Le modèle économique allemand est

publicité
50 ans
Le modèle économique allemand est-il meilleur ?
4
L’événement
Ouest-France
Mardi 22 janvier 2013
Traité de l’Élysée
Contrairement aux idées reçues, la France a aussi des atouts même si, aujourd’hui,
l’Allemagne s’en sort mieux au jeu des comparaisons. Mais qu’en sera-t-il demain ?
Un exemple à suivre
les yeux fermés ?
Oui, l’Allemagne est sortie plus forte
de la crise de 2008. Oui, elle affiche
une dette moins plombante que la
France et un bilan de sa balance
commerciale insolent comparé au
nôtre (+ 174 milliards d’euros, contre
- 69,6 milliards). Oui, sur le front du
chômage, elle s’en sort mieux que
la France, où il est en constante augmentation depuis dix-neuf mois. Oui,
la première économie européenne,
très à la pointe dans la recherche et
le développement, est devenue une
référence depuis dix ans.
Pour autant, est-elle l’exemple à
Pauvreté et inégalités
Dans un pays où le système éducatif prône l’apprentissage, un solide
réseau d’entreprises de taille intermédiaire, souvent familiales, entreprend à tout va. Résultat : parties à
fond à la conquête des marchés des
pays émergents, les entreprises allemandes, moins taxées et imposées
qu’en France, sont ultra-compétitives.
Reste que le système n’est pas
sans faille. La profonde remise en
2 200
Plus
us de
8 0000
00
Plus de
6 000 Français étudient en Allemagne
1,5
%
2010
1,7 %
3%
0,7 %
0,1 %
2011 Nov. 2012
2010
2011
2012
ƒ DÉPENSES DE L'ÉTAT (2011)
Langue vivante enseignée
En Allemagne,
le français
est 2e
18
Arte
Commentaire
fims fra
français projetés
chaque semaine dans
les ciné
cinémas allemands
coproductions annuelles
coprod
francofranco-allemandes
chaîne de télévison
franco-allemande créée
en 1992
Audience en France :
1,8 %
Audience en Allemagne :
0,7 %
%
Ouest-France - Photo : Reuters.
L’Allemagne + la France = 30
de la population européenne
4,2 %
1100
00
*Société de chemin de fer
commune franco-allemande
ƒ Europe
de la population
active
ƒ CROISSANCE (2012)
ƒ Culture
Allemands étudient en France
Allema
En France,
l’allemand
est 3e
de la population
active
5,4 %
56,3 %
du Produit
Intérieur Brut
45,6 %
du Produit
Intérieur Brut
Un couple nécessaire mais plus suffisant
ƒ Éducation
trains ALLEO* par jour passent
la frontière avec un
personnel bilingue
10,5 %
La tour de stockage des véhicules, au siège du constructeur Volkswagen, à Wolfsburg.
Pierre caVrET.
2 570
milliards d'euros
ƒ CHÔMAGE (novembre 2012)
Peu d’États ont une protection sociale comparable à celle de la France
qui, face à la crise, a servi d’amortisseur. Certes, le droit français du travail va bientôt être corrigé, mais, on
l’aura compris, notre modèle a aussi
ses vertus. Car le ciel s’assombrit sur
l’économie allemande, fortement dépendante de la demande mondiale
en baisse.
Du coup, la croissance française,
quasi en berne aujourd’hui, devrait
même, à long terme, distancer celle
de l’Allemagne, grâce à une bien
meilleure démographie (+0,5 %
contre - 0,2 %). La France, championne en bébés, a, là, un bel avenir
devant elle. Si tant est qu’elle reste engagée, avec force, dans la voie des réformes indispensables à son salut.
ƒ Vie pratique
10
1 996
milliards d'euros
La France, championne
des bébés
La relation franco-allemande en chiffres
villes et régions sont jumelées
BRUT (PIB 2011)
Eurostat
Que ne lit-on et dit-on de dithyrambique sur le « modèle allemand » ! Le
pays d’Angela Merkel affiche une légère croissance de son PIB en 2012
et la majorité des observateurs s’accordent à faire l’éloge de sa rigueur
budgétaire.
Tous saluent la capacité de nos voisins à porter haut la compétitivité de
leur industrie au prix de sérieux sacrifices. Et tous s’inclinent sur la vérité
de bon nombre d’indicateurs économiques.
ALLEMAGNE
ƒ PRODUIT INTERIEUR
cause de l’État social, menée début
2000 par le chancelier Schröder,
a fragilisé le modèle. La libéralisation du marché du travail a eu pour
conséquence d’accroître la pauvreté
et les inégalités de manière spectaculaire dans un pays où le salaire minimum garanti n’existe pas.
Reuters
Analyse
suivre les yeux fermés ? Les avis divergent, tant il faut se méfier des
chiffres qui, parfois, s’avèrent plus
nuancés dans les coins. Croire qu’un
simple copier-coller suffirait à faire
le bonheur de la France relève donc
d’un raccourci hasardeux. Et d’une
erreur d’analyse.
Car la question se heurte à la réalité des deux pays fondamentalement
différents par leur culture. Les succès
actuels de l’économie germanique
reposent d’abord sur les points forts
structurels et traditionnels du pays.
