires hautes bénignes (9) telles que des pharyngites et des trachéites plus ou moins associées à des adénopathies cervicales, ne nécessitant ni l’intervention des professionnels de santé, ni leur prise en charge spécifique. Leur identification microbiologique n’est alors recherchée que dans le cadre d’études épidémiologiques. Les signes cliniques sont dominés par une symptomatologie respiratoire qui peut être uniquement haute, basse, ou les deux à la fois, accompagnée des signes généraux d’infection. Les premiers symptômes, d’installation progressive, apparaissent après deux à trois semaines d’incubation, en 18 association variable et peu spécifique. Les plus fréquents sont la toux, la fièvre, les frissons et une sensation de malaise, mais on peut retrouver une dysphagie, une dysphonie, des céphalées, des myalgies, une anorexie, des douleurs thoraciques, une otalgie, des diarrhées et une rhinorrhée (43). Dans seulement 5 à 10%, le microorganisme progresse vers les voies aériennes inférieures, provoquant une trachéo-bronchite ou une pneumopathie aiguë. Dans le cadre des infections respiratoires basses, le tableau clinique le plus fréquemment retrouvé est non spécifique et superposable à toutes les pneumopathies atypiques : la fièvre est élevée souvent supérieure à 39°C, la toux, non productive au début, s’accentue, pouvant devenir productive, et une dyspnée plus ou moins sévère peut s’installer, voire une toux coqueluchoïde aboutissant parfois à des douleurs thoraciques. Le plus souvent, l’examen clinique est pauvre : on retrouve des râles bronchiques diffus ou localisés, des sibilants, une auscultation pulmonaire normale dans un cas sur cinq et parfois un érythème pharyngé, des adénopathies cervicales voire une otite (43). Le diagnostic est évoqué principalement par une résistance des symptômes au traitement par béta-lactamines (50), ou quelquefois par l’apparition de symptômes extra-respiratoires tels que le syndrome de Stevens-Johnson. Chez l’enfant de moins de cinq ans, la clinique se résume généralement à une rhinorrhée, accompagnée parfois de sibilants ; Mycoplasma pneumoniae est responsable de 5% des bronchiolites de l’enfant (74). Entre cinq et quinze ans, on retrouve le plus souvent une trachéobronchite ou une broncho-pneumonie, tandis que chez l’adolescent et l’adulte jeune, la symptomatologie est souvent peu bruyante. Chez le sujet sain, l’évolution est favorable et le traitement par macrolides ou tétracyclines accélère la guérison en réduisant la durée des symptômes respiratoires en comparaison des patients non traités (74). Les complications pulmonaires graves ou fatales sont rares. Elles touchent principalement les sujets âgés, immunodéprimés (asplénie fonctionnelle, SIDA, hypogammaglobulinémie), ou les sujets porteurs de drépanocytose ou de trisomie 21. Elles peuvent survenir également chez le sujet sain, sans antécédent pulmonaire, et aboutir à une détresse respiratoire nécessitant une assistance ventilatoire. Les atteintes extra-pulmonaires peuvent également mettre en jeu le pronostic vital de façon exceptionnelle, mais celles-ci sont plus fréquemment responsables de séquelles. L’intensité des symptômes cliniques et de l’atteinte pulmonaire serait proportionnelle à la réaction immunologique de l’hôte (74), 19 ce qui laisse entrevoir une voie thérapeutique nouvelle par immunosuppresseur spécifique, associée au traitement antibiotique adapté. II.F. Aspects radiologiques : Les clichés radiologiques du thorax sont effectués en général dans le cas d’une symptomatologie pulmonaire prolongée ou s’aggravant au fil du temps, accompagnée d’une altération de l’état général, et en particulier chez les sujets fragiles ou en cas d’hospitalisation. Quelquefois sans particularité, surtout quand elles sont effectuées de manière précoce, les images radiologiques retrouvées sont très diverses, et peuvent mimer différentes infections pulmonaires. Les images classiquement attendues dans la pneumopathie à mycoplasme sont un infiltrat diffus péri-hilaire, mais celles-ci peuvent tout aussi bien évoquer une origine virale. On retrouve aussi des opacités lobaires inférieures de type alvéolaires évoquant plutôt une pneumonie à pneumocoque (50), des adénopathies hilaires semblables à celle retrouvées dans la tuberculose pulmonaire (50), mais la radiographie pulmonaire peut être normale dans 7% des cas (49). Le cliché du thorax n’a donc pas de vertu d’orientation étiologique, mais fait partie des examens para-cliniques participant à l’orientation diagnostique, à l’évaluation de la gravité de l’atteinte pulmonaire, et à la surveillance de l’évolution favorable sous traitement. D’autres examens respiratoires complémentaires peuvent être effectués en phase de convalescence, pour mieux préciser les séquelles pulmonaires. Les épreuves fonctionnelles respiratoires et en particulier la mesure du transfert du monoxyde de carbone (DLCO) permettent d’évaluer la perméabilité de la membrane alvéolo-capillaire à l’oxygène. En effet, celle-ci peut être altérée par l’infiltrat péri-alvéolaire provoqué par l’infection de Mycoplasma pneumoniae, déterminant une dyspnée plus ou moins sévère. En pratique ces examens sont plutôt utilisés en cas de maladie pulmonaire chronique sous-jacente, ce qui dépasse le cadre de notre sujet. 20 II.G. Diagnostic biologique : II.G.1. Eléments généraux : Au cours de l’infection respiratoire aiguë de l’adulte, les examens complémentaires biologiques ne sont pas effectués systématiquement. Ils sont demandés en ambulatoire lors d’une altération de l’état général associée à une symptomatologie pulmonaire persistante ou lors d’une hospitalisation. Lors d’une infection bactérienne, l’organisme réagit par une réponse immunitaire générale d’une part, et par une défense immunitaire spécifique d’autre part, constituée d’une production d’anticorps dirigés contre le micro-organisme. La réponse immunitaire générale de l’hôte contre le micro-organisme est généralement plus importante en cas d’infection bactérienne que lors d’une infection virale. Une fois que le micro-organisme a dépassé la première ligne de défense de l’hôte -constituée des barrières physiques et chimiques- il doit faire face aux réactions cellulaires de la phase aiguë de l’inflammation. Au cours de cette phase, le contact entre le micro-organisme et la cellule-hôte déclenche une cascade de réactions s’intriquant les unes dans les autres et conduit à la libération de nombreuses substances responsables de l’inflammation locale (chaleur, œdème, rougeur, douleur) et de substances chimiotactiques qui stimulent les leucocytes. De nombreuses substances peuvent être théoriquement dosées dans le sang des patients, mais elles sont rarement disponibles et l’importance de cette réponse ne donne pas d’orientation étiologique. En pratique, au cours d’une pneumopathie à mycoplasme, on effectue une numération formule sanguine, une vitesse de sédimentation, un dosage de la CRP. La numération formule sanguine peut être normale ou peut retrouver une leucocytose modérée à polynucléaires inférieure à 15 000GB/mm3. Parfois, il existe une petite anémie de type hémolytique. En effet, dans 80% des cas, on retrouve des agglutinines froides qui sont des anticorps de type IgM anti-I dirigés contre les érythrocytes humains et qui peuvent être responsables d’une hémolyse. Le syndrome inflammatoire est constitué d’une augmentation de la vitesse de sédimentation et du taux de protéine C. Ces dosages peuvent orienter sur la nature bactérienne ou virale de l’infection mais contribuent peu au diagnostic étiologique, car ils sont quasi semblables dans de nombreuses infections, quelle que soit leur localisation. 21 II.G.2. le diagnostic bactériologique : Le diagnostic bactériologique doit permettre d’identifier le micro-organisme en cause dans l’infection. Il existe deux approches : soit la recherche directe de Mycoplasma pneumoniae ou de ses constituants dans les sécrétions respiratoires, soit la recherche indirecte dans le sang de l’hôte, des anticorps qu’il a induits. II.G.2.a. Recherche directe à partir des sécrétions : la culture, la détection antigénique : La culture : Quelle que soit la méthode de prélèvement, elle doit ramener des cellules auxquelles Mycoplasma pneumoniae adhèrent. Celui-ci se propage de façon diffuse dans le tractus respiratoire, il est donc possible de le recueillir dans des prélèvements de gorge ou dans le produit d’aspirations nasopharyngées chez le jeune enfant, et aussi grâce à des méthodes invasives telles que les lavages bronchoalvéolaires ou les brossages endobronchiques, réservées généralement aux formes sévères. Les expectorations sont trop contaminées pour présenter un intérêt, en particulier parce que le mycoplasme est difficile à isoler en culture, et que de plus il est mêlé à de nombreux autres germes. Il est parfois possible d’effectuer des prélèvements en cas de localisations extra-respiratoires. Une fois prélevés, les échantillons doivent être transportés dans un milieu saccharosephosphate enrichi de 5 % de sérum de veau fœtal sans antibiotique et à une température de 4°C pendant 48h, puis congelés à –70°C (45). Ce milieu permet à la fois la mise en culture, qui doit être réalisée rapidement, et la PCR. La coloration de Gram est négative du fait de l’absence de paroi. La mise en culture est délicate et doit se faire sur des milieux spécifiques (exemple : le milieu de Hayflick modifié). L’identification de Mycoplasma pneumoniae est réalisée en 6 à 20 jours par virage d’un indicateur coloré sur milieu liquide ou par l’observation de la croissance de type granulaire à la loupe binoculaire sur milieu gélosé. L’identification du type de mycoplasme en cause se fait grâce à l’ensemble des propriétés biochimiques propres de Mycoplasma pneumoniae telles que la fermentation du glucose, l’absence d’hydrolyse de l’arginine et de l’urée, et l’hémagglutination des hématies de cobayes. La culture est 22 fastidieuse et ne permet qu’un diagnostic rétrospectif le plus souvent, elle n’a qu’une sensibilité de 60% mais 100% de spécificité (45) et elle est donc rarement utilisée. Les méthodes de détection antigénique : Les méthodes de détection antigénique telles que l’immunofluorescence directe sont, elles aussi, peu utilisées car elles manquent de sensibilité et présentent des réactions croisées avec les autres mycoplasmes trouvés dans le tractus respiratoire. Elles ont un seuil de détection proche de la concentration du micro-organisme dans les sécrétions respiratoires et des méthodes plus sensibles sont donc nécessaires comme les techniques d’amplification génique. Les techniques d’amplification génique ont un grand intérêt : elles sont rapides (résultat obtenu en 24h), sensibles (92.3%) et spécifiques (100%). La PCR (Polymerase Chain Reaction) est une technique d’amplification d’une partie cible choisie de l’ADN étudiée en vue d’en détecter même une infime quantité présente. Elle peut être utilisée sur des cultures même contaminées et sur des échantillons anatomopathologiques (74), et ne nécessite pas des organismes viables. Le choix des cibles est important et peut être une séquence de l’ARNr 16S, du gène de l’adhésine P1 ou du gène ATPase opéron (45) ou deux cibles en même temps. Les difficultés de la PCR sont principalement techniques : en particulier la présence dans l’échantillon d’inhibiteurs de la polymérase, pour laquelle différentes parades sont possibles, l’adjonction de réactifs commerciaux ou la PCR imbriquée avec ré-amplification génique permettant de détecter l’inhibition de la polymérase. Ces techniques ne sont pas disponibles sous forme de kit dans le commerce, et sont donc réservées à des cas graves ou à des études épidémiologiques. Par exemple, l’identification du gène de l’adhésine P1 et de son type présente un grand intérêt épidémiologique. Les performances de l’amplification génique par PCR comportent néanmoins des inconvénients : sa très grande sensibilité qui permet l’identification d’une seule molécule dans un échantillon et l’absence de résultat quantitatif en terme de nombre de microorganismes présents peuvent parfois entraîner des doutes sur la nature pathogène de la détection de Mycoplasma pneumoniae. A priori, la présence de Mycoplasma pneumoniae est toujours pathogène, sauf pendant les périodes épidémiques où l’on peut retrouver des 23 porteurs sains ou pendant une période de convalescence, car le portage est long, mais la PCR classique ne permet pas de faire la différence. De nouvelles techniques permettent de quantifier le produit de la PCR : soit par quantification directe en analysant l’intensité de la bande obtenue par marquage, mais les résultats obtenus ne sont pas toujours exacts (risque d’analyse de la phase de plateau), soit par dosage en temps réel, c’est-à-dire en effectuant un prélèvement à chaque cycle de PCR, (méthode fastidieuse et donc difficilement réalisable), soit par détection de l’immunofluorescence en temps réel (Taqman PCR ou real-time PCR). Le développement de ces méthodes quantitatives pourra permettre de mieux cerner l’état pathogène, l’état de portage voire l’état commensal. Il reste à déterminer le seuil de pathogénicité par PCR ou à trouver des éléments objectifs permettant de différencier ces différents états. Malheureusement, comme le souligne Loens K. et al (45), les limites de détection choisies sont très variables d’une équipe d’étude à l’autre et il n’y a pas de consensus pour faire une évaluation convenable des différentes méthodes, ce qui rend difficile toute comparaison. II.G.2.b. Recherche indirecte dans le sang : les anticorps, la sérologie : Les anticorps produits en réaction à l’infection par Mycoplasma pneumoniae sont détectables dans le sang. Il faut obtenir deux prélèvements successifs à 10 ou 15 jours d’intervalle afin d’observer une séroconversion ou une augmentation significative du taux d’anticorps (au moins d’un facteur 4). Les agglutinines irrégulières sont des anticorps de type IgM anti-I dirigés contre les érythrocytes humains et sont classiquement recherchées. Cependant, un taux supérieur à 1/64 est évocateur d’une infection à Mycoplasma pneumoniae, mais n’est pas spécifique et doit être interprété selon le contexte. Elles apparaissent dans les 7 à 10 premiers jours de l’infection durant lesquelles elles sont positives chez 80% des patients, puis elles se négativent en deux ou trois semaines. Leur recherche est rapide, simple et peu coûteuse, mais leur manque de spécificité n’en fait pas un test de choix pour confirmer un diagnostic étiologique. La méthode de fixation du complément détecte des anticorps dirigés contre un antigène glycolipidique. Cette technique est peu sensible mais fiable. Il existe des faux-positifs lors 24 d’atteintes neurologiques et pancréatiques. Une séroconversion ou un taux élevé isolé (seuil supérieur à 64) permet une forte suspicion, qui est d’autant plus importante que la valeur est élevée. Les méthodes immuno-enzymatiques ou ELISA permettent la séparation des IgG et des IgM et restent les méthodes les plus utilisées. La détection IgM est précoce chez l’enfant et l’adolescent, mais est rarement observée chez l’adulte. Il existe des faux positifs dus à des taux élevés d’IgG ou à la persistance prolongée d’IgM, et des faux négatifs, liés à un déclin de la réponse immunitaire en particulier chez le sujet âgé ou liés à une réponse immunitaire non spécifique chez l’adulte en général. II.G.2.c.L’interprétation des résultats : Le diagnostic ambulatoire de pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae non compliquée repose essentiellement sur la clinique, parfois sur les clichés radiologiques, et sur la résistance des symptômes pulmonaires aux béta-lactamines. En cas de complications ou de mise en jeu du pronostic vital, le diagnostic doit être soutenu par des analyses microbiologiques dont les résultats constituent des éléments objectifs à prendre en compte. La PCR est une méthode qui a été validée en association soit avec la sérologie soit avec la culture ou les deux (45). Ceux-ci peuvent être contradictoires et méritent réflexion et interprétation en fonction du contexte. Si la sérologie ou la culture est positive alors que la PCR négative, cette discordance est peut-être due à la présence d’inhibiteurs dans le prélèvement ou dans le milieu de transport, à un nombre trop faible de copies de la cible ou à une difficulté technique. Si la PCR est positive tandis que la sérologie ou la culture est négative, soit le prélèvement a été réalisé trop tôt et les anticorps ne se sont pas encore développés, soit la PCR a détecté un seuil qui correspond plus à un portage qu’à une infection, soit le prélèvement a été contaminé (45). Si les deux sont négatifs, la PCR peut être négative 24h après le début du traitement, mais la séroconversion devrait être obtenue. 