nécessaire à une cérémonie religieuse..., une exemption spéciale, appelée
« accommodement » (accommodation), doit être accordée aux minorités adeptes de
cette croyance... Dans l’ensemble, la position de l’accommodement est dominante
dans la culture publique et le droit américains... [Elle] s’attaque aux formes subtiles de
discrimination omniprésentes dans un pays démocratique fonctionnant selon le
principe majoritaire... Les affaires européennes récentes... comportent des lois
discriminatoires de ce genre... Voyons ce qu’il en est de la burka1.
Peu après la publication de ces lignes, la France a effectivement adopté un texte
interdisant, dans les lieux publics, le port de la burka ou de tout accessoire dissimulant le
visage2. Nussbaum n’est pas la seule à en prendre ombrage. Amnesty International y voit une
violation des droits de l’homme et, pour l’historienne américaine Joan Scott, la loi en
question « fait partie d’une entreprise de purification et de protection de l’identité [française]
par expulsion hors de la communauté nationale des éléments prétendument “étrangers” »3.
Il existe certes des justifications non discriminatoires de cette loi – la nécessité
d’identifier les individus pour des raisons de sécurité, l’intérêt général qu’il y a à préserver la
fonction de communication des expressions du visage – mais il ne fait aucun doute que le
facteur déclencheur en a été le voile intégral islamique, et du reste les arguments les plus
souvent entendus en faveur de l’interdiction portent sur la signification symbolique de la
burka en particulier, et non sur la dissimulation du visage en général. Par exemple, le
président Sarkozy a déclaré que « le voile intégral est contraire à la dignité de la femme », et
les promoteurs de l’« interdiction générale et absolue » de la « dissimulation du visage dans
l’espace public » ont invoqué les dommages qu’une telle pratique inflige aux « règles de la
vie en commun », à « la dignité de la personne » et à « l’égalité entre les sexes »4.
Cela prouve-t-il que la loi soit discriminatoire ? Les protections contre les dispositions
publiques discriminatoires reposent généralement sur l’idée que des lois ou règlements
ciblant un groupe social donné sont rarement justifiés, parce qu’il existe entre les groupes peu
de distinctions moralement pertinentes et qu’il est aisé de concevoir une loi inattaquable qui
ne vise pas l’appartenance au groupe mais directement le comportement distinctif qu’on
1 Martha Nussbaum, « Veiled threats », 11 juillet 2010, http://opinionator.blogs.nytimes.com/2010/07/11/veiled-
threats/
2 Loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public.
3 Joan Wallach Scott, « France’s ban on the islamic veil has little to do with female emancipation », The
Guardian, 26 août 2010.
4 Nicolas Sarkozy, dans Le Figaro, 24 mars 2010 ; Michèle Alliot-Marie, débat à l’Assemblée nationale du
6 juillet 2010. Cités dans « France’s burqa ban in effect next month », CNN, 4 mars 2011.