Sur une décentralisation extrême.
Sur un système de relations sociales
« intégré », loin du modèle français,
où la culture du conflit est à l’opposé
du dialogue social coparticipatif instauré outre-Rhin.
FRANCE
Au gré des dirigeants qui l’ont animée, la relation franco-allemande a
porté plusieurs noms : le couple, le
moteur, la locomotive.
Toujours pour signifier à la fois le
sens historique de la réconciliation, l’intimité de la relation bilatérale (même si un fin commentateur
italien a pu dire que ce mariage de
raison n’avait en fait jamais été vraiment consommé) et son rôle dans la
construction européenne.
Toujours décisif, ce binôme a longtemps été suffisant à donner les impulsions nécessaires. La culture du
compromis a souvent reposé sur les
accords passés avant les sommets
par les deux partenaires.
Les années Delors (1985-1995) en
sont l’illustration la plus parfaite. Il suffisait à Jacques Delors, président de
la Commission, de trouver un point
de compromis entre François Mitterrand et Helmut Kohl pour avoir fait
les trois quarts du chemin. Au point
d’irriter souvent des partenaires hostiles à tout directoire.
Deux piliers
L’Europe, alors, ne comptait que
douze ou quinze membres. Paris
et Berlin disposaient de la fameuse
« masse critique », du poids suffisant, pour influer. À vingt-sept, ce
n’est plus le cas. Les deux derniers
Source : Coopération franco-allemande.
élargissements ont profondément
modifié les équilibres sans doter
les institutions des instruments adéquats.
Mais l’arithmétique n’est pas tout.
On a souvent opposé deux méthodes de gouvernement au sein
de l’Union européenne : la méthode
dite communautaire (plus collégiale)
et l’approche intergouvernementale
(plus nationale).
Le franco-allemand s’est décliné
sur les deux modes. Paris, avec sa
tradition étatique, Berlin, avec sa tradition fédérale.
Les limites
du chacun-pour-soi
Depuis une dizaine d’années, les
approches nationales l’ont emporté.
Du moins, jusqu’en 2011. Jusqu’à ce
que la crise ne montre les limites évidentes de ce chacun-pour-soi.
L’axe franco-allemand reste nécessaire, indispensable même dans
un monde globalisé. Ce sont les
deux premières économies du continent, les deux piliers de la monnaie
unique, leur culture politique reflète
des tendances lourdes de l’histoire
du continent.
Mais ce couple a besoin d’autres
piliers tout aussi solides pour ne sacrifier ni l’Est ni le Sud de l’Europe.
Comme la Pologne ou l’Italie.
Laurent Marchand.
L’image qu’ils ont de nous et nous d’eux
L’ordre, la discipline, la rigueur.
Tout dans la société allemande serait raideur et alignement. Est-ce si
sûr ? Nos cousins Germains sont
effarés par notre côté napoléonien,
centralisateur, vertical. Et notre versant fantaisiste, improvisateur et rétif
à toute autorité. Nous sommes plus
Gaulois qu’on ne l’imagine…
Comment se dire bonjour ? La
différence commence là. En Allemagne, on se contente d’un geste
de la main et d’un « Halo ! » fraternel
et distancié mais convaincu. Chez
nous, c’est plus compliqué et tactile. On s’embrasse, on se bise, on
se bécote le museau. Et nos amis
d’outre-Rhin s’en amusent beaucoup. Combien de bises à la française ? Deux en famille, trois entre
copains, quatre parfois. Quel peuple
affectueux nous faisons ! Nous, tirer
la tronche ? Jamais !
Bosseurs les Allemands et glandeurs les Français ? On le dit et
on a tort. Tout bien pesé et finement
calculé, un salarié allemand assure
1 309 heures de travail annuel. Et
son homologue français… 1 469.
Tiens donc. La différence : les Allemands profitent de 7,5 semaines
de vacances chaque année (7 pour
nous). Et là-bas, vous ne trouverez
jamais un cadre au boulot après
19 h ! D’ailleurs, le mot « cadre »
n’existe pas en allemand.
Chicaneurs les Français et
consensuels les Allemands ?
Nous serions toujours en grève et
les Allemands en règle absolue avec
la pointeuse. Nous serions révolutionnaires et eux, co-gestionnaires.
Sur un strict plan comptable, il n’y
a pas tant de grèves que ça de ce
côté-ci du Rhin, et pas aussi peu de
l’autre. Alors, la différence ? C’est la
confiance mutuelle. Dans les entreprises allemandes, les syndicats siègent dans les conseils d’administration. Nous n’en sommes pas là.
« Le football est un jeu qui se joue
à onze et c’est toujours les Allemands qui gagnent », dit un fameux
proverbe du ballon rond. Ce fut vrai.
Ça ne l’est plus vraiment. À quand
remonte la dernière victoire de la
Mannschaft en Coupe du monde ?
Au siècle dernier, en 1990. L’équipe
nationale allemande est joueuse
mais échoue souvent. On dirait une
équipe de France de l’ancien temps.
Et nous ? Nous, on joue mal et on
perd. Normal.
François SIMOn.
Téléchargement