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TREIZIÈME JOURNÉE La douleur de l’enfant, quelles réponses ? 8 DÉCEMBRE 2006
LES AFFICHES « DOULEUR »
OPÉRATION « AFFICHETTES DOULEUR »
Françoise Charrazac – Urgences, Hôpital Pellegrin, Bordeaux
À partir de 1999, dans le contexte de la nouvelle directive sur la prise en charge de la
douleur, en tant que membre du CLUD et référente douleur de mon service1j’ai été amenée à
m’impliquer dans cette lutte indispensable jusque-là trop souvent négligée.
SE DOTER D’OUTILS POUR MENER LA LUTTE
Nous avons alors en équipe décidé de nous doter d’outils
adéquats pour nous permettre de progresser dans cette lutte et
nous avons mené différentes actions destinées à :
évaluer la douleur en particulier chez le patient non
communicant, ce qui a été fait entre autres choses en
élaborant puis en utilisant une « échelle comportementale
d’évaluation de la douleur chez le patient non
communicant », l’échelle VI/CO/MO/RE2, en cours de
validation sur l’hôpital ;
lutter contre cette douleur avec tous les moyens utiles notamment en améliorant son suivi
via les feuilles de soins ;
motiver les équipes pour cette lutte de tous les instants…
… d’où l’idée de ces campagnes d’affichettes destinées à promouvoir cette lutte et
relancer sans cesse la participation de chacun des membres des équipes soignantes dans cette
démarche
LA MOTIVATION, UNE NÉCESSITÉ
La prévention routière a souvent évoqué le danger que
représente l’habitude de faire trop souvent le même parcours : l’œil,
en alerte lorsqu’il ne connaît pas la route, ne remarque plus rien ; la
vigilance, aux aguets quand elle cherche les pièges et les dangers à
éviter, s’endort lorsqu’elle connaît – ou croit connaître – le moindre
1Il s'agissait alors du service de réanimation médicale du CHU Bicètre, AP-HP.
2Pour plus de détail sur cette échelle : http://www.vicomore.com
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détail de chaque kilomètre et le conducteur, trop confiant, oublie que l’inattendu peut surgir
n’importe quand et n’importe où.
Qui ne s’est jamais ennuyé de toujours répéter le même geste pour faire le même travail
qui pourtant – mais il y a longtemps – nous passionnait tant ?
Alors le geste devient moins précis, moins motivé et le résultat en souffre.
C’est évident : la répétition tue l’enthousiasme, l’habitude endort le geste efficace, bref,
la routine est l’ennemie du mieux. C’est vrai partout, y compris au sein de nos équipes
soignantes.
De ce fait on a pu observer que l’efficacité, résultant de la bonne utilisation des outils mis
à notre disposition, a parfois tendance à diminuer avec le temps.
Pourtant, si la vigilance s’endort, la douleur, elle, ne s’endort pas… bien au contraire.
COMMENT INTERPELLER POUR MOTIVER ?
Si l’on considère de près la phrase « la vigilance s’endort, la douleur, elle, ne s’endort
pas » on constate qu’elle est à la fois courte, concise et forte. Elle est construite sur une dualité
de deux faits opposés : la vigilance s’endort mais pas la douleur. C’est simple mais ça claque
comme un coup de fouet.
Or, que faut-il pour tirer quelqu’un d’une douce somnolence ? Un bruit inhabituel fort et court.
C’est ce genre de bruit que nos affichettes doivent tenter de provoquer
chez chacun. Par leur présence surprenante dans un service, par leur
slogan, fort et court et par un artifice apte à retenir l’attention…
… car un slogan qui n’est pas lu et retenu est un slogan inutile.
Pour faire du bruit et attirer l’attention il y a plusieurs solutions,
nous en connaissons bien certaines :
les campagnes de prévention, notamment celles de la prévention
routière, ont souvent tenté de choquer pour mieux interpeller chaque
conducteur à l’aide d’images fortes et dramatiques et des mots à la
limite parfois du supportable ;
les publicitaires conçoivent des spots qui peuvent être
volontairement empreints d’une grande bêtise dérangeante ou
d’une exagération évidente destinées à nous agresser et donc à
s’imposer de force pour s’incruster dans notre souvenir.
