Institut Galilée Sciences et technologies Licence 2eme année SPI Mathématiques du deuxième semestre 2010 - 2011 Formes quadratiques Marie-Claude Werquin Département de Mathématiques www.math.univ-paris13.fr/depart c INSTITUT GALILEE, 99 avenue Jean-Baptiste-Clément 93430 VILLETANEUSE 2007/2008 Table des matières 1 Formes quadratiques 1 1.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 1.2 Formes bilinéaires symétriques . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 1.3 Formes quadratiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 1.4 Orthogonalité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 1.5 Décomposition de Gauss . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 1.6 Loi d’inertie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 2 Classification des coniques 11 3 Chapitre 1 Formes quadratiques 1.1 Introduction IK = IR ou C). l E est un IK-espace vectoriel de dimension n. Soit {e1 , · · · , en } une base de E. Pour xi nE, on a x = x1 e1 + · · · + xn en . Nous allons étudier les applications q : E → IK telles que : q(x) = n X aii x2i + i=1 X aij xi xj i6=j polynôme homogène de degré 2 par rapport aux xi , somme de termes ”carrés” et de termes ”rectangles”. 1.2 Formes bilinéaires symétriques Définition 1.2.1 On appelle forme bilinéaire symétrique sur E une application f : E × E → IK telle que : • Linéarité par rapport à la première variable : f (x + x′ , y) = f (x, y) + f (x′ , y) f (λx, y) = λf (x, y) • Symétrie : f (x, y) = f (y, x) On notera S(E) l’ensembles des formes bilinéaires symétriques sur E. Exemples 1. Un produit scalaire si IK = IR 1 2 CHAPITRE 1. FORMES QUADRATIQUES 2. E = IR2 , f (x, y) = x1 y1 − x2 y2 Proposition 1.2.2 Soit f ∈ S(E) et soit {e1 , · · · , en } une base de E. On a alors : n n n X n X X X f xi ei , yj ej = xi yj f (ei ; ej ) i=1 j=1 i=1 j=1 Démonstration En utilisant la linéarité de la définition, on développe le premier membre. 2 Définition 1.2.3 Soit E = {e1 , · · · , en } une base de E et soit f ∈ S(E). La matrice de f relativement à e est la matrice Mf = (aij ) ∈ Mn (IK) telle que : ai,j = f (ei , ej ) Remarque 1.2.4 f n’est pas un endomorphisme. Proposition 1.2.5 La matrice d’une forme bilinéaire symétrique est symétrique, c’est à dire égale à sa transposée. Démonstration Soit A la matrice de la f.b.s. f . Alors aj,i = f (ej , ei ) = f (ei , ej ) = ai,j . Ce qui donne bien t A = A. 2 Proposition 1.2.6 Soit E = {e1 , · · · , en } une base de E. Soit M une matrice symétrique. Il existe une unique forme bilinéaire symétrique f dont la matrice dans E soit M . Démonstration f est de matrice M dans E : f (ei , ej ) = mij pour tous i et j. X P P Soient x = xi ei et y = j yj ej , alors f (x, y) = i,j xi yj f (ei , ej ) (proi longement par linéarité). X P Proposition 1.2.7 Soient x = xi ei et y = j yj ej . On pose X = i y1 x1 .. .. . et Y = . . Soit M la matrice de la f.b.s f . Alors : yn xn f (x, y) =t XM Y Démonstration Soit M = (mi,j ). On a t XM = n X i=1 ··· , n X i=1 xi mij est à la j ème place. ! xi mij , · · · où 1.2. FORMES BILINÉAIRES SYMÉTRIQUES 3 On a finalement : ! ! n n n n X X X X t xi yj f (ei , ej) = f (x, y) xi mij yj = XM Y = j=1 j=1 i=1 i=1 Proposition 1.2.8 Soient E et E ′ deux bases de E et P la matrice de passage de E à E ′ . Soient M et M ′ les matrices de f par rapport à E et E ′ . Alors, on a : M ′ =t P M P Démonstration Soient X et Y (resp. X ′ etY ′ ) les matrices colonnes de x et y dans la base E (resp. E ′ ) . On sait que X = P X ′ et Y = P Y ′ . On a donc : f (x, y) = t X ′ M ′ Y ′ = t XM Y = X ′t P M (P Y ′ ) = tX ′ tP M P Y ′ D’où M ′ =t P M P car la matrice associée à f relativement à la base E ′ est unique. Exemple Soit f la forme bilinéaire symétrique sur E = IR2 définie par : f (x, y) = x21 − 2x1 x2 + 3x22 La matrice de f dans la base canonique est : 1 −1 A= −1 3 1 2 ′ ′ ′ Soit E la base formée des vecteurs e1 = , e2 = 3 1 Alors f (e′1 , e′1 ) = 22 f (e′1 , e′2 ) = 4 ′ ′ f (e′2 , e′2 ) = 3 f (e2 , e1 ) = 4 La matrice de f dans la base E ′ est : 22 4 A′ = 4 3 La matrice de passage est P = Alors : t P AP = A′ . 1 2 3 1 Remarque 1.2.9 Si f est une f.b.s. sur E on a : f (x + y, x + y) = f (x, x) + f (x, y) + f (y, x) + f (y, y) = f (x, x) + 2f (x, y) + f (y, y) 1 et donc: f (x, y) = (f (x + y) − f (x, x) − f (y, y)) 2 4 CHAPITRE 1. FORMES QUADRATIQUES 1.3 Formes quadratiques Définition 1.3.1 On appelle forme quadratique sur E une application q : E → IK telle que 1. ∀x ∈ E, ∀λ ∈ IK, q(λx) = λ2 q(x) 1 2. L’application fq : E × E → IK : (x, y) 7→ (q(x + y) − q(x) − q(y)) est 2 une forme bilinéaire. Remarque 1.3.2 fq est nécessairement symétrique. Proposition 1.3.3 Il existe une bijection entre l’ensemble des formes quadratiques et l’ensemble des formes bilinéaires symétriques sur E. Démonstration • Soit f une f.b.s. sur E. L’application q : E → IK définie par q(x) = f (x, x) est une forme quadratique et fq = f d’après la remarque 1.2.9 • Si q est une forme quadratique,, alors fq est une f.b.s. fq (x, x, ) = q(x). 2 telle que Définition 1.3.4 La f.b.s. fq est appelée la forme polaire de q. La matrice de q dans la base Eest celle de fq , elle est évidemment symétrique. Définition 1.3.5 (Expression analytique) Soit (aij ) la matrice de la forme quadratique q. On a : f (x, y) = n X xi yi + i=1 q(x) = n X X aij (xi yj + xj yi ) 1≤i<j≤n aii x2i + 2 i=1 X aij xi xj (∗) 1≤i<j≤n C’est l’expression analytique de q. L’expression analytique permet une définition alternative d’une forme quadratique, bien sur équivalente à la première définition. Définition 1.3.6 Soit E un IK-espace vectoriel de dimension n. Une forme quadratique sur E est un polynôme homogène de degré 2 en les coordonnées d’un point de E. q(x) = n X i=1 ai x2i + 2 X 1≤i<j≤n bij xi xj 5 1.4. ORTHOGONALITÉ Les n premiers termes sont les ”termes carrés” et les autres les ”termes rectangulaire”. La matrice associée a pour termes diagonaux les a1 · · · an , les autres termes sont les bij . (Règle de ”dédoublement des variables”) Exemples 1. Soit q(x) = x21 + 3x22 − 2x1 x2 . La matrice associée est : 1 −1 −1 2 La forme polaire associée est : 1 −1 y1 f (x, y) = x1 x2 = x1 y1 + 3x2 y2 − x1 y2 − x2 y1 −1 2 y2 2. q(x) = x21 + 3x22 − 4x23 + 6x1 x2 + 8x1 x3 La matrice associée est : 1 3 4 3 3 0 4 0 4 1.4 Orthogonalité Définition 1.4.1 Deux vecteurs x et y de E sont orthogonaux si f (x, y) = 0. Définition 1.4.2 Si A ⊂ E, l’orthogonal de A est le sous-espace A⊥ = {x ∈ E ; ∀a ∈ A f (x, a) = 0} Définition 1.4.3 On appelle noyau de f et on note Ker(f ) l’ensemble des vecteurs x ∈ E tels que ∀y ∈ E f (x, y) = 0 Définition 1.4.4 Si Ker f 6= {0}, on dit que f est dégénérée. Si Ker f = {0}, f est non dégénérée. Exemples 1 1 . Quel est son noyau ? Est-elle 1. Soit f la f.b.s. de matrice 1 1 dégénérée ? Ker f = Vect(1, −1). La forme est dégénérée. 