LE RÊVE SE RÉALISE La Clinique d’évaluation diagnostique des troubles du sommeil voit le jour Par Stéphane Trépanier Ce que la science connaît des troubles du sommeil profitera désormais aux patients atteints de troubles envahissants du développement (TED). Une première au Québec, tout probablement au Canada, et une des rares expériences du genre en Amérique du nord. Portrait d’une évolution attendue qui servira une clientèle aux besoins particuliers et importants. Aujourd’hui, le rêve devient réalité. Ce n’est pas tous les jours qu’un laboratoire du sommeil donne naissance à une clinique diagnostique. L’idée, déjà présente dans la tête de son responsable, le docteur Roger Godbout, psychologue et spécialiste du sommeil, a fait son chemin. Fondé en 1999, le laboratoire de recherche sur le sommeil de l’HRDP ajoutait une corde à son arc en inaugurant, en novembre 2007, sa toute nouvelle clinique spécialisée d’évaluation diagnostique. Cheminement naturel sinon prévisible à l’intérieur d’un hôpital où les liens entre la recherche et la pratique clinique sont étroits, quotidiens et systématiquement encouragés. À l’écoute d’une clientèle au sommeil fragile Si les problèmes du sommeil affectent 20 à 25 % de la population en général, chez les personnes autistes ce n’est pas moins de 40 à 60 % d’entre elles qui éprouvent des difficultés lorsque vient le temps de tomber dans les bras de Morphée. Quand on considère que l’entourage est plus souvent qu’autrement aussi affecté que la personne autiste ellemême, obligé qu’il est de composer avec un horaire de veille qui s’étire, les besoins apparaissent considérables. De surcroît, la clientèle TED est fréquemment incapable de décrire les perturbations qui affectent son sommeil. L’Agence de Montréal a donc mis à la disposition de la clinique les outils nécessaires pour en sonder les causes et les effets qui se tapissent dans l’obscurité de la nuit. C’est connu, le sommeil est la première victime de nos contrariétés. Les patients TED présentent souvent des problèmes d’endormissement, mais surtout de maintien du sommeil. Quand en plus l’adolescence survient avec son lot d’hormones et de changements, il n’est pas facile de départager les causes d’un trouble du sommeil. La clinique vient ainsi apporter un éclairage que peu d’autres ressources sont à même d’offrir. La théorie rejoint la pratique La naissance de la clinique diagnostique sert avant tout le transfert des connaissances. Un savoir-faire désormais accessible aux autres cliniques INTER- mission PAGE 8 de l’Hôpital, aux patients et à leurs parents, en passant par les divers lieux de traitement. « Depuis 1999, mes activités à HRDP se concentraient sur la recherche, fondamentale et clinique, basée sur des protocoles expérimentaux. Dorénavant, l’HRDP aura une arme de plus à son arsenal, c’est-à-dire une clinique non seulement capable d’évaluer le sommeil de ses patients avec une technologie à la fine pointe des développements les plus récents, mais également engagée à partager son savoir » d’expliquer le Dr Godbout. Un an pour consolider ses assises La clinique se donne une année pour roder le fonctionnement de son équipe constituée du Dr Godbout*, de Élyse Chevrier, technologiste en électrophysiologie médicale, de Céline Vallée, secrétaire, du personnel professionnel de nuit et, parallèlement, de tout un réseau de collaborateurs institutionnels en cardiologie, neurologie, pneumologie, pédiatrie, etc. Cette clinique d’évaluation de troisième ligne commence ses activités à raison d’une journée par semaine. Les « références » provien- nent essentiellement des médecins du Programme des troubles neurodéveloppementaux et concernent en priorité les patients porteurs d’un diagnostic de TED ou suspectés de présenter un TED, bien que les autres clientèles puissent éventuellement être admises. Une fois l’éligibilité d’une référence confirmée, on procède d’abord à l’évaluation sommaire du dossier. Les questionnaires appropriés sont ensuite remis aux patients ou à leurs parents. Une fois les questionnaires remplis, une rencontre est organisée afin de scruter