25 II.H. Traitement : II.H.1. L’antibiothérapie : Selon les recommandations de l’ANAES, l’infection respiratoire aiguë de l’adulte sans signe de gravité et sans facteur de risque, et des sujets de moins de 65 ans ayant un seul facteur de risque de mortalité, se traite généralement en ambulatoire et de façon probabiliste si une antibiothérapie est nécessaire (2). Le traitement symptomatique comporte des antipyrétiques classiques (paracétamol, ibuprofène, acide acétylsalicylique). En première intention, le traitement antibiotique est soit l’amoxicilline orale à 3g/24h, traitement de référence des pneumonies à pneumocoques, soit les macrolides par voie orale, traitement de référence des pneumonies à germes intracellulaires. Chez l’adulte sans signe de gravité, mais avec facteur de risque, l’antibiothérapie peut-être élargie, en prenant en compte le risque de pneumocoque de sensibilité diminuée à la pénicilline. En pratique, un contexte épidémique de Mycoplasma pneumoniae associé à un contexte clinique, peut conduire d’emblée à une antibiothérapie par macrolides. La durée recommandée est de 7 à 14 jours. L’antibiothérapie permet la diminution des symptômes respiratoires et généraux, une amélioration des clichés radiologiques s’ils étaient anormaux, et réduit la durée de convalescence et en particulier l’asthénie post-infectieuse. En revanche, le mycoplasme n’est pas complètement éradiqué des voies respiratoires à la fin du traitement, mais persiste quelques semaines (68). A côté des macrolides, d’autres antibiotiques sont actifs sur Mycoplasma pneumoniae et peuvent être utiles, en particulier en cas d’allergie. Ce sont les kétolides, les tétracyclines, les fluoroquinolones, les aminosides et le chloramphénicol. L’étude des résistances de Mycoplasma pneumoniae aux antibiotiques in vitro est annonciatrice de ses capacités de résistance essentiellement aux macrolides et aux fluoroquinolones (53), mais seuls quelques cas rares ont été observés in vivo. II.H.2. Les corticostéroïdes et les anticoagulants : L’inflammation des voies respiratoires et l’hyper-réactivité bronchique observée lors de l’infection par Mycoplasma pneumoniae seraient comparables à celles retrouvées dans 26 l’asthme, c’est pourquoi les corticostéroïdes ont également été proposés comme traitement adjuvant. Pour certains auteurs, ceux-ci pourraient contribuer à l’amélioration clinique des patients. Au niveau pulmonaire, ils semblent avoir leur intérêt en particulier en cas de dyspnée importante ou de détresse respiratoire aiguë ou en cas de maladie pulmonaire chronique sous-jacente (asthme, bronchopneumopathie chronique obstructive, dilatation des bronches). D’après Lesobre et al, les bronchodilatateurs et les corticoïdes seraient nécessaires pour obtenir la régression des symptômes respiratoires et notamment du bronchospasme (41). Alors qu’un traitement antibiotique adapté ne semble pas apporter d’amélioration aux manifestations extra-pulmonaires, la corticothérapie semble avoir un effet bénéfique, par exemple dans les complications neurologiques. Mycoplasma pneumoniae pourrait être responsable de la présence d’anticoagulants circulants de type antiphospholipide ou dirigés contre un facteur de la coagulation. Le plus souvent il s’agit d’un anticoagulant de type antiprothrombinase qui n’est pas responsable de troubles hémorragiques –lorsqu’il n’existe aucune autre anomalie de l’hémostase- mais paradoxalement d’un état d’hypercoagulabilité. Pourtant, l’intérêt d’une prophylaxie par anticoagulants est discuté (13). Néanmoins, un traitement anticoagulant préventif est généralement administré du fait de l’alitement si le patient est hospitalisé. II.I. Complications et séquelles : Dès les années 1940, avant même l’identification de Mycoplasma pneumoniae, l’érythème multiforme exudatif (futur syndrome de Stevens-Johnson) et l’anémie hémolytique étaient associés à la pneumopathie atypique (24). Depuis, grâce aux preuves micro-biologiques, ces complications ainsi que d’autres ont été formellement identifiées comme liées au micro-organisme. Celles-ci sont polymorphes, touchent tous les organes et leur sévérité variable s’étend du symptôme le plus bénin à la complication fatale. D’après Waites et Talkington, 25% des sujets infectés par Mycoplasma pneumoniae présentent une ou des complications extra-pulmonaires et celles-ci peuvent survenir en l’absence complète de symptômes respiratoires (74). Elles nécessitent parfois un traitement spécifique et des séquelles peuvent persister, même si la plupart sont d’évolution favorable 27 et régressive. Les complications extra-respiratoires sont quelquefois plus graves que l’infection respiratoire et se placent parfois au premier plan des symptômes cliniques. II.I.1. Complications et séquelles respiratoires : Les lésions pulmonaires rapportées sont la pneumonie, la bronchite, la trachéobronchite, l’abcès pulmonaire, l’épanchement pleural, la fibrose pulmonaire, et l’exacerbation de pathologies pulmonaires (11). La complication pulmonaire la plus souvent observée est une dyspnée d’intensité modérée à sévère et nécessite dans certains cas une assistance ventilatoire. Ce cas extrême est plus fréquemment retrouvé en cas de maladie pulmonaire sous-jacente (ce qui sort de notre sujet) mais a également été décrit chez le sujet sain. L’inflammation des voies respiratoires et l’hyperréactivité bronchique induites par Mycoplasma pneumoniae sont les mêmes mécanismes physopathologiques qui sont retrouvés dans l’asthme et la BPCO et qui pourraient –pour certains auteurs- être à l’origine de lésions capables d’induire un état asthmatique ou bronchitique chronique (11). II.I.2. Complications et séquelles extra-respiratoires : II.I.2.a. Complications cutanéo-muqueuses : Les complications cutanéo-muqueuses sont les plus fréquentes. Plus de 25% des patients présenteraient des éruptions cutanées limitées, une éruption maculo-papulo-vésiculeuse, une conjonctivite, des ulcérations buccales, qui peuvent former un tableau plus ou moins complet de syndrome de Stevens-Johnson dans 1.2 à 1.8% des cas pour Tay YK et al (70) et jusqu’à 7% pour Modesto Alapont M et al (48), et ce, avec ou sans manifestations respiratoires. Ces symptômes cutanés surviennent également après la prise de certains médicaments et notamment des antibiotiques, c’est pourquoi leur lien de causalité avec Mycoplasma pneumoniae est parfois controversé. Pourtant, celui-ci a été isolé plusieurs fois à partir des lésions cutanées (74). De plus, le syndrome de Stevens-Johnson a été décrit dès les années 1940 en association avec la pneumopathie atypique, alors qu’on considérait que 28 Mycoplasma pneumoniae était un virus et donc il n’y avait pas de prise concomitante d’antibiotiques. Nous reviendrons plus en détail sur ce sujet dans la deuxième partie. II.I.2.b. Complications neurologiques : Les complications du système nerveux central sont très fréquentes et toucheraient –avec une sévérité variable- 6 à 7% des patients hospitalisés pour une pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae documentée (74). Celui-ci a rarement été isolé dans le liquide céphalo-rachidien et les lésions neurologiques seraient secondaires à l’induction d’autoanticorps. Parmi les complications, on retrouve des atteintes diverses : encéphalite, méningo-encéphalite, méningite aseptique, myélite transverse, neuropathie périphérique, polyradiculite, syndrome cérébelleux, névrite optique, diplopie, confusion mentale, coma, psychose post-encéphalite et des déficiences motrices : syndrome de Guillain-Barré (paralysie ascendante), paralysie des nerfs crâniens, neuropathie du plexus brachial, ataxie. Habituellement ces symptômes régressent, mais persistent parfois sous forme de déficit moteur ou mental. Le choix d’une antibiothérapie pénétrant le système nerveux central (doxycycline, chloramphénicol) ne semble pas améliorer la guérison par rapport aux macrolides classiquement utilisés (azithromycine, clarithromycine), mais qui pénètrent peu le système nerveux central. En revanche, il semblerait que l’association de la corticothérapie à l’antibiothérapie chez les sujets souffrant d’une atteinte neurologique soit bénéfique : la régression des symptômes neurologiques serait plus complète chez les sujets bénéficiant d’une corticothérapie (74). II.I.2.c. Complications rhumatologiques : Des poly-arthralgies, des myalgies, des polyarthropathies surviendraient dans 14% des cas et pourraient persister plusieurs mois. Quelques cas d’arthrite septique et un cas d’ostéomyélite ont été rapportés, soutenus par l’isolement du micro-organisme dans le liquide synovial (74). Mycoplasma pneumoniae serait mis en cause comme facteur déclenchant de pathologies articulaires chroniques mais le mécanisme physiopathologique est mal connu. 29 II.I.2.d. Complications cardiaques et vasculaires : Elles sont peu fréquentes (1 à 8.5%) à type de myocardite, de péricardite, d’épanchement péricardique, rarement de tamponnade. Mycoplasma pneumoniae a parfois été isolé dans le liquide péricardique (74). Les séquelles sont peu fréquentes et parfois sans incidence comme des anomalies électrocardiographiques, mais on retrouve également des arythmies et une insuffisance cardiaque. Un syndrome de Raynaud lié aux agglutinines froides a été décrit ainsi que de rarissimes cas d’accident vasculaire cérébral et d’occlusion de la carotide interne. Higuchi et al ont isolé Mycoplasma pneumoniae en association avec Chlamydia pneumoniae dans des plaques d’athérome rompues ou instables provenant des corps de trois patients décédés d’un infarctus du myocarde. Mycoplasma pneumoniae était retrouvé en quantité moins abondante dans les plaques d’athérome stables que dans les plaques d’athérome instables (29). Cette constatation laisserait à penser que Mycoplasma pneumoniae pourrait participer à la formation, à la prolifération et à la rupture des plaques d’athérome, et être considéré comme co-facteur d’athérosclérose (74, 29), ceci n’étant pas du tout confirmé. II.I.2.e. Complications hématologiques : Dans un cas sur deux, on observe une anémie hémolytique qui est souvent infra-clinique, et qui résulte de la présence d’agglutinines froides. Malgré tout, quelques cas rares mais graves d’anémie ont été rapportés. De plus, des anticorps dirigés contre les facteurs de la coagulation (de type antiprothrombinase) seraient responsables de troubles de l’hémostase et d’un état d’hypercoagulabilité : des complexes immuns circulants ont été observés (74) et ceux-ci pourraient engendrer une coagulation intravasculaire disséminée, heureusement le plus souvent très limitée et sans conséquences. En considérant sa gravité potentielle, un traitement anticoagulant préventif a été proposé mais reste très discuté (13). II.I.2.f. Complications rénales : Elles sont exceptionnelles et évoluent parfois pour leur propre compte, aboutissant à une insuffisance rénale : glomérulonéphrite aiguë, néphropathie à IgA, insuffisance rénale. Les 30 séquelles seraient dues à la persistance dans le sang d’anticorps IgG et IgM antiMycoplasma pneumoniae. Ceux-ci formeraient des complexes immuns qui interagiraient avec le tissu rénal (67). II.I.2.g. Autres Complications : hépatiques, pancréatiques, gastro-intestinales et otorhino-laryngologiques : De multiples symptômes gastro-intestinaux et oto-rhino-laryngologiques banaux et sans gravité peuvent être associés à la pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae comme des nausées, des vomissements, une anorexie, des diarrhées, une otalgie, une otite. Seule la myringite bulleuse est très évocatrice mais elle est rarement observée (41). L’élévation souvent modérée des enzymes hépatiques régresse spontanément et seulement quelques cas d’hépatite cholestatique et de pancréatite ont été rapportés. 31 III. LE SYNDROME DE STEVENS-JOHNSON : III.A. Historique et classification : La nosologie des dermatoses éruptives aiguës cutanéomuqueuses n’est pas clairement établie et il n’existe pas de consensus international sur les critères de diagnostic (42). Certains auteurs pensent que l’érythème multiforme, le syndrome de Stevens-Johnson et la nécrose épidermique toxique (ou syndrome de Lyell) font partie d’une même maladie à des degrés divers, tandis que d’autres auteurs suggèrent que ce sont des maladies différentes. Pourtant, malgré des aspects cliniques proches, il semble bien exister des différences, non seulement en terme de séméiologie cutanée, mais également en termes d’étiologie et de pronostic. En 1860, le célèbre dermatologue autrichien Ferdinand Ritter von Hebra décrit l’érythema multiforme comme une éruption cutanée aiguë limitée, caractérisée par des papules cutanées érythémateuses. Celles-ci débutent aux extrémités, évoluent en 72 heures en lésions pathognomoniques en cocarde, persistent pendant une semaine puis commencent à guérir (73). Il décrit cette éruption comme potentiellement récidivante et induite notamment par l’herpès virus simplex, mais aussi par l’Epstein Barr virus et l’Histoplasma. En 1916, Rendu R rapporte un cas d’ectodermose érosive pluri-orificielle chez un jeune soldat de 22 ans qui comporte un syndrome pseudo-grippal avec un énanthème de la bouche, des yeux, des parties génitales et anales et un exanthème d’aspect variable prédominant aux chevilles et au poignet (60). Les cultures sont négatives et l’évolution est favorable en trois à quatre semaines sans traitement spécifique. Rendu R décrit alors une infection « curieuse » non épidémique et non contagieuse. En 1922, Stevens et Johnson décrivent chez deux enfants de sept et huit ans une éruption généralisée « extraordinaire » accompagnée d’une fièvre persistante, d’une inflammation de la muqueuse buccale et d’une conjonctivite purulente sévère (69). Diagnostiquée initialement comme une rougeole hémorragique par les médecins, l’éruption ne ressemble à aucune maladie connue jusqu’alors. En particulier, Stevens et Johnson la distinguent de 32 l’érythema multiforme de von Hebra par « l’aspect des lésions cutanées, l’absence de symptômes subjectifs, le caractère prolongé et élevé de la fièvre et l’évolution croûteuse ». Malgré la leucopénie observée dans les deux cas, ils suspectent alors une maladie infectieuse d’étiologie inconnue. En 1950, Thomas propose le nom d’érythème multiforme mineur pour la maladie de von Hebra et érythème multiforme majeur pour le syndrome de