6 CHAPITRE 1. FORMES QUADRATIQUES 2. Mêmes questions pour la forme quadratique q(x) = x21 − x2 . 1 0 La forme est de matrice . Son noyau est {0}. Elle est non0 −1 dégénérée. Définition 1.4.5 Le rang de f est dim E − dim (Ker f ) Proposition 1.4.6 Le rang de f est le rang de la matrice associée. Démonstration Soit B une base de E. Soit A la matrice de f dans B. Soit u l’application linéaire dont la matrice dans B est A. x ∈ Ker f ⇐⇒ ∀y ∈ E f (x, y) = 0 ⇐⇒ ∀Y t XAY = 0 ⇐⇒ t XA = 0 ⇐⇒ t AX = 0 ⇐⇒ AX = 0 ⇐⇒ u(x) = 0 ⇐⇒ x ∈ Ker u rg f = n − dim Ker f = n − dim Ker u = rg A 2 Exemples On reprend les exemples précédents : 1 1 1. Soit f la f.b.s. de matrice . 1 1 La matrice est de rang 1. 2. Mêmes questions pour la forme quadratique q(x) = x21 − x2 . Elle est de rang 2. Définition 1.4.7 Un vecteur x est dit isotrope si f (x, x) = 0. On appelle cône isotrope l’ensemble des vecteurs isotropes. Un sous-espace F de E est dit totalement isotrope ssi F ⊂ F ⊥ . Remarque : Le cône isotrope est un cône au sens géométrique. En effet, ∀λ ∈ IK, ∀x ∈ C(f ) = C(q), λx ∈ C(f ) = C(q) car q(λx) = λ2 q(x) = 0. Exemples 1. 1 1 . 1 1 Le vecteur (1, −1) est isotrope 2. q(x) = x21 − x2 . La forme est non-dégénérée mais possède des vecteurs isotropes : (1, −1) par exemple. 1.5. DÉCOMPOSITION DE GAUSS 7 3. Forme de Lorentz. Sur IR4 , q(X) = x2 + y 2 + z 2 − c2 t2 où x, y, et z sont les coordonnées d’espace, t le temps et c la vitesse de la lumière. La forme de Lorentz est non-dégénérée mais elle a des vecteurs isotropes. Le cône isotrope est le ”cône de lumière”. Exercice Soit f la f.b.s. sur IR2 définie par f (x, y) = x1 y1 − x2 y2 . Quel est le rang de f , les vecteurs isotropes de f ? Définition 1.4.8 Soit q, de forme polaire f une forme quadratique sur E. On dit qu’une base E = {e1 , · · · , en } est une base orthogonale pour f si : f (ei , ej ) = 0 si i 6= j Remarque 1.4.9 Si une forme quadratique n’a que des termes carrés dans son expression analytique dans la base E, alors la matrice associée est diagonale et la base E est orthogonale. 1.5 Décomposition de Gauss Théorème 1.5.1 Pour toute forme quadratique q sur E, E de dimension finie, il existe une base orthogonale définie par la décomposition de Gauss. Démonstration 1. Si q(x) possède un terme carré : q(x) = ax21 + 2x1 u(x2 , · · · xn ) + q1 (x2 , · · · , xn ) 2 1 = a x1 + u(x2 , · · · , xn ) + q2 (x2 , · · · , xn ) a 2 ′ = a(x1 ) + q2 (x2 , · · · , xn ) où u est une forme linéaire et q2 une forme quadratique sur un espace de dimension n − 1. 2. Si q(x) n’a que des termes rectangulaires, on utilise l’identité remarquable : 1 1 ab = (a + b)2 − (a − b)2 4 4 Alors q(x) = ax1 x2 + x1 u(x3 , · · · , xn ) + x2 v(x3 , · · · , xn ) + q1 (x3 , · · · , xn ) 1 (ax1 + u)(ax2 + v) + q2 (x3 , · · · , xn ) = a 1 ′ 2 = (x ) − df rac14a(x′2 )2 + q3 (x3 , · · · , xn ) 4a 1 où u et v sont des formes linéaires et q2 et q3 des formes quadratiques sur un espace de dimension n − 2. 8 CHAPITRE 1. FORMES QUADRATIQUES Par itération, on finit par avoir q(x) = X a′i (x′i )2 La matrice de passage de la base de départ vers la base orthogonale s’obtient en résolvant le système en xj : X x′i = αij xj avec i = 1 · · · , n j les colonnes de cette matrice donnent les vecteurs de la base orthogonale. 