à la loupe tous les éléments susceptibles de renseigner sur la nature des difficultés. Suivent les évaluations, adaptées au profil de chacun, pouvant être très variées et complémentaires : une ou plusieurs nuits au laboratoire de sommeil, évaluations complémentaires (psychologique, neuropsychologique, médicale, psychosociale, etc.). Finalement, un diagnostic est suggéré et transmis aux personnes concernées, accompagné de recommandations précises et concrètes. Il peut s’agir par exemple d’appliquer les principes d’une bonne hygiène du sommeil, de proposer un programme de traitement cognitivocomportemental adapté aux troubles du sommeil ou de recommander des traitements médicaux spécifiques reconnus pour les troubles du sommeil. Si la clinique limite son champ d’action à l’étape de l’évaluation et du diagnostic, le traitement étant de la responsabilité du « référent », son équipe demeure néanmoins disponible comme expert conseil. Une batterie de moyens au service des TED La clinique offre un éventail de moyens pour circonscrire les problèmes nocturnes. Au départ, un agenda de sommeil est constitué, sorte d’historique précis des caractéristiques des nuits du patient. Ce profil est généralement très révélateur. Au besoin, on peut aller beaucoup plus loin dans l’investigation. La clinique dispose de toute la technologie nécessaire. Elle est à même non seulement de produire un rapport exhaustif sur l’organisation du sommeil des patients qui viennent y dormir, mais elle est également capable d’analyser un grand nombre d’indicateurs physiologiques tels que l’électroencéphalogramme, le cardiogramme, la respiration et le taux d’oxygène artériel. En dormant au laboratoire, le patient nous en apprend beaucoup. Mais au-delà de cet attirail moderne, la simple observation fine et rigoureuse de l’environnement, de la luminosité et de la routine de vie, sur un cycle de 24 heures, fournit déjà de précieuses données. On néglige souvent d’analyser la réalité d’un individu dans sa globalité, c’est-à-dire en incluant ce qui se passe après le coucher et avant le lever. Quand on sait l’impact de la qualité du sommeil sur les activités diurnes, on aurait tort de négliger cet apport d’information pour mieux comprendre un patient. La pratique alimente la recherche, la recherche nourrit la pratique Si la clientèle et leurs proches sont les premiers bénéficiaires de l’expertise de la clinique, cette dernière n’est pas en reste. Elle compte bien profiter de l’éclairage qu’apportera à la recherche l’ensemble des caractéristiques des patients rencontrés. Ainsi, les chercheurs n’auront pas le loisir de s’endormir sur leurs lauriers : une banque de données anonymisées sera constituée et on pourra dresser les portraits cliniques les plus courants pour la clientèle TED avec troubles du sommeil. D’ici un an, nous devrions en savoir davantage sur les caractéristiques de son sommeil. Rendez-vous en 2009 pour un premier bilan. * Roger Godbout est docteur en psychologie, chercheur et professeur à la Faculté de médecine, Département de psychiatrie de l’Université de Montréal, chef du Service de recherche à l’HRDP et responsable de la Clinique spécialisée d’évaluation diagnostique des troubles du sommeil de l’HRDP. Mandat La Clinique spécialisée d’évaluation diagnostique des troubles du sommeil est constituée d’une infrastructure (personnel et équipements) et est assortie des protocoles et des moyens requis pour le dépistage, l’évaluation et le diagnostic des troubles du sommeil chez la clientèle qui lui est référée. La clinique participe aussi à des activités de recherche, d’enseignement, de transfert des connaissances et de développement technologique. INTER- Clientèle cible Les services s’adressent d’abord à la clientèle du Programme des troubles neurodéveloppementaux de l’HRDP, qu’elle soit hospitalisée ou ambulatoire. Il n’y a pas de limite d’âge. Sont admissibles, les enfants et les adolescents avec un trouble envahissant du développement (TED), ou soupçonnés d’y correspondre, et les adultes présentant un TED avec ou sans déficience intellectuelle. mission PAGE 9