Personnellement j’ai préféré privilégier la légèreté et
l’humour… certainement le reflet de la bonne humeur qui régnait
dans notre service. Le rire pratiqué sans arrière-pensées – il ne s’agit
pas de se moquer bien évidemment – est une chose saine qui réveille
et qui détend. Et quand on est détendu on est de bonne humeur et du coup travaille avec plus de
plaisir, donc mieux.
Couchons donc notre slogan sur une feuille et agrémentons-le d’un trait d’humour pour
mieux attirer l’attention. Écrivons le message à faire passer que nous appellerons la consigne et
nous avons construit une affichette telle que j’en décorais régulièrement mon service à des
moments stratégiques de l’année comme par exemple l’arrivée des vacances ou les fêtes de fin
d’années !
Mes affichettes étaient placées à des endroits eux aussi stratégiques pour que le personnel
passe régulièrement devant – et non pas dans les moments les plus stressants – pour qu’il ait le
loisir de les regarder, de les lire, de les commenter… pour mieux les mémoriser. Je les plaçais
donc dans chaque poste de soin et dans la salle de détente plutôt que sur un panneau d’affichage
qui n’est pas forcément lu.
SE RENOUVELER
DANS LES IDÉES
Le plus dur est de trouver
toujours quelque chose de neuf
à dire afin de ne pas retomber là
aussi dans la routine.
Les vacances d’été sont
souvent synonymes de beau
temps, de dilettantisme… c’est
donc le moment de rappeler que
pour le patient qui souffre, ce
n’est pas le ciel bleu qui va le
soulager.
Ces affichettes opposent
beauté et douceur des vacances
avec la réalité du service et
appellent à conserver la même
rigueur et la même vigilance
même si, en regardant dehors
par la fenêtre le soleil et en
écoutant les oiseaux qui
chantent, on s’imagine déjà au
bord de la mer ou parcourant les
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chemins montagneux de grandes randonnées…
Le patient qui souffre a bien du mal, lui, à se
l’imaginer… Bien entendu, il n’est pas question de reprocher à
quiconque de penser aux vacances mais de rappeler que la
réalité reste toujours présente à l’hôpital, dans les chambres et
dans les blocs.
Certaines affichettes sont intemporelles. Elles sont à
utiliser dans le courant de l’année : elles sont toujours
« vraies ». Pour lutter contre la douleur il faut l’évaluer.
L’accent est mis sur la régularité nécessaire à cette évaluation.
Dans ces affichettes passe-partout, l’important est de
changer régulièrement le visuel pour que le personnel s’attarde
un peu devant, la commente, esquisse un sourire… pour que
quelque part dans son cerveau se produise le petit déclic
salutaire.
Enfin, tout comme les vacances, les fêtes, notamment les fêtes de fin d’année, sont des
moments essentiels pour rappeler cette nécessaire évaluation systématique.
On le sait bien, il est de coutume de prendre de bonnes résolutions à chaque début
d’année : cesser de fumer, faire un régime, arrêter l’apéro…
… pourquoi ne pas rajouter la bonne résolution de toujours bien évaluer la douleur chez
nos patients ?
CONTRÔLER POUR VÉRIFIER L’IMPACT
Ces affichettes ont été
périodiquement posées dans le service
à partir de l’été 2002.
J’ai régulièrement comparé le
nombre de patients évalués par
rapport au nombre de patients
présents sur une période donnée. Ces
contrôles ont d’abord concerné les
patients communicants puis ont été
étendus aux patients non
communicants grâce à l’élaboration
de notre échelle VI/CO/MO/RE.
Ce contrôle régulier a montré
une augmentation significative du
pourcentage de patients évalués au fil
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Évaluation du pourcentage de patients dont les
dossiers comprennent une évaluation de la douleur
lors des contrôles réguliers effectués sur une période
donnée.
des ans pour passer de 65 % en 2002 à un résultat plus que
satisfaisant supérieur à 98 % en 2005.
Je veux croire que ces affichettes y ont contribué. L’accueil
sympathique qui leur a été fait, y compris par des personnes
extérieures au service et passé les premiers moments de surprise,
montre que l’impact sur le personnel a été positif.
Ces petites affichettes ont fait partie, dans une certaine
mesure, du carburant qui a fait avancer le train de nos équipes sur
la voie de la lutte contre la douleur.
J’espère qu’elles feront tâche d’huile et pourront servir d’exemple comme astuce pour
motiver toujours plus les équipes de soignants de nos services.
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