2 Exemple q(x) = = = = x21 + 3x22 − 4x23 + 6x1 x2 + 8x1 x3 (x1 + 3x2 + 4x3 )2 − 6x22 − 20x23 − 24x2 x3 (x1 + 3x2 + 4x3 )2 − 6(x2 + 2x3 )2 + 4x23 x′1 2 − 6x′2 2 + 4x′3 2 avec x′1 = x1 + 3x2 + 4x3 , x′2 = x2 + 2x3 , x′3 = x3 les coordonnées de x dans la base orthogonale. Relativement à cette base, la matrice de q est : 1 0 0 A′ = 0 −6 0 0 0 4 ′ x1 1 3 4 x1 x′2 = 0 1 2 x2 x3 0 0 1 x′3 1 3 4 Donc Q = 0 1 2 est la matrice de passage de la base orthogonale à 0 0 1 l’ancienne et on a : Mq =t QMq′ Q En résolvant le système ′ x1 = x1 + 3x2 + 4x1 x′ = x2 + 2x3 ′2 x3 = x3 on obtient : x1 = x′1 + 2x′2 , x2 = x′2 − 2x′3 et x3 = x′3 . D’où : ′ x1 x1 1 −3 2 x2 = 0 1 −2 x′2 x′3 x3 0 0 1 1 −3 2 P = 0 1 −2 = Q−1 est la matrice de passage de l’ancienne base à 0 0 1 la base orthogonale. 1.6. LOI D’INERTIE 1.6 9 Loi d’inertie Définition 1.6.1 Si IK = IR, il existe une base orthogonale où la matrice de q est diagonale. Soit s le nombre coefficients strictement positifs et soit t le nombre de coefficients strictement négatifs. Le couple (s, t) s’appelle la signature de q et r = s + t est le rang de q. Théorème 1.6.2 (Loi d’inertie de Sylvester) La signature (s, t) est un invariant de q. Admis Commentaire : La loi d’inertie signifie qu’il y a plusieurs bases orthogonales possibles (même une infinité...), que les termes de la diagonale sont alors différents mais le nombre s de termes > 0, le nombre t de termes < 0 et le nombre n − s − t de termes = 0 sont toujours les mêmes. Définition 1.6.3 On retrouve le produit scalaire et l’espace euclidien : 1. Si t = 0, on dit que la forme q est positive. 2. Si s + t = n, on dit que la forme est définie. 3. Si s = n, on dit que la forme est définie positive. Dans ce cas, la forme polaire fq est un produit scalaire et l’espace muni de fq est euclidien. 10 CHAPITRE 1. FORMES QUADRATIQUES Chapitre 2 Classification des coniques Définition 2.0.4 L’équation d’une conique est un polynôme du second degré en x et y : P (x, y) = ax2 + bxy + cy 2 + dx + ey + f = 0 Les termes de degré 2, ax2 + bxy + cy 2 , forment la partie quadratique. Les termes de degré 1, dx + ey, forment la partie linéaire. f est le terme constant. L’étude de la partie quadratique va permettre de déterminer la nature de la conique. 1. La signature est (0, 0). L’équation de la conique est : dx + ey + f = 0 . La conique est dégénérée, c’est une droite. 2. La forme quadratique est de rang 1. L’équation de la conique devient : aY 2 + bX + c = 0 avec a 6= 0. Deux cas possibles : • Si b = 0, l’équation est : aY 2 + c = 0. On obtient : deux droites si −c/a > 0, une droite double si c = 0 • Si b 6= 0, l’équation devient Y 2 + βX = 0. On obtient une parabole. 3. La signature est (2, 0). L’équation devient aX 2 + bY 2 = 1. On obtient une ellipse. 4. La signature est (1, 1). L’équation devient aX 2 − bY 2 = 1. On obtient une hyperbole. 11 12 CHAPITRE 2. CLASSIFICATION DES CONIQUES Exemples A faire en TD Recherche des vecteurs isotropes. • Dans le cas de l’ellipse, la forme quadratique est définie positive. Il n’y a pas de vecteurs isotropes • Dans le cas de l’hyperbole, il y a des vecteurs isotropes. Le cône isotrope est formé des asymptotes. • Dans le cas de la parabole, les vecteurs isotropes sont portés par l’axe. A faire en TD ?