Stevens-Johnson. Depuis, l’érythème multiforme majeur, l’ectodermose érosive pluri-orificielle, le syndrome cutanéomuqueux et le syndrome de Stevens-Johnson étaient considérés comme synonymes et désignaient la même maladie (3). En 1993, afin de clarifier la nosologie, un comité d’experts internationaux propose une classification de ces syndromes cutanéomuqueux (8). Cette classification repose sur l’aspect, la localisation et l’étendue des lésions cutanées, et cherche à démontrer qu’il existe deux maladies différentes, d’un côté l’érythème multiforme majeur et de l’autre le syndrome de Stevens-Johnson, la nécrose épidermique toxique et les différents états situés entre les deux (figure 1). C’est l’aspect des lésions cutanées et non l’atteinte muqueuse décrite dans plus de 90% des cas- qui permettrait de les différencier (8). Bastuji-Garin S et al établissent un atlas des lésions cutanées qui décrit et illustre les cocardes typiques, les cocardes atypiques et les macules. Les cocardes typiques sont des lésions individuelles, régulières et symétriques, de moins de trois centimètres de diamètre, qui ont un contour bien délimité et au moins trois différentes zones concentriques : un centre érythémateux ou purpurique -bulleux ou non-, un anneau intermédiaire oedémateux surélevé et un anneau périphérique érythémateux. Par contre, les cocardes atypiques sont de taille variable. Les cocardes atypiques en relief sont des lésions rondes oedémateuses et palpables qui n’ont que deux anneaux, et/ou des contours irréguliers. Les cocardes atypiques planes sont des lésions rondes qui n’ont que deux anneaux, et/ou des contours irréguliers et qui ne sont pas palpables, à l’exception parfois d’une bulle centrale. Les macules avec ou sans bulles sont définies comme des macules non palpables souvent confluentes, érythémateuses ou purpuriques, de taille et de forme irrégulières. L’érythème multiforme serait caractérisé par l’aspect en relief ou palpable de cocardes cutanées typiques ou atypiques avec un 33 décollement cutané limité (inférieur à 10%), et par sa localisation acrale. Ce tableau clinique correspond à la description de von Hebra. Le syndrome de Stevens-Johnson et la nécrose épidermique toxique seraient caractérisés par la nature disséminée des lésions cutanées et par l’aspect plat et non palpable de cocardes atypiques et/ou de la présence de macules purpuriques et/ou de l’étendue du décollement cutané. Le syndrome de Stevens-Johnson et la nécrose épidermique toxique seraient alors des variations de la même maladie, avec tous les états situés entre les deux, et en représenteraient les deux extrêmes, l’étendue et la continuité du décollement cutané détermineraient toute la gravité du tableau (42). Donc, selon cette classification, l’érythème multiforme majeur et le syndrome de Stevens-Johnson seraient deux pathologies distinctes avec une érosion muqueuse similaire et des lésions cutanées différentes : non seulement Bastuji-Garin S et al séparent cliniquement l’érythème multiforme du syndrome de Stevens-Johnson, mais ils suggèrent une corrélation entre l’aspect clinique et l’origine étiologique : l’érythème multiforme serait d’origine infectieuse et plus précisément d’origine herpétique alors que le syndrome de Stevens-Johnson et la nécrose épidermique toxique seraient plutôt d’origine médicamenteuse (8). En 1995, l’étude SCAR -une large étude internationale prospective multicentriquedémontre que l’érythème multiforme et le syndrome de Stevens-Johnson sont deux pathologies qui différent d’un point de vue étiologique (34). Cependant, les causes infectieuses ne sont que rarement documentées dans cette étude, car ces informations ont été obtenues par interrogatoire, ce qui rend impossible toute évaluation du risque lié à ces causes infectieuses individuellement (4). Il n’en reste pas moins qu’il existe une corrélation clinico-étiologique prouvée : l’érythème multiforme est plutôt d’origine infectieuse, le syndrome de Stevens-Johnson plutôt d’origine médicamenteuse et la nécrose épidermique toxique est toujours d’origine médicamenteuse. Malgré quelques divergences quant à l’argument étiologique, la classification de BastujiGarin S et al est largement utilisée par les auteurs, car elle permet des comparaisons scientifiquement exploitables et valables, ce que le flou nosologique rendait difficile auparavant. Chacun des chapitres suivants essayera de tenir compte de cette nouvelle classification. Cependant, devant l’absence de consensus, les données retenues tiennent également compte d’études ou de revues de la littérature qui utilisent une nosologie différente. Il faut noter tout de même, que même les auteurs n’ayant pas adopté 34 officiellement cette classification ont un œil critique beaucoup plus aiguisé quant au diagnostic des syndromes cutanéomuqueux. Ils cherchent notamment à détailler davantage les descriptifs cliniques et donnent des preuves étiologiques, c’est pourquoi les études publiées sont plus explicites car elles comportent plus d’éléments de comparaison. Certains auteurs ont repris quelques séries et d’autres ont publié de nouvelles séries en utilisant cette classification. Tous ne sont pas d’accord quant à l’orientation étiologique que peut donner le diagnostic de syndrome de Stevens-Johnson. Pour confirmer cette hypothèse, il faudrait pouvoir reprendre toutes les publications sur ce sujet afin de renommer certains cas et vérifier ainsi cette hypothèse étiologique, ce qui est difficilement réalisable III.B. Epidémiologie : L’incidence du syndrome de Stevens-Johnson serait entre 1.1 à 7.1 cas par million d’habitants et par an (42). Elle est variable selon les études du fait des différents critères d’inclusion retenus. Le syndrome de Stevens-Johnson a été décrit dans le monde entier, à toutes les périodes de l’année et sans prédilection ethnique. Il survient à tout âge mais semble plus fréquent chez l’adulte jeune et l’âge moyen de survenue est de 25 ans. Il semblerait exister une prédominance masculine (70), certaines séries rapportant néanmoins de 33% à 62% de femmes, la plus grande série ne rapportant que 39.9% de femmes (42). Le syndrome de Stevens-Johnson est une maladie potentiellement mortelle : la mortalité est d’environ 5% des cas (23) III.C. Etiologie : De nombreux facteurs étiologiques ont été mis en cause dans la survenue du syndrome de Stevens-Johnson. Ils sont aussi variés que les infections, les vaccinations, les médicaments, les maladies systémiques, les agents physiques et alimentaires. D’après Letko E. et al, les médicaments seraient en cause dans 72.6% des cas, les infections dans 10.4% des cas et les 17% des cas restants seraient d’étiologie inconnue ou non déterminée (42). Parmi les médicaments, les plus souvent en cause sont les antibiotiques (sulfamides) suivis des analgésiques, des antitussifs, des antipyrétiques, des 35 anti-inflammatoires non stéroïdiens, des anti-épileptiques et des antigoutteux. Les causes médicamenteuses seraient retrouvées à la fois dans l’érythème multiforme, le syndrome de Stevens-Johnson et la nécrose épidermique toxique, tandis que les causes infectieuses ne seraient retrouvées que dans l’érythème multiforme et le syndrome de Stevens-Johnson. D’après Forman R et al, Herpes virus simplex et Mycoplasma pneumoniae seraient les causes infectieuses les plus fréquentes de syndrome de Stevens-Johnson et d’érythème multiforme (23), mais d’autres agents infectieux auraient été décrits tels que l’Epstein-Barr virus, le Cytomegalovirus, et d’autres infections virales. D’après Vanfleteren I et al, Mycoplasma pneumoniae serait le facteur déclenchant le plus fréquent de syndrome de Stevens-Johnson chez l’enfant (71). D’après la classification de Bastuji-Garin S et al (8) le syndrome de Stevens-Johnson et la nécrose épidermique toxique seraient d’origine médicamenteuse alors que les étiologies infectieuses seraient réservées à l’érythème multiforme. Pourtant, d’après Tay YK et al (70), dans la littérature, soixante dix cas de syndrome de Stevens-Johnson relèveraient bien d’une cause infectieuse et en particulier seraient associés à une pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae bien documentée. De plus, ils soulignent l’absence de lien entre ce micro-organisme et l’érythème multiforme, notant en particulier que les cas rapportés d’association d’érythème multiforme et de Mycoplasma pneumoniae, soit comprenaient une primo-infection par l’Herpes virus simplex que Mycoplasma pneumoniae ne venait que surinfecter, soit il s’agissait d’une confusion nosologique. De plus, on retrouve dans la littérature, plusieurs cas de syndrome de Stevens-Johnson qui sont révélateurs d’une pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae où les symptômes cutanés sont au premier plan (48). Parfois, lors d’études rétrospectives de cas de syndrome de Stevens-Johnson survenant au cours d’une pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae bien documentée, une prise médicamenteuse concomitante a pu être retrouvée. Pour Cherry JD, cela n’exclut pas la responsabilité de la bactérie, au contraire, il suggère que la prise médicamenteuse ne fasse qu’augmenter la pathogénie dermatologique potentielle de Mycoplasma pneumoniae, de la même manière que dans le cas de l’Epstein-Barr virus, où la prise d’ampicilline peut déclencher une réaction cutanée au cours de la mononucléose infectieuse (14). En conclusion, au vu de ces différents travaux, le syndrome de Stevens-Johnson pourrait avoir une cause iatrogène prépondérante : les médicaments, et une cause infectieuse plus 36 rare mais assez spécifique : Mycoplasma pneumoniae. Les cas de syndrome de StevensJohnson associés à l’Herpes virus simplex auraient été réfutés (23, 3). III.D. Physiopathologie : Le syndrome de Stevens-Johnson se caractérise par une destruction étendue des cellules épithéliales épidermiques associée parfois à la destruction de cellules épithéliales bronchiques, du tube digestif ou d’autres organes. Il aurait comme mécanisme de déclenchement une réaction d’hypersensibilité retardée. En effet, les symptômes surviennent le plus souvent dans la deuxième semaine de l’introduction d’un médicament ou du début de l’infection. Dans le cas d’une cause médicamenteuse, les symptômes cutanéomuqueux seraient initiés par une réaction immunitaire non spécifique, et par une réaction immunitaire spécifique dirigée contre le médicament inducteur et contre les métabolites toxiques produits par le système métabolique altéré. En effet, des déficits enzymatiques quantitatifs et qualitatifs ont été observés chez les sujets atteints du syndrome de Stevens-Johnson, et seraient responsables de la production de métabolites réactifs lors de la dégradation des médicaments, ces métabolites réactifs se comporteraient comme des haptènes (54). Par exemple, l’hydroxylamine est le métabolite réactif des sulfamides et des anticonvulsivants, et l’arene oxyde celui de l’amineptine. Dans le cas d’un syndrome de Stevens-Johnson associé à une pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae, les mécanismes physiopathologiques ne sont pas clairement établis. Les lésions cutanéomuqueuses pourraient être induites à distance par le système immunitaire stimulé au niveau pulmonaire, et peut-être parfois localement au niveau cutané, par le germe lui-même, celui-ci ayant déjà été isolé plusieurs fois à partir du liquide des lésions bulleuses (74, 14). La présence de Mycoplasma pneumoniae au niveau des bulles suggère, soit une migration du germe du tissu pulmonaire vers le tissu cutané, ou comme le proposent Schalock PC et al, une infection primaire du tissu cutané (65). Ces hypothèses sont toutes deux difficiles à démontrer. Cependant, l’interaction de Mycoplasma pneumoniae avec le tissu cutané et le système immunitaire provoqueraient la libération locale de substances pro et anti-inflammatoires (cytokines) et la stimulation des cellules cytotoxiques. Quel que soit le mécanisme physiopathologique, il aboutit à des lésions et à 37 la destruction des cellules épithéliales. Il existe différents mécanismes immunologiques qui pourraient être responsables de ces lésions. D’une part, ces lésions pourraient être induites par une réaction d’hypersensibilité à médiation cellulaire via l’action des cellules cytotoxiques dont la cible serait l’épithélium de l’hôte lui-même (cytotoxicité pour les cellules autologues). D’autre part, ces lésions pourraient être induites par une réaction d’hypersensibilité à médiation humorale, en réponse à des stimuli antigéniques différents, par le biais de la libération de cytokines, de complexes immuns circulants, ou d’autoanticorps produits par le système immunitaire berné par le mycoplasme (14). Comme exemple, Catteau B et al rapportent deux cas de syndrome de Stevens-Johnson dans le cadre d’une pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae, associés à la présence d’anticorps anti-phospholipides (anticorps antiprothrombinase et anticorps anticardiolipine) et suggèrent que ces anticorps, souvent retrouvés dans un contexte infectieux et considérés dans ce contexte comme non pathogènes, seraient un des stimuli immunitaires capable de déclencher une nécrose des cellules épidermiques, soit par activation locale du complément, soit par un phénomène de cytotoxicité à médiation cellulaire. Ces anticorps anti-phospholipides joueraient ainsi un rôle dans la physiopathogénie du syndrome de Stevens-Johnson secondaire à une pneumopathie à mycoplasme (10). Dans chacun des cas, la destruction des cellules épithéliales cutanées serait due à l’induction de l’apoptose cellulaire et non à la nécrose cellulaire (54). Trois mécanismes sont mis en cause et seraient susceptibles de conduire à la mort cellulaire programmée. D’une part, les lymphocytes cytotoxiques libèreraient au contact des cellules épithéliales des substances telles que les perforines et les granzymes qui provoqueraient des lésions membranaires. Cette voie semblerait être minoritaire, étant donné la faible infiltration des cellules inflammatoires dans les lésions (1). D’autre part, le TNFα libéré en grande quantité activerait le récepteur au facteur de nécroses des tumeurs (p55) situé sur les cellules épithéliales. Et enfin, le récepteur Fas situé sur les kératinocytes serait activé par Fas-ligand : en effet, la protéine Fas ou CD95 est une différenciation antigénique exprimée à la surface des cellules et appartient à la superfamille des récepteurs au facteur de nécrose des tumeurs qui interviennent dans la régulation de la réponse immunitaire périphérique et dans la régulation de l’apoptose. Les protéines Fas et Fas-Ligand sont exprimées naturellement à la surface des kératinocytes (1). L’interaction suicidaire entre Fas et Fas- 38 ligand induirait une modification de la réponse immunitaire et une apoptose massive des kératinocytes dans le syndrome de Stevens-Johnson et la nécrose épidermique toxique, alors que l’apoptose des kératinocytes est rare dans un épithélium normal (72). En fait, d’après Abe R et al, Fas-ligand serait difficilement détectable à la surface des kératinocytes, c’est pourquoi ils démontrent qu’il existe une protéine Fas-ligand soluble (sFas-ligand) probablement produite par les cellules mononuclées périphériques principalement les lymphocytes T et les natural killer- qui serait responsable de l’apoptose massive des kératinocytes dans le syndrome de Stevens-Johnson et dans la nécrose épidermique toxique (1). Ils démontrent in vitro que c’est l’introduction du médicament qui provoquerait la libération de Fas-ligand soluble. Ils suggèrent de plus que le dosage de sFas-ligand pourrait être un bon indicateur pour le diagnostic précoce du syndrome de Stevens-Johnson et de la nécrose épidermique toxique, celui-ci n’ayant pas été retrouvé dans l’érythème multiforme. Comme le syndrome de Stevens-Johnson est une maladie rare qui semble avoir des stigmates de maladie auto-immune, on a suspecté des susceptibilités individuelles et des recherches ont donc été effectuées sur le système HLA des sujets atteints. Il n’a pas été retrouvé un seul type HLA prédisposant à cette maladie, mais différents types HLA en fonction de l’étiologie ou des complications. En effet, il existerait des susceptibilités HLA étiologiques : HLA-B*5801 prédisposerait les individus qui prendraient de l’allopurinol (31), HLA-B*1502 ceux qui prendraient de la carbamazépine (15), alors que les individus porteurs des porteurs des antigènes HLA-Bw44, HLA-B12 et HLA-DQB1*0601 développeraient plus facilement des complications oculaires (42, 55). Ces observations ne font que corroborer le fait que les lésions cutanées soient secondaires à des réactions immunopathologiques. En effet, comme le soulignait déjà Roujeau JC en 1987 (62) il existerait des prédispositions immunogénétiques situées au niveau du système majeur d’histocompatibilité qui pourraient contribuer aux éruptions bulleuses réactionnelles. 