Mardi 22 janvier 2013
Ouest-France
L’ événement4
L’imagequ’ils ontde nous et nous d’eux
Ouest-France-Photo:Reuters.
Source :Coopération franco-allemande.
2200
villesetrégions sont jumelées
10
trainsALLEO* parjourpassent
la frontièreavecun
personnelbilingue
*Sociétédechemin de fer
commune franco-allemande
100
fims françaisprojetés
chaque semaine dans
lescinémas allemands
18
coproductions annuelles
franco-allemandes
18
Arte
chaîne de télévison
franco-allemande créée
en 1992
AudienceenFrance:
1,8%
AudienceenAllemagne:
0,7%
8000
Allemandsétudient en France
L’Allemagne+laFrance=
de la population européenne
30 %
Plus de
Alle
6000
Plus de Françaisétudient en Allemagne
Langue vivante enseignée
En France,
l’allemand
est
3e
3e
En Allemagne,
le français
est
2e
2e
ƒVie pratique
ƒEurope
ƒÉducation ƒCulture
La relationfranco-allemande en chiffres
Un couple nécessaire mais plus suffisant
Commentaire
Au gré des dirigeants qui l’ont ani-
mée, la relation franco-allemande a
porté plusieurs noms:le couple, le
moteur, la locomotive.
Toujours pour signifier à la fois le
sens historique de la réconcilia-
tion, l’intimité de la relation bilaté-
rale (même si un fincommentateur
italien a pu dire que ce mariage de
raison n’avait en fait jamais été vrai-
ment consommé) et sonrôle dans la
construction européenne.
Toujours décisif, ce binôme a long-
temps été suffisant à donner les im-
pulsions nécessaires. La culturedu
compromis a souvent reposé sur les
accords passésavant les sommets
par les deux partenaires.
Les années Delors (1985-1995) en
sont l’illustration la plus parfaite. Il suf-
fisait à Jacques Delors, président de
la Commission, de trouverun point
de compromis entre François Mitter-
rand et Helmut Kohl pour avoir fait
lestrois quarts du chemin. Au point
d’irritersouvent des partenaires hos-
tiles à tout directoire.
Deux piliers
L’Europe, alors, ne comptait que
douze ou quinze membres. Paris
et Berlin disposaient de la fameuse
«masse critique », du poids suffi-
sant, pour influer. À vingt-sept, ce
n’estpluslecas.Les deuxderniers
élargissements ont profondément
modifiéles équilibres sansdoter
les institutions des instruments adé-
quats.
Mais l’arithmétique n’estpas tout.
On asouvent opposé deux mé-
thodes de gouvernement au sein
de l’Union européenne : la méthode
dite communautaire (plus collégiale)
et l’approche intergouvernementale
(plus nationale).
Le franco-allemand s’est décliné
sur lesdeuxmodes. Paris, avec sa
tradition étatique, Berlin, avec sa tra-
dition fédérale.
Les limites
du chacun-pour-soi
Depuis une dizaine d’années, les
approchesnationalesl’ont emporté.
Du moins, jusqu’en 2011. Jusqu’à ce
que la crise ne montre les limites évi-
dentes de ce chacun-pour-soi.
L’axefranco-allemand reste né-
cessaire, indispensable même dans
un monde globalisé. Ce sont les
deux premières économies du conti-
nent, les deux piliers de la monnaie
unique, leur culture politique reflète
des tendances lourdes de l’histoire
du continent.
Maiscecouple abesoin d’autres
piliers tout aussisolides pour ne sa-
crifier ni l’Est ni le Sud de l’Europe.
Comme la Pologne ou l’Italie.
Luet Marchand.
Comment se dire bonjour ? La
différence commence là. En Alle-
magne, on se contente d’un geste
de la main et d’un «Halo !»fraternel
et distancié maisconvaincu. Chez
nous, c’est plus compliqué et tac-
tile. On s’embrasse, on se bise, on
se bécote le museau.Et nos amis
d’outre-Rhin s’en amusent beau-
coup. Combien de bisesàla fran-
çaise?Deux en famille, trois entre
copains, quatre parfois. Quel peuple
affectueuxnousfaisons !Nous, tirer
la tronche ? Jamais!
L’ordre, la discipline, la rigueur.
Tout dans la société allemande se-
rait raideuretalignement. Est-ce si
sûr ? Nos cousins Germainssont
effaréspar notre côté napoléonien,
centralisateur, vertical. Et notre ver-
sant fantaisiste, improvisateur et rétif
àtoute autorité. Nous sommes plus
Gaulois qu’on ne l’imagine…
Chicaneursles Français et
consensuels les Allemands?
Nous serions toujours en grève et
les Allemands en règle absolue avec
la pointeuse.Nousserionsrévolu-
tionnaires et eux, co-gestionnaires.
Sur un strict plan comptable, il n’y
a pas tant de grèves que ça de ce
côté-cidu Rhin, et pas aussi peu de
l’autre. Alors, la différence?C’est la
confiance mutuelle. Dans les entre-
prises allemandes, les syndicats siè-
gent dans les conseils d’administra-
tion. Nous n’en sommes pas là.
Bosseurs les Allemands et glan-
deurs les Français ? On le dit et
on a tort.Tout bien pesé et finement
calculé, un salarié allemand assure
1309 heures de travail annuel. Et
sonhomologue français… 1469.
