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Avant- propos
surbooking), tours incorrects (soulever un lièvre, commémorer l’anniversaire
du décès), confusions (invoquer pour prétendre, droit d’ingérence), mala-
dresses courantes (ou sinon, être absent au procès), parti cularités lexicales
belges (de commun accord, hors cause), grevant l’usage judiciaire comme
l’usage commun. La langue du législateur, celle des avocats et des juges
n’en est pas exempte (ab intestat, par et en vertu de la loi). Leur usage s’est
fi gé alors que l’usage commun évolue. Ainsi, le procédé courant que fut la
coordination de synonymes est dénoncé aujourd’hui comme pléonastique.
Hanter et fréquenter. Les biens sont vendus quittes et libres de toutes dettes.
[Acte] fait et passé à Bastogne. Accorder terme et délai. Pour sa part et
portion. Des constructions allégées sont proposées.
Langue commune et terminologie
La langue française constitue le premier instrument des gens de justice.
Avocats, magistrats, auxiliaires de justice n’utilisent pas une langue propre,
ils emploient la langue française commune, qui relève de la grammaire com-
mune, mais en font un usage spécifi que, qui est un usage professionnel. Les
particularités de la langue du palais sont essentiellement lexicales. Toute-
fois, un discours peut être juridique sans utiliser aucun terme exclusivement
juridique : Témoin, levez- vous ! Il peut l’être aussi sans recourir à aucun
terme juridique : Faites évacuer la salle. Pourtant, en déclarant La séance
est ouverte, le président ouvre la séance. Le langage n’est pas seulement un
moyen de communication. Le juge, par exemple, peut le doter d’un pouvoir
extralinguistique qui rend la parole créatrice.
Le jus dicere s’exerce par les mots et par le pouvoir des mots. « En droit les
mots “font” tout ou presque –ils lient et délient les mariages, transfèrent
ou partagent les biens, condamnent, jettent en prison, parfois tuent, créent
des choses et des faits (juridiques, bien sûr, non pas matériels) ou les font
disparaître sans trace » (C. Grzegorczyk). C’est dire qui fait. « Les verbes
du dispositif (dit, déclare, prononce, condamne…) sont des prototypes de
[verbes] performatifs [Austin, 1962]. Ces mots sont des actes. » (Cornu,
Linguistique juridique, p.351.)
La langue courante et la langue juridique emploient environ cent cinquante
termes de forme identique: aliments, astreinte, citation, expédition, pres-
cription, provision, répétition. Comme le montre Michel van de Kerchove, de
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