39 III.E. Présentation clinique : La maladie débute par un syndrome pseudo-grippal avec fièvre, sensation de malaise, myalgies, céphalées, dysphagie, rhinorrhée et toux. Ces symptômes précèdent de deux jours à deux semaines l’éruption cutanée qui survient de façon brutale et évolue sur plusieurs jours, ce qui explique l’observation simultanée de différents stades de l’éruption. Les lésions cutanées maculopapuleuses sont des cocardes plus ou moins typiques planes et non palpables et des macules érythémateuses purpuriques étendues qui évoluent par endroit par un décollement cutané qui reste inférieur à 10% de la surface corporelle. Les lésions débutent souvent aux extrémités et sur la face pour gagner le tronc (70). L’intégralité de l’épiderme peut être atteinte à l’exception du cuir chevelu. Rarement, on observe une chute des ongles et des nævi éruptifs (42). L’atteinte érosive et inflammatoire des muqueuses est très fréquente et est observée dans 92.3% à 100% des cas, alors que la fréquence des complications viscérales est variable, retrouvée dans 8.1% à 61.5% des cas (42). Les érosions des muqueuses orales (chéilite, stomatite) sont responsables d’hypersialorrhée, de dysphagie et sont retrouvées dans tous les cas à type de vésicules, de bulles, d’érosion isolée, d’ulcérations et de pseudo-membranes de toute la muqueuse buccale, de la langue et du pharynx (37). Les lèvres sont ulcérées, suintantes, squameuses puis croûteuses et ensuite desquament. Les lésions oculaires sont présentes chez deux tiers des patients. Dans 90 à 100% des cas, il s’agit d’une conjonctivite bilatérale sévère purulente, mucopurulente, membraneuse, pseudomenbraneuse ou cicatricielle (37). Celle-ci est souvent accompagnée d’un œdème des paupières d’une photophobie et d’un larmoiement. Parfois, on retrouve une hémorragie sous-conjonctivale, une ulcération conjonctivale voire une ulcération de la cornée. Du fait de la gravité fonctionnelle des complications oculaires, un avis spécialisé ophtalmologique est requis de façon précoce ainsi que des soins spécifiques et adaptés, pour prévenir les séquelles. Les lésions génitales surviennent chez trois patients sur quatre, quelquefois accompagnées de lésions anales. Les vésicules, bulles et érosions constituent des ulcérations plus ou moins étendues de la vulve, du vagin, du scrotum, du gland et du pénis, qui sont parfois responsables de synéchies ou d’adhérences génitales. 40 Il existe parfois des lésions viscérales : les lésions gastro-intestinales sont responsables de diarrhées et l’érosion des muqueuses trachéobronchiques est responsable de toux. On observe aussi des lésions rénales à type de glomérulonéphrites qui peuvent évoluer vers une insuffisance rénale et des lésions hépatiques à type d’hépatites, avec le plus souvent une élévation transitoire des transaminases (42). Il existe des formes récurrentes de syndrome de Stevens-Johnson mais leur cause est mystérieuse. En effet, on observe des récurrences de syndrome de Stevens-Johnson sans que la cause initiale (si elle a été identifiée) soit retrouvée lors des récurrences. Ce phénomène de récurrence est universellement reconnu et serait de l’ordre de 20%, mais peu de cas ont été publiés. Patterson R et al rapportent trois cas de récurrence après rémission d’un syndrome de Stevens-Johnson : un traumatisme cutané de moyenne importance (lésions de grattage…) pourrait être responsable d’une dermopathie inflammatoire récurrente sur un tissu cutané sensibilisé (51). Des cas de récurrence de syndrome de Stevens-Johnson associé à une pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae ont été décrits dans la littérature. Larregue M et al rapportent un cas de récurrence à deux mois d’intervalle chez un enfant de 7ans, la sérologie ayant été obtenue lors du deuxième épisode (38). Hartel C et al décrivent la cinquième récurrence en hiver chez un enfant de 12 ans, l’une des récurrences ayant été associée avec Mycoplasma pneumoniae (27). Parfois les récurrences surviennent durant la convalescence : Davis MD et al rapportent un cas de récurrence chez un jeune homme de 26 ans, tout d’abord à la diminution de sa corticothérapie, puis à la diminution et à la suppression de ses immunosuppresseurs qui ont remplacé les corticoïdes (16). On ne connaît pas les mécanismes physiopathologiques de récurrence, mais il semblerait qu’il y ait une réactivation du système immunitaire. D’ailleurs, on observe en immunofluorescence des dépôts d’IgG, IgA, IgD, C3, C4 dans les parois vasculaires du tissu cutané dans les formes récurrentes (42) 41 III.F. Examens paracliniques : III.F.1.Bilan biologique : Il n’y a pas dans le bilan sanguin d’éléments permettant le diagnostic positif de syndrome de Stevens-Johnson. Les leucocytes sont normaux, diminués, ou augmentées. Il peut exister une hyperéosinophilie, témoin d’une réaction d’hypersensibilité ainsi qu’un syndrome inflammatoire. Les autres anomalies sont symptomatiques de complications viscérales : élévation des transaminases, élévation de l’urée et de la créatinine sanguine, perturbation du ionogramme. Les examens bactériologiques et virologiques ont pour but de rechercher une cause et ils sont effectués à partir du sang, des urines, des expectorations et parfois des lésions cutanées. On recherche notamment Mycoplasma pneumoniae et Herpès virus simplex, et parfois l’Epstein-Barr virus le Cytomegalovirus, l’adénovirus et les coxsackies, en fonction des signes cliniques d’appel. Des complexes immuns circulants et des anticorps anti-cytoplasme des cellules des membranes basales de l’épiderme ont parfois été retrouvés (38), mais ils ne sont pas spécifiques du syndrome de Stevens-Johnson. De même les anticorps anti-phospholipides, plus particulièrement retrouvés lors d’une pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae n’ont aucune valeur diagnostique (10). III.F.2.Histologie : La seule caractéristique histologique retrouvée lors du syndrome de Stevens-Johnson (et de la nécrose épidermique toxique) est l’apoptose massive des kératinocytes (1). Les autres caractéristiques histologiques ne sont pas spécifiques et ne permettent pas la confirmation diagnostique mais permettent de faire un diagnostic différentiel. La biopsie de la peau péri-lésionnelle montre une accumulation de lymphocytes à la jonction dermo-épidermique, en particulier une infiltration de macrophages, de lymphocytes activés, la plupart des CD8 (33). Au niveau de l’épiderme on retrouve un œdème intercellulaire et une nécrose des kératinocytes, voire des bulles intra ou sous épidermiques recouvertes d’un épiderme nécrosé. On observe également la formation de 42 bulles sous-épidermiques à la jonction dermo-épidermique. Le derme superficiel présente une périvascularite avec une petite infiltration de monocytes, tandis qu’au niveau du derme il existe un infiltrat lymphohistiocytaire périvasculaire. L’immunofluorescence directe est considérée comme négative car non spécifique avec des dépôts d’IgM et de C3 dans les parois vasculaires (42). Elle contribue au diagnostic différentiel. Dans la conjonctive oculaire, on retrouve de nombreuses cellules HLA-DR+, (antigène d’histocompatibilité de classe II retrouvé dans certaines maladies cutanées comme le pemphigus vulgaris), une métaplasie épithéliale et une hyperprolifération épithéliale pouvant conduire à la kératinisation pathologique de la surface de l’épithélium oculaire, responsables de séquelles oculaires graves telle que la cécité (42). III.G. Diagnostics différentiels : Les diagnostics différentiels du syndrome de Stevens-Johnson reposent sur l’aspect clinique des lésions cutanées, parfois la biologie, l’histologie et surtout l’immunofluorescence. L’érythème multiforme se distingue par l’aspect en relief ou palpables de cocardes typiques ou atypiques et la localisation acrale des lésions. La nécrose épidermique toxique se distingue par un décollement supérieur à 10%, avec ou sans macules et un décollement cutané en larges lambeaux avec signe de Nikolsky positif. Les toxidermies médicamenteuses banales se distinguent par l’absence de cocardes. Elles peuvent évoluer vers un syndrome de Stevens-Johnson ou une nécrose épidermique toxique. Le syndrome de Rowel est une forme de lupus érythémateux qui comporte une éruption à type d’érythème multiforme associée à un tableau immunologique caractéristique : des anticorps antinucléaires mouchetés et des anticorps anti-antigènes solubles SSA et SSB. Les autres dermatoses bulleuses auto-immunes : La dermatose à IgA linéaire comporte, à l’immunofluorescence directe, des dépôts linéaires exclusifs ou prédominants d’IgA. La pemphigoïde bulleuse survient surtout chez les patients âgés et se caractérise par des bulles tendues et de grandes tailles le plus souvent prurigineuses. On retrouve des anticorps 43 antimembrane basale, des dépôts d’IgG et/ou de C3 le long de la membrane basale de l’épiderme à l’immunofluorescence directe. La pemphigoïde paranéoplasique se caractérise par la présence d’anticorps anti-substance intercellulaire et de dépôts d’IgG et/ou de C3 au niveau des membranes cytoplasmiques des kératinocytes formant un aspect en « mailles d’un filet » à l’immunofluorescence directe. Les maladies bulleuses d’origine infectieuses : L’impétigo bulleux streptococcique comporte des lésions bulleuses intra-épidermiques très superficielles chez l’enfant. L’épidermolyse staphylococcique comporte des lésions bulleuses retrouvées chez l’enfant porteur d’un foyer ORL staphylococcique. La dermatose virale comporte normalement des vésicules (<2mm) qui peuvent confluer en bulles (>3mm) au cours d’un herpès, d’une varicelle ou d’un zona, III.H. Evolution, complications et séquelles : Le syndrome de Stevens Johnson peut évoluer favorablement, s’étendre, se transformer en nécrose épidermique toxique, ou présenter des complications viscérales. La mortalité, évaluée à 5% environ (63), est due à un sepsis, une hémorragie gastro-intestinale ou une embolie pulmonaire (33) Afin d’évaluer le risque de mortalité à l’admission, Bastuji-Garin S et al ont proposé et validé un score de gravité de la nécrose épidermique toxique et du syndrome de StevensJohnson : le SCORTEN (7). Ce score prend en compte sept facteurs de risque de décès indépendants : âge supérieur à quarante ans, maladies malignes, tachycardie supérieure à 120/minute, décollement cutané initial supérieur à 10 %, uricémie supérieure à 10 mmol/l, glycémie supérieure à 14 mmol/l et bicarbonate en dessous de 20 mmol/l. Le SCORTEN a été proposé car ni le score utilisé en unité de soins intensifs, ni le score utilisé en unité de soins des grands brûlés ne semblaient adaptés pour prédire l’évolution et la gravité du syndrome de Stevens-Johnson et de la nécrose épidermique toxique. Ce score est couramment utilisé dans les études pour évaluer le bénéfice de nouvelles thérapeutiques comme les immunoglobulines intraveineuses. 44 III.H.1. Les complications cutanées : Le décollement cutané a pour conséquence la perte des fonctions physiologiques de la peau ce qui entraîne un risque de déshydratation et d’hypovolémie, un risque de surinfection et un risque de dénutrition, proportionnels à l’étendue du décollement. Ces complications sont similaires à celles retrouvées chez le grand brûlé, ce qui conduit parfois à une hospitalisation d’emblée dans un service de grands brûlés si c’est possible ou dans une unité de soins intensifs. Les principales séquelles sont une hyperpigmentation cutanée post-inflammatoire lors de la cicatrisation, qui peut subsister dans certaines zones. III.H.2. Les complications oculaires : Les complications oculaires sont les plus graves d’un point de vue fonctionnel. Il existe une séquelle ophtalmologique chronique dans 35% des cas (55) à type de conjonctivite récurrente ou de sécheresse oculaire Ces lésions chroniques peuvent aboutir à une kératite avec formation de néovaisseaux, à une perforation de la cornée voire à une cécité. L’atteinte des paupières se complique de synéchies palpébrales et de fibrose sousconjonctivale qui peuvent apparaître des années après, formant des symblépharons et des entropions. III.H.3. Les complications viscérales : Les complications pulmonaires sont des ulcérations trachéales et bronchiques qui peuvent gêner la progression de l’air et donc l’oxygénation et qui peuvent être à l’origine de pneumothorax et de bronchiolites oblitérantes. L’érosion des muqueuses gastro-intestinales peut rendre impossible l’hydratation et l’alimentation, et peut être responsable de dysphagie, d’odynophagie, de dyspepsie, et de diarrhées sanglantes. Une sténose partielle de la partie haute de l’œsophage chez un enfant de 13 ans a été décrite comme séquelle d’un syndrome de Stevens-Johnson survenu six ans auparavant (64). 45 Les ulcérations génitales les adhérences, et les sténoses génitales sont décrites dans 14% des cas, hommes et femmes confondus (26). Un examen gynécologique est donc nécessaire en période de convalescence afin de libérer les éventuelles adhérences et d’éviter la sténose vaginale. D’autres complications ont été décrites à type d’hépatite, de lésions myocardiques, de glomerulonéphrites avec protéinurie, hématurie et azotémie. Parfois ces complications sont totalement réversibles, parfois elles laissent des séquelles fonctionnelles. III.I. Traitement : III.I.1.Traitement symptomatique et « supportive therapy » : Le traitement symptomatique est le seul traitement consensuel, car il n’existe pas de traitement spécifique. Il s’agit aussi de « supportive therapy » traduit de façon inexacte en français par « traitement de soutien » et qui rassemble tous les traitements préventifs et curatifs permettant de pallier les déficits métaboliques et fonctionnels de l’organisme. Ce « traitement de soutien » est l’apanage des unités de soins intensifs et le transfert précoce dans une unité de soins intensifs de grand brûlé est donc recommandé si c’est possible, car les soins à prodiguer sont comparables à ceux d’un grand brûlé. Tous les cas de syndrome de Stevens-Johnson ne nécessitent pas une prise en charge aussi lourde, mais il est nécessaire d’être attentif et de mettre en place au minimum un traitement préventif des complications cutanéomuqueuses. Il faut lutter contre la déshydratation et la dénutrition en corrigeant les troubles hydroélectrolytiques et énergétiques par perfusion et parfois par nutrition parentérale à l’aide d’une sonde nasogastrique. Il faut lutter contre la surinfection à l’aide de bains antiseptiques, et par la prescription systématique d’antibiotiques à large spectre, et procéder à un parage chirurgical des lésions si nécessaire. Tout matériel adhésif doit être exclu, car cela risquerait d’aggraver les lésions. Un traitement analgésique adapté doit être prescrit ainsi qu’un traitement antiacide visant à prévenir l’ulcère de stress, et un traitement anticoagulant préventif du fait de l’alitement. 