Tiensdonc. La différence:lesAl-
lemands profitent de 7,5semaines
de vacances chaque année (7 pour
nous).Et là-bas, vous ne trouverez
jamais un cadreau boulot après
19 h!D’ailleurs, le mot «cadre»
n’existe pas en allemand.
«Lefootball est un jeu qui se joue
àonzeetc’est toujoursles Alle-
mands qui gagnent »,dit un fameux
proverbe du ballon rond. Ce futvrai.
Ça ne l’est plus vraiment. À quand
remonteladernièrevictoiredela
Mannschaft en Coupe du monde ?
Au siècle dernier, en 1990. L’équipe
nationale allemande est joueuse
mais échoue souvent. On dirait une
équipe de France de l’ancien temps.
Et nous?Nous, on joue mal et on
perd. Normal.
Fçois SIMOn.
Le modèle économiqueallemandest-ilmeilleur?
Contrairement aux idées reçues, la France a aussi des atouts même si, aujourd’hui,
l’Allemagnes’en sort mieux au jeu des comparaisons. Mais qu’en sera-t-il demain ?
Analyse
Que ne lit-on et dit-on de dithyram-
bique sur le «modèle allemand »!Le
pays d’Angela Merkel affiche une lé-
gère croissance de sonPIB en 2012
et la majorité des observateurs s’ac-
cordent àfairel’éloge de sa rigueur
budgétaire.
Tous saluent la capacité de nos voi-
sins à porter haut la compétitivité de
leur industrie au prix de sérieux sacri-
fices. Et tous s’inclinent sur la vérité
de bon nombre d’indicateurs écono-
miques.
Un exempleàsuivre
lesyeux fermés ?
Oui, l’Allemagneestsortie plus forte
de la crise de 2008. Oui, elle affiche
unedette moinsplombante que la
France et un bilan de sa balance
commerciale insolent comparé au
nôtre (+ 174milliards d’euros, contre
- 69,6 milliards). Oui, sur le front du
chômage, elle s’en sort mieux que
la France, où il est en constante aug-
mentation depuis dix-neuf mois. Oui,
la premièreéconomie européenne,
très à la pointe dans la recherche et
le développement, est devenue une
référence depuis dix ans.
Pour autant, est-elle l’exemple à
suivreles yeux fermés ?Les avis di-
vergent, tant il faut se méfier des
chiffres qui, parfois,s’avèrent plus
nuancés dans les coins. Croire qu’un
simple copier-coller suffirait à faire
le bonheur de la France relève donc
d’un raccourci hasardeux. Et d’une
erreur d’analyse.
Car la question se heurte à la réali-
té des deux pays fondamentalement
différents par leur culture. Lessuccès
actuels de l’économie germanique
reposent d’abord sur les points forts
structurels et traditionnelsdupays.
Surune décentralisation extrême.
Sur un système de relations sociales
«intégré », loindumodèle français,
où la culturedu conflit est à l’opposé
du dialogue social coparticipatif ins-
tauré outre-Rhin.
Pauvretéet inégalités
Dans un pays où le système éduca-
tif prône l’apprentissage, un solide
réseau d’entreprises de taille inter-
médiaire,souvent familiales, entre-
prend àtout va.Résultat :parties à
fond à la conquête des marchés des
pays émergents, les entreprises alle-
mandes, moins taxées et imposées
qu’en France, sont ultra-compétitives.
Reste que le système n’est pas
sansfaille.Laprofonde remise en
cause de l’Étatsocial, menée début
2000 par le chancelier Schröder,
afragilisé le modèle. La libéralisa-
tion du marché du travail aeupour
conséquence d’accroître la pauvreté
et les inégalités de manière specta-
culaire dans un pays où le salaire mi-
nimum garanti n’existe pas.
La France, championne
desbébés
Peu d’États ont une protection so-
ciale comparable à celle de la France
qui, face à la crise, aservi d’amortis-
seur. Certes, le droit français du tra-
vail va bientôt être corrigé, mais, on
l’auracompris,notre modèle aaussi
sesvertus. Car le ciel s’assombrit sur
l’économie allemande, fortement dé-
pendante de la demande mondiale
en baisse.
Du coup, la croissance française,
quasi en berne aujourd’hui, devrait
même, à long terme, distancer celle
de l’Allemagne, grâceàune bien
meilleure démographie (+0,5 %
contre - 0,2 %). La France, cham-
pionne en bébés, a, là,unbel avenir
devant elle. Si tant est qu’elle reste en-
gagée, avec force, dans la voie des ré-
formes indispensables à son salut.
Piee caVrET.
La tour de stockage des véhicules,ausiègeduconstructeur Volkswagen,àWolfsburg.
Eurostat
Reuters
1996
milliards d'euros
10,5 %
de la population
active
0,1 %0,7 %
1,5 %1,7 %
4,2 %
3%
Nov. 201220112010 201220112010
5,4 %
de la population
active
2570
milliards d'euros
FRANCE ALLEMAGNE
ƒPRODUIT INTERIEUR
BRUT (PIB 2011)
ƒCHÔMAGE (novembre2012)
ƒCROISSANCE (2012)
56,3 %
du Produit
IntérieurBrut
45,6 %
du Produit
IntérieurBrut
ƒDÉPENSESDEL'ÉTAT (2011)
ans
Traité de l’Élysée