Hématurie confirmée
à l’ECBU : cibler la recherche
Lorsque l’hématurie est la seule
anomalie de l’examen cyto-bacté-
riologique, il faut se poser plusieurs
questions pour déterminer le che-
minement des examens complé-
mentaires.
Des antécédents personnels ou
familiaux de lithiase urinaire,
même limités à la présence de sable
dans les urines, orientent vers le
diagnostic de lithiase urinaire. On
prescrit en conséquence un dosage
de la calciurie (une calciurie élevée
peut, sans former de réels calculs,
léser les parois urinaires et entraîner
une hématurie microscopique) ; on
recherche une hyperuricosurie ;
une radiographie de l’abdomen sans
préparation parachève ce parcours
diagnostique, non sans que le
recours à l’échographie ait été dis-
cuté.
La révélation d’antécédents fami-
liaux d’insuffisance rénale conduit
à chercher une polykystose rénale
ou une néphropathie familiale type
syndrome d’Alport ou maladie des
membranes basales fines.
Si l’interrogatoire signale un
risque de bilharziose, on demande
un examen parasitologique des
urines (à noter qu’une bilharziose
urinaire élève le risque de cancer
de la vessie, notamment épider-
moïde).
Il faut s’informer sur d’éventuels
antécédents de drépanocytose chez
un sujet noir ou de thalassémie.
Sujet masculin, passé
50 ans : penser au cancer !
Enfin des examens complémen-
taires sont indispensables chez les
sujets exposés à un risque de néo-
plasie vésicale et des voies excré-
trices urinaires. Il faut savoir en
effet que l’incidence annuelle des
cancers de la vessie chez les
hommes de plus de 50 ans présen-
tant une hématurie microscopique
est d’environ 5 %.
Ces diagnostics seront évoqués,
en particulier, chez les tabagiques,
devant tout malade qui a
consommé des antalgiques conte-
nant de la phénacétine** pendant
de longues périodes ou qui a subi
une exposition professionnelle pro-
longée aux hydrocarbures.
L’échographie rénale et vésicale
est prioritaire pour chercher une
tumeur des voies excrétrices, éven-
tuellement complétée par un scan-
ner avec injection d’iode (après
vérification de la fonction rénale),
parfois par une IRM susceptible de
visualiser de petites tumeurs
rénales. La cystoscopie peut être
justifiée chez ces sujets masculins
de plus de 50 ans, notamment s’ils
ont des facteurs de risque de can-
cer vésical, comme le tabagisme. Si
ces examens sont négatifs, chez ces
sujets à risque de cancer des voies
excrétrices, on peut prescrire une
cytologie urinaire deux fois par an
et une échographie, voire une cys-
toscopie chaque année. La cytolo-
gie urinaire est pratiquée sur les
urines fraîches du matin par un
DOSSIER FMC
N° 2177 - MARDI 19 FÉVRIER 2002
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Le Généraliste. — L’examen du sédiment urinaire
est-il différent de la numération des hématies par mil-
limètre cube? Quelles sont les valeurs normales?
Dr Alexandre Dumoulin. — L’étude du sédiment uri-
naire consiste à compter les hématies sur un
échantillon d’urines fraîches du matin. Une
valeur supérieure à 40 000 hématies par milli-
litre n’est pas normale. L’hématurie microsco-
pique peut être considérée comme modérée
jusqu’à 30000 ou 40000 éléments par milli-
litre. Au-delà de ces chiffres, on peut la consi-
dérer comme abondante. À partir de un mil-
lion d’hématies par millilitre, les urines sont
rouges et l’hématurie est macroscopique.
N’utilise-t-on plus le compte d’Addis ?
Dr A. D. — Beaucoup moins qu’autrefois. C’est un
examen astreignant, avec un recueil des urines
à 4 heures, puis à 7 heures du matin. On tient
pour pathologique une hématurie microsco-
pique de plus de 10000 éléments par minute.
Voulez-vous préciser les conditions de recueil et les
valeurs normales de la calciurie et de l’uricosurie? Un
régime préalable est-il nécessaire? L’examen doit-il être
répété plusieurs jours de suite ?
Dr A. D. — Le dosage de la calciurie et de l’urico-
surie se fait sur les urines de vingt-quatre
heures. Pour cela, le patient doit jeter ses urines
au réveil, puis recueillir toutes les urines de la
journée, ainsi que les premières urines du len-
demain matin et apporter le tout au laboratoire.
On considère une calciurie comme normale
quand elle est inférieure à 4 mg par kilogr et
par vingt-quatre heures (0,1 mmol par kilogr
et par vingt-quatre heures). Une hyperuricosu-
rie correspond à une valeur supérieure à
400 mg par vingt-quatre heures (2,4 mmol par
vingt-quatre heures). Quant au régime, tout
dépend de ce qu’on cherche. Si l’on veut ana-
lyser la situation un jour quelconque, il
convient de dire au patient de ne rien modi-
fier à son régime habituel. Si l’on veut savoir si
le patient est un hyperabsorbeur intestinal du
calcium, on peut réaliser un régime très pauvre
en calcium (moins de un gramme par jour) et
vérifier si la calciurie, après un tel régime, per-
siste ou non (elle est normalement inférieure à
0,48 mmol de calcium par mmol de créatinine).
Je rappelle que le dosage de la calciurie et de
l’uricosurie doit être accompagné d’un iono-
gramme ainsi que de la mesure de l’urée et de
la créatinine. On peut également ajouter le
dosage de l’oxalaturie, éventuel facteur favori-
sant de lithiase, tout comme un apport sodé et
protidique important.
Voulez-vous préciser l’incidence du cancer de la ves-
sie?
Dr A. D. — L’incidence du cancer de la vessie varie
d’un pays à l’autre et se situe, en France, aux
alentours de vingt cas pour 100000 hommes
et de trois à quatre cas pour 100000 femmes.
Toutefois, après 50 ans, l’incidence est d’envi-
ron 5 % en cas d’hématurie microscopique et
de 20 % lorsque l’hématurie est macrosco-
pique. Cette proportion de cancer dépend clai-
rement de l’âge et augmente très nettement
chez les patients de plus de 50 ans, en parti-
culier de sexe masculin.
L’épreuve des trois verres est-elle encore (parfois ou
couramment) utilisée ?
Dr A. D. — Cette épreuve consiste à recueillir
l’urine du début de miction dans un verre, à
poursuivre le recueil dans un deuxième verre
et à la terminer dans un troisième. L’hématurie
initiale est en faveur d’une lésion urétérale,
alors qu’une hématurie terminale témoigne
d’une lésion au niveau du trigone. Une héma-
turie présente sur les trois échantillons a une
valeur localisatrice très faible, de même qu’une
hématurie abondante, qui est totale, ne permet
en aucun cas de localiser la lésion. Cette
épreuve des trois verres peut être utilisée, mais
reste d’un intérêt restreint, puisque les inves-
tigations ne se limiteront pas à ce type d’exa-
men. En cas d’hématurie, il est clair que les
examens morphologiques seront plus
poussés.
Chez un sujet de moins de 50 ans sans risque
particulier ni pathologie évidente, quand décidez-vous de
recourir à la cystoscopie ? Quel est le schéma de la sur-
veillance ultérieure ?
Dr A. D. — La place de la cystoscopie, lorsqu’une
urographie intraveineuse et une échographie
sont négatives, est mal définie. On sait que sa
valeur diagnostique est faible chez les hommes
de moins de 50 ans et chez les femmes à faible
risque de cancer vésical. En revanche, au
moindre doute, notamment chez les hommes
de plus de 50 ans exposés à un facteur de
risque de cancer urothélial (les fumeurs notam-
ment), il faut prescrire une cystoscopie. En cas
de négativité de tous les examens, je pense qu’il
est raisonnable, en cas de persistance de l’hé-
maturie, de refaire ces examens,
notamment une échographie rénale et une cys-
toscopie, d’autant plus que les
per
sonnes sont à risque, au moins une fois par
an. ■
Propos recueillis par le
Dr Marc Kreuter
LES QUESTIONS DU GÉNÉRALISTE
LA FIN D’ADDIS