46 Il faut humidifier les muqueuses respiratoires et oculaires afin de prévenir les synéchies et rompre mécaniquement, si nécessaire, les brides conjonctivales en formation plusieurs fois par jour. III.I.2.Traitement étiologique : Même si le traitement étiologique n’améliore pas les symptômes, il évite l’aggravation. Il s’agit de retirer le médicament suspect ou de traiter par une antibiothérapie adaptée une pneumopathie à mycoplasme ou toute autre infection. III.I.3.Traitement médicamenteux : III.I.3.a.La corticothérapie : L’efficacité de la corticothérapie intraveineuse est très controversée. D’après Jones DH et al, la corticothérapie intraveineuse à forte dose précoce serait bénéfique et réduirait la mortalité, la fièvre et la durée de l’éruption (33). Si le diagnostic est trop tardif la corticothérapie serait inutile voire délétère (42, 14, 33, 63). La corticothérapie est également controversée en raison du risque d’effets secondaires à type de sepsis ou d’hémorragie gastro-intestinale (70). De plus, elle retarde la cicatrisation cutanée. Cependant, ces effets indésirables seraient secondaires à une utilisation prolongée de doses faibles. D’après Patterson R et al, la corticothérapie intraveineuse pourrait être bénéfique si elle est précoce, à forte de dose, et de courte durée (52). Il est à noter que, étant donné son faible coût et sa disponibilité (en comparaison des immunoglobulines intraveineuses) la corticothérapie est assez fréquemment utilisée, malgré les controverses. III.I.3.b.Les immunomodulateurs et les immunoglobulines : Du fait du mécanisme immunologique supposé du syndrome de Stevens-Johnson, différentes thérapies visant à diminuer la suractivité des facteurs immuns ont été proposées : plasmaphérèse, immunomodulateurs, immunosuppresseurs et immunoglobulines. La plasmaphérèse, les immunomodulateurs et les immunosuppresseurs 47 pourraient être bénéfiques, mais les études ne sont pas assez nombreuses dans ce domaine (33). Parmi les Immunomodulateurs testés dans le syndrome de Stevens-Johnson et la nécrose épidermique toxique, l’Ulinastatine est proposée par Inamo Y et al (32). L’Ulinastatine est un inhibiteur de la trypsine urinaire isolée dans l’urine humaine fraîche et qui est utilisée depuis 1980 dans les syndromes de choc, puis au cours d’une chirurgie lourde afin de diminuer la réaction de stress de l’organisme. Elle est proposée par Inamo Y et al dans le syndrome de Stevens-Johnson et la nécrose épidermique toxique car elle serait capable, in vitro, de diminuer la production de TNFα et d’autres cytokines pro-inflammatoires, voire de prévenir l’apoptose en bloquant directement l’action du TNFα (32). L’action clinique chez l’enfant semble permettre une réduction de la durée de la fièvre et semble prévenir les séquelles, mais une étude contrôlée multicentrique reste nécessaire pour confirmer ces résultats (32). Les immunoglobulines intraveineuses ont davantage été étudiées et seraient susceptibles d’arrêter la progression des symptômes. Les immunoglobulines intraveineuses sont préparées en principe à partir du plasma de mille donneurs sains et contiennent donc un large panel d’anticorps (47). Leur demi-vie est de trois semaines chez une personne immunocompétente. D’après Viard I et al les immunoglobines intraveineuses bloquerait in vitro l’activation du récepteur Fas et inhiberait ainsi l’apoptose des kératinocytes (72). Cependant, l’efficacité in vivo des immunoglobines intraveineuses restait à démontrer, et une étude multicentrique était nécessaire afin d’évaluer cette thérapeutique. Les études rétrospectives multicentriques chez l’adulte de Prins C et al semblent démontrer que de fortes doses d’immunoglobulines intraveineuses pourraient bloquer la progression du syndrome de Stevens-Johnson et réduire le temps de cicatrisation (57), tandis que dans la nécrose épidermique toxique, les immunoglobulines intraveineuses administrées précocement diminueraient la mortalité (56). Metry DW et al proposent une revue de la littérature de l’utilisation des immunoglobulines intraveineuses chez l’enfant atteint de syndrome du Stevens-Johnson ou de la nécrose épidermique toxique (47). Non seulement les immunoglobulines intraveineuses se fixeraient sur les récepteurs Fas des kératinocytes pour bloquer leur apoptose, mais elles limiteraient les complications infectieuses grâce à leurs propriétés anti-infectieuses 48 intrinsèques (réserve d’anticorps, effets sur l’activation et la différenciation des lymphocytes B et T…) et élimineraient les complexes immuns circulants. Elles moduleraient la réponse immunitaire à médiation cellulaire et les cytokines et contribueraient à la restauration des protéines plasmatiques, limitant ainsi les pertes occasionnées lors de la perte de la barrière cutanée (47). Pourtant, pour Bachot N et al il serait nécessaire d’effectuer un essai contrôlé randomisé pour affirmer le bénéfice d’immunoglobulines intraveineuses, mais l’échantillon nécessaire est trop important, et la faisabilité et les problèmes d’éthique rendent impossible une telle étude (5). Ils proposent donc une étude prospective, dans laquelle l’administration d’IVIG ne semble pas avoir d’incidence positive ni sur la progression du décollement cutané, ni sur la vitesse de ré-épidermisation, ni sur la mortalité, et ne semble donc pas une thérapeutique à utiliser en routine lors du syndrome de Stevens-Johnson ou de la nécrose épidermique toxique (5). Cet échec pourrait s’expliquer par le fait que, d’après Prins C et al, les différents lots d’immunoglobulines n’auraient pas -in vitro- une capacité d’inhibition identique sur la mort cellulaire médiée par Fas (56). Il aurait donc fallu utiliser différentes marques d’IVIG et différents lots et vérifier l’activité inhibitrice de l’apoptose cellulaire médiée par Fas, avant de tirer une conclusion (56), comme l’ont fait Prins C et al dans leur étude multicentrique. Outre l’efficacité controversée des immunoglobulines intraveineuses, les facteurs limitant de leur utilisation sont leur disponibilité et leur coût (47). Metry DW et al évaluent entre 3500$ à 7200$ le coût du traitement pour trois jours de traitement d’un enfant de 20 kilogrammes. Pourtant, Hebert AA et al rapportent un syndrome de Stevens-Johnson récurrent (4 fois) dû à l’injection de produit de contraste en vue d’une coronarographie. Ils sont amenés à refaire une cinquième coronarographie devant les symptômes cardiaques inquiétants de la patiente et proposent des immunoglobulines intraveineuses comme traitement préventif (les corticoïdes comme traitement préventif se sont avérés impuissants). Malgré le coût, la pharmacie de l’hôpital accepte et l’injection prophylactique s’avère bénéfique (28). En conclusion, le traitement de référence est un traitement symptomatique et intensif, l’efficacité de tout autre traitement devrait être prouvée par une étude multicentrique prospective, qui ne peut être réalisée d’un point de vue éthique. Néanmoins, les traitements par immunoglobulines semblent très prometteurs. 49 IV.REVUE DES CAS CLINIQUES : IV.A. Description des cas cliniques : La recherche s’est effectuée rétrospectivement des années 1998 à 2005 incluses, sur les patients hospitalisés dans le service de maladies infectieuses de l’hôpital de Villeneuve Saint Georges (94), après avoir été accueillis aux urgences. Les critères de recrutement étaient l’association d’une pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae documentée (sérologie positive à IgG) à un diagnostic de syndrome de Stevens-Johnson. Quatre cas seulement ont été retenus durant ces sept années. On retrouve une prédominance masculine avec trois hommes pour une femme et un âge compris entre 16 ans et 45 ans avec un âge moyen de 26.5 ans et un âge médian de 30.5 ans. L’altération de l’état général, symptôme commun à ces quatre cas, motive la consultation aux urgences. S’y ajoutent une fièvre élevée et des symptômes respiratoires pour Monsieur Y et Madame M, un énanthème buccal et urétral pour Monsieur C et tous ces symptômes à la fois pour Monsieur T. Dans chacun des quatre cas, le diagnostic de pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae a été confirmé à posteriori par une sérologie positive et a alors conforté le choix de l’antibiothérapie probabiliste. IV.A.1. Cas n°1 Monsieur Y : Monsieur Y, 16 ans, n’a pas d’antécédent particulier. Il souffre de dysphagie depuis quinze jours quand il consulte son médecin traitant qui lui prescrit de l’amoxicilline pour une angine fébrile. Deux jours plus tard, il consulte à nouveau son médecin traitant car sa fièvre persiste à 39°C et des lésions vésiculaires buccales, une conjonctivite bilatérale, des lésions vésiculaires du gland et des vomissements sont apparus ainsi qu’une toux grasse. L’auscultation met en évidence un foyer de crépitants de la base droite. Son médecin traitant change l’amoxicilline pour du Rulid®. Le lendemain les symptômes respiratoires s’accentuent avec l’apparition d’une polypnée, d’une cyanose discrète et de sibilants diffus. L’état général s’altère avec l’apparition d’un ganglion sous-maxillaire et d’une inappétence. Il est alors adressé aux urgences par son médecin traitant. 50 A l’arrivée aux urgences Monsieur Y est polypnéique avec une désaturation à 90% en air ambiant. Son visage est vultueux, son haleine est fétide et l’examen retrouve des adénopathies sous-maxillaires et un enduit blanchâtre de la muqueuse buccale (figure 6). Monsieur Y se plaint de brûlures mictionnelles et l’examen clinique retrouve des lésions vésiculeuses et croûteuses du gland avec adhérence de l’orifice inférieur de l’urètre. Le patient est admis en unité de soins intensifs pour insuffisance respiratoire aiguë, quatre jours après le début de ses symptômes. Le bilan biologique montre une hyperleucocytose à 14500/mm3 avec 75.4% de polynucléaires neutrophiles (10930), un syndrome inflammatoire avec une VS à 31/57 et une CRP à 144.3. Les gaz du sang se normalisent sous 8 litres d’O2/min (pH 7.PaO2 100, SaO2 97, PaCO2 36, CO2T 24, RA 25). Le ionogramme sanguin, le bilan rénal (créatinine et urée) et le bilan hépatique (phosphatases alcalines, transaminases, gammaGT) sont normaux La radiographie du thorax montre un discret syndrome interstitiel sans foyer individualisé (figure 2). L’ECG est normal. Le patient est perfusé pour réhydratation, mis sous aérosol de Ventoline® et traité par une antibiothérapie à large spectre dans l’attente des résultats bactériologiques (Erythromycine®, Oflocet® et Rocéphine®) et par un antifungique local (Fungizone®). Un traitement par Raniplex® vise à lutter contre l’ulcère de stress et le Prodafalgan® contrôle la fièvre et la douleur. Une alimentation parentérale par sonde nasogastrique est mise en place du fait de la dysphagie importante gênant l’alimentation orale. Sous antibiothérapie probabiliste, la fièvre diminue dans les 12 heures et la dyspnée régresse, mais la toux reste productive. A J1, les sibilants disparaissent mais il reste un frottement pleural bilatéral. Un syndrome de Stevens-Johnson, secondaire à une pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae est alors suspecté. Un examen ophtalmologique ne montre pas d’atteinte cornéenne ni d’ulcérations, mais une hémorragie sousconjonctivale bilatérale hyperhémique. Un traitement préventif par Vitabact® collyre, larmes artificielles et pommade à la vitamine A est alors débuté. La sérologie Mycoplasma pneumoniae conforte le diagnostic avec des IgG positives (IgM non testées) et la détection positive d’antigènes dans l’expectoration par méthode immuno-enzymatique. Les sérologies EBV, Chlamydiae trachomatis, Chlamydiae pneumoniae, Legionnella 51 pneumophila, CMV, hépatites B et C, et HIV 1 et 2 sont négatives. L’ECBU et les hémocultures sont stériles. La kinésithérapie respiratoire conforte l’amélioration clinique. L’Oflocet® et la Rocéphine® sont interrompus et seule l’Erythromycine® est poursuivie. Le sevrage d’oxygène est fait progressivement et le patient a une saturation en O2 de 97% sous 6 litres d’O2 par minute. Le deuxième jour, l’auscultation thoracique se normalise mais il persiste des symptômes bronchiques. La mycose buccale régresse sous traitement et les douleurs mictionnelles sont calmées par Xylocaïne® gel. L’apyrexie se maintient, les adénopathies sont moins volumineuses mais gênent l’alimentation orale. L’hyperleucocytose régresse à 12300/mm3 puis se normalise à 8700 au bout de 48 heures de traitement. Le patient est alors transféré en unité de maladies infectieuses avec comme traitement Vitabact® collyre , Erythromycine®, Raniplex®, Fungizone®, et Prodafalgan®, une alimentation orale et parentérale (Sondalis® 1500 cc/24h) et une oxygénothérapie à 3l/min. Le syndrome inflammatoire encore élevé (PCR 43.7) se normalise en cinq jours (PCR <5). L’hospitalisation en unité médicale durera neuf jours afin d’assurer les soins locaux préventifs, oculaires, buccaux et génitaux. Le traitement par Erythromycine® IV sera remplacé par Rovamycine® 3M trois comprimés par jour. Monsieur Y est revu un mois plus tard et ne présente aucune séquelle ni ophtalmologique, ni buccale ni génitale. La radiographie du thorax de contrôle est normale. IV.A.2. Cas n°2 Madame M : Madame M, 45 ans, est cadre infirmier. Elle souffre de trachéites à répétition, d’eczéma à raison de trois poussées par an traité par Diprosone® crème et d’allergie à la pénicilline à type d’œdème facial. Elle prend comme traitement de préménopause du Duphaston®. Comme elle souffrait de trachéite avec fièvre à 38°5C depuis plus de quinze jours, elle consulte son médecin traitant qui la traite avec Solupred®, Dynabac®, Tussisédal® et Xyzall®. Huit jours plus tard apparaissent un œdème facial avec une conjonctivite et un prurit de l’œil gauche, des ulcérations buccales et une irritation vulvaire. Ces symptômes conduisent Madame M à consulter à nouveau son médecin traitant qui diagnostique un début d’œdème de Quincke et une mycose buccale. Il lui fait arrêter son traitement, 52 notamment antibiotique, il lui injecte des corticoïdes et lui donne une ordonnance de corticoïdes, de Clarytine® de Fungizone®, d’Imudon® en pastilles. Dans les 24 heures les symptômes s’aggravent et une toux apparaît. Les examens biologiques demandés le lendemain par le médecin traitant objectivent une hyperleucocytose à 14900/mm3 avec 72% de polynucléaires neutrophiles, un syndrome inflammatoire avec une CRP à 27 et une biologie hépatique et rénale normale. La radiographie thoracique montre un foyer lobaire alvéolo-interstitiel de la base droite (figure 3) et Madame M est adressée aux urgences. Plus de trois semaines se sont écoulées depuis le début des symptômes. L’examen clinique révèle une tension artérielle normale à 15/8, une tachycardie à 138/min et une fièvre à 39°C. Madame M présente une toux sèche mais l’auscultation cardiopulmonaire est normale et la saturation en O2 est de 100% en air ambiant. Des ulcérations buccales diffuses sont accompagnées d’un ganglion jugulocarotidien droit et sont responsables de dysphagie et d’odynophagie. On note une conjonctivite et un œdème palpébral bilatéraux. L’examen gynécologique montre des lésions érosives des muqueuses vaginales et un œdème. Le reste de l’examen est normal. Le bilan biologique à l’entrée montre une hyperleucocytose à 16700/mm3 avec 78.6% de polynucléaires neutrophiles (13130/mm3) et un syndrome inflammatoire avec une CRP à 50.3. La radiographie du thorax montre.un foyer lobaire alvéolo-interstitiel de la base droite. L’ECBU et les hémocultures sont stériles et le prélèvement vaginal ne révèle aucune infection. Les agglutinines froides sont négatives et les sérologies EBV, CMV, HSV1 et2, varicelle zona, Chlamydia pneumoniae sont négatives. La sérologie et la recherche d’antigène soluble de Legionella pneumophila dans les urines sont négatives. La recherche d’antigène soluble de Streptococcus pneumoniae dans les urines est négative. La recherche d’antigène soluble de Neisseria meningitis groupe A, C, B/E, Y/W dans le sang est négative. La sérologie Mycoplasma pneumoniae est positive à IgG et à IgM et signe une infection en cours, pourtant la recherche d’ADN de Mycoplasma pneumoniae par PCR de prélèvement buccal est négative. Cette discordance est peut-être due à la présence d’inhibiteurs de la polymérase dans le prélèvement ou à un nombre trop faible de copies de la cible dans le prélèvement buccal, qui n’est pas le prélèvement de choix pour rechercher Mycoplasma pneumoniae (45). Madame M rapporte un tableau équivalent de topographie similaire survenu il y a six ans, avec une atteinte également exclusivement muqueuse accompagnée d’une kératite, 53 d’érosions génitales, d’ulcérations buccales aphtoïdes et d’une atteinte gingivale avec déchaussement dentaire. Cette éruption a duré 21 jours et n’a nécessité ni arrêt de travail, ni hospitalisation. Il n’y a aucune notion de poussée herpétique connue. Des recherches immunologiques sont donc effectuées à la recherche d’éléments évocateurs d’une maladie systémique. Les anticorps anti-épiderme (anticorps anti membrane basale et anticorps anti cytoplasme inter-cellulaire), les anticorps anti nucléaires les anticorps anti-cytoplasme des PNN et les facteurs rhumatoïdes (test au Latex et test de Waler-Rose) sont négatifs. Sur le plan clinique, la fièvre oscille entre 38° et 39°5 tout le long de l’hospitalisation. L’hyperleucocytose régresse nettement de 11600/mm3 à 7400/mm3 puis à 4400/mm3, tandis que le syndrome inflammatoire persiste (CRP=172).Il n’y pas signe de déshydratation, pas d’insuffisance rénale, mais seulement une petite choléstase hépatique (gammaGT 133 puis 191, phosphatases alcalines 171). Madame M est perfusée pour prévenir la déshydratation et on lui administre de l’Erythromycine® à 1g trois fois par jour car on suspecte une pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae, du Zovirax® 600 mg trois fois par jour en IVL pour traiter un éventuel herpès, du Mopral® 40mg pour prévenir l’ulcère de stress et du Perfalagan® 1g quatre fois par jour pour lutter contre la douleur et la fièvre. Des soins locaux buccaux (Xylocaine® gel buccal), des soins ophtalmologiques réguliers et fréquents (Tobrex® collyre, larmes artificielles et crème vitamine A) et des soins gynécologiques (savon pH neutre et Emla® crème) sont effectués, afin d’éviter les adhérences. Deux jours après l’admission, l’Erythromycine® et le Zovirax® sont arrêtés suivant l’avis du dermatologue qui conseille un traitement symptomatique. L’analgésie n’est pas obtenue par le Perfalgan®, c’est pourquoi on instaure un traitement par Sevredol® 10 mg 4 fois par jour puis Skenan® 30 mg 2 fois par jour. La douleur est alors contrôlée par les morphiniques. L’alimentation orale étant difficile on pose une sonde nasogastrique qui permet une nutrition de 1500cc de Sondalis® par jour. Un traitement antibiotique par Oflocet® 200mg deux fois par jour est instauré lorsque la sérologie de Mycoplasma pneumoniae est positive. Devant ce tableau d’érosion muqueuse à localisations buccales, oculaires et génitales suite à une trachéite, un diagnostic de syndrome de Stevens-Johnson associé à une pneumopathie à mycoplasme est donc retenu. Madame M est transférée dans un service de dermatologie pour soins locaux et soins ophtalmologiques. Elle a perdu trois kilogrammes depuis une semaine et peut difficilement 54 s’alimenter. Les lésions sont toujours uniquement muqueuses. Au niveau buccal, on retrouve des érosions multiples saignantes et des érosions douloureuses des petites lèvres au niveau génital. L’examen ophtalmologique révèle une érosion cornéenne gauche avec test à la fluorescéine positif, des brides des deux yeux entraînant des difficultés à les tenir ouvert. Madame M présente une toux grasse avec crachats hémoptoïques mais l’auscultation pulmonaire est normale. L’Oflocet® est arrêté et l’Erythromycine® est reprise à 3g/j. Les sérologies hépatite B et C, HIV 1 et 2 et l’antigénémie P24 sont négatifs. Les lésions génitales s’améliorent ainsi que les lésions buccales et l’alimentation reprend progressivement. En revanche, il n’y a pas d’amélioration des lésions oculaires malgré les soins locaux, c’est pourquoi une greffe de membrane amniotique est pratiquée. Un mois après la chirurgie oculaire l’acuité visuelle s’améliore lentement et Madame M se plaint de photophobie. L’étiologie médicamenteuse est discutée mais la noscapine contenue dans le Tussisédal® et la dirithromycine (Dynabac®) -médicaments potentiellement responsablesont déjà été pris plusieurs fois sans problème. De plus, une deuxième sérologie Mycoplasma pneumoniae revient positive un mois après le début des symptômes. Le diagnostic de Syndrome de Stevens-Johnson de localisation exclusivement muqueuse secondaire à une pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae est donc retenu. A la dernière consultation six mois après le début des symptômes, Madame M garde des séquelles oculaires graves à type de baisse de l’acuité visuelle et une dysphagie. IV.A.3. Cas n°3 Monsieur T : Monsieur T, 20 ans, est étudiant n’a aucun antécédent particulier. Dans un premier temps, il présente un syndrome grippal avec fièvre, toux sèche, rhinorrhée et dysphagie qu’il soigne lui-même pendant trois jours avec de l’aspirine. Puis, quatre jours plus tard, il souffre d’ulcérations buccales et sa toux devient productive. Le jour suivant un écoulement conjonctival survient et il consulte son médecin traitant. Celui-ci évoque un diagnostic de stomatite herpétique surinfectée et lui prescrit du Zelitrex® et du Texodil®. La douleur, la persistance de la fièvre à 40°C, et l’apparition de brûlures mictionnelles avec écoulement urétral conduisent Monsieur T à consulter le lendemain le médecin de garde. Devant l’altération de son état général, celui-ci l’adresse aux urgences pour prise en charge thérapeutique et antalgique. 55 A l’arrivée aux urgences Monsieur T est fébrile à 40°C, sa tension artérielle est à 140/75 mmHg et son pouls est à 110/min. Il se plaint de dysphagie, de dysurie et de douleur oculaire. En effet, il présente une chéilite avec des ulcérations buccales ainsi que des lésions saignantes du palais et des muqueuses jugales et pharyngées (figure 7a et 7b) et une ulcération du gland péri-urétrale (figure 8). L’examen ophtalmologique objective une conjonctivite bilatérale d’allure bactérienne (figure 9) sans altération de l’acuité visuelle avec un chémosis bilatéral. L’auscultation pulmonaire est normale malgré une toux productive et la radiographie thoracique montre un discret syndrome bronchique prédominant à droite (figure 4). Le reste de l’examen clinique est normal. Les examens biologiques montrent une hyperleucocytose à 19900GB/mm3 avec une polynucléose neutrophile à 15720/mm3 compatible avec une infection bactérienne. Le syndrome inflammatoire est marqué avec une CRP à 89.9. Il n’existe pas de trouble hydroélectrique et les bilans hépatiques et rénaux sont normaux. Seule l’amylasémie est élevée à 263UI/l, mais cette élévation est probablement secondaire à une hyperactivité des glandes salivaires et non à un trouble de la fonction pancréatique, car la lipasémie est normale. Les hémocultures, l’ECBU, le prélèvement urétral, les prélèvements oculaires superficiels et conjonctivaux, le prélèvement de gorge et l’examen cytobactériologique de l’expectoration sont stériles. Monsieur T est perfusé afin de prévenir la déshydratation. L’aspect clinique fait évoquer rapidement un syndrome de Stevens-Johnson associé à une pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae et un traitement intraveineux de Rovamycine® 1.5M trois fois par jour et d’Oflocet® 200mg deux fois par jour est instauré. L’analgésie est obtenue grâce à du Perfalgan® 3 grammes par jour et du Contramal® 100 mg 3 fois par jour administrés par voie intraveineuse du fait de la dysphagie. L’ulcère de stress est prévenu grâce à 40 mg de Mopral® intraveineux. Les soins buccaux consistent en des bains de bouche de Xylocaïne gel® dilué dans une solution de bicarbonate à 14%, l’application de Vaseline® stérile sur les lèvres et l’absorption de gel de Polysilane®. Des soins oculaires sont effectués plusieurs fois par jour avec des lavages aux Dacudoses® six fois par jour et l’application trois fois par jour de Rifamycine collyre®, d’Indocollyre® et de Liposic®. Un examen ophtalmologique est pratiqué régulièrement. Les sérologies Coxsackie, HSV1 et 2, HHV6 (virus herpès human de type 6), VZV (virus varicelle-zona), syphilis (TPHA, VDRL), HIV1 et 2, Chlamydia trachomatis, Chlamydia pneumoniae sont négatives. La première sérologie Mycoplasma pneumoniae est négative 56 ainsi que la recherche par PCR d’ADN de Mycoplasma pneumoniae dans un prélèvement de nez. La recherche d’anticorps antinucléaires, la recherche d’anticorps anti-épiderme, le test au latex, le test de Waaler-Rose et la recherche d’antigènes HLA-B27 et HLA-B5 sont négatifs. Des prélèvements d’une bulle de la langue et du fond d’ulcération de lèvre sont observés en histologie standard et en immunofluorescence et ne montrent ni caractéristiques histologiques spécifiques ni immunofixation. L’évolution est favorable sous traitement local et antibiotique : les lésions buccales, urétrales et ophtalmologiques régressent et l’apyrexie est obtenue au bout de sept jours, et l’hyperleucocytose et le syndrome inflammatoire diminuent rapidement. Le patient sort au bout de 10 jours d’hospitalisation avec des soins locaux ophtalmologiques à poursuivre ainsi qu’un contrôle de sérologie Mycoplasma pneumoniae à effectuer. Il est revu en consultation un mois après et présente une séroconversion à Mycoplasma pneumoniae (IgG et IgM positifs) qui confirme à posteriori le diagnostic de pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae associé au syndrome de Stevens-Johnson. Les lésions oculaires, urétrales et bucco-pharyngées ont guéri sans séquelles. Seule une toux sèche persiste ainsi qu’un discret syndrome bronchique prédominant à droite à la radiographie thoracique. Un nouveau contrôle radiologique à un mois est demandé mais Monsieur T ne reviendra pas en consultation. IV.A.4. Cas n°4 Monsieur C : Monsieur C, 25 ans, est cariste à la recherche d’un emploi. Il est un consommateur régulier de cannabis (trois joints par jour) et souffre de rhinite allergique annuelle et d’allergie aux acariens. Les symptômes de Monsieur C débutent par une fièvre, des frissons, une pharyngite sans rhinite et sans courbatures. Puis une toux productive avec expectorations purulentes apparaît, ce qui l’amène à consulter cinq jours plus tard un médecin généraliste, qui lui prescrit de l’Orelox®, des pastilles d’Oropivalone®, des gouttes nasales de Rhinofluimucil® et du Surbronc®. Dans les 24 heures après le début du traitement Monsieur C présente une éruption cutanéomuqueuse qui associe un énanthème buccal, un énanthème et une petite érosion du méat urétral et un exanthème au niveau du scrotum. Le patient consulte alors à nouveau le médecin généraliste deux jours plus tard qui change 57 Orelox® pour Ketek®, et ajoute Triflucan® et Efferalgan®, soupçonnant une mycose buccale. Le lendemain, devant l’absence d’amélioration des symptômes, le patient se présente aux urgences. A la vue du bilan biologique normal, de l’absence de fièvre (36°8C) et d’un œdème des lèvres, un diagnostic d’œdème de Quincke est posé, et le patient repart avec une ordonnance de corticoïde et d’antihistaminique. Quatre jours plus tard, c’est-à-dire 13 jours après le début des symptômes, le patient revient aux urgences. Il se plaint de dysphagie et a maigri de 8 kgs. Ses lésions se sont aggravées : ses lèvres présentent une ulcération péri-orificielle plus ou moins nécrotique, un énanthème buccal avec dépôts blanchâtres amygdaliens sans adénopathies cervicales, un érythème du méat urétral associé à un érythème et une ulcération du scrotum. Cependant Monsieur C n’a ni fièvre (36,4°C), ni candidose buccale. Sa tension artérielle est normale à 130/80 mmHg, son pouls à 97/min et il ne présente pas de signes de détresse respiratoire (FR=12, saturation 98% en air ambiant). En revanche, il présente une toux grasse productive avec des expectorations purulentes, et des crépitants bilatéraux aux bases à l’auscultation. De plus, le patient mentionne une baisse de l’acuité visuelle, mais l’examen ophtalmologique spécialisé ne montre pas d’anomalie ni d’uvéite. Devant ce tableau évocateur d’un syndrome de Stevens-Johnson et devant l’altération de l’état général, le patient est hospitalisé. La radiographie du thorax objective une broncho-pneumopathie avec une image alvéolointerstitielle des deux bases (figure 5). Il existe une discrète hyperleucocytose à 10100GB/mm3 sans syndrome inflammatoire (CRP et VS normales). Il n’y pas de déshydratation ni d’insuffisance rénale : le ionogramme sanguin, la créatinine et l’urée sont normaux. La biologie hépatique et l’hémostase sont normales. Le bilan microbiologique montre des hémocultures négatives, un ECBU stérile et des sérologies VIH1 et 2, hépatites B et C, Chlamydia trachomatis, coxsackies, entérovirus et Parvovirus B19 négatives, une antigènurie Légionella pneumophila négative, et une sérologie Mycoplama pneumoniae IgG et Ig M positifs. On instaure une antibiothérapie par Pyostacine® 1g 3 fois par jour devant la probable pneumopathie bilatérale à Mycoplasma pneumoniae. L’apyrexie persiste durant toute l’hospitalisation. Le traitement est symptomatique : un antalgique local (Xylocaïne® gel) contrôle la douleur et des soins locaux d’asepsie et de cicatrisation (Vaseline® sur les lésions croûteuses) permettent une évolution favorable des lésions. Une alimentation semi- 58 liquide est mise en place et du paracétamol est proposé comme antalgique par voie générale. On recherche à l’interrogatoire une cause médicamenteuse du syndrome de StevensJohnson. Le patient n’a pas de traitement de fond. Il aurait pris de la Lamaline® pour des céphalées trois semaines auparavant et du Propofan® et du Voltarène® il y a 15 jours pour une gonalgie droite récidivante, consécutive à un accident de sport. Les antiinflammatoires et notamment le diclofénac peuvent être responsables du syndrome de Stevens-Johnson. Cependant, la sérologie Mycoplasma pneumoniae IgM et la PCR du prélèvement rhinopharyngé sont positives et permettent de rattacher le syndrome de Stevens-Johnson observé dans ce cas à Mycoplasma pneumoniae. Le patient sort au bout de sept jours d’hospitalisation avec une ordonnance de Pyostacine® pour dix jours et un contrôle de sérologie Mycoplama pneumoniae à effectuer dix jours plus tard. Il ne reviendra pas à la consultation et ne reverra pas le médecin généraliste. On peut donc supposer que Monsieur C n’a pas eu de séquelles. IV.B. Analyse globale des dossiers : Les résultats sont analysés à partir des tableaux 1, 2 et 3 L’âge et le sexe : L’âge des quatre patients varie entre 16 ans et 45 ans, soit un âge moyen de 26 ans et 6 mois et un âge médian de 30 ans et 6 mois. Il existe une prédominance masculine dans trois cas sur quatre (70). Les antécédents : A part Monsieur Y et Monsieur T qui n’ont pas d’antécédents, on note un terrain atopique chez les deux autres patients avec notamment un antécédent d’allergie à la pénicilline avec œdème du visage chez Madame M et un antécédent d’énanthème buccal et génital similaire d’origine inconnue et traité en ambulatoire. L’épisode étudié n’est peut-être qu’une récurrence mais il n’y a aucune preuve. Il est à noter que Madame M aura l’évolution la plus défavorable aboutissant à des séquelles. 59 La saison : Chaque cas est survenu à une saison différente : fin de l’été pour Monsieur Y, automne pour Madame M, hiver pour Monsieur T et printemps pour Monsieur C. Bien que certains auteurs suggèrent une prédominance automnale avec un pic hivernal, il semblerait que, d’après Waites KB et Talkington DF, l’analyse des données épidémiologiques connues ne montrent pas de prédominance saisonnière de l’infection à Mycoplasma pneumoniae (74). Les symptômes cutanéomuqueux : L’apparition des symptômes muqueux a suivi de 2 à 14 jours l’apparition des premiers symptômes. On retrouve une atteinte cutanée discrète (érythème du scrotum chez Monsieur C) chez un seul patient tandis que tous les patients ont une atteinte muqueuse bipolaire buccale et génitale et l’atteinte ophtalmologique existe dans trois cas sur quatre. Ce délai illustre un retard de diagnostic probablement secondaire à une méconnaissance du syndrome de Stevens-Johnson : une atteinte muqueuse bipolaire devrait le faire évoquer. Les symptômes respiratoires et les images radiologiques : Il existe une toux grasse ou sèche et une image radiologique mal individualisée dans les quatre cas alors que l’auscultation est normale dans un cas sur deux. En effet, on retrouve un discret syndrome interstitiel, une ébauche de foyer lobaire inférieur droit, un discret syndrome bronchique sans foyer et une image alvéolo-interstitielle des deux bases (figures 2 à 5). Ceci illustre bien la diversité et la disparité des symptômes respiratoires et des images radiologiques retrouvées dans la pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae (49). Cependant, ces symptômes respiratoires ne sont au premier plan que dans un cas sur quatre (Monsieur Y avec une détresse respiratoire). Dans le cas de Madame M les signes cliniques pulmonaires sont pauvres et une antibiothérapie adaptée n’est prescrite que tardivement lors de l’obtention de la sérologie. Dans le cas de Monsieur T, les symptômes respiratoires sont discrets et une antibiothérapie probabiliste adaptée est d’emblée débutée devant l’aspect des lésions muqueuses évocatrices d’un syndrome de Stevens-Johnson, alors que la séroconversion à Mycoplasma pneumoniae n’est obtenue qu’un mois après. Il est donc important de rechercher une pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae, même en l’absence de symptômes respiratoires dans le cadre d’un syndrome de Stevens-Johnson, et de la traiter préventivement si on la suspecte. En effet, le traitement étiologique dans le 60 syndrome de Stevens-Johnson ne permet pas l’amélioration des signes cutanéomuqueux mais permet d’en ralentir la progression. C’est dans le cas de Madame M que le traitement étiologique a été retardé et c’est aussi la seule qui présente des séquelles. Dans le cas de Monsieur T une antibiothérapie adaptée est rapidement débutée, même en l’absence de preuve sérologique, ce qui a probablement contribué à éviter des séquelles. Bilan biologique : On note une hyperleucocytose marquée (14500, 16700 et 19900 GB/mm3) dans trois cas sur quatre accompagnée d’un syndrome inflammatoire (CRP 144.3, 89.9 et 50.3). Ces résultats illustrent la réponse de l’hôte à Mycoplasma pneumoniae. Le seul stigmate biologique d’une atteinte viscérale est une choléstase modérée et régressive chez Madame M. Ceci est imputable au syndrome de Stevens-Johnson. Monsieur T n’a ni une sérologie Mycoplasma pneumoniae, ni une PCR de prélèvement de nez positives d’emblée et seule la séroconversion à un mois permet de confirmer le diagnostic d’infection à Mycoplasma pneumoniae Dans les trois autres cas la première sérologie Mycoplasma pneumoniae est positive et soit la recherche d’antigène dans l’expectoration, soit la PCR sur prélèvement rhino-pharyngé, soit une nouvelle sérologie positive à un mois ont permis de confirmer le diagnostic. Dans un seul cas il existe une discordance entre la sérologie positive d’une part et la recherche d’ADN de Mycoplasma pneumoniae par PCR de prélèvement buccal négative d’autre part. Cette discordance est attribuée à de probables problèmes techniques de la PCR, hypothèse d’autant plus probable qu’une deuxième sérologie a confirmé la première. Tous les autres prélèvements microbiologiques sont négatifs Durée d’hospitalisation : La durée d’hospitalisation est entre 7 et 12 jours avec une valeur moyenne de 10 jours et une valeur médiane de 9.5 jours Le traitement : Dans chacun des cas le traitement a associé traitement symptomatique et traitement antibiotique probabiliste dont le choix a été secondairement conforté par la sérologie Mycoplasma pneumoniae. Il n’a été utilisé ni corticothérapie, ni immunoglobulines durant 61 l’hospitalisation. Une intervention chirurgicale ophtalmologique a été nécessaire pour soigner une complication oculaire. L’évolution : Le temps écoulé entre le début des symptômes et l’hospitalisation est très variable entre 9 et 21 jours. Il est à noter que Madame M qui a consulté aux urgences 21 jours après le début des symptômes a présenté les séquelles les plus graves. Ceci rappelle que plus la prise en charge est précoce, meilleure est l’évolution et inversement. L’évolution initiale est défavorable chez deux patients sur quatre avec une détresse respiratoire chez Monsieur Y et une érosion cornéenne chez Madame M ayant nécessité une greffe de membrane amniotique. Mais seule Madame M présente des séquelles : baisse de l’acuité visuelle et dysphagie. Cela fait 33% de complication ophtalmologique, ce qui correspond aux chiffres attendus (35% des cas selon Power WJ et al (55)). 62 V.DISCUSSION : Entre 1998 et 2005 le nombre de pneumopathies à Mycoplasma pneumoniae compliqué d’un syndrome de Stevens-Johnson à l’hôpital intercommunal de Villeneuve Saint Georges a été d’un peu plus d’un cas tous les deux ans. Dans chacun des cas étudiés la maladie a débuté par un syndrome infectieux fébrile associé à des symptômes des voies aériennes supérieures qui ont migré vers les voies aériennes inférieures et ont donné une toux persistante. Ce n’est que secondairement que les symptômes cutanéomuqueux sont apparus. La discussion portera sur les probables facteurs déclenchant du syndrome de StevensJohnson, sur la légitimité d’un diagnostic de syndrome de Stevens-Johnson en l’absence d’atteinte cutanée et enfin sur l’évaluation de la sévérité à l’admission de chacun des cas étudiés notamment à l’aide du SCORTEN. V.A. Facteurs étiologiques probables du syndrome de Stevens-Johnson : V.A.1. Etiologie médicamenteuse : L’étiologie médicamenteuse est la plus fréquemment en cause dans le syndrome de Stevens-Johnson : 72.6% d’après Letko E et al (42). Dans chacun des cas étudiés, l’éruption a été précédée par une prise médicamenteuse, notamment des antibiotiques. Il est donc légitime d’étudier l’imputabilité de ces médicaments dans chacun des cas. Du fait du mécanisme d’hypersensibilité retardée du syndrome de Stevens-Johnson, les médicaments sont considérés comme imputables s’ils ont été pris sept jours à un mois avant le début des symptômes. Dans le cas de Monsieur Y, la prise d’amoxicilline n’a précédé que de deux jours l’apparition des symptômes muqueux. De plus, Monsieur Y avait déjà pris cet antibiotique, ce qui rend l’étiologie médicamenteuse contestable. Dans le cas de Madame M, l’apparition des symptômes muqueux est survenue neuf jours après la prise de prednisolone, de dirithromycine (Dynabac®), de noscapine (Tussisédal®). 63 L’étiologie médicamenteuse est discutée mais la noscapine contenue dans le Tussisédal® et la dirithromycine (Dynabac®) -médicaments potentiellement responsables- ont déjà été pris plusieurs fois sans problème. Leur responsabilité est donc réfutée. Dans le cas de Monsieur T, la prise d’aspirine a précédé de sept jours les premiers symptômes muqueux qui se sont étendus malgré l’arrêt. L’aspirine ne semble donc pas imputable, d’autant plus que ce n’est pas la première prise. Dans le cas de Monsieur C, on note la prise de Lamaline® (contenant de l’opium) trois semaines auparavant et la prise de Voltarène® (diclofénac) deux semaines avant le début des symptômes. Là encore les médicaments pourraient être incriminés, mais il s’agit d’automédication suite à une prescription antérieure. La Lamaline® a été prescrite pour des céphalées, tandis que le diclofénac a été prescrit pour une gonalgie droite récidivante suite un accident de sport il y a plusieurs mois. Aucun des deux traitements n’a été responsable d’effets secondaires auparavant et ils sont donc exclus de l’étiologie des symptômes muqueux observés. Quant aux prises d’Orelox® (céfpodoxime) et de Surbronc® (ambroxol) moins de 24 heures avant l’éruption, elles ne semblent pas pouvoir être responsables du syndrome de Stevens-Johnson du fait du délai très court. Dans ces quatre cas, l’étiologie médicamenteuse ne semble pas être en cause, même si la prise ultérieure sans effet secondaire d’un médicament n’en exclut pas totalement la responsabilité, et bien qu’on ne puisse affirmer avec certitude que la prise de médicaments n’ait joué aucun rôle dans le déclenchement des symptômes muqueux. En effet, rappelons que Cherry JD suggère que la prise de médicaments puisse potentialiser l’étiologie infectieuse initiale du syndrome de Stevens-Johnson (14). V.A.2. Etiologie infectieuse : Dans chacun des cas étudiés de nombreuses analyses microbiologiques ont été effectuées et seuls certains des prélèvements visant à démasquer Mycoplasma pneumoniae ont été positifs. En effet, Mycoplasma pneumoniae est la cause infectieuse la plus fréquente du syndrome de Stevens-Johnson (23,71) L’aspect clinique initial d’une infection à Mycoplasma pneumoniae est très proche des premiers symptômes observés avant l’éruption du syndrome de Stevens-Johnson quelle qu’en soit l’étiologie. On retrouve un syndrome pseudo-grippal avec fièvre et des 64 symptômes des voies aériennes supérieures. On ne peut donc se fier à ces symptômes évocateurs d’une infection ORL pour supposer une cause infectieuse au syndrome de Stevens-Johnson. Dans le cas de Monsieur Y, l’atteinte pulmonaire est évidente avec une détresse respiratoire à l’admission associée à un foyer de crépitants de la base droite à l’auscultation et un discret syndrome interstitiel sans foyer individualisé à la radiographie du thorax. Une antibiothérapie à large spectre est aussitôt débutée et réduite pour être adaptée à Mycoplasma pneumoniae dont la sérologie est positive ainsi que la détection d’antigènes dans l’expectoration. De plus l’altération de l’état pulmonaire et l’apparition de l’éruption sont concomitants, ce qui illustre l’invasion profonde de Mycoplasma pneumoniae. Les résultats microbiologiques associés aux signes cliniques nous permettent de retenir Mycoplasma pneumoniae comme la cause du syndrome de Stevens-Johnson dans ce cas. Dans le cas de Madame M, la sérologie Mycoplasma pneumoniae est positive alors que la recherche d’ADN de Mycoplasma pneumoniae par PCR de prélèvement buccal est négative. Cette discordance s’explique probablement par la présence d’un inhibiteur de la polymérase dans le prélèvement buccal, hypothèse d’autant plus probable que la sérologie Mycoplasma pneumoniae revient à nouveau positive un mois après le début des symptômes. La mise en cause de Mycoplasma pneumoniae a également été fortement discutée parce que Madame M a présenté une complication oculaire grave rarement retrouvée dans cette étiologie et que l’on retrouve plus volontiers dans les étiologies médicamenteuses. Pour certains auteurs, la prise de corticoïdes (prescrit par le médecin traitant) pourrait être un facteur aggravant du syndrome de Stevens-Johnson expliquant cette évolution défavorable (63) et a probablement été un facteur favorisant à l’invasion de. Mycoplasma pneumoniae. Finalement, dans le cas de Madame M, l’imputabilité médicamenteuse a été réfutée grâce à un interrogatoire précis et l’étiologie infectieuse a été confortée par l’aspect radiologique du thorax avec un petit foyer lobaire inférieur droit et l’amorce d’une amélioration clinique lorsqu’un traitement antibiotique adapté a été instauré. Cette polémique a nettement retardé la mise en place de cette antibiothérapie. En effet toute antibiothérapie a été interrompue au cours de l’hospitalisation, puis a été 65 restaurée au bout de trois jours devant la persistance de la fièvre, des symptômes respiratoires et surtout devant la sérologie positive à Mycoplasma pneumoniae. Dans le cas de Monsieur T l’étiologie médicamenteuse ne semble vraiment pas plausible, pourtant la séroconversion à Mycoplasma pneumoniae n’est obtenue qu’après guérison. C’est le tableau clinique qui a permis le diagnostic et la prescription d’une antibiothérapie adaptée et notamment la présence d’un syndrome de Stevens-Johnson. La négativité des prélèvements microbiologiques et immunologiques a permis d’éliminer les autres diagnostics différentiels. Dans le cas de Monsieur C, l’étiologie médicamenteuse est peu probable. L’imputabilité de Mycoplasma pneumoniae a été confirmée à la fois par une sérologie positive à IgG et IgM et une PCR positive sur prélèvement rhino-pharyngé. Même si le patient a bénéficié en deuxième intention d’une prescription en ville de Ketek®, un kétolide efficace sur Mycoplasma pneumoniae, il est venu consulter aux urgences pour l’aggravation de ses symptômes muqueux. En effet, le traitement étiologique ne permet généralement pas l’amélioration de l’éruption, mais en stoppe généralement la progression. L’hypothèse la plus plausible est que Monsieur C, qui est un patient peu compliant, n’a pas pris le traitement, car la prise régulière d’un antibiotique adapté durant l’hospitalisation a permis une amélioration clinique rapide. V.B. Syndrome de Stevens-Johnson en l’absence de lésion cutanée : Le diagnostic de syndrome de Stevens-Johnson est discuté en l’absence de lésion cutanée (65). En effet, en 1993, un comité d’experts internationaux propose une classification qui distingue le syndrome de Stevens-Johnson de l’érythème polymorphe majeur grâce à l’aspect des lésions cutanées (8). Dans les quatre cas l’absence de lésion cutanée (excepté un petit érythème du scrotum chez Monsieur C) rend difficile l’application de cette classification. Le fait que l’étiologie retenue soit une pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae -et donc une infection- est pour ce comité d’experts plutôt synonyme d’érythème polymorphe (8) tandis que cette étiologie est synonyme de syndrome de Stevens-Johnson d’après Tay YK et al (70). Pour valider la classification de 1993 et 66 préciser les caractéristiques étiologiques de chaque catégorie, une étude multicentrique l’étude SCAR- a été réalisée (34). L’analyse