58 Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire 2015 ; 19(1) : 57-59
F. Triki et al. | Anévrysme de la valve mitrale antérieure
réactive protéine à 118 mg par litre. L’échographie cardiaque
transthoracique (ETT) a montré des valves aortiques remaniées
épaissies avec une fuite importante grade III/IV sans images de
végétations, la valve mitrale était fine mais siège au niveau de
son feuillet antérieur d’une formation sacciforme anévrysmale
faisant 19 mm de grand axe, bombant dans l’oreillette gauche
(OG) et communiquant avec le ventricule gauche (VG). L’ané-
vrysme était perforé, ce qui donnait au doppler couleur une
fuite mitrale importante à double jet. Par ailleurs, un magma de
végétations sur le versant ventriculaire de la grande valve mi-
trale et sur l’appareil sous-valvulaire a été observé [figure 2]. La
fonction systolique du VG était conservée sans dilatation. L’OG
n’était pas dilatée (39 mm). L’échographie transœsophagienne
(ETO) a confirmé ces constatations [figure3] en montrant que la
fuite mitrale se faisait uniquement à travers la perforation ané-
vrysmale. La valve aortique était le siège d’une petite végéta-
tion avec une fuite importante. Le diagnostic d’une endocardite
infectieuse fut alors retenu. Après une série d’hémocultures, la
patiente fut mise sous antibiotiques: ampicilline en association
avec la gentamicine. Un scanner cérébral et abdominopelvien
pratiqué systématiquement dans le cadre d’un bilan d’extension
est revenu normal.
La chirurgie urgente fut indiquée. La patiente a été opérée après
stabilisation de son état respiratoire et hémodynamique. L’in-
tervention s’est déroulée sous circulation extracorporelle, après
avoir repris l’ancienne sternotomie et après libération d’une
symphyse péricardique serrée. L’abord auriculaire gauche s’est
fait par la voie de Sondergaard. Celui de la valve aortique par
une aortotomie en J. L’exploration opératoire a mis en évidence
un anévrysme de la grande valve mitrale avec perforation cen-
trale associé à un magma de végétations au niveau de l’appa-
reil sous-valvulaire. Une résection de la totalité de la valve a
été réalisée suivie de l’implantation d’une prothèse mécanique
n°27. L’exploration de la valve aortique a trouvé une rétraction
valvulaire avec défaut de coaptation. Une résection des sig-
moïdes et un remplacement valvulaire aortique par une prothèse
mécanique n°17 ont été réalisés. Les suites opératoires étaient
simples. L’antibiothérapie a été maintenue pendant six semaines.
L’évolution a été marquée par l’apyrexie et la disparition du syn-
drome inflammatoire biologique. L’ETT postopératoire trouva
deux prothèses mitro-aortique de bon fonctionnement. Les hé-
mocultures étaient positives à Streptococcus parasanguis sen-
sible à l’association ampicilline-gentamicine.
3. DISCUSSION
L’anévrysme de la valve mitrale est une entité très rare, il est
fréquemment associé à une endocardite infectieuse aortique
[1]. Son incidence est de l’ordre de 9,6 % lors d’une endocar-
dite du cœur gauche. Le premier cas est décrit dans la littérature
par Morand en 1729 [2]. Depuis, plusieurs cas ont été rapportés
sporadiquement. L’anévrysme de la valve mitrale se définit par
une protubérance localisée au niveau du feuillet valvulaire mitral
bombant dans l’oreillette gauche, elle s’expant en systole et elle
se collabe en diastole [3]. D’après les cas rapportés dans la littéra-
ture ainsi que dans une série de Vilacosta de 13 cas d’anévrysme
de la valve mitrale publiée en 1999 [3], l’atteinte anévrysmale des
valves touche exclusivement la mitrale, en particulier son feuillet
antérieur ; de rares cas d’anévrysme du feuillet postérieur ont
été rapportés [4,5]. L’anévrysme de la valve mitrale est souvent
associé à une endocardite infectieuse. Les rares cas en dehors
de ce contexte ont une des pathologies suivantes : connectivites,
dégénérescence valvulaire myxœdémateuse, pseudoxanthome
élastique ou lors d’une insusance aortique sévère [6]. Dans
notre cas, notre patiente a une endocardite infectieuse certaine
au niveau aortique et mitral. Le mécanisme exact de la formation
de cet anévrysme mitral est encore mal élucidé, l’hypothèse la
plus plausible est que l’infection est responsable d’une inflam-
mation et d’une fragilisation du tissu valvulaire causant ainsi avec
les forces mécaniques du jet de régurgitation aortique la for-
mation d’une poche anévrysmale du feuillet mitral en question
[7]. Pour notre patiente, elle présente une insusance aortique
importante, qui s’est compliquée d’une endocardite infectieuse.
Devant la relation anatomique entre le site de l’anévrysme et la
fuite aortique, cet anévrysme de la valve mitrale antérieure est
probablement secondaire à une agression de la face ventriculaire
de la grande valve mitrale par le jet régurgitant aortique, la paroi
valvulaire est vulnérable puisqu’elle est fragilisée par l’infection.
L’anévrysme de valve mitrale peut se compliquer par une rupture
avec comme conséquence une fuite mitrale. L’autre complica-
tion possible est thromboembolique avec possibilité de forma-
tion de thrombus au fond de l’anévrysme. Chez notre patiente
l’anévrysme s’est rompu, donnant ainsi une insusance mitrale
aiguë responsable du tableau d’insusance cardiaque gauche.
L’échographie cardiaque transthoracique est l’examen le plus
pratiqué en routine, il est à faire en première intention. Mais
l’échographie transœsophagienne (ETO) est beaucoup plus sen-
sible en matière de détection d’anévrysme de la valve mitrale et
Figure 2. Magma de végétation (flèche) au niveau de l’appareil
sous-valvulaire mitral en ETT vue apicale 4 cavités.
OG : oreillette gauche, VG : ventricule gauche.
Figure 3. Large anévrysme de la grande valve mitrale (flèche) bombant
dans l’oreillette gauche en systole en ETO.
OG : oreillette gauche, VG : ventricule gauche.