des résultats de cette étude (4) retrouve le maximum d’étiologie infectieuse d’origine bactérienne rapportée au syndrome de StevensJohnson (13%) par rapport aux autres catégories (8% pour l’érythème multiforme majeure, 9% pour le syndrome frontière entre le syndrome de Stevens-Johnson et l’érythème polymorphe majeur, 10% le syndrome frontière entre le syndrome de Stevens-Johnson et la nécrose épidermique toxique) et une infection récente à Mycoplasma pneumoniae a été retrouvée dans cinq cas de syndrome de Stevens-Johnson. Le lien entre le syndrome de Stevens-Johnson et infection à Mycoplasma pneumoniae ne peut donc pas être exclu. De plus, en ce qui concerne l’absence de lésions cutanées, on retrouve dans la littérature plusieurs publications de syndrome de Stevens-Johnson sans lésion cutanée, imputable à une pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae (71, 65, 44, 35). Dans les quatre cas étudiés, le diagnostic différentiel d’érythème multiforme majeur pourrait être discuté, mais il existe dans chacun d’eux au minimum une atteinte bipolaire des muqueuses, alors que l’étude SCAR montre que l’érythème multiforme comporte plus fréquemment moins de deux atteintes muqueuses à la différence du groupe du syndrome de Stevens Johnson et de la nécrose épidermique toxique qui en comporte minimum deux ou plus (4). Pour Vanfleteren I et al, dans le syndrome de Stevens-Johnson les lésions cutanées font partie du diagnostic mais peuvent être absentes, et dans ce cas, une infection à Mycoplasma pneumoniae est l’étiologie le plus souvent retrouvée (71). Pour Kirke S et al, un syndrome de Stevens-Johnson induit par Mycoplasma pneumoniae serait rarement associé à des lésions cutanées contrairement au syndrome de Stevens-Johnson induit par les médicaments (35). Pour Schalock PC et al au contraire il n’est pas concevable de poser un diagnostic de syndrome de Stevens-Johnson en l’absence de lésions cutanées au cours d’une infection à Mycoplasma pneumoniae (65). Outre le fait qu’ils soutiennent la classification de BastujiGarin S et al qui repose sur l’aspect des lésions cutanées (8), ils soulignent –dans les huit cas sans lésion cutanée relevés dans la littérature- la différence de gravité notamment en termes de mortalité et de morbidité, et la rapidité d’amélioration des lésions muqueuses avec un traitement antibiotique adapté à Mycoplasma pneumoniae (65). Cependant, parmi nos quatre cas, il ne semble pas y avoir eu chez Madame M une amélioration très rapide 67 après l’administration d’antibiotique adapté. De plus, Madame M garde une séquelle oculaire grave qui n’est décrite que dans le Syndrome de Stevens-Johnson et pas dans l’érythème multiforme. V.C. Evaluation rétrospective de la sévérité à l’admission à l’aide du SCORTEN : (Tableau 4). A l’origine, le SCORTEN est un score spécialement développé et validé par Bastuji-Garin S et al pour permettre d’évaluer la sévérité à l’admission des cas de nécrose épidermique toxique (7). Il permettrait d’évaluer la morbi-mortalité à partir de sept facteurs de risque indépendants. Ce score a été rapidement adopté également dans le syndrome de StevensJohnson notamment pour évaluer le bénéfice de nouveaux traitements comme les immunoglobulines (56). Le SCORTEN permet d’anticiper sur d’éventuelles complications et d’adapter la prise en charge de façon préventive. Parmi nos quatre patients, tous ont survécu et un quart a présenté des séquelles. Il est intéressant de noter que seule madame M qui a présenté des séquelles oculaires avait deux facteurs de risque parmi les sept du SCORTEN : un âge supérieur à 40 ans et une tachycardie supérieure à 120/min (tableau 4). Monsieur T et Monsieur C, qui ont eu la guérison la plus rapide (en 19 et 20 jours respectivement) et les durées d’hospitalisation les plus courtes (10 et 7 jours respectivement) ne présentaient aucun facteur de risque à l’admission. Il est évident que le cas de Monsieur Y était sévère à l’admission car il a été admis rapidement en service d’unité de soins intensifs pour une détresse respiratoire. Il est difficile de faire la part de responsabilité dans cette détresse respiratoire entre le syndrome de Stevens-Johnson et Mycoplasma pneumoniae. Le seul facteur de risque du SCORTEN qui n’est pas disponible est le bicarbonate artériel en air ambiant. Cependant, il était probablement normal du fait de l’hypoxie relativement faible en air ambiant (saturation en O2 à 90%) et du jeune âge du patient excluant toute pathologie pulmonaire sous-jacente qui aurait pu entraver une adaptation métabolique efficace. On peut donc considérer qu’il ne présentait aucun facteur de risque (tableau 4) et il n’a présenté aucune séquelle. Dans chacun de nos quatre cas le SCORTEN aurait pu prédire la morbidité. 68 VI.CONCLUSION : Les infections respiratoires constituent un problème majeur de santé publique, d’une part car elles représentent plus des deux tiers de la consommation d’antibiotiques, et d’autre part car les pneumonies et les grippes se situent au premier rang des causes infectieuses de mortalité. La pathogénicité de Mycoplasma pneumoniae est essentiellement pulmonaire car les atteintes respiratoires hautes ne nécessitent généralement ni antibiotiques, ni prise en charge spécifique. En revanche, l’infection pulmonaire à Mycoplasma pneumoniae doit être reconnue afin de mettre en place un traitement antibiotique adapté. Le diagnostic est généralement obtenu avec retard. Il est rarement confirmé par la culture qui est fastidieuse mais plutôt par la sérologie d’une part, et d’autre part par les techniques de PCR qui sont en expansion et qui permettent un diagnostic rapide et précis. Cependant, le diagnostic initial de pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae est tout d’abord clinique et l’analyse fine des données de l’examen clinique aide à évoquer le diagnostic, notamment lors de la présence de symptômes cutanéomuqueux formant un syndrome de Stevens-Johnson. Ce syndrome est particulièrement grave en lui-même du fait de son propre taux de mortalité et du risque d’évolution vers une nécrose épidermique toxique, et du fait de sa morbidité potentielle car il laisse place fréquemment à de graves séquelles notamment oculaires. Mycoplasma pneumoniae est le principal agent infectieux responsable du syndrome de Stevens-Johnson, tandis que les médicaments tiennent la première position. D’ailleurs, une étiologie médicamenteuse doit être systématiquement recherchée lors du syndrome de Stevens-Johnson en utilisant les critères d’imputabilité et en tenant compte des classes de médicaments le plus fréquemment mises en cause. La mise en évidence de l’étiologie médicamenteuse ou infectieuse du syndrome de Stevens-Johnson est capitale car le traitement étiologique permet d’en suspendre l’évolution. L’analyse rétrospective des quatre cas de pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae accompagnée d’un syndrome de Stevens-Johnson, hospitalisés entre 1998 et 2005 à l’hôpital de Villeneuve Saint Georges, a permis de retrouver le lien décrit dans la littérature et de montrer l’importance que peut présenter la présence du syndrome de Stevens-Johnson dans l’orientation diagnostique de pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae. Il faut d’ailleurs être vigilant et rechercher systématiquement cette étiologie devant un tableau de syndrome pseudo-grippal associé à une éruption cutanéomuqueuse. 69 ANNEXES Figure 1. Classification des éruptions cutanéomuqueuses selon Bastuji-Garin S et al (8) : L’érythème multiforme bulleux : décollement cutané inférieur à 10% de la surface corporelle, cocardes typiques localisées ou cocardes atypiques mais en relief et palpables. Le Syndrome de Stevens-Johnson : décollement cutané inférieur à 10% de la surface corporelle, cocardes atypiques planes et non palpables, des macules érythémateuses ou purpuriques étendues. Le syndrome frontière entre le syndrome de Stevens-Johnson et la nécrose épidermique toxique : décollement cutané compris entre 10 et 30% de la surface corporelle, cocardes atypiques planes et non palpables, des macules purpuriques étendues. La nécrose épidermique toxique avec macules : décollement cutané supérieur à 30% de la surface corporelle, des cocardes atypiques planes et non palpables, des macules purpuriques étendues. La nécrose épidermique toxique sans macules : décollement cutané supérieur à 10% de la surface corporelle avec décollement cutané en larges lambeaux sans autre lésion. 70 Figure 2. Radiographie thoracique de face de Monsieur Y : discret syndrome interstitiel sans foyer individualisé. 71 Figure 3. Radiographie thoracique de face de Madame M : bronchopathie avec petite ébauche de foyer lobaire inférieur droit. 72 Figure 4. Radiographie thoracique de face et profil de Monsieur T : discret syndrome bronchique sans foyer. 73 Figure 5. Radiographie thoracique de face de Monsieur C : image alvéolo-interstitielle des deux bases. 74 Figure 6. Monsieur Y : chéilite. 75 Figure 7a. Monsieur T : chéilite. 76 Figure 7b. Monsieur T : chéilite et stomatite. 77 Figure 8. Monsieur T : ulcération péri-urétrale du gland. 78 Figure 9. Monsieur T : conjonctivite bilatérale. Tableau 1. Répartition en fonction de l’âge, du sexe, des antécédents, de la chronologie des symptômes, de la durée d’hospitalisation, de la date de diagnostic, de la nature des premiers symptômes, et de l’antibiothérapie initiale. Sexe Antécédents Y 16 ans M sans 17 jours 19 jours 12 jours 28/09/98 Angine fébrile 14 jours 21 jours 11 jours 27/11/04 Trachéite fébrile 14/12/04 Rhinopharyngite fébrile Texodil® 18/06/05 Fièvre, frissons, pharyngite sans rhinite Orelox® puis Ketek® M 45 ans T 20 ans F M C 25 ans M Moyenne 26.5 ans 3/1 Eczéma Allergie à la pénicilline avec œdème du visage Enanthème buccal et génital similaire traité en ambulatoire sans Rhinite allergique Allergie aux acariens Latence ente le début des symptômes et l’hospitalisation Durée d’hospitalisation Date de diagnostic Nature des premiers symptômes Antibiothérapie initiale Amoxicilline puis Rulid® 79 Patients Age Latence ente le début des symptômes et l’apparition des symptômes cutanéomuqueux. 3 jours 9 jours 10 jours 12 jours 13 jours 7 jours 11.5 jours 15.5 jours 10 jours Dynabac® Tableau 2. Répartition en fonction de l’âge, du sexe, des atteintes cutanées et muqueuses, de l’atteinte ophtalmologique, de l’auscultation pulmonaire, des signes cliniques pulmonaires, de la nécessité d’une oxygénothérapie et de la radiographie du thorax Patients Y T 16 ans 45 ans 20 ans Sexe M F Atteinte cutanée Atteinte muqueuse Non Buccale et méat urétral Adhérence de l’orifice inférieure de l’urètre Conjonctivite avec hémorragie conjonctivale Buccale et vulve Conjonctivite avec baisse de l’acuité visuelle Buccale et gland Conjonctivite avec chémosis Non M Non Exanthème du scrotum C 25 ans M Moyenne 26.5 ans 3/1 Buccale et gland Non Auscultation pulmonaire Signes cliniques pulmonaires Nécessité d’une oxygénothérapie Radiographie du thorax Foyer de crépitants de la base droite Toux grasse avec polypnée Oui et 8litres/min désaturation à 90% Discret syndrome interstitiel sans foyer individualisé Toux sèche sans expectoration Eupnéique Non Bronchopathie avec petite ébauche de foyer lobaire inférieur droit Normale Normale Toux grasse Non Discret syndrome bronchique sans foyer Crépitants bilatéraux Toux grasse avec expectoration jaunâtre Non Image alvéolointerstitielle des deux bases 80 M Age Atteinte ophtalmologique Tableau 3. Répartition en fonction de l’âge, du sexe, de la perte de poids, de la nécessité d’une sonde nasogastrique, du bilan biologique, de la recherche de Mycoplasma pneumoniae, de l’évolution initiale et des séquelles. Patients Age Sexe Perte de poids Nécessité d’une sonde nasogastrique ans M 3 kgs F 20 T ans M 3 kgs Non communiqué Moyenne ans 26.5 M 3/1 8 kgs Détresse respiratoire avec désaturation ADN de Mycoplasma pneumoniae par PCR de prélèvement buccal négative Erosion cornéenne gauche nécessitant une greffe, Brides conjonctivales Baisse de l’acuité visuelle Oui Non GB 19900 PNN 15720 (79%) CRP 89.9 IgG et IgM négatifs Séroconversion IgG et IgM positive à un mois ADN de Mycoplasma pneumoniae par PCR de prélèvement de nez négative Non GB 10100 CRP 7,VS 22 (2ième heure) IgG et IgM positifs PCR sur prélèvement rhinopharyngé positif 25 C Détection positive d’antigènes dans l’expectoration par méthode immunoenzymatique Cholestase inflammatoire régressive GB 16700 PNN 13130 (78.3%) CRP 50.3 IgG positif (IgM non testé) IgG et IgM positifs Sérologie IgG et IgM positive à un mois Evolution initiale Favorable Favorable Séquelles Non 81 ans Autres dépistages de Mycoplasma pneumoniae Oui 45 M Sérologie Mycoplasma pneumoniae GB 14500 PNN 10930 (75.4%) VS 31/57 CRP 144.3 16 Y Bilan biologique (valeurs anormales) Baisse de l’acuité visuelle Dysphagie Non Non Tableau 4. Evaluation de la sévérité à l’admission à l’aide du SCORTEN (7) Uricémie >10 mmol/l Glycémie >14 mmol/l Bicarbonate < 20mmol/l Nombre de facteurs de sévérité Non 97/min Non 5.8 mmol/l 5.4 mmol/l 25 normal sous 8 litres d’O2/min 0 Oui Non 138/min Non 5.6 mmol/l 6.5mmol/l 27 mmol/l 2 T Non Non 110/min Non 4.2 mmol/l 4.9 mmol/l 30 mmol/l 0 C Non Non 70/min Non 5.3 mmol/l 4.8 mmol/l 29 mmol/l 0 Patients Maladies malignes Y Non M 82 Tachycardie >120/min Décollement cutané initial >10% Age supérieur à 40 ans 83 BIBLIOGRAPHIE: 1. Abe R, Shimizu T, Shibaki A, Nakamura H, Watanabe H, Shimizu H. Toxic epidermal necrolysis and Stevens-Johnson syndrome are induced by soluble Fas ligand. Am J Pathol. 2003;162:1515-20. 2. AFSSAPS. Antibiothérapie par voie générale en pratique courante : infections respiratoires basses de l’adulte. 2002.37p. 3. Assier H, Bastuji-Garin S, Revuz J, Roujeau JC. 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Les infections respiratoires basses représentent un peu plus du quart de la consommation d’antibiotiques. Pourtant l’étiologie des pneumonies -obtenue souvent à posteriori- est établie dans moins de la moitié des cas et l’antibiothérapie prescrite est donc probabiliste. Mycoplasma pneumoniae est la deuxième cause de pneumonie après Streptococcus pneumoniae. Les manifestations extra-pulmonaires notamment cutanéomuqueuses formant un tableau plus ou moins complet de StevensJohnson permettent dans un grand nombre de cas de rattacher l’étiologie de la pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae. L’association entre la pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae et le syndrome de Stevens-Johnson est un fait bien établi et leurs mécanismes physiopathologiques semblent proches. L’intérêt de la connaissance de cette manifestation pour la rattacher à Mycoplasma pneumoniae est la gravité potentielle de cette atteinte -du fait de la morbimortalité et du risque de séquelles- qui nécessite une prise en charge active et précoce La recherche d’une infection pulmonaire à Mycoplasma pneumoniae devant des lésions cutanéomuqueuses évocatrices d’un syndrome de StevensJohnson doit donc être systématique, même si la cause la plus fréquente est médicamenteuse. L’étude et l’analyse à posteriori des données cliniques et paracliniques issues de quatre cas de pneumopathies à Mycoplasma pneumoniae documentées, associées à un syndrome de Stevens-Johnson et survenus à l’hôpital de Villeneuve Saint Georges entre 1998 et 2005 montrent l’importance des symptômes cutanéomuqueux dans le diagnostic de pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae. MOTS-CLES : – Mycoplasma pneumoniae –Stevens-Johnson, syndrome ADRESSE DE L’U.F.R. : 8 Rue du Général SARRAIL 94010 